Synopsis
En 1862, pendant la guerre de Sécession en Géorgie, Johnnie Gray conduit sa locomotive adorée, la « General ». Il n’a pas eu le droit de revêtir l’uniforme de soldat, et sa fiancée, Annabelle, refuse depuis de le voir… Mais des espions nordistes volent la « General », et du même coup Annabelle, qui se trouvait dans le train. Lancé à leur poursuite, le mécano retrouvera non seulement sa locomotive mais l’amour de sa fiancée, en devenant, parfois malgré lui, un combattant héroïque de la guerre de Sécession.
Générique
Titre original : The General
Réalisation : Buster Keaton et Clyde Bruckman
Scénario et intertitres : Buster Keaton et Clyde Bruckman, d’après le livre de William Pittinger, The Great Locomotive Chase.
Adaptation : Al Boasberg, Charles Smith
Image : J. Devereux Jennings, Bert Haines
Costumes et maquillage : J.K. Pitcairn, Fred C. Ryle, Bernie Hubbel
Directeur technique et décors : Fred Gabourie
Effets lumineux : Denver Harmon
Chef mécanicien : Fred Wright
Effets spéciaux : Jack Little
Montage : J. Sherman Kell, Hary Barnes, Buster Keaton
Musique et bruitages (réalisés après 1928) : Konrad Elfers
Interprétation :
Johnnie (ou Johnny ou Johny) Gray / Buster Keaton
Annabelle (ou Annabel ou Mary) Lee / Marion Mack
Capitaine Anderson / Glen Cavender
Général nordiste Thatcher / Jim Farley
Général sudiste / Frederick Vroom
Le père d’Annabelle / Charles Smith
Le frère d’Annabelle / Frank Barnes
Trois officiers nordistes / Joe Keaton, Mike Donlin, Tom Nawn
Production : Buster Keaton Productions Inc., pour United Artists – Joseph M. Schenck
Durée : 1h15
Sortie à Paris : 11 mars 1927
Autour du film
L’état naturel de l’être keatonien est mouvement. Athlète, Keaton accomplit toutes les prouesses physiques de son personnage. Le film est réalisé sans trucages. Il s’agit de ne pas tricher avec le spectateur et de donner à des gags ou situations extra-ordinaires une crédibilité et une force. L’espace de Chaplin est centripète, celui de Keaton, centrifuge. Charlot apparaît en pied, au centre de l’écran, maître d’un plan d’ensemble que le « petit homme » peut parcourir à l’aide de son corps prolongé de sa badine. Le corps keatonien est une silhouette minuscule, perdue, décentrée dans l’immensité, menacée d’engloutissement dans un monde surdimensionné : trains et lignes ferroviaires. La mise en scène de Keaton se fonde sur le physique, par opposition au mental : nous ne percevons qu’après-coup le cheminement de la pensée du héros. Au physique s’ajoutent les lois de la physique. Les êtres keatoniens sont de purs mobiles, caractérisés par leur masse et leur énergie, qui définissent leur trajectoire et leur vitesse. Dans Le Mécano de la « General », les locomotives décuplent la masse et l’énergie du personnage.
C’est par un déplacement dans l’espace que Johnnie résout chaque situation, elle-même issue d’un décalage spatial : c’est parce qu’on a volé sa « General » qu’il se lance dans cette course, afin de la ramener (ainsi qu’Annabelle) à son point de départ.
L’intérêt poétique du Mécano de la « General » tient aussi à l’équilibre précaire entre cette suradapation et la peur d’un chaos logique : la guerre ou la disparition-réapparition d’un wagon fantôme.
Joël Magny
Buster Keaton n’est pas seulement un des plus grands comiques de l’écran, mais un des génies les plus authentiques du cinéma. On insisté sur le caractère mécanique de son comique, qu’une certaine sécheresse rend au premier abord assez déconcertant ; certes, il ne peut être rangé parmi les burlesques, dont il n’a pas la richesse d’imagination, ni parmi les imitateurs de Chaplin, quoiqu’il ait fortement subi l’influence de ce dernier, et l’on aurait raison de trouver assez pauvres les trouvailles de style allusif dont il use fréquemment. C’est que, pour lui, la signification psychologique du geste compte beaucoup moins que le comique se dégageant de la façon même dont le mouvement s’inscrit dans l’espace de l’écran. […] Tout au long de ses films, Buster Keaton exprime son obsession d’un certain espace de maladresse et de solitude dont nous ne pouvons trouver au cinéma d’équivalent. Dans la note qu’il a jointe à sa publication de L’Amérique, Max Brod nous dit que certains passages du livre de Kafka « évoquent irrésistiblement Chaplin ». Ce serait plutôt chez Buster Keaton, non chez Chaplin, ni même chez Langdon, qu’il faudrait chercher une vision du monde se rapprochant par son caractère de rigueur absolue, d’activité géométrique, du monde inhumain de Kafka.
