Persepolis

France (2007)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Film d'animation

Collège au cinéma 2008-2009

Synopsis

France, aéroport d’Orly. Une jeune femme hésite à prendre un avion en direction de Téhéran. Elle se souvient. 1978, en Iran, la petite et insouciante Marjane (8 ans) est choyée par sa famille. Intellectuels modernes, ses parents  soutiennent la révolution contre le Chah (1979). Mais leurs espoirs de liberté tombent avec la mise en place de la République islamique qui fait exécuter Anouche, l’oncle de Marjane. La fillette qui  rêvait de changer le monde en se proclamant prophète doit désormais se soumettre à la dictature des « gardiens de la révolution », subir les privations et les bombardements lors de la guerre Iran-Irak  et bientôt porter le voile. Adolescente à la langue bien pendue, elle se révolte de plus en plus… Pour la protéger, ses parents décident de l’envoyer en Europe. Débarquant seule à Vienne à 14 ans chez des Iraniens qui se débarrassent vite d’elle, Marjane connaît alors sa deuxième révolution …

Générique

Réalisation : Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud
Scénario : Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud d’après l’œuvre de Marjane Satrapi
Image : François Girard
Directeur Artistique : Marc Jousset
Décor : Marisa Musy
Montage : Stéphane Roche
Son : Thierry Lebon, Eric Chevallier, Samy Bardet
Musique : Olivier Bernet
Directeur de l’animation : Christian Desmares
Production : 2.4.7 Films, France 3 cinema, The Kennedy/Marshall Company
Distribution : Diaphana Films
Format : 1×1.85, noir et blanc
Durée : 1h35
avec les voix de
Marjane / Chiara Mastroianni
Tadji, la mère de Marjane / Catherine Deneuve
la grand-mère de Marjane / Danielle Darrieux
Ebi, le père de Marjane / Simon Abkarian
Marjane enfant / Gabrielle Peres
Oncle Anouche / François Jérosme

Autour du film

Réalisme vs expressionnisme : la manière

En adaptant sur grand écran ses bandes dessinées, Marjane Satrapi rejoint par à-coups l’esthétisme de l’expressionnisme, s’amusant dès lors à baptiser son œuvre Persépolis, un clin d’œil à Métropolis (Fritz Lang, 1927). Cependant, si l’auteur emprunte à l’expressionnisme allemand les décors aux perspectives faussées, le travail obsédant sur les ombres, la thématique de la folie des hommes, l’usage des ouverture et fermeture à l’iris cher au muet, elle ne compare pas Persépolis (ancienne capitale de la Perse) à Métropolis (délire visuel du cinéaste Fritz Lang).

Le dessin de Marjane Satrapi est réaliste, il n’emprunte nullement au cartoon ou à l’esthétisme d’un Walt Disney. Il s’inscrit dans la droite ligne d’un réalisme imposé en bande dessinée, depuis les comic strips américains des années 20 jusqu’au travail d’un Spiegelman sur Maus.

Si Marjane refuse la couleur en bande dessinée, elle a dû se plier aux exigences de l’animation, aux 24 images/seconde, à la durée. L’utilisation de la couleur et du dégradé de gris en toile de fond dans Persépolis permet de reposer la vision tout en restant au plus près du réalisme imposé. Marjane Satrapi n’encombre pas son décor. Lors des scènes dans l’aéroport, seuls quelques personnages sont taches de couleur et le ciel qui voit l’envol des avions est bleu.

Opposant la couleur du présent à une palette de gris pour traiter du passé, Persépolis garde son graphisme épuré et utilise la force des contours, la trace, pour faire mouvoir ses personnages. Les visages sont expressifs et l’émotion vient aussi de ce don pour rendre un sourire, une crainte, une colère sans exagérer, caricaturer les traits. Les moments de danger sont toujours dessinés en ombres chinoises, la foule, silhouettes noires, vient souvent envahir l’écran et fondre l’image dans un noir endeuillé.

