Synopsis
Depuis quarante ans, le photographe Sebastião Salgado parcourt les continents sur les traces d’une humanité en pleine mutation. Alors qu’il a témoigné des événements majeurs qui ont marqué notre histoire récente : conflits internationaux, famine, exode…
il se lance à présent à la découverte de territoires vierges aux paysages grandioses, à la rencontre d’une faune et d’une flore sauvages dans un gigantesque projet photographique, hommage à la beauté de la planète.
Sa vie et son travail nous sont révélés par les regards croisés de son fils, Juliano, qui l’a accompagné dans ses derniers périples et de Wim Wenders, lui-même photographe.
Générique
Documentaire
Durée : 1h50
Réalisation : Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado
Scénario : Juliano Ribeiro Salgado, Wim Wenders, David Rosier
Directeur Photo : Hugo Barbier, Juliano Ribeiro Salgado
Son : Régis Muller
Montage : Maxine Goedicke, Rob Myers
Musique : Laurent Petitgand
Producteur délégué : David Rosier
Producteur exécutif : Wim Wenders
Autour du film
Article « À Voir À Lire » du 14 octobre 2014
Grand admirateur du travail photographique effectué depuis plus de quarante ans par Sebastião Salgado, le cinéaste Wim Wenders s’est vu proposer par l’artiste et son fils de faire un tri important au sein de milliers de documents afin de donner forme à un documentaire qui retracerait quarante ans d’un engagement aussi bien artistique qu’humain. Afin de ne pas tomber dans l’écueil du film de montage, Wenders convoque son ami à effectuer un long entretien où Salgado commente son travail et apporte ainsi un éclairage supplémentaire à ses œuvres photographiques. Ainsi, le film peut se diviser en deux parties bien distinctes, l’une filmée par Wenders où l’artiste s’exprime sur son travail et l’autre tournée par le fils de Salgado qui l’a suivi dans ses voyages en Papouasie et près du cercle polaire. Toutefois, la grande intelligence de Wenders est d’avoir su entremêler harmonieusement ces deux aspects sans que cela ne crée de rupture de ton ou même de style.
De même, Wenders parvient à respecter la chronologie des événements sans que son documentaire ne tombe dans le biopic classique égrenant le cours des années de manière laborieuse. Les moments filmés par le fiston nous montrent ainsi l’artiste en action, toujours aux aguets pour prendre la bonne photo, mais aussi capable de rester des heures entières dans la même position tant qu’il n’a pas obtenu ce qu’il souhaite. Par ailleurs, cette immersion complète du spectateur nous montre à quel point le regard de l’artiste se double d’une philosophie humaniste. La partie entretien fait également preuve d’originalité par son procédé même (Salgado apparaît en transparence sur ses propres photos), rompant avec le classicisme attaché à ce type de projet. Non seulement Wenders s’arrête longuement sur chaque photo, créant parfois un vrai malaise lorsqu’il s’agit de clichés sur des enfants du Sahel mourant de faim, mais il demande des précisions sur le contexte de création, poussant Salgado à révéler ses intentions.
Progressivement se dessine le portrait d’un homme idéaliste qui a toujours voulu témoigner des malheurs des êtres humains, mais qui, à force de côtoyer l’horreur (il a couvert la famine au Sahel, la pauvreté des paysans du Nordeste brésilien, le génocide au Rwanda et la guerre en ex-Yougoslavie, rien de moins) a fini par se détourner de l’humanité dite civilisée pour magnifier la nature et les sociétés qualifiées de primitives. Avec sa femme, il emploie même une partie de sa fortune à faire repousser une forêt dans sa région natale du Brésil. Autant d’éléments qui confirment tout le bien que l’on pensait déjà d’un artiste au talent visuel imparable. Il est donc indispensable de se plonger durant deux heures dans ce magnifique documentaire au noir et blanc magnifiquement contrasté, doublé d’un hommage sincère d’un artiste envers l’un de ses pairs.
Pistes de travail
Image fixe
En ouverture du Sel de la terre, Wenders nous rappelle l’étymologie du mot « photographie », du grec phôs, phôtos « lumière », et graphein « écrire », littéralement « écriture de la lumière ». Manière pour lui de nous ramener aux enjeux premiers du métier de photographe : capter la lumière pour impressionner la pellicule – et le spectateur – afin de révéler, « faire voir » le monde. La photographie comme miroir de l’humanité où se racontent des histoires en somme. Le photographe est donc celui qui tend ce miroir aux hommes. Il est un intermédiaire, un passeur, un regard précieux pour la communauté. Et le regard de Salgado a ceci de particulier qu’il fait de la fixité de son image, la captation de l’instant ou du mouvement, un support nécessaire à l’expression dramatique de son sujet. Comme si ce dernier ne pouvait se révéler que par l’image dans laquelle Salgado le fige. Pour cela, le photographe ne cherche jamais le sensationnalisme (le comble de l’indignité pour un photo-reporter). Il vise toujours, souvent au prix de patients efforts en immersion, le contenu informatif, la dramaturgie qui nous parle. Que nous soyons au fond de la mine d’or de Serra Pelada, sur les champs de puits de pétrole en feu d’Irak, en pleine famine au Sahel ou au cœur des forêts congolaises lors du génocide des Tutsis, il y a toujours quelque chose dans l’image – cadrage, lumière, détails – qui, au-delà de tout jugement esthétique, nous alerte ou nous saisit, nous stupéfie ou nous indigne.
