Biographie
(1920-1989)
Fils de missionnaires, né le 30 mai 1920 au Japon, Franklin James Schaffner n’arrive aux àtats-Unis qu’en 1936. Après la guerre, il fait ses débuts à la télévision comme assistant sur des films d’actualités de la série March of time, puis participe avec le journaliste politique Edward Murrow à Person to person, une émission d’entretiens avec des personnalités du monde du spectacle et de la politique. Il se lance ensuite dans la fiction chez CBS-TV et se spécialise dans l’adaptation des succès de Broadway tels que Douze Hommes en colère (1954) ou Ouragan sur le Caine (1958). Pourvu d’une solide expérience, ce téléaste qui aura réalisé au cours de sa carrière quelque 200 téléfilms décide en 1963 de s’orienter vers le cinéma en adaptant une pièce de William Inge, Le Loup et l’agneau. De facture assez simple, ce premier film vaut surtout pour la qualité du jeu de la séduisante, Joanne Woodward.
Encore timoré au sujet de la mise en scène, Schaffner poursuit dans la veine des transpositions cinématographiques des pièces de Broadway, ce qui lui vaut de s’attacher les talents de scénaristes-dramaturges comme Gore Vidal ou Leslie Stevens. En 1964, il réalise Que le meilleur l’emporte (sc. Gore Vidal) dont la matière première rappelle Tempête à Washington d’Otto Preminger (1962). L’intérêt principal du film vient à la fois de l’art consommé de Vidal pour les astuces dramaturgiques émaillant ici efficacement l’intrigue et de la connaissance de Schaffner pour les coulisses de la politique. C’est, en effet, lui qui, en plus de réaliser fréquemment des reportages politiques, filme depuis 1962 les discours télévisés du Président John F. Kennedy. Soutenu par d’excellents dialogues et une interprétation remarquable, Que le meilleur l’emporte lève le voile sur l’univers violent de la politique où des êtres cyniques et calomnieux (Cliff Robertson) humilient des hommes de bonne volonté comme celui qu’interprète Henry Fonda.
C’est l’année suivante, à l’occasion du tournage de l’ambitieux Seigneur de la guerre, que Franklin Schaffner et Charlton Heston se rencontrent pour la première fois. Ancré dans un contexte médiéval, le film, adapté d’une pièce de Leslie Stevens, raconte l’histoire d’un homme (C. Heston) qui déclenche l’ire de ses nouveaux serfs pour avoir voulu appliquer le droit de cuissage. Bénéficiant d’une photographie soignée (Russell Metty), de costumes et décors superbes et de quelques bonnes scènes d’action, Le Seigneur de la guerre interroge le statut du chevalier chrétien à l’époque du Moyen âge, ses doutes, ses préjugés et sa lutte contre le monde obscur de la sorcellerie. Le dispositif qui annonce La Planète des singes s’articule autour d’une prise de conscience historique concernant les problèmes religieux, les luttes sociales, les conflits guerriers et les relations ma’eetre-esclave.
Au cours de l’année 1967, Schaffner se rend en Grande-Bretagne pour tourner la Griffe, une histoire d’espionnage où un agent secret (Yul Brynner) mène le double jeu de la CIA et du KGB.
Avec La Planète des singes en 1968, Schaffner aborde un nouveau genre cinématographique. Toutefois, si la science-fiction représente une parenthèse formelle dans une carrière somme toute hétérogène, on y reconna’eet le goà»t du réalisateur pour l’utilisation des grands espaces, son souci de la précision des costumes, son attachement pour une mise en scène spectaculaire et, surtout, sa prédilection pour des thèmes politiques et humains. Le titre, probablement le plus significatif de sa filmographie, annonce la réflexion critique.
On retrouve toutes les qualités visuelles de cet opus dans Patton (1970), un film de guerre qui constitue le haut fait d’armes de Schaffner puisqu’il se voit décerner les Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur. Le scénario signé Francis Ford Coppola (imposé à la Fox par Schaffner) cerne dès le prologue non seulement le personnage de Patton durant un discours de six minutes (sans contrechamp du public) mais introduit aussi les grandes lignes, les thèmes et le style du récit à venir. L’immense George C. Scott (Oscar du meilleur acteur) y interprète un Patton tour à tour brutal, cabotin, passionné, visionnaire, autant de traits qui donnent du personnage une image complexe et contradictoire. Autre point fort développé par le film : l’entourage (soldats, supérieurs) de Patton qui constitue la caisse de résonance identitaire du héros avec notamment le personnage de Codman (inventé par Coppola), sorte de double critique du fameux général. Schaffner empêche ici tout processus d’identification en faisant de Patton un être immuable d’un bout à l’autre du film, esseulé dans un monde qui bouge autour de lui.