Eric Rohmer, « Le cinéma, art de l’espace », La Revue du cinéma n°14, juin 1948
Vidéos
Casser du bois : une scène de ménage
Catégorie : Extraits
par Hervé Joubert-Laurencin
La musique de film
Catégorie : Rencontres
Des personnages plein d’entrain
Catégorie : Analyses de séquence
Pistes de travail
- Un espace véritablement parcouru
« L’espace de l’aventure keatonienne est un espace véritablement parcouru » (Michel Denis). Keaton effectue en effet réellement les exploits de Johnnie Gray, mais ce principe régit également sa mise en scène, à travers l’usage des plans d’ensemble, des plans-séquences et de la profondeur de champ. L’observation de certains d’entre eux (séquence du canon) invite à réfléchir sur ce qu’ils apportent et, parallèlement, à imaginer les mêmes séquences traitées dans un découpage classique. - Le calcul du gag
Selon Keaton, « une bonne scène comique comporte souvent plus de calculs mathématiques qu’un ouvrage de mécanique ». On peut repérer le nombre de gags (le canon, de nouveau) ou de situations (le wagon qui disparaît et réapparaît) fondés sur des calculs précis et sur la manière dont le héros utilise ses connaissances des lois de la mécanique et de la physique (les poutres sur les rails), et comment il compte également sur le comportement mécanique des humains (le vol de la « General » dans le camp sudiste).Mise à jour : 18-06-04
Expériences
Le sujet du Mécano de la « General » est inspiré d’un épisode authentique de la Guerre de Sécession survenu en 1862 et connu sous le nom de Raid Andrews. Ce raid finit de façon tragique : neuf officiers furent pendus.
Pour ne pas choquer la sensibilité encore vive sur ces événements, Keaton a choisi de raconter les faits du point de vue sudiste et de reconstituer l’environnement avec une exactitude et des moyens dignes d’un film dramatique. Il ne put utiliser la vraie « General », mais trouva en Oregon deux locomotives utilisées lors de la Guerre de Sécession. Il s’inspira de photos prises sur le vif pour reconstituer les combats de la Guerre civile et filma en décors réels, sur les locomotives elles-mêmes.
Le crash de la « Texas », filmé une seule fois par six caméras, est considéré comme la prise de vue unique la plus chère de l’histoire du cinéma. Le Mécano de la « General » est le plus coûteux des films de Buster Keaton, mais obtint en son temps un succès mitigé, avant de devenir le plus connu de son œuvre.
Outils
Bibliographie
Le mécano de la Général, Joël Magny, dossier "Lycéens au cinéma", Bifi, 1998.
Mémoires, Buster keaton, Ed. Atalante, 1984. Rééd. Seuil, 1987.
Buster Keaton : l'étoile filante, Olivier Mongin, Ed. Hachette, 1995.
Le regard de Buster Keaton, Robert Benayoun, Ed. Herscher, 1995.
Buster Keaton, Michel Denis, Ed. Anthologie du cinéma, 1976.
Buster Keaton, Marcel Oms, Ed. Premier plan n°31, 1964.
Keaton et compagnie, Jean-Pierre Coursodon, coll. Cinéma d'aujourd'hui, Ed. Seghers, 1973.
Buster Keaton, Ed. Universitaires, 1964.
Numéro spécial Cahiers du cinéma n° 86.
Le Burlesque ou Morale tarte à la crème, Peter Kral, Stock, 1984.
Les Burlesques ou Parade des somnambules, Peter Kral, Stock, 1986.
Sur le cinéma, James Agee, Cahiers du cinéma, 1991.
Vidéographie
Intégrale de ses courts métrages chez Arte Vidéo DVD. (Droits réservés au cercle familial)
Webographie
Site en anglais sur Buster Keaton www.busterkeaton.com