Synopsis
Marcela est une jeune femme qui, pour subvenir aux besoins de son couple, accepte de s’occuper pour l’été d’un vieil homme atypique: Amador.
Très vite, une complicité naît entre ces deux inconnus qui ne vont pas tarder à se livrer leurs secrets respectifs. Cette rencontre singulière pourrait peut être aider Marcela à reconstituer le puzzle de son existence. Mais un évènement inattendu la met face à un dilemme moral: agir par nécessité ou selon sa conscience…
Distribution
Magaly Solier : Marcela
Celso Bugallo : Amador
Pietro Sibille : Nelson
Sonia Almarcha : Yolanda
Fanny Castro : Puri
Juan Alberto de Burgos : Vendeur de réfrigirateurs
Antonio Duran : Samuel
Générique
Durée : 1h52
Couleur
Scénario et réalisation : Fernando León de Aranoa
Production : Fernando León de Aranoa, Jaume Roures
Production exécutive : Patricia de Muns, Javier Méndez
Direction de production : Ana Parra
Photographie: Ramiro Civita
Musique : Lucio Godoy
Direction artistique : Llorenç Miquel
Montage : Nacho Ruís Capillas
Décors : Luis Fernández Lago
Son : Iván Marín, Daniel Peña, Alfonso Raposo
Costumes : Fernando García
Maquillage : Romana Gonzales
Coiffures : Josefa Morales
Premier assistant réalisateur : Antonio Ordóñez
Autour du film
Article de l’Humanité, par Dominique Widemann, 15 février 2012 :
Naître, aimer, mourir, rien d’autre au fond ne compte. Et c’est toute une histoire. Ici, dans le cinquième long-métrage de Fernando Leon de Aranoa, elle sera déclinée au prisme de Marcela (Magaly Solier). La jeune femme est venue s’échouer à Madrid depuis une lointaine terre d’exil du continent sud-américain dont nous saurons seulement que nulle mer ne la berce. Elle a rejoint Nelson (Pietro Sibille), qui dirige un commerce de fleurs volées. Existences des marges dans lesquelles rien ne suffit jamais à s’extraire de la misère ; pas même à payer la première traite d’un frigo qui prolongerait la vie, ou plutôt la mort, des roses embaumées. Quand Nelson fait confiance aux flots pour le porter sur l’autre rive, Marcela attend autre chose. Un élan, peut-être, une prolongation des premiers pas souvent coûteux de qui ne renonce pas à se projeter dans un avenir, en dépit de la précarité de son sort. Marcela découvre qu’elle est enceinte au moment où elle s’apprêtait à quitter Nelson. La vie qu’elle porte sera l’élément propulseur qui lui faisait défaut. Elle trouvera à s’employer auprès d’un vieil homme à la santé déclinante, Amador (Celso Bugallo). Il lui faudra briser la glace derrière laquelle s’isole ce vieillard proche de la fin. Féru de puzzles, la mort le saisit tandis qu’il en serre une ultime pièce. Marcela ne peut se passer du salaire, modeste comme il se doit, que lui valaient ses services. Entre les affres de sa conscience et celles de la nécessité, elle devra trouver le moyen de conserver Amador, d’entamer une lutte désespérée contre la décomposition qui le menace.
La relation nouée avec Amador, justifiant ainsi d’avoir donné son nom au titre, a transformé Marcela. Décider de l’assemblage des pièces peut signifier davantage que scruter l’insondable fixité de l’image initiale. Ainsi procède Fernando Leon de Aranoa, qui verse au cinéma social des veines italiennes ou britanniques l’hommage de sa singularité. La timidité de Marcela, sa réserve longuement scrutée, le sérieux de certains propos, la gravité que recèlent les hors-champs des situations évoquées, rencontrent avec fluidité leurs contrepoints comiques, voire grotesques. L’humour macabre cueille à froid, qui autorise symboles et métaphores à se déployer sans crouler sous la charge de leurs évidences. L’inattendu surgit aussi bien des évolutions de Marcela, dont la force vitale dessine seule la psychologie, que des fragments de photos, mots d’adieux, lettres d’amour déchirées de regrets éternels. Rien n’étant écrit, sinon le scénario, les manifestations de l’imprévisible sonnent à la porte. Elle peut s’ouvrir sur le nez trop sensible d’un voisin, le secours d’une prostituée hors d’âge, Puri (Fanny de Castro) qu’un pacte hebdomadaire liait à Amador. Ce peut être le cadeau du ciel qu’offre à la pieuse Marcela son savoureux dialogue de sourds avec un prêtre pour qui retenir les morts près de soi est une grâce. Le cinéaste compose sa vision de la réalité par les éléments de sa fiction.