Après la terne fresque historique Nicolas et Alexandra (1971) narrant les dernières années des tsars Romanov avant les révolutions bourgeoise et bolchevique, Schaffner se lance en 1973 dans l’adaptation du best-seller d’Henri Charrière, Papillon. Servi par deux interprètes inoubliables – Dustin Hoffman et Steve McQueen -, ce film d’aventures relate avec humour et gravité l’enfer du bagne de Cayenne. Une fois encore, les décors naturels prêtent au destin des personnages une dimension épique d’où émerge une dérision voire un certain désespoir concernant la condition humaine.
En 1977, Schaffner signe avec L »cele des adieux une adaptation d’un des romans posthumes d’Ernest Hemingway. Très personnel, le film mêle astucieusement biographie, légende et ouvrages de l’auteur du Vieil homme et la mer. George C. Scott, finalement retenu alors que le réalisateur espérait un John Wayne ou un Steve McQueen, y incarne un héros plus qu’honorable. Un peu déséquilibrée, l’œuvre laisse cependant entrevoir une grande sensibilité, notamment lors de la scène de rupture amoureuse entre le héros et Audrey, jouée par Claire Bloom.
Schaffner tourne encore Ces garçons qui venaient du Brésil (1978) avec Gregory Peck en médecin SS réfugié au Brésil qui cherche à réincarner Hitler à l’aide d’un litre de sang et d’un morceau de peau prélevés avant sa mort ! à noter l’heureuse composition de Laurence Olivier en chasseur de nazis. Quant aux deux dernières réalisations de Schaffner – Sphinx en 1980 où l’on voit une jeune archéologue rechercher une statuette volée en Egypte et Yes, Giorgio en 1982 narrant l’histoire d’un chanteur d’opéra qui a perdu sa voix avant un concert -, elles ne comportent guère d’intérêt. Décédé le 2 juillet 1989 à Santa Monica, Franklin J. Schaffner est l’un des rares metteurs en scène qui débutèrent dans les années 60 à avoir concilié cinéma de studio et système de production plus moderne, plus proche des auteurs. Curieusement, il n’a jamais été à l’origine de projets, y compris après ses succès commerciaux et ses récompenses aux Oscars, et s’est toujours adapté à ce qu’on lui proposait, parfois même après que d’autres réalisateurs eurent été pressentis tels que William Wyler sur Patton. Schaffner est d’ailleurs souvent arrivé très tardivement sur des films dont plusieurs versions du scénario avaient été écrites, les acteurs choisis (Scott dans Patton) ou les partis pris visuels prédéfinis (Nicolas et Alexandra). Néanmoins, il a toujours su imposer des collaborateurs comme le directeur de la photo Fred Koenekamp et le compositeur Jerry Goldsmith avec lesquels il a régulièrement travaillé.
Filmographie
- 1963 Le Loup et l'Agneau (The Stripper)
- 1964 Que le Meilleur l'Emporte (The Best Man)
- 1965 Le Seigneur de la Guerre (The War Lord)
- 1967 La Griffe (The Double Man)
- 1968 La Planète des Singes (Planet of the Apes)
- 1989 Welcome Love (id)
- 1970 Patton (id)
- 1971 Nicolas et Alexandra (Nicholas and Alexandra)
- 1973 Papillon (id)
- 1977 L'Ile des Adieux (Islands in the Stream)
- 1978 Ces Garçons qui venaient du Brésil (The Boys From Brazil)
- 1980 Sphinx (id)
- 1982 Yes, Giorgio (id)
- 1986 Lion Heart (inédit en France)
- 1989 Welcome Love (inédit en France)Mise à jour le 19 mai 2009
Outils
Bibliographie
Le Cinéma fantastique, Patrick Brion, éd. La Martinière, 1996
L'Apocalypse nucléaire et son cinéma, Hélène Puiseux, éd. du Cerf, coll. 7e art, 1987
Vidéographie
La Planète des singes
Distribution ADAV n° 36 556
Patton
Distribution ADAV n° 44 683 et n° 34 123 (éd. Collector 2 DVD)
Papillon
Distribution ADAV n° 49 826 (2 DVD) et n° 40 395 (Collector 2 DVD)