Synopsis
Une jeune fille malienne, Batrou, fille du gouverneur de Bamako, vit une idylle avec Bâ, petit-fils d’un chef traditionnel, Kansaye. Au cours d’une manifestation pour protester contre la manipulation des résultats du Bac, Batrou et Bâ sont arrêtés. Après la mort en prison d’un ami de Bâ, le gouverneur libère les étudiants, à l’exception de Bâ. Kansaye appelle les esprits, en vain, et rejoint alors les manifestants dans les rues. Devant ce désordre, le ministre de l’Intérieur demande au président de remplacer les gouverneurs militaires et de libérer Bâ.
Distribution
Trois générations organisent le récit : les grands-parents, les parents et les enfants. Cela permet de montrer trois points de vue, d’époques et de mentalités différentes.
Kansaye et sa femme, les grands-parents de Bâ, représentent la tradition. Mais Kansaye montre aussi que le pouvoir traditionnel, magique, ne peut plus rien contre un monde en plein chaos.
Sangaré, le père de Batrou, joue habilement de la tradition et de la modernité pour justifier l’autoritarisme et masquer la corruption du pouvoir militaire à Bamako.
Agna, la troisième épouse de Sangaré, symbolise la femme africaine affranchie. Elle échappe partiellement à la tradition et incarne un certain arrivisme social lié à son rôle de favorite. Bâ et Batrou forment un couple entre l’adolescence et l’âge adulte. Bâ nous est présenté comme un oisif et un jouisseur. Son attitude reflète le laisser-aller de sa vie, sans père, et la pauvreté de son milieu social. Batrou, appartenant à la classe dirigeante, incarne une forme de jeunesse qui refuse tout embrigadement et cherche sa voie sur un mode plus personnel. Bâ et Batrou forment de ce fait un couple très attachant : l’antagonisme social et culturel de leurs familles est patent mais leur intimité vient donner raison à cette relation.
Seydou, copain de Bâ, joue dans Le Vent le rôle de victime expiatoire : c’est sa mort qui dénoue le drame, comme dans la tragédie classique.
Générique
Titre original : Finyé
Réalisation, scénario et dialogues Souleymane Cissé
Image Etienne Carton de Grammont
Son Jean-Pierre Houel et Michel Mellier Scripte Fanta Traoré Montage Andrée Davanture
Décors Malick Guissé
Interprétation
Bâ Fousseyni Sissoko
Batrou Goundo Guissé
Sangaré Balla Moussa Keïta
Kansaye Ismaïla Sarr
Agna Oumou Diarra
Seydou Ismaïla Cissé
la mère de Batrou Massitan Ballo
la grand-mère de Bâ Dioncounda Koné
Durée 1h40
Sortie à Paris 20 avril 1983
Autour du film
Point de vue du rédacteur, Frédéric Sabouraud
Comme tous les grands cinéastes, Cissé sait utiliser le drame, pas seulement pour émouvoir le spectateur mais aussi pour le faire réagir, éveiller sa conscience. Ainsi, dans Le Vent, Cissé refuse de dénouer par un happy end l’antagonisme social qui empêche la liaison entre Bâ et Batrou, et refuse de même de transformer la révolte étudiante en triomphe. A la fin du film, le vent tourne : le gouverneur est destitué et Bâ sort de prison. Mais tout contribue à ce qu’on sente combien cette victoire est éphémère, fragile et même un peu volontariste. Ce qui est une manière de dire deux choses en même temps : d’une part que la réalité impose d’envisager une fin sans grand espoir pour les étudiants, pour Bâ et Batrou. D’autre part, que le cours des choses peut être inversé, si une croyance accompagne notre regard. Cette croyance, Cissé nous la donne à travers la force de vérité des personnages, des corps, des situations. Son film se libère du scénario et de l’intrigue pour capter la réalité des êtres dans l’espace où ils s’inscrivent, dans le monde où ils vivent, et aussi dans leur imaginaire. Le recours, par Cissé, à des acteurs non professionnels, la grande liberté qu’il s’octroie au tournage par rapport au scénario initial et sa maîtrise parfaite du découpage lui permettent de porter son film bien au-delà du récit, très simple, qui en est la base.
Pistes de travail
Il est intéressant d’examiner la manière dont le cinéma de Cissé s’empare des traditions et des mythes par rapport à l’essentiel de la production africaine. Certains réalisateurs se réfugient dans l’imaginaire, l’onirisme, pour ne pas aborder les problèmes de l’Afrique contemporaine, tandis que d’autres nient l’importance de ces mythes au non d’un discours qui se veut moderniste et qui rompt toute continuité historique et culturelle. Cissé invente sa propre synthèse, d’abord de manière assez classique, à travers le personnage du grand-père de Bâ. Kansaye représente la caste des anciens, des intercesseurs avec les esprits. De cette croyance-là, Cissé enregistre le déclin. Mais il ne nie pas pour autant le besoin de spiritualité du monde. A travers la jeunesse et ses liens mystérieux avec les mythes anciens (l’enfant à la calebasse), il montre que l’être a toujours besoin d’une croyance, qui peut désormais s’exprimer d’une manière plus libre, comme un rêve personnel.
Mise à jour : 16-06-04
Expériences
Le Vent est le troisième long métrage de Souleymane Cissé, après La Jeune Fille et Le Porteur. La montée dramatique, comme dans Le Porteur, mêle des conflits individuels à un conflit collectif (ici la colère étudiante, auparavant celle des ouvriers d’une usine) et relie mythes anciens et présent de l’Afrique. Le film suivant de Cissé, La Lumière (Yeelen), tourné en 35mm, marque un retour au récit traditionnel africain avec des moyens techniques plus importants, qui mettent en évidence la beauté du travail du cinéaste sur l’image. Le Temps (Waati), tourné en 1995, se veut plus ambitieux encore : l’intrigue se déroule sur plus de vingt ans et se situe dans plusieurs pays d’Afrique, notamment en Afrique du Sud, sous l’Apartheid. Le regard de Cissé prend la mesure d’un continent et de sa diversité
Outils
Bibliographie
Cinéma d'Afrique noire francophone, André Gardies, Ed. L'Harmattan, 1989.
Les cinémas d'Afrique noire : le regard en question, Olivier Barlet, Ed. L'Harmattan, 1996.