Et c’est précisément là que le documentaire de Wenders intervient, et remplit pleinement sa fonction pédagogique. Égrenant les étapes de la carrière de l’ex-photojournaliste, la caméra s’approche des photographies, recadre souvent un élément, traque un effet, souligne un mouvement, étudie un détail qui nous saute soudain aux yeux par l’effet redoublé du grand écran. La caméra se fait alors proposition de lecture en guidant notre regard. Elle interroge l’immobilité des images, nous dit ce qu’elle raconte du geste arrêté, et ce qu’elle contient de charge émotionnelle.
Montrer la misère
L’enjeu majeur de ce film qui regarde le travail d’un homme qui regarde le monde est finalement de chercher à nous montrer pourquoi nous sommes touchés par les clichés de Salgado. Bien sûr, il y a les sujets, souvent âpres, parfois à la limite du supportable, qui choquent le regard. On pense notamment aux photographies des agonisants du Sahel (clichés-palimpsestes qui nous ramènent aussi aux heures les plus sombres du siècle). Une question éthique se pose alors, qui n’est jamais vraiment formulée et qui traverse tout le film (Wenders est ici hors du jugement) : comment montrer la misère la plus effroyable quand on est photographe ? Si l’approche de Salgado est frontale et dure, elle n’est jamais vile ; l’homme n’est pas voyeur de son sujet. Voyant plutôt. Il ne se situe jamais dans le pathos, même s’il ne cherche pas à éviter l’émotion. Ses photographies nous disent qu’il ne saurait y avoir d’images taboues dès lors que l’humanité est menacée de destruction et que celles-là peuvent contribuer à la préserver. La valeur esthétique qu’elles contiennent, et que l’on a parfois reprochée à leur auteur (on peut regretter que le film reste muet sur le sujet), participe aussi de cet effort et de la prise de conscience collective. Aussi le choix du noir et blanc n’est pas anodin. Il contribue à un dynamisme des formes inversement proportionnel à sa sobriété. Son rendu particulier évoque une rugosité qui touche, qui a rapport au concret, à la réalité des choses et de la vie. La composition plastique, la recherche de l’effet constituent des moyens destinés à « saisir » le spectateur, à fixer son attention, à véhiculer du sens qui s’adresse à son intelligence pour mieux appréhender les sujets sensibles.
La qualité esthétique des clichés de Salgado est précisément ce qui permet de dépasser le sujet brut, de s’approprier un peu de ce qui nous échappe pour y faire face, pouvoir le regarder et l’affronter.
L’acte photographique
Wenders a la politesse de s’effacer derrière les images éloquentes de Salgado. Son but n’est pas de gloser, mais de s’approcher un peu du mystère de la prise de vue, cet acte quasi indéfinissable tant il repose sur la brièveté de l’instant, le hasard d’une intuition, d’un geste, d’une lumière, etc. Pour y parvenir, le cinéaste s’appuie d’abord sur les images de son coauteur Juliano Ribeiro Salgado, où l’on voit le photographe en action, ici sur une plage de l’Arctique en pleine reptation vers une colonie de morses, là dans la forêt amazonienne face à la tribu des Zo’é. Résultat : le bon point de vue est non seulement une question d’angle, d’approche et de relation de confiance avec l’environnement, mais aussi de distance, tant physique que morale.
Moins anecdotique, Wenders inscrit Salgado lui-même dans son dispositif pour tenter de cerner sa technique de travail. Pour cela, il se sert du cinéma en laissant Salgado seul devant les planches de ses propres photos et dans lesquelles il se reflète, créant ainsi une surimpression naturelle d’images. Salgado se retrouve alors face à lui-même, à son art et dans son art qu’il analyse ou qu’il éclaire d’anecdotes, effectuant un voyage à la fois dans le temps et dans l’espace, commentant le passé dans l’espace du présent, contraint d’aller à la rencontre de lui-même, de puiser dans la mémoire visuelle l’expérience souvent douloureuse du corps d’autrefois. Contrechamp des images, la voix de Salgado offre alors quelques pistes de lecture de son œuvre, mais elle permet aussi de découvrir un homme qui a fini par se détourner des souffrances du monde. Vaincu (après sa couverture du conflit au Rwanda en 1994). Anéanti. Pour renaître, il s’est tourné vers un autre combat, écologique celui-là. Parallèlement à Genesis, vaste projet à la gloire des beautés naturelles, animales et humaines qui l’a mené aux quatre coins de la planète durant huit ans, il s’est lancé dans un ambitieux programme de reforestation, créant à la fois une réserve naturelle et une ONG (Instituto Terra) au service de la restauration de l’écosystème forestier.
Extrait du dossier pédagogique du réseau Canopé
Outils
Dossier pédagogique du réseau Canopé :
www.eduscol.education.fr/pjrl/films/pjrl-2015/canope-2014-2015/le-sel-de-la-terre
Dossier pédagogique du site Zerodeconduite.net :
www.zerodeconduite.net/leseldelaterre/dossier_pedagogique.html
Dossier de presse, dossier pédagogique et vidéos sur le site du distributeur :
www.le-pacte.com/france/catalogue/detail/le-sel-de-la-terre