Tous les dessins ont été retravaillés au feutre suivant des empâtements différents, ils ont été tracés. La trace, en animation, correspond au moment où on finalise le trait, où on lui donne son épaisseur. Pour garder une identité graphique originale à Persépolis, ce tracé a été une étape importante et obligatoire.

Le réalisme cher à Marjane Satrapi met alors en évidence les scènes d’onirisme, très présentes dans la bande dessinée. Aucune frontière n’est imposée entre espace quotidien et lieu de la rêverie. Les instants de douces envolées – et ce terme n’est point galvaudé puisque tous ces moments montrent Marjane volant, planant, ne touchant plus terre – sont incorporés, voire définissent la scène. Le rêve est de l’ordre de l’apparition, une incrustation possible dans l’espace de l’enfant (Dieu, Karl Marx). Mais certains plans, certaines scènes se tournent davantage du côté du fantasme dans le monde adolescent (Marji modifiant son apparence, Marji et Marcus, etc.). Ainsi l’onirisme se révèle fantastique et s’attaque au graphisme qui se veut réaliste, modifiant une apparence et offrant un point de vue poétique sur la scène.

Marjane Satrapi se sent très proche de l’expressionnisme allemand et du néoréalisme italien parce que ce sont deux cinémas qui ont vu leur essor dans une période d’immédiat après-guerre, le premier dès 1919, le second à partir de 1945 (même si le film fondateur, Ossessione de Visconti, date de 1943). Or, l’auteur se dit être quelqu’un « d’après-guerre ». Persépolis, pour elle, semble être une synthèse relative de ces deux courants cinématographiques : à des scènes quotidiennes, réalistes, presque documentaires, s’opposent des parties graphiques. Gardons cependant cette expression – réalisme stylisé – pour définir son travail et ajoutons-lui la manière. Celle de Vasari bien sûr qui emploie ce terme, synonyme de style, pour offrir une expression qui recouvre des qualités d’harmonie, de mesure, d’imagination et de fantaisie.

Les fondus

Pour accentuer le passage de la BD au cinéma, pour donner une durée, un étalement, une impression de mouvement même entre les plans, Marjane Satrapi use de fondus au noir, fondus enchaînés, voire fondu au blanc (un seul au début du film qui met en évidence le bonheur dans lequel fond Marji, l’insouciance). Ces fondus au noir closent une scène ou un épisode et offrent du temps avant une nouvelle ouverture. Ils sont une pause entre les plans, une façon de donner au spectateur la possibilité de souffler entre deux bouleversements. De même, l’usage du fondu enchaîné pour relier une image fantôme à une autre image, joue du deuil, du souvenir qui s’efface et contrecarre l’implacabilité des cuts. Des panoramiques, avant et arrière, resituent régulièrement le personnage dans le lieu ou le lieu autour du personnage. Ils dévoilent aussi le problème qu’ont rencontré les auteurs avec le décor, qui tour à tour prédomine, s’efface, revient, s’oublie, s’impose.

Vidéos

Persepolis

Catégorie :

Marji sort d’une déception avec Fernando qui s’est révélé brusquement homosexuel…

– La séquence se situe de 53’10” à  54’43” (soit 1’33”).

Plan 1 – Après avoir conclu que « Â l’amour est un sentiment petit-bourgeois  » mais que « Â Life is life « , Marji, apparemment indifférente au monde, s’absorbe dans sa lecture, silhouette noire (manteau et cheveux) isolée sur un banc sombre, se détachant sur un fond clair façon sfumato évoquant les brumes de l’automne. Elle lève des yeux tristes d’épagneul mais ouverts à  ce qui se présente : une autre forme noire, en amorce, qui vient refermer le cadre.

Plans 2-3 – En contrechamp (point de vue de Marji) apparaît le visage clair, les cheveux blonds, souriant sur un fond de ciel presque blanc, contrastant avec le présage sombre du plan précédent. Une musique romantique renforce cette vision idyllique et un fondu enchaîné commente encore cette vision subjective en remplaçant le visage de Marcus par une boule reflétant la lumière par de multiples facettes, sur fond de ciel étoilé… Elle évoque la fête comme le cosmos : le destin a frappé à  la porte de son imaginaire.

