Synopsis
Marieme, 16 ans, vit en banlieue. Silhouette féline, nattes africaines, œil de biche, elle est d’une beauté ravageuse. En échec à l’école, mère de substitution à la maison, elle s’occupe de ses petites sœurs en essayant d’éviter les coups de son grand frère. Jusqu’au jour où elle rencontre trois filles, bien décidées à ne pas se laisser dicter de loi. Des bagarreuses, des enjôleuses, des drôlesses, qui soignent leur style et balancent leurs répliques avec une rage joyeuse. Pour cette bande de filles à la féminité explosive, pas question d’être des épouses cloîtrées, trimant dur comme leurs mères soumises à la domination masculine…
Distribution
Karidja Touré : Marieme / Vic
Assa Sylla : Lady / Sophie
Lindsay Karamoh : Adiatou
Mariétou Touré : Fily
Cyril Mendy : Djibril, frère de Marieme
Idrissa Diabaté : Ismaël
Générique
Réalisation et scénario : Céline Sciamma
Son : Pierre André
Musique : Jean-Baptiste de Laubier
Photographie : Crystel Fournier
Durée : 1h53
Autour du film
Quand Vic, Lady, Adiatou et Fily se lâchent toutes les quatre sur le Diamonds de Rihanna, c’est une épiphanie, un bingo qui claque, une cristallisation des désirs des personnages et du spectateur, peut-être le genre de scène dont on dit que le film a été fait juste pour ça. A ce moment-là, cette bande des quatre est une version féminine et noire des Fab Four, une déclinaison frenchie 2014 des Supremes, Crystals, Shirelles, Vandellas et autres merveilles de la chapelle sixties pop black américaine.
Peut-être que filmer ça, un girl group contemporain, des Beatles meufs et blacks de cité, était le noyau originel du désir de Céline Sciamma, pour redire que la pop, le cinéma, la société n’appartiennent pas seulement aux mâles blancs. Ou peut-être que cette lignée soul pop n’est que mon fantasme, ma relecture à moi.
En tout cas, de Lucy in the Sky with Diamonds (Beatles) aux diamonds in the sky de Rihanna, des swinging sixties à notre rude début de XXIe siècle, de la pop noire ou blanche d’antan aux polymixages d’aujourd’hui, il y a comme une permanence de la beauté, du sex-appeal et de l’énergie de la jeunesse, qui peut briller de l’éclat de diamants dans le ciel pour peu qu’elle soit boostée par une bonne chanson.
Quatre cents coups
Mais de même qu’un hit-single dure trois ou quatre minutes, les moments de bonheur collectif, de parfaite harmonie à quatre, d’ascension des sens vers le nirvana, et de partage, sont fugaces, fragiles, éphémères. Des petites bulles de félicité que l’on voudrait faire éternellement durer, mais qui éclatent toujours au contact des réalités de la société et du quotidien.
Pour Vic, cette réalité est un empilement de contraintes et d’interdits. Etre jeune, fille, noire, dans une cité, c’est subir la loi des grands frères, des garçons, de la religion, de la société française dominante, tout en endossant par devoir le rôle de mère d’appoint pour les petites sœurs. Nul étonnement à ce que Vic soit séduite par Lady et ses copines : sexy, affranchies, libres de leurs paroles et de leurs actes (du moins en apparence), elles représentent la liberté, l’émancipation.
En entrant dans leur groupe, Vic se transforme physiquement, lâche ses cheveux, s’habille plus sexe : un vrai petit canon émerge de la chrysalide gamine. C’est comme dans la scène de Valérie Bruni Tedeschi du Saint Laurent de Bonello : les vêtements, le corps, l’esprit, tout se transforme à l’unisson. Mais faire les quatre cents coups avec de bonnes copines, ce n’est pas non plus un projet de vie.
Dialectique, jamais manichéenne, Céline Sciamma retourne les apparences qu’elle a créées, ou du moins elle les complexifie. Lady n’est pas que la meneuse ultracool qu’elle semble être et qu’elle projette. Et la vie en bande, aussi joyeuse soit-elle, n’est qu’une étape dans le parcours initiatique de Vic. Elle doit maintenant trouver son propre chemin d’épanouissement.
