Sparrow

Hong Kong (2008)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Fiction

Archives LAAC, Lycéens et apprentis au cinéma 2011-2012

Synopsis

« Sparrow » (le moineau) désigne le pickpocket dans les rues de Hongkong. L’expression fait allusion à la dextérité nécessaire pour subtiliser les portefeuilles des passants… et s’envoler dans l’instant. Kei et ses trois acolytes se sont fait une spécialité de cette technique et, lorsqu’ils ne « travaillent » pas, ils profitent de la vie. C’est dans ces conditions favorables qu’ils rencontrent tous les quatre, mais chacun de leur côté, la sublime et enivrante Chun Lei, et en tombent instantanément amoureux. Non contente d’être liée à un homme d’affaires puissant, la belle est également une sacrée emberlificoteuse. Voilà nos quatre malfrats soumis à la valse des sentiments autant qu’à une concurrence inattendue sur le terrain de la manigance.

 

Générique

Titre original : Man jeuk
Réalisation : Johnnie To
Scénario : Yau Nai Hoi, Chan Kin Chung, Fung Chih Chiang, Kin Chung Chan, Chi Keung Fung
Image :  Cheng Siu Keung
Musique : Xavier Jamaux, Fed Avril
Montage: David Richardson
Son : Martin Chapell
Costumes : Stanley Cheung
Décors : Tony Yu
Production : Entertainment Ltd UNIVERSE, MILKYWAY IMAGE (HK
Distribution : Arp selection
Couleurs
Sortie en France : 4 juin 2008
Durée : 1h27
interprétation
Kei / Simon Yam
Chun Lei / Kelly Lin
Bo / Lam Ka Tung
Mr Fu / Lo Hai Pang

Autour du film

Que fait Johnnie To entre deux films ? Il tourne un film. Plus rapide qu’un pickpocket, il s’offre le luxe de varier les couleurs et les thématiques dans cette fantaisie hongkongaise où ne figure pas la moindre trace d’un revolver, comme un pied de nez (ou un bras d’honneur) lancé à tous ceux que sa prolixité agace, et qui ne seraient pas mécontents de le voir s’enfermer dans le registre des variations mafieuses et sanglantes pour estimer qu’il tourne à vide. Placé sous le signe du coup de foudre, Sparrow est absolument facétieux et son quatuor de malfrats n’est pas loin de ressembler à celui d’ Un éléphant, ça trompe énormément d’Yves Robert (1977). La romance, la comédie policière, les ballades en décapotable au son de la musique d’Ennio Morricone et plus particulièrement celle de la période dorée des années 1969–1972 et des premiers giallo de Dario Argento… Tout cela est détourné avec un dandysme réjouissant.

Plus grimaçant et cabotin que jamais, Simon Yam, l’un des acteurs préférés du cinéaste, se plaît à circuler à vélo, recoudre son pantalon et flâner muni d’un appareil photo chiné chez un brocanteur dans ce film antidaté, complexe et léger, tarabiscoté et, une nouvelle fois, si harmonieux et rond. Johnnie To l’a envisagé comme un hommage à Hongkong, son énergie, sa métamorphose permanente et son pouvoir de séduction tel qu’on en avale des couleuvres. A l’instar de Kei et de ses amis, le plaisir de se faire rouler dans la farine est manifeste puisque le geste est brillant, que ce soit le fait de la divine Chun Lei ou du roublard Johnnie To, plus chat que moineau par son aptitude à retomber immanquablement sur ses pattes tout en ébauchant les morceaux de bravoure les plus saugrenus. Johnnie To aime l’émulsion procurée par sa ville, Kei aime les embrouilles lorsqu’elles portent le visage de Chun Lei et le spectateur est ravi de se faire avoir par les tours de passe-passe dont est garant ce cinéma aussi candide, guilleret et alerte qu’un homme amoureux.

Julien Welter / Arte 3 juin 2008

Les personnages de Johnnie To ont toujours un rapport ludique à la vie, même dans les circonstances les plus tragiques – voir le héros condamné par la maladie de Running out of time, qui organise un jeu de piste avec le flic qui le traque. Kei et ses Pieds Nickelés ressemblent à des gosses qui s’amusent à transgresser les interdits parce que, au fond, leur trafic n’est qu’un jeu sans conséquences.

Pas un coup de feu n’est échangé dans Sparrow, une bonne blague de la part d’un réalisateur célèbre pour ses fusillades baroques !

Ce qui n’empêche pas les morceaux de bravoure… Quand Kei et sa ­bande détroussent les passants, la caméra accompagne les transmissions de main en main, les chocs et les esquives, comme dans un ballet chorégraphié au millimètre près. La référence aux comédies musicales se fait plus explicite encore dans une séquence virtuose où Kei, chasseur devenu chassé, se protège des assauts de pickpockets concurrents dissimulés sous des parapluies – ce n’est plus Sparrow, mais « Volons sous la pluie »…

De bout en bout, Johnnie To fait preuve d’un plaisir de filmer communicatif qui fait oublier la minceur (et la crédibilité aléatoire) du scénario. Les plans saisis à la volée dans les rues populaires de Hong­kong, les scènes plus calmes (et néanmoins très drôles) dans les gargotes où les héros fatigués avalent un plat de riz, témoignent de leur amour pour une ville en mouvement permanent dont l’énergie continue de l’inspirer. Une récréation légère, parfois frivole, mais ô combien rafraîchissante.

Samuel Douhaire / Télérama 7 juin 2008

Vidéos

Les parapluies de Hong Kong ou l’art et la manière

Catégorie :

Plus qu’un film de genre, Sparrow est un film sur les genres, de facture clairement maniériste. Toute la saveur du film repose sur la manière dont le cinéaste va reprendre et réinterpréter des motifs connus du spectateur : film d’arnaque, film de casse ou même western. Le récit devient alors un simple prétexte pour faire exister des scènes à la fonction ludique. Il ne s’agit pourtant pas d’une démonstration gratuite de virtuosité, mais au contraire de partager avec le spectateur le plaisir du cinéma.
La virtuosité du cinéaste double celle de ses héros et la transcende. Le métier de pickpocket devient alors l’équivalent de celui du cinéaste : leurs objectifs initiaux (s’enrichir, raconter des histoires) s’estompent au profit du pur plaisir de faire. Et de faire avec le plus d’élégance possible. La séquence finale du film est, à cet égard, un manifeste cinématographique.


Cette vidéo a été conçue complément du livret enseignant Lycéens et apprentis au cinéma.
Texte et réalisation : Stratis Vouyoucas, Centre Images.