Plans 3 et 4 – Le sentiment de fête l’emporte dans une danse sur fond d’étoiles en mouvement. Leurs corps vêtus de vêtements collants noirs évoluent avec grâce, dans un accord immédiat, au gré de la musique. Un raccord parfait dans le mouvement entre ces plans resserre le cadre sur le couple, en soulignant l’harmonie et les regards amoureux. Pourtant, ce noir et le caractère totalement artificiel du décor (une boîte de nuit réduite à  la nuit et des étoiles de pacotille) laisse planer une sourde inquiétude.

Plans 5-6) – Un fondu enchaîné, suivant la proposition de Marcus (« Â Je te raccompagne ? « ), amène un plan d’ensemble composé de surimpressions décalées d’une grande rue évoquant une ville plus viennoise qu’orientale, renvoyant le spectateur occidental aux clichés de l’Orient des contes, auquel appartient également cette voiture évoluant dans les airs tel un tapis de légende.

Plan 7 – à€ l’intérieur de la voiture, gros plan de Marji regardant amoureusement Marcus, mais avec encore une certaine réserve, marquée encore par son échec précédent : yeux grands ouverts et incrédules, bouche à  peine dessinée d’un trait minime. Les étoiles en arrière-plan prolongent l’effet de merveilleux des plans précédents. Marji est « Â presque  » au septième ciel.

Plan 8 – Contrechamp sur Marcus regardant vers Marji. La banalité du procédé renvoie à  celle de la situation, vécue comme exceptionnelle par la jeune femme, mais très « Â cliché  » pour le spectateur (renforcé par l’écho des étoiles en arrière-plan). Plus que dans le plan précédent, Marcus semble fixer directement Marji (et le spectateur). Nous sommes invités à  partager la fascination de celle-ci pour cette apparition, cette blancheur (cheveux, visage) sur fond noir, et surtout ces yeux clairs et profonds, nécessairement sincères. […]

Plan 10 – La caméra est de nouveau face au couple vu à  travers le pare-brise. Mais cette fois, carrosserie et personnages sont en ombres chinoises. Retour à  la formule de la lanterne magique qui ajoute encore à  l’effet de cliché. Ces ombres dissolvent les personnages et leur personnalité : Marji perd conscience et devient un fantà´me, mais un fantà´me sombre, plein de menaces…

Plan 11 – Introduit par un ciel étoilé, le couple se retrouve en ombres chinoises, prolongeant l’effet du plan précédent, mais cette fois dans le mouvement d’une danse qui emporte les corps dans une sorte de paradis : arbre, lac, fleurs… Les deux canards rappellent les cygnes en mie de pain voguant sur l’eau après la mort de l’oncle Anouche. La fragile architecture décorative se plie à  la composition végétale. Mais les sombres reflets sur le lac demeurent inquiétants.

Plan 12 – Fondu enchaîné sur Marcus qui emporte Marji dans son élan et dans une sorte d’apesanteur. Les deux silhouettes semblent identiques, le corps, la position de Marji répétant celui de Marcus, les écharpes blanches sur fond noir formant les mêmes angles. L’accord parfait se réalise physiquement.

Plan 13 – à€ l’accord physique succède l’accord intellectuel, artistique par un fondu enchaîné rapide. Un décor extérieur romantique à  souhait comme dans un film de Douglas Sirk, avec passage de nuages diaphanes et feuilles qui se détachent au gré du vent d’automne… Le cadre de la fenêtre met en relief le couple, Marcus au travail à  sa machine. Marji l’observant en retrait. Il crée, elle est la muse inspiratrice du grand écrivain… C’est peut-être là  le bug que signalent les montants de la fenêtre, qui cassent la perfection de cette composition idyllique.

