Norteado

Espagne, Mexique (2009)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Fiction

Archives LAAC, Lycéens et apprentis au cinéma 2012-2013

Synopsis

Originaire de la province de Oaxaca au sud du Mexique, Andres, un jeune fermier, rêve, comme nombre de ses compatriotes, de traverser la frontière qui le sépare de l’Eldorado américain. Entre chacune de ses tentatives, il découvre la ville de Tijuana et ses nombreux démons. C’est là qu’il rencontre Cata, Ela et Asencio. Il échafaude alors, avec leur aide, un plan des plus surréalistes afin de tenter une ultime traversée…

Générique

Titre original : Norteado
Réalisation : Rigoberto Perezcano
Scénario : Edgar San Juan, Rigoberto Perezcano
Image : Alejandro Cantu
Montage : Miguel Schwerdfinge
Son : Pablo Tamez Sierra
Production : Tiburon Filmes, FOPROCINE, Mediapro, IMCINE, IDN
Distriution : ASC distribution
Couleurs
Sortie en France : 21 juillet 2010
Durée : 1h35
Interprétation
Trond Fausa Aurvaag / Andreas
Petronella Barker / Anne Britt
Per Schaaning / Hugo
Brigitte Larsen / Ingeborg
Johannes Joner / Havard
Ellen Horn / Trulsen
Anders Andersen / Harald
Hanne Lindbaek / Vigdis

Autour du film

Norteado : l’immigration clandestine peut aussi faire rire

Eclose voici dix ans avec l’émergence du cinéaste Carlos Reygadas (Japon, Bataille dans le ciel…) sur la scène internationale, l’efflorescence du cinéma d’auteur mexicain est aujourd’hui chose acquise. Premier long métrage de fiction de Rigoberto Perezcano, venu du documentaire, Norteado apporte à ce corpus ordinairement dévolu à la cruauté des rapports entre maîtres et esclaves une touche de légèreté bienvenue. Ce n’est pas une raison pour le traiter par-dessus la jambe : rien n’est au contraire plus difficile ni plus admirable que d’évoquer légèrement un sujet douloureux.

Car on n’en sort pas : Norteado remet sur le tapis la question douloureuse de l’aliénation, de l’injustice et du rapport Nord-Sud, à travers le thème épineux de l’immigration illégale entre le Mexique et les Etats-Unis. Espoir d’une vie meilleure pour des millions de défavorisés d’Amérique latine, cette frontière est aussi un enjeu économique et idéologique pour la puissance nord-américaine, et un tombeau à ciel ouvert pour les malheureux candidats au rêve américain, pris entre l’étau de la police et les milices nationalistes du côté nord, et des réseaux clandestins qui ne s’embarrassent pas de bonnes manières côté sud.

Sur cette sinistre réalité, Norteado brode une fable drôle et aussi délicate que la musique de Debussy qui la berce, sans perdre pour autant de vue la monstrueuse ineptie de la situation. Le personnage principal, Andres, est un jeune fermier du sud du Mexique qui a laissé chez lui femme et enfants et traversé tout le pays pour tenter sa chance aux Etats-Unis. On le voit d’abord errer dans le désert, lâché par son passeur, arrêté par une patrouille de police américaine, placé en centre de détention, puis expulsé. Ce premier échec ne décourage pas pour autant le jeune homme, qui répétera son geste jusqu’à ce qu’il réussisse. Cette opiniâtreté, qui témoigne du désespoir et de la nécessité de sa démarche, rencontre ici la bonne vieille technique du comique de répétition qui met en scène avec une distance délibérée, sans le moindre pathos, le même homme confronté à la même adversité renouveler la même tentative à travers les mêmes lieux, repassant à chaque fois sous les portraits de président George W. Bush et du gouverneur Arnold Schwarzenegger qui ornent le centre de détention de la police des frontières

Héros taiseux

L’essentiel du film ne s’en déroule pas moins sur la base arrière de ce héros taiseux : la ville frontalière de Tijuana, où Andres est recueilli dès l’échec de sa première tentative par la tenancière d’une modeste épicerie, Ela, qui lui offre la couche et le travail. Cata, une jeune Indienne qui l’assiste déjà dans son travail, voit d’un mauvais oeil l’arrivée de ce nouveau venu, dont la serviabilité est appréciée de sa patronne. Il s’avérera bientôt que les deux femmes ont un point commun : laissées sans nouvelles et abandonnées par leurs hommes partis aux Etats-Unis, ces deux solitaires portent à Andres une attention plus intéressée qu’il n’y paraît. Tour à tour, elles séduiront Andres dans le même bar, sur la même musique, avec le même espoir de le garder.

Ce principe de répétition minimaliste qui gouverne le film ne fait pas seulement son charme. Il y introduit une belle réflexion sur le désir de liberté des hommes, qu’aucune frontière au monde ne saurait empêcher d’accomplir. Le remarquable final du film, ultime stratagème de passage dont on ne soufflera mot, mettra sur ce point tout le monde d’accord, avec une tristesse et une joie infinies.

