Roi et l’Oiseau (Le)

France (1979)

Genre : Conte

Écriture cinématographique : Film d'animation

École et cinéma 2004-2005

Synopsis

Charles V et Trois font Huit et Huit font Seize règne en tyran sur le royaume de Takicardie. Il malmène la famille de l’Oiseau – brillant parleur au plumage coloré, et narrateur de cette histoire – et fait disparaître dans des trappes tous ceux qui lui déplaisent. Une nuit, dans la chambre du Roi, trois tableaux – le sien et ceux d’une charmante Bergère et d’un Petit Ramoneur – s’animent et prennent vie. La Bergère et le Ramoneur s’aiment, mais le Roi du tableau a juré d’épouser la Bergère avant minuit.
Juste avant l’heure fatidique, les deux amoureux s’enfuient par la cheminée. Le « vrai » Roi s’éveille, mais il est vite éliminé par le Roi du tableau, qui lance toute la police du Royaume à la poursuite des fuyards. Mais ceux-ci sont aidés par l’Oiseau, qui a plus d’un tour dans sa poche… Cependant, un gigantesque Robot, au service du Roi, capture le trio alors qu’il a réussi à atteindre la ville basse…

Distribution

Le Roi et l’Oiseau présente une véritable galeries de portraits récurrents, propres aux films de Paul Grimault. La figure du roi, emblématique, apparaît à multiples reprises précédemment, à visage découvert ou sous différents masques : notamment dans La Flûte magique (un roi rondouillard) et dans Le Petit Soldat (incarné par le Diable).
Celle du jeune homme fluet et modeste est présente dès les Passagers de La Grande Ourse (1941) ou encore dans Le Voleur de paratonnerres (1944). Tous deux annoncent le Ramoneur. Cette figure est rejointe, dans Le petit Soldat, par la poupée : prélude au personnage de la Bergère. On peut même dénicher dans cette galerie des ancêtres un lointain cousin au Robot : c’est Firmin, le valet de chambre-robot (les Passagers de La Grande Ourse).
Quant à l’Oiseau, lui aussi possède une sérieuse anthologie : il est quasiment partout, sous formes multiples, sans nécessairement occuper le rôle symbolique que lui donne Le Roi et l’Oiseau, celui de la liberté. Est-ce cela qui a attiré Jacques Prévert, pour qui l’oiseau tint toujours une place de choix?

Générique

Réalisation : Paul Grimault
Scénario : Jacques Prévert et Paul Grimault, d’après le conte d’Andersen, La Bergère et le Ramoneur
Dialogues : Jacques Prévert
Image : Gérard Soirant
Musique : Wojciech Kilar
Chansons : Joseph Kosma (musique), Jacques Prévert (paroles)
Animation : Gabriel Allignet, Marcel Colbrant, Alain Costa, Guy Faisien, Henri Lacam, Philippe Landrot, Philippe Leclerc, Franco Milia, Bernard Roso, Alberto Ruiz, Jean Vimenet, Pierre Watrin, Coraline Yordamlis
Voix des personnages : Jean Martin (l’Oiseau), Pascal Mazzotti (le Roi), Raymond Bussières (le Chef de la police), Agnès Viala (la Bergère), Renaud Marx (le Ramoneur)…
Production : les Films Paul Grimault, les Films Gébé, A2
Distribution : les Grands Films Classiques
Durée : 87 minutes, couleur, 35 mm
Tournage : 1947 – 1950 / 1977 – 1979
Sortie à Paris : 1980