Plan 14 – Un volet circulaire produit un rapide changement de lieu. La statue de Mozart – Autriche oblige –, sépare étrangement le couple. Un mouvement de caméra descendant nous a ramenés sur terre (du moins sur neige), le jeune futur prodige est tout à  sa gloire rêvée, mais Marji est plus futile et enfantine, préférant une banale bataille de boules-de-neige. Un instant, recevant une boule dans le dos, Marcus se retourne le visage transformé, furieux, son extase narcissique rompue. Marji prend peur, Marcus bondit sur elle…

Plan 15 – En un instant, Marcus a repris ses esprits, le rêve amoureux se rétablit, bouleversant à  nouveau l’équilibre du monde physique. Le couple descend à  l’horizontale vers l’eau qui pourrait être celle du lac du plan 11, mais est plutà´t hors du temps et de tout lieu, dans un monde et un temps qui n’appartiennent qu’au couple amoureux.

Plan 16 – Un mouvement de caméra rapide vers le bas prolonge ce paradis psychologique vers d’autres sortes de paradis. Allongés de profil dans l’herbe, les yeux clos, ils fument ce qui n’est manifestement pas une simple cigarette. L’herbe, la nature, les fleurs évoquent les mouvements des années 70, prà´nant l’amour, la paix, mêlant nature et paradis artificiels. Marji a trouvé l’amour et s’est insérée du même coup dans son époque et le mode de vie de la jeunesse occidentale.

Plan 17 –  La caméra surplombe le couple à  180°. Elle s’anime d’un mouvement circulaire. Les visages de Marji et Marcus respirent le calme, la satisfaction, le plaisir d’être dans un monde sans pesanteur, physique, sociale, morale… Aux étoiles des plans 2 à  10 se sont substitués les petites fleurs et les papillons. Mais à  la fin de la spirale décrite par le mouvement de caméra, les bords du cadre s’ornent de feuilles sombres annonciatrices de lendemains qui déchantent…

Plan 18 – Du délire quasi psychédélique à  la comédie musicale. On ne sait si l’on doit évoquer West Side Story ou l’univers de Vincente Minnelli, mais Marji est passée des effets de l’Ecstasy à  ceux de la MGM. Sa silhouette évolue sur fond de décor stylisé, de toiles peintes, telle Cyd Charisse se précipitant avec une légèreté dionysiaque vers un Gene Kelly encore hors champ…

Plan 19 – Sur un escalier non moins stylisé, aux formes, courbes et volutes instables, Marji monte au septième ciel, celui où l’attend son nouvel amant, un mystérieux sachet à  la main… Un premier mouvement gauche-droite la montre  grimpant avec allégresse, en image réelle, si l’on peut dire, couleurs du noir et blanc respectées. Une fois le palier passé, dans un mouvement inverse, sa silhouette passe en ombre chinoise, l’escalier s’est assombri, alors que l’élan de la jeune femme demeure guilleret…

Plan 20 – Quoi de plus menaçant que la poignée d’une porte fermée (en insert) ? Surtout lorsque cette porte s’inscrit dans les ténèbres de l’escalier d’un immeuble imprécis, inconnu du spectateur ? Quelle menace se profile derrière cet obstacle ? Quel drame va déclencher la main qui se tend vers cette poignée ?…

Plan 21 – Non ! Aucun drame à  l’horizon. Apparemment du moins. Marji surgit de l’autre cà´té de la porte en plan moyen, purement descriptif, tendant le mystérieux sachet, que l’on comprendra rempli de croissants et autres « Â viennoiseries « . Mais le cadre n’arrive pas à  s’équilibrer. Porte et encadrement sont penchés comme dans un classique du film expressionniste. L’univers merveilleux de la jeune femme, envahi par la noirceur des murs et de la porte, est sur le point de basculer.

