Synopsis
Whale Rider qui y débarqua mille ans plus tôt, juché sur le dos d’une baleine. A chaque nouvelle génération, un descendant mâle du chef reçoit ce titre qui fait de lui le leader et le gardien spirituel de sa petite communauté.
A douze ans, Paï, petite-fille du chef Paka, est une adolescente douée, sensible et volontaire. Depuis la mort de son frère, elle est aussi la seule à pouvoir assurer le rôle « viril », si prestigieux. Mais Paka,, gardien d’une tradition millénaire, refuse de voir en Paï son héritière : aucune fille n’a jamais été et ne sera jamais Whale Rider. Tandis que Paka recrute dans le village des garçons pour les initier aux coutumes ancestrales et sélectionner le plus digne pour en faire un leader, Paï entame un long et courageux combat pour se faire connaître et donner enfin à la légende du « Whale Rider » sa première héroïne.
Générique
Titre original : Whale Rider
Réalisateur : Niki Caro
Scénario : Niki Caro d’après le roman The Whale Rider de Witi Ihimaera.
Image : Leon Narbey
Son : David Madigan
Montage : David Coulson.
Musique : Lisa Gerrard
Production : Production : South Pacific Pictures, Apollomedia, Pandora Film, UGC Ph.
Distribution : UGC
Couleur
Durée : 1 h 41
Sortie en France : septembre 2003.
Interprétation
Paï / Keisha Castle-Hughes
Paka / Rawiri Paratene
Flowers, la grand-mère / Vicky Haughton
Porounrangi / Cliff Curtis
Rawiri / Grant Roa
Hemi / Mana Taumanu
La compagne de Rawiri / Rachel House
Autour du film
« Film oscillant entre mise en scène et photographie, entre sens et sensation également, tout comme entre récit logique, linéaire, et spectacle (comment ne pas songer au Grand Bleu de Besson devant les plans sous-marins illustrés par la voix et les accords de Lisa Gerrard ?), Paï fait de l’hésitation le moteur de son récit : c’est là une des qualités principales du film, la source de son étrangeté. Paï est l’histoire d’une communauté, mais aussi celle d’une famille, ou tout simplement celle d’une enfant solitaire. De plus, le film se présente comme une fiction de l’initiation – mais cette ligne scénaristique, qui épouse largement la trame du conte merveilleux, est mise en tension par un souci réaliste ou, pour être exact, ethnologique, qui affleure régulièrement au cours du récit. Le village maori paraît, de prime abord, littéralement coupé du monde : parce qu’il est accolé à l’océan et isolé de façon étanche par des collines et une contrée désertique (filmées lors du bref départ de la fillette en compagnie de son père), on pourrait penser que l’endroit est un lieu clos et quasi-utopique, un milieu fermé dans lequel, à l’écart de la modernité néo-zélandaise, peuvent surgir, comme dans les contes, le passé et le mythe. Pour autant, on comprend vite que les habitants du village sont loin d’être en dehors de leur époque : les femmes fument, les hommes boivent, s’habillent avec des pantalons en cuir et des lunettes de soleil voyantes, ils partent en virée avec leurs « potes » dans des Ford noires… De l’ensemble se dégage en filigrane le constat plutôt pessimiste dressé au sujet d’une société qui paraît écartelée entre modernité et tradition, et au sujet d’un village où nombreux sont ceux qui fuient très loin, et où ceux qui restent semblent vaincus par le chômage, l’alcool et l’inaction, ou au contraire se réfugient dans la nostalgie d’un passé d’autant plus valorisé et idéalisé qu’il est définitivement révolu. »
Pierre-Olivier Toulza, extrait du Cahier de notes sur…Paï, édité par Les enfants de cinéma
Paï est un film étonnant, une histoire maritime et maternelle, inscrite au cœur des légendes des maoris. Ce conte contemporain, qui mêle vie moderne et transmission des coutumes ancestrales propose une évocation poétique de la régénérescence nécessaire d’un peuple face au mode de vie contemporain. Ce film atypique présente plusieurs paradoxes : il est à la fois un film d’auteur et un film à « gros budget », il fut un succès du box-office dans les pays du Pacifique et outre-atlantique et connut une carrière très confidentielle en France. Enfin, si Paï est un film très personnel dans le traitement de l’image et du son ou de la temporalité du récit, il est aussi une adaptation littéraire et un scénario de commande.
Film repéré par l’association Les enfants de cinéma aux Rencontres Internationales de Paris en 2003, il a également reçu des prix dans divers festivals, et a sillonné la France dans les Festivals Jeune public associés à École et cinéma (Travelling Junior – Festival de Dôle, etc.)
Vidéos
Sauvetage de baleines
Catégorie : Extraits
« Sur le dos de la baleine » par Pierre-Olivier Toulza
Pistes de travail
La voix off
Quand intervient-elle dans le récit ? Qui parle réellement ? A qui s’adresse-t-elle ? La réponse à ces deux dernières questions est loin d’aller de soi. Bien sûr, le spectateur en est le premier destinataire, mais il s’agit aussi d’une rêverie à haute voix de la fillette, qui semble posséder là une conscience claire de sa destinée, alors qu’elle reste souvent silencieuse face à ses proches. On peut penser que cette voix est celle de la fillette après, une fois l’initiation achevée et la baleine chevauchée. Par ailleurs, il faut souligner que, par nature, la voix off tend à personnaliser la narration, à orienter le spectateur au lieu qu’il voie l’image de façon objective. D’emblée, elle instaure l’idée d’un destin écrit et en train de s’accomplir.