Une cinéaste “ligne claire”
Dans la France de 2014, les pièges, les dangers, les loups-garous sont nombreux pour une jeune-fille-noire-prolétaire-solitaire-sans diplôme. Le diamant dans le ciel retombe sur terre, parfois sous terre, ramené à l’état
de caillasse toc par la loi sociale, toujours masculine et brutale – dealers, proxos parsèment son chemin, de la cité à la ville. Et à chaque séquence du trajet cahoteux vers son destin de femme, Vic change de costume, d’apparence : haut de jogging “caillera” qui efface le genre, minijupe et perruque blonde pour souligner une féminité artificiellement sophistiquée, le parcours existentiel est aussi une affaire de transformations visibles, comme dans les contes.
Si le portrait de Vic est complexe, si le tableau des mécanismes sociaux qui agissent sur elle est subtil, Céline Sciamma reste néanmoins une cinéaste “ligne claire”, limpide dans son récit et ses options de mise en scène. Comme dans Naissance des pieuvres ou Tomboy, elle montre une véritable aisance pour rendre la complexité parfaitement lisible. Ici, elle est bien aidée par un quatuor de comédiennes effectivement pur diamant : Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh et Mariétou Touré sont aussi craquantes, marrantes, poignantes que leurs doubles de fiction. Quand on voit tant de beauté, de talent, de vivacité, d’intelligence et de sensibilité à l’œuvre, on se demande mais comment, comment, comment peut-on être zemmourien ?!
Car Bande de filles est aussi politique que Tomboy, non parce qu’il déploie un message programmatique mais parce qu’il se place pile-poil au cœur des prurits qui démangent une partie de la société française. Ce titre, Bande de filles, désigne aussi bien le groupe qu’une insulte réappropriée. Etre traitée de “fille” (ou de “pédé”, de “goudou”, de “youpin”, de “négro”…), c’est toujours un honneur parce que ça vient toujours d’une bande de cons.
Les Inrocks
Image de tournage, et rencontre avec Céline Sciamma lors de la présentation en Ouverture à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2014 :
http://cinema.arte.tv/fr/article/bande-de-filles-de-celine-sciamma
Entretien avec Céline Sciamma autour du film :
https://www.youtube.com/watch?v=6LyPZ4Z6zAY
Entretien avec les actrices :
https://www.youtube.com/watch?v=bKvvnVEN7l8
Extrait du film, la scène de danse incoutournable du film :
lhttp://cineuropa.org/vd.aspx?t=video&l=fr&rdID=254768&did=289770
Vidéos
Entretien avec Crystel Fournier
Catégorie : Analyses de séquence, Entretiens avec des cinéastes
Crystel Fournier a signé l’image des trois films de Céline Sciamma. Dans cet entretien, elle ex-plique le choix du format Scope et les questions qu’il a soulevées, la reconstitution de certains dé-cors en studio et le travail sur la couleur de Bande de filles.
Retour à l’hôtel
Catégorie : Analyses de séquence
L’immersion de Marieme, l’héroïne du film de Céline Sciamma, dans la bande de filles est cen-trale : c’est le moment pivot dans l’affirmation de son identité. L’amitié qui naît entre elle et les filles se scelle et se termine dans un même décor : celui d’une chambre d’hôtel anonyme. En analy-sant les deux séquences d’hôtel, on verra comment la réalisatrice soude puis dissout la bande.
Outils
Dossier pédagogique :
https://www.institutfrancais.de/cinefete/IMG/pdf/CINEFETE16_BandeDeFilles.pdf
La figure de l’adolescent dans le cinéma contemporain :
http://www.clairobscur.info/files/429/LACB1011figureadolescentHH.pdf
CLARK, Larry, « L’empire de l’adolescence », dans Revue Vertigo n°45 :
http://www.editions-lignes.com/L-EMPIRE-DE-L-ADOLESCENCE.html
Film en VOD: http://boutique.arte.tv/f10186-bande_filles