Plan 22 – Contrechamp : l’horreur vue par Marji ! En opposition violente et radicale avec l’obscurité alarmante du plan précédent, revoici la blancheur du visage, de la chevelure et du regard de Marcus, redoublé par les éléments homothétiques chez sa compagne… Un drap noir au bas du tableau souligne la noirceur d’âme de Marcus, dont le regard n’exprime que la crainte de la réaction de Marji, en aucun cas la culpabilité, le regret ou l’amour…

Plan 23 – Encadré par une porte ouverte (à  la géométrie cette fois totalement déséquilibrée), le visage de Marji clà´t la séquence. La bouche est largement ouverte à  la différence du plan 1, les yeux écarquillés par l’horreur, le bras tendu que l’on devine tenant inutilement les friandises des temps heureux, illusoires, révolus… Un « Â cri  » que l’on devine aussi angoissé que celui du célèbre tableau de Munch… L’horreur n’est pas seulement psychologique, elle prend une dimension métaphysique, surtout redoublant et accentuant l’échec précédent de Marji…

Pistes de travail

Le parcours de Marjane

Mettre en évidence l’originalité du parcours de l’héroïne, la variété des situations (familiale, scolaire, sociale, politique…) et des obstacles : le règne du Chah, des ayatollahs et des gardiens de la révolution, la vie en Autriche, etc.

Repérer les détails qui indiquent la situation d’une exilée : transformation vestimentaire, décor, habitation, relation avec les autres, coutumes…

Chercher les efforts que fait Marji pour s’intégrer aux groupes qu’elle rencontre et ceux où, au contraire, elle s’isole et se referme sur elle-même. Quelles sont ses raisons ?

Le rôle des fêtes, gaies ou tristes, et de la musique dans l’itinéraire de Marji : social, psychologique…

Style visuel

Caractériser le dessin utilisé par Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud : noir et blanc tranché, aplats, etc.

Marjane Satrapi définit son style comme « réalisme stylisé ». Que signifient ces termes ? Montrer ce que le dessin a de « réaliste » et ce qu’il a de stylisé, ce qui rappelle l’expressionnisme (à préciser).

La famille Satrapi

Définir la famille de Marji, les Satrapi, en particulier le père Ebi et la mère Tadji : leur situation sociale, leurs opinions politiques…

Quelles sont les caractéristiques, les orientations politiques des amis de la famille : Siamak, Koshro… ? Comparez-les avec les jeunes du lycée français de Vienne : Momo, Thierry, Olivier, Eve…

Remarquer les différences entre la mère et la grand-mère, le père et les oncles, Anouche et Tamer. Avec Reza ?

Quelles relations Marji entretient-elle avec les différents membres de cette famille ? Le père, la mère, la grand-mère, l’oncle Anouche… Avec son mari Reza ?

Politique, religion, censure…

Énumérez les interdits auxquels se heurtent les personnages de Persépolis. Y a-t-il des interdits différents qui frappent les femmes ? Les hommes ? Marji brave-t-elle ces interdits ? Lesquels ? Quelle morale lui enseigne sa famille, en particulier sa grand-mère ?

Tel qu’il est décrit dans le film, à l’époque du Chah puis de Ayatollahs, le régime iranien est-il démocratique ? Expliquez en quoi.

Repérer et étudier les plans ou scènes en « ombres chinoises ». À quels sentiments ou situation correspondent-elles ? (Joie, plaisir, inquiétude, danger, etc.).

Joël Magny, le 10 septembre 2008

Expériences

L’Iran

Persépolis débute sous le régime du chah (empereur) Mohammed Réza Pahlévi. Il a rompu avec de vieilles traditions religieuses, alphabétise la population, prend en compte les femmes, souhaite une révolution industrielle et culturelle. Mais sa police politique très répressive (la SAVAK, mise en place par la CIA en 1957) torture et assassine les opposants. Siamak, dans Persépolis, évoque l’habileté de ces bourreaux, formés par les services secrets américains. Ce régime autoritaire fait naître des contestations.  Le 8 septembre 1978 (baptisé « Vendredi noir »), une manifestation est violemment réprimée par la SAVAK et par l’armée du chah qui use de chars d’assaut et d’hélicoptères.

La révolution  en marche a pour emblème l’ayatollah Khomeyni (1902-1989), anti-américain et anti-israélien, en exil en France. Jamais cité dans le film, sa mort même n’est pas évoquée, il est la menace qui plane. Au départ, cette révolution dite iranienne regroupe des libéraux, des communistes, des socialistes et des religieux. Cependant, elle a été vite accaparée par les religieux seuls (parti républicain islamiste). Ce sont les théologiens et leur milice – les gardiens de la révolution (pasdaran) – qui, très organisés, prennent le pouvoir localement, laissant derrière eux les autres acteurs.

