Synopsis
Solène, apprentie coiffeuse, décide de changer de coiffure. A-t-elle raison de se mettre entre les mains de ses camarades plutôt désinvoltes ? Ne va-t-elle pas à la catastrophe ? Fort heureusement le professeur, bien que débonnaire, veille au grain. Sur fond de bavardages, rires et chansons, nous partageons les craintes de Solène, puis nous assistons à sa métamorphose.
Générique
Cinq courts métrages Collège 2005-2006
Réalisation : Caroline Vignal
Scénario : Caroline Vignal
Image : Pascal Lagriffoul
Son : Xavier Griette
Montage : Annick Raoul
Mixage : Jean-Paul Hurier
Production : TS Productions
Film : Son mono, film 35 mm (1/1,66)
Couleur
Film : Son mono, film 35 mm (1/1,66)
Durée : 11 mn
Interprétation
Stéphanie Montjourides, Bernard Menez, Selma Attafa, Aurélie Chenal, Nathalie Gibiot, Amelle Lazouguen, Stéphanie Jaubert, Nil, Edouard Vignal, Jennifer Gasquet, Laura Serloreti, Kim Ngo, Zhora Touati.
Autour du film
À travers le personnage de Solène, apprentie coiffeuse, Caroline Vignal dresse le portrait émouvant et mélancolique d’une adolescente mal dans sa peau qui, en changeant de coiffure, tente de se rapprocher de ses camarades de formation.
Mais, l’intérêt du film réside moins dans les faits que dans la manière dont Solène vit intérieurement la scène. D’où l’importance du point de vue de l’héroïne qui nous est donné à sentir tout au long du film grâce aux expressions discrètes de son visage et, surtout, grâce à l’orientation de son regard.
Au début du film, la jeune fille fait mine de feuilleter une revue mais, en réalité, elle observe discrètement ses camarades en train de ricaner. Le spectateur qui voit la scène de l’autre côté du miroir peut observer les coups d’œil furtifs et fuyants lancés dans la glace par la jeune fille qui guette sans oser l’affronter le regard des autres. Solène ne soucie pas tant de son propre reflet comme de l’image que les autres lui renvoient d’elle-même. Et ce n’est que lorsque la coiffeuse Jamila formule son opinion – “Ça lui va bien ” – qu’elle parvient à lever les yeux puis à échanger un sourire avec sa camarade.
C’est à partir de jeux de détails subtils dans le cadrage et la mise en scène que la réalisatrice va nous faire sentir l’évolution psychologique de Solène. Dans toute la première moitié du film qui précède le malheureux coup de ciseaux, Caroline Vignal souligne l’opposition entre la jeune fille complexée, passive, silencieuse et le groupe de pimbêches délurées, dissipées et très bruyantes. Le film s’ouvre sur un plan général. On découvre des pipelettes pouffant de rire et parlant fort qui monopolisent aussi bien la bande son que l’écran. Puis la caméra se fixe sur Solène en gros plan, le visage triste et fermé. La bande des filles apparaît désormais en arrière-plan, flou. La juxtaposition des deux plans souligne l’isolement de l’héroïne qui est d’emblée montrée à part. Le contraste est renforcé par le mutisme de Solène qui ne prononce pas un mot lorsqu’elle soumet un modèle de coiffure au professeur. On la voit ensuite de dos, épaules rentrées, face aux jeunes pimbêches extraverties qui n’ont pas la moindre envie de s’occuper de son shampoing et de faire un pas vers elle. Une fois encore Solène est en retrait. Ce n’est qu’à partir du moment où on commence à lui couper les cheveux que Jamila, la coiffeuse, va venir s’interposer entre l’arrière plan grouillant et Solène. Désormais l’espace n’est plus scindé en deux. Au début Solène est seule au premier plan, face au spectateur, dans un espace qui lui est réservé. Puis, au milieu du film, cet espace s’ouvre tout à coup. La tête enduite d’une crème rose, Solène apparaît au centre du groupe. Elle est assise au côté de ses camarades. Même si elle continue à se taire, elle commence à esquisser quelques sourires. Un premier signe d’intégration qui précède la reconnaissance finale. Si l’on compare le début et la fin du film, on s’aperçoit que Solène est parvenue à imposer à l’écran sa présence au sein du groupe. Alors que le plan général d’ouverture excluait la jeune fille du champ, le film se ferme sur un nouveau plan général où celle-ci s’éloigne avec ses camarades. Son changement de tête a mis un terme à sa solitude.
Pistes de travail
Demander aux élèves de décrire leurs réactions par rapport au personnage de Solène (son choix initial, son attitude lors des phases successives de la coupe et de la permanente…).
Essayer de comprendre ce qui a pu provoquer ces réactions : a) Jeu de l’actrice (chercher les plans significatifs de l’évolution) b) Son regard sur les autres. Ses réactions par rapport aux autres. c) Rôle des couleurs (s’intéresser particulièrement au jaune ; pourquoi le générique est-il en lettres jaunes sur fond photographique noir & blanc ?). d) Mise en scène : dessiner le plan du plateau de tournage (en fait, le salon de coiffure), puis indiquer sur ce plan les principales positions de caméra. Montrer comment sont utilisés les différents espaces. Fonction des miroirs.
Revenir à la première question (comment les élèves se sont “projetés” dans le film) et faire prendre conscience aux élèves du “travail” du film proprement dit (en fait, la mise en scène) sur ce monde particulier des apprenties coiffeuses, et sur le rôle du paraître dans nos sociétés contemporaines.
Fiché réalisée par Caroline Lebrun et Jacques Petat
3 octobre 2005
Expériences
La femme et son image
Dans un article sur la chevelure extrait de L’obvie et l’obtus, Roland Barthes explique : « La coiffure accessoire majeur (…) est cela même par quoi l’artiste essaye sur le corps féminin les transformations dont il a besoin pour élaborer, tel un alchimiste, un objet nouveau, ni corps ni vêtement, participant néanmoins de l’un est de l’autre ». Dans Solène change de tête, la coupe de cheveux est hautement symbolique. La réalisatrice se sert de cet artifice pour montrer la métamorphose qui s’opère silencieusement chez son héroïne.
Au cinéma, les cheveux sont souvent utilisés comme signe extérieur d’une transformation intérieure. Dans Vacances romaines de William Wyler, par exemple, la jeune Princesse Anne, incarnée par Audrey Hepburn, se coupe les cheveux pour mieux renoncer au protocole rigoureux que l’étiquette lui impose. En changeant de coiffure, elle décide de devenir elle-même et ne veut plus correspondre à l’image figée et contrainte de la princesse soumise qu’elle était. Sa coupe de cheveux est aussi un moyen pour elle de rompre avec son isolement. Elle lui permet de se fondre à la masse et de disparaître dans la ville plus facilement. Grâce à ce changement physique, Anne désire s’apparenter aux jeunes femmes à la mode de son époque et pouvoir ainsi s’évader « incognito » avec son amant, le beau journaliste Joe Bradley, interprété par Gregory Peck. Dans Solène change de tête, la coiffure est aussi un moyen pour la jeune fille de changer d’apparence en vue d’être traitée différemment. Comme dans Vacances romaines, l’objectif est double. Il s’agit non seulement de couper avec une image dans laquelle les deux jeunes femmes ne se reconnaissent plus mais aussi de ressembler aux icônes de mode de leur époque pour être comme les autres. Dans Solène change de tête, le