Autour du film

Le deuxième Roi est une réduction caricaturale, diabolique et sur-active du premier. Il exalte certains de ses traits de caractère : la vanité, l’égotisme et la mégalomanie. Le premier Roi est plus apathique, moins entreprenant. Il a des états d’ame. Sa bêtise est grande mais son malheur aussi : il souffre de solitude et d’ennui. Son arrivée dans son appartement secret et les moqueries incessantes de l’Oiseau mettent explicitement en scène ce trait de caractère. Mal dans sa peau, le Roi ne se supporte presque plus.
Le basculement d’un personnage à l’autre tient peut-être à cette « impasse psychologique » : ne se supportant plus, le Roi enfreint successivement deux tabous, qui tous deux renvoient aux superstitions liées aux représentations anthropomorphes. Il brise une première fois sa propre image dans le miroir, puis le miroir lui-même. Il porte ensuite atteinte à sa propre représentation picturale en modifiant le jeu de son regard. S’il ne peut admettre son strabisme, n’est-ce pas précisément parce que celui-ci est la symbolisation de son point de vue égoïste et mégalomaniaque? De la même manière que le Roi a créé l’univers du Royaume de Takicardie, c’est son double, sa maladie, qui en provoque la destruction complète. Rien à voir avec une vision « gentiment anarchiste », comme l’ont dit certains. Le Roi et l’Oiseau est tout simplement la mise en scène symboliste et cocasse de la paranoïa du pouvoir, d’un pouvoir non désigné, envisagée comme maladie mentale et dont le strabisme du Roi n’est que le symptôme.

Vidéos

Le « travail à la chaîne » dans l’usine d’effigies du Roi

Catégorie :

« La révolte à l’usine » par Jean-Pierre Pagliano

Pistes de travail

Nous retenons huit pistes principales suggérées par le film : la source du récit, son interprétation par Prévert, la construction scénaristique du film, les dialogues du film, l’analyse d’un de ses protagonistes principaux (le Roi), le travail du son, la piste plastique et la piste technique.

Le conte d’Andersen La Bergère et le Ramoneur (1845) offre la possibilité d’établir d’intéressantes comparaisons entre celui-ci et l’adaptation du Roi et l’Oiseau. Les premières comparaisons portent naturellement sur la structure narrative.
L’interprétation de Jacques Prévert spécule sur les possibles détournements de sens du récit initial. Il s’agit d’un jeu de destruction et de re-construction autour du texte d’Andersen.
Globalement, l’armature générale du scénario est facile à reconstituer. Le prologue et l’épilogue, qui appartiennent à l’Oiseau, transforment tout le récit en un immense flash-back.
Les jeux de la langue et les mots de Prévert retiendront aussi l’attention ainsi que le dédoublement du Roi, qui est sans doute le personnage le plus complexe et le plus passionnant à étudier.

Mise à jour : 17-06-04

Expériences

Le Roi et l’Oiseau, s’il est presque devenu aujourd’hui un film-culte, est aussi un film-témoin de l’histoire du cinéma d’animation français. Peut-être parce que sa conception, ses auteurs, son parcours sont atypiques : Le Roi et l’Oiseau, premier long métrage de dessin animé français en couleurs, né en 1945 d’une idée de Paul Grimault et Jacques Prévert, n’a véritablement vu le jour qu’en 1980, soit trente-cinq ans plus tard! Trente-cinq ans de pérégrinations qui font du Roi et l’Oiseau un cas historique.
Historiquement, le film focalise à la fois la rencontre de Paul Grimault et Jacques Prévert (Le Petit Soldat, 1947), l’annonce d’une stylistique nouvelle, une tentative de création d’un grand studio d’animation français, une attitude exemplaire de défense de l’intégrité d’un projet cinématographique. C’est beaucoup pour un seul film.
C’est dire aussi qu’au-delà des anecdotes – et elles ne manquent pas – sur la création du film, Le Roi et l’Oiseau est devenu, sans doute à son corps défendant, un symbole de tout un pan de l’histoire du cinéma d’animation français.

Outils

Bibliographie

Le roi et l'oiseau, Paul Grimaut, Ed. Gallimard, 1980.

Traits de mémoire, Paul Grimaut, Le Seuil, 1991.
Paul Grimaut, Jean-Pierre Pagliano, L'Herminier, 1986.
Paul Grimaut artisan de l'imaginaire, catalogue de l'exposition du Palais de Tokyo, 1991.

Le dessin animé français, Raymond Maillet, Institut Lumière, 1983.
Le Dessin animé. Histoire, esthétique, technique, Joseph-Marie Lo Duca, Ed. Prisma, 1948.
Le dessin animé après Walt Disney, Robert Benayoun, Ed. Pauvert, 1961.
Encyclopédie du cinéma, Roger Boussinot, Ed. Bordas, 1980.
Le cinéma d'animation 1892-1992, Giannalberto Bendazzi, Ed. Liana Levi, 1991.

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