La baleine
Il est difficile de ne pas établir de comparaison avec le Moby Dick de John Huston. La symbolique de la baleine est très particulière chez ce cinéaste : elle représente – entre autres – un Dieu assassin punissant éternellement les hommes pour le simple fait d’être en vie, un Dieu dont il convient de se venger, sans relâche.
On notera surtout les analogies entre le mythe de Païkea et le récit biblique de l’aventure de Jonas, prophète qui resta enfermé trois jours et trois nuits dans le ventre d’un « grand poisson » avant d’être recraché sur le rivage. Très vite, le « grand poisson » biblique a été figuré par les artistes sous les traits d’une baleine, tandis que le récit est généralement envisagé comme une préfiguration de la résurrection du Christ. Le contact avec la baleine fournit donc un temps de latence avant une nouvelle naissance : cet aspect symbolique est présent dans La Bible comme dans le film de Niki Caro. Dans le récent Monde de Nemo ainsi que dans le Pinocchio de Walt Disney (dans le texte de Carlo Collodi, il ne s’agit pas d’un cétacé mais d’un requin), le sens du séjour dans le ventre de la baleine est analogue. La baleine est donc autant un monstre qu’un ventre, une allégorie de la maternité.
De manière plus prosaïque, on s’interrogera sur les enjeux contemporains de la protection des baleines. Un conflit réactualisé lors de la Conférence Baleinière Internationale de juin 2005 oppose toujours le Japon, qui procède à une « chasse scientifique » au cétacé, à de nombreux pays comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, qui arguent de motifs écologiques et touristiques pour peser sur la décision de l’archipel nippon d’augmenter le nombre de ses prises annuelles.
Fiche réalisée par Delphine Lizot, d’après Le Cahier notes sur…Paï par Pierre-Olivier Toulza, édité par Les enfants de cinéma
7 octobre 2005.
Expériences
A l’origine de Paï : un roman maori
Witi Ihimaera, l’auteur du roman qu’a adapté Niki Caro, est un écrivain d’origine maorie qui a longtemps vécu à l’étranger (il était, avant de devenir professeur à l’université d’Auckland, employé par le Ministère des affaires étrangères néo-zélandais). En 1985, en poste à New York, il aperçoit une baleine remontant l’Hudson River. Cette vision suscite une réminiscence de sa ville natale de Whangara (où fut tourné le film) et de la légende de Païkea. Paru en 1997, le livre a d’emblée suscité des réactions très favorables de la part de la population maorie elle-même. Il faut dire que, depuis quelques années, ce sont les Maoris eux-mêmes qui, par la voix de quelques écrivains, se montrent soucieux de se réapproprier leurs propres mythes. Ceux-ci parlent de leur terre et de leurs traditions d’une autre manière que les écrivains européens qui, depuis les voyages du capitaine Cook, évoquèrent les îles du Pacifique Sud dans des récits exotiques qui ont contribué à forger le mythe du « bon sauvage ».
Un film bien accepté par la population maorie
Avant le début du tournage, Niki Caro a souhaité apprendre quelques rudiments de langue maorie : c’est après cet apprentissage d’une année que la réalisatrice a présenté son projet aux anciens de la communauté dans laquelle elle souhaitait insérer son équipe. En outre, un conseiller maori a accompagné la réalisatrice durant tout le tournage.
Le film a été entièrement tourné à Whangara, où se déroule aussi l’action du roman. De nombreux habitants ont participé directement au film, en jouant plusieurs rôles secondaires ou en assurant les besoins de la figuration. Après le tournage, l’immense barque construite pour les besoins du film a été laissée, en guise de remerciements, aux habitants.
Paï a été généralement bien reçu par les Maoris eux-mêmes. Il ne s’agit pourtant pas du premier film s’intéressant à ce peuple. Les producteurs du film misaient à l’évidence sur un récent regain d’intérêt pour les Maoris, qui a permis le succès d’un film comme L’Ame des guerriers (Once Were Warriors, 1994) de Lee Tamahori, qui décrit les conditions de vie particulièrement difficiles des Maoris de la banlieue d’Auckland. Selon Niki Caro, les Maoris ont particulièrement été sensibles au fait que, sans totalement édulcorer leur situation souvent dramatique dans la Nouvelle-Zélande d’aujourd’hui, Paï sait aussi montrer la prégnance du mythe dans la psyché collective de leur peuple.
Outils
Bibliographie
Paï, Witi Ihimaera, (traduction française de The Whale Rider), Paris, Theles, 2003.
Moby Dick ou la Baleine blanche, Herman Melville, 1851, [disponible dans plusieurs éd. de poche].
Dictionnaire du cinéma, sous la direction de Jean-Loup Passek, Paris, Larousse, 1995, article Nouvelle-Zélande.
Webographie