L’Iran devient ainsi une République islamique en 1979, qui n’a rien à voir avec la démocratie espérée par tant d’opposants au Chah. Le nouveau gouvernement est fondé sur l’islam (Chiite). Il espère exporter sa révolution, ce qui inquiète Saddam Hussein et provoque la guerre Iran-Irak. Le chef des religieux, l’ayatollah (« signe de Dieu ») Khomeyni, est appelé « Guide suprême ou Guide de la révolution » et se situe au-dessus du président de la République.

L’événement historique – ainsi décrit par Ebi au début du film – devient régime politique fort et pèse sur le quotidien des Iraniens. Dans un premier temps, soutenu par le peuple et les opposants au chah, la révolution islamique se révèle réactionnaire et cruelle, parcours signifié par Marjane à travers la figure d’Anouche. Le père indique aussi rapidement que ces gardiens de la révolution sont corruptibles et laisse planer un doute sur la sincérité de leur engagement.

Le dessin animé

Le réalisateur de dessin animé enregistre image par image avec une caméra, une succession de dessins. C’est leur projection à la vitesse de 16 ou 24 images par seconde qui reconstitue les mouvements. Mais que d’étapes à franchir avant la projection ! Selon la méthode « à l’ancienne » utilisée pour Persépolis, Il faut faire un « lay out » (schéma crayonné précis de chaque séquence et mouvement). L’animateur met ensuite au propre et dessine les phases-clés de chaque mouvement. Puis l’intervalliste calcule avec précision et ajoute les dessins intermédiaires nécessaires. Le traceur reporte ensuite les dessins (80 000 pour Persépolis) sur des cellulos (feuilles transparentes) avant que les gouacheurs les peignent. Ce travail est de moins en moins effectué à la main, la mécanisation et l’informatique permettant d’aller plus vite avec moins de personnel.

Les voix off

Les voix off ont été enregistrées avant la réalisation du film. Les animateurs avaient ainsi un matériau sur lequel travailler pour souligner les gestes, les expressions, les intonations.

Marjane a retrouvé des liens de cinéma, mère fille, grand-mère petite-fille, entre Danielle Darrieux et Catherine Deneuve (Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, 1967), Chiara Mastroianni et Danielle Darrieux (L’Heure zéro de Pascal Thomas, 2007), Chiara et Deneuve (Ma saison préférée, 1993 et Les voleurs d’André Téchiné, Le Temps retrouvé de Raul Ruiz, 1999).

Aux États-Unis où  la BD a eu un immense succès, les voix utilisées sont celles de Kirsten Dunst, Catherine Deneuve, Gena Rowlands, Sean Penn, Iggy Pop.

Outils

Bibliographie

Persépolis, bande dessinée de Marjane Satrapi, L’Association, Paris, Tome 1, 2000 -  Tome 2, 2001 - Tome 3, 2002 - Tome 4, 2003
Persépolis, réunion des quatre tomes, L’Association, Paris, 2007.
Dominique Widemann, L’Humanité, 27 juin 2007
Jérôme Momcilovic, Chronic’art (www .chronicart .com)
Marie-Noëlle Tranchant, Le Figaro, 14 octobre 2007
Pierre Murat, Télérama n° 2998 - 30 Juin 2007
Thomas Sotinel, Le Monde, 27 juin 2007
Morenzo Codelli, Positif, n°555-557, juillet 2007
Gisèle Breteau Skira, Zeuxis, n°33, juin 2007.

Carole Wrona, Joël Magny, Dossier-maître Collège au cinéma sur Persépolis, 2007

DVD

Persépolis, de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, DVD-9, zone 2, Pal, Format film : 1,85 (16/9 compatible 4/3) - Noir et blanc et Couleurs. Langues : Français. Sous-titres : français pour sourds et malentendants. Dolby stéréo et D.D. 5.1. Durée du film : 92 min.