Jacques Mandelbaum / Le Monde 21/07/2010

Norteado, un regard neuf sur l’émigration mexicaine

(…) Pour son premier long-métrage de fiction, ce réalisateur mexicain s’est confronté à l’un des défis les plus transgressifs dans le panorama du cinéma mexicain récent : bannir ce ton épique qu’on associe souvent aux dénonciations sociales. Norteado parle de personnages aux qualités en apparence invisibles même s’ils sont les héros d’histoires qui exigent une volonté de fer et qu’ils font preuve d’une résistance presque surnaturelle.

Ce film atypique s’ouvre par des séquences racontant le voyage d’un homme depuis les montagnes de l’Oaxaca [sud du Mexique] jusqu’à la frontière avec la Californie. Le style est minimaliste et habile : de simples références visuelles qui se concluent par une vue aérienne du muro de la tortilla [le mur qui marque la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis], qui obsède les immigrants et que le héros du film parvient à franchir avec l’aide d’un pollero [passeur]. Mais la rencontre avec la mythique patrouille américaine des frontières ne se fait pas attendre. La scène est sans affectation : le policier le voit arriver comme s’il attendait un paquet à une heure et en un lieu précis, avant de le conduire, avec d’autres, dans un centre de détention. Des chaises branlantes, des hommes usés jusqu’à la corde par la fatigue et la chaleur, des portraits souriants de Bush Junior et du gouverneur Schwarzenegger suffisent à caractériser l’endroit. C’est l’enfer sur terre, personne ne peut en douter.

Pourtant, dans le film, ce n’est que l’antichambre de l’histoire que Perezcano a à cœur de raconter : celle de l’homme une fois qu’il est renvoyé au Mexique, dans la ville frontalière de Tijuana. Jusqu’à cet instant du récit, l’immigrant n’avait pas de nom. « Andrés García« , répond-il quand une des femmes qui l’a recueilli commence à s’intéresser à lui. Ela, Cata et Asensio [les deux femmes qui l’ont recueilli et un homme proche d’elles] sont à la fois les hôtes et les protecteurs d’Andrés. On ne s’explique pas leur relation, ni la source des tensions. Andrés se contente d’observer, sans poser une question de trop. Il remarque les silences interminables lors des repas et sent des regards lourds qui semblent réclamer quelque chose de lui. Les intentions se révèlent peu à peu, à mots comptés, par des gestes presque invisibles, par des actes insignifiants mais très éloquents pour celui qui sait observer. Les clés de leurs vies apparaissent lors de ces « temps morts » que le cinéma des héros et des victimes préfère éliminer. A un moment du film, l’histoire cesse d’être celle d’Andrés pour devenir celle de Cata et Ela : deux femmes abandonnées par des hommes qui, eux, ont bien franchi le mur. Leur façon de faire face à cette réalité est le terreau du sujet de Norteado, c’est elle qui permet au spectateur, quel qu’il soit, de s’identifier à ce portrait de la migration : la complicité entre des inconnus, les rencontres qui changent un destin, et les vies éphémères vécues entre deux gares.

Andrés trouve un nouveau moyen de passer de Tijuana à San Diego. L’image est à la fois amusante, émouvante et brutale. Elle vient souligner le ton tragi-comique qui règne dans tout le récit et marque la différence entre une réalisation qui cherche à susciter l’empathie de son public et une autre qui ne cherche que la pitié. Norteado porte sur son héros un regard dénué de toute condescendance et rend leur dignité à des personnages généralement montrés dans les moments où ils sont le plus misérables et le plus vulnérables.

Fernanda Solenzana / Courrier international 20/07/2010

Vidéos

À€ la croisée des chemins

Catégorie :

L’ouverture de Norteado met en lumière les paysages montagneux de l’Oaxaca, État du sud du Mexique. La silhouette qui finit par apparaître dans cet espace est comme inscrite en lui. Cet homme ainsi associé aux grands espaces naturels apparaîtra d’autant plus étranger au contexte urbain vers lequel il se dirige.

Cette vidéo a été conçue en complément de la rubrique SÉQUENCE en pages 12-13 du livret enseignant Lycéens et apprentis au cinéma.
Texte : Arnaud Hée.
Réalisation : Ciclic.

Dans les yeux

Catégorie :

Norteado est un film très peu dialogué. Même après l’arrivée d’Andrés dans l’épicerie gérée par Ela et Cata, la communication passe peu par la parole. Comme on peut le voir dans ce montage qui respecte l’ordre d’apparition des plans dans le film, beaucoup de choses se jouent à travers les regards : séduction, complicité mais surtout gêne (les regards par en dessous) et attirance masquée par des regards en coin ou dérobés.

Cette vidéo peut être utilisée en complément de la rubrique PLANS en page 14 du livret enseignant Lycéens et apprentis au cinéma.
Réalisation : Ciclic.