Pistes de travail
Note du réalisateur sur Amador
Amador est sans doute un film sur la vie : parfois même la mort ne peut l’arrêter. Toutes les décisions sont prises au nom de l’existence. C’est l’histoire vraie de la protagoniste : son impulsion, sa fin et son début, sa nécessité.
Je veux dire la vie avec son mélange d’espoir et de culpabilité, de douleur et de besoin. La vie en majuscule, comme un courant, une récréation. La vie qui pleure aux mariages et rit aux enterrements : celle qui confond joie et souffrance au-delà des catégories qu’elle ne peut comprendre et ne comprendra somme toute jamais.
L’existence avec son petit bout de mort et bien sûr, par moments, son prolongement. Ce film est ma clarté en dépit d’un aspect parfois sombre et taciturne. Car il creuse plus du côté de la vie à l’exemple de Marcela : par désespoir. Parce qu’il se sert de la vie pour ses propres fins et trouve ainsi, çà et là, sa signification. Marcela tente de recomposer le difficile puzzle de son existence. Elle se confronte à un dilemme moral, hérité de son quotidien de survie : agir par état de conscience ou par nécessité. Le film ouvre un débat éthique sur ce que nous sommes et sur les circonstances qui nous poussent à agir. Entre honte et dignité.
Le personnage principal du Voleur de bicyclette se désespère d’avoir perdu son moyen de survie, alors il vole un vélo lui-même d’où le titre du film : la mort d’un individu comme sujet moral et ce avant que le fils du héros ne le voie. Au cours de l’histoire, Marcela découvre que nous sommes, en définitive, les décisions que nous prenons. Et la chose la plus dure n’est pas de les prendre mais de vivre avec.
La structure du film est presque musicale. La répétition y est abondante et les motifs qui reviennent comme dans un chœur nous engagent constamment à « réécouter » ce que nous avons vu précédemment. Il y a, inévitablement, de l’humour. Un humour peut être plus sombre qu’à l’accoutumée et plus pervers aussi mais également plus vivant (non par obligation). Aussi délirant que peut l’être l’existence parfois.
Et derrière la précarité et le caractère comique, il y a, comme base, la solidarité : l’aide que Puri apporte à Marcela (en fin de compte les deux survivantes d’un même naufrage).
Amador traite par ailleurs de la culpabilité qui va souvent de pair avec la religion, de la misère et aussi de l’espoir qui pourrait bien être la plus belle des formes de fiction.J’ai été amené à faire ce film car je suis persuadé que ce qui s’y passe pourrait arriver ici et maintenant : dans n’importe quel quartier de n’importe quelle ville. Quelque part, il pourrait y avoir une femme confrontée à ce type de décision complexe, acculée par un malheureux concours de circonstances. Nous entendrons cette voix triste à la radio, la nuit. Elle murmurera, seule et perdue, son histoire à un inconnu et qui, ne sachant quoi faire, attendra un conseil sur la bonne décision à prendre. Son prénom ne serait pas Marcela mais celui d’une autre femme.
Amador est inéluctablement lié aux temps difficiles que nous sommes en train de traverser. Il adopte le point de vue des personnes qui vivent cette situation au quotidien. Leur précarité ne dépend pas des indices boursiers ou de la une de journaux ; ils la subissent depuis toujours comme leurs parents avant eux. Elle les a accompagnés de leur pays natals, lorsqu’ils décidèrent d’émigrer en tentant pourtant de la fuir : ils viennent de l’autre côté de la chance. Leur combat de boxe contre la vie elle-même est éternel : ils s’y cramponnent même s’ils ont l’impression qu’ils vont être mis K.O. Et ils n’ont pas peur de chuter car ils ont appris à compter jusqu’à dix sur le ring. Le petit-ami de Marcela dit que vendre des fleurs est une affaire sûre car il y a seulement trois choses infaillibles dans l’existence : l’amour, la mort, la vie. Et les gens les célèbrent avec des fleurs.
Ce film évoque ces trois choses-là et les met en exergue.
La vie et la mort partagent une même chambre dans l’histoire : une chambre qui appartiendrait à n’importe quelle banlieue de n’importe quelle ville. Elles sont obligées et ont même temps besoin de cohabiter. Le film parle aussi de ce qui arrive entre elles et de ce qui devrait être leur moteur : l’amour. Le prophète dit : « Vous souhaitez connaître le secret de la mort mais comment le trouverez-vous si vous ne le cherchez pas au cœur de l’existence ? ».
Marcela sait cela. Les gens humbles sont même capables de reconnaître les gestes infaillibles de la vie en elle-même.
Outils
Site du distributeur et dossier pédagogique à télécharger :
www.sddistribution.fr/film/amador/53