Delphine et Carole, Insoumuses

France (2021)

Genre : Documentaire

Écriture cinématographique : Documentaire

Lycéens et apprentis au cinéma 2025-2026

Synopsis

Portrait, composé pour l’essentiel d’images vidéo des années 70, de la documentariste Carole Roussopoulos et de l’actrice et réalisatrice Delphine Seyrig qui, avec la réalisatrice Ioana Wieder, ont fondé en 1975 le collectif Les Insoumuses puis, en 1982, le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir dont la mission était de mettre « au cœur de leurs objectifs la conservation et la création des documents audiovisuels qui ont alors pu être recensés concernant l’histoire des femmes, leurs droits, leurs luttes, leurs créations ».

Générique

Réalisation : Callisto McNulty
Scénario : Callisto McNulty, Alexandra Roussopoulos et Géronimo Roussopoulos
Son : Philippe Ciompi
Montage : Josiane Zardoya
Musique : Manu Sauvage
Production : Les Films de la Butte

Autour du film

DELPHINE ET CAROLE, INSOUMUSES raconte les engagements féministes et la rencontre entre la mythique actrice française Delphine Seyrig de BAISÉS VOLÉS de François Truffaut (1968), PEAU D’ÂNE de Jacques Demy (1970) et JEANNE DIELMAN de Chantal Akerman (Cannes, 1975), et la pionnière vidéaste franco-suisse Carole Roussopoulos.

À travers le portrait de ces deux complices intrépides, et leur utilisation subversive et militante de la vidéo et du cinéma, le film retrace également la période du féminisme « enchanté » des années 70, marquée par un humour mordant et une énergie créatrice.

Le film est ancré dans un héritage à la fois historique et personnel, ce qui me donne l’occasion de dialoguer avec la vision et l’oeuvre de ma grandmère Carole Roussopoulos. En effet, le point de départ du film a été le dernier projet entrepris par Carole Roussopoulos, peu avant sa mort en 2009. Elle avait initié un film documentaire d’archives sur son amie et « compañera » féministe, Delphine Seyrig. Dans les notes qu’elle a laissées, Carole explique comment elle s’est sentie obligée de rendre hommage à cette muse désobéissante, dont l’engagement féministe et les réalisations en tant qu’actrice devaient être reconnus et célébrés.

Inspirée par sa vision, j’ai décidé de reprendre le projet, accompagnée de ma mère Alexandra Roussopoulos et de mon oncle Géronimo Roussopoulos. Fidèle à la devise humaniste de Carole – donner la parole à ceux qui sont réduits au silence et laisser les gens parler pour eux-mêmes -, j’ai décidé de n’utiliser que des images d’archives : des photographies, des extraits de leurs films et vidéos, ainsi que des interviews. Delphine et Carole se racontent elles-mêmes.

J’ai découvert une interview fascinante de 12 heures (réalisée par Hélène Fleckinger en 2007 et 2008), dans laquelle Carole parle de son travail de cinéaste, du mouvement féministe et de sa chère amie Delphine. Je me suis sentie obligée d’inclure la présence et la voix puissante de Carole dans cette histoire.

Delphine et Carole se sont rencontrées en 1974, à Paris. Ayant acheté la deuxième caméra vidéo vendue en France en 1969 (Godard aurait acheté la première), Carole Roussopoulos était déjà politiquement engagée, documentant des luttes, comme celle du mouvement lesbien et gay (le F.H.A.R.) ou celle du Black Panther Party. Elle a fondé le premier collectif de vidéo militante en France, « Video Out », en 1970.

L’ambivalence de Delphine Seyrig envers le jeu d’acteur – sa compréhension des rôles sexués et stéréotypés, de la relation de pouvoir avec les réalisateurs et les producteurs – l’avait conduite au studio où Carole donnait des ateliers vidéo à un groupe de femmes. C’est là que Delphine a découvert le potentiel subversif du médium vidéo.

Lorsque Delphine Seyrig a frappé à sa porte, Carole n’a pas reconnu la célèbre actrice. Après l’atelier, elles se sont liées d’amitié et ont commencé à travailler ensemble sur différents films, dont MASO ET MISO VONT EN BATEAU (1976) et SCUM MANIFESTO (1976). Elles ont co-fondé le collectif vidéo féministe « Insoumuses » (un jeu de mots avec « muse » et « insoumise »), et ont créé avec Ioana Wieder en 1982, le Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, premier centre d’archives rassemblant des oeuvres audiovisuelles de femmes sur les femmes.

Le documentaire DELPHINE ET CAROLE, INSOUMUSES retrace les trajectoires marquantes des deux femmes – à travers la vidéo et le cinéma -, leur rencontre dans le contexte de la décennie du féminisme enchanté du début des années 1970 jusqu’en 1982. Elle met également en lumière l’émergence de la vidéo comme un outil de création et d’émancipation, un nouveau média sans Histoire, dont les femmes se sont senties libres de s’emparer.

À travers ce film, j’ai voulu célébrer leur rencontre car la collaboration et la communication étaient pour elles un moteur de changement pour bouleverser l’ordre des choses. Leurs films et leurs actions montrent comment l’humour peut devenir une arme de destruction massive du patriarcat !

Je souhaitais également saisir leur approche de l’activisme – une forme de fairyminisme – que je trouve inspirante car elle tourne autour des plaisirs de la vie, du flou du politique et du personnel, par opposition à quelque chose de sacrificiel. Comme l’explique Carole, elles n’ont pas « découpé leur vie en tranches de salami » : le travail, les actions, les amitiés se sont fusionnés et se sont nourris les uns des autres.

Entièrement réalisé à partir d’images d’archives, ce film avait pour but de tisser et de relier les images et les voix des femmes. L’écriture du film, qui consistait principalement à un travail de montage, a été un défi, et ma collaboration avec Josiane Zardoya, a été extrêmement précieuse. J’ai essayé de transmettre leur humour mordant et leur irrévérence par la confrontation de différents types d’images : extraits de leurs productions vidéo, films mettant en scène Delphine Seyrig en tant qu’actrice, interviews de femmes et photographies. Le cinéma, la vidéo et le féminisme se complètent ainsi et se font écho.

Les luttes féministes des années 1970 illustrées dans le film présentent des résonances frappantes avec les luttes des femmes d’aujourd’hui, qu’il s’agisse des rôles stéréotypés attribués aux femmes et aux actrices en particulier (comme la loupe à travers laquelle le sexisme et le racisme peuvent être examinés), des relations de pouvoir sur le lieu de travail et dans l’espace domestique, les droits reproductifs ainsi que les droits des lesbiennes et des prostituées.

Je crois que l’énergie créative et contagieuse de Delphine et Carole constitue une source d’énergie dans laquelle nous pouvons puiser notre force. Le modèle d’engagement politique et de radicalisme joyeux qu’elles incarnent est plus important que jamais, surtout à une époque marquée par le rejet des soi-disant « rabat-joie féministes ».

Préserver leur mémoire ne contribue donc pas seulement à l’Histoire – ou plutôt à l’histoire des femmes, écrite par la femme -, elle nous fournit également des informations et de l’énergie, dont on peut tirer des enseignements et de la confiance.

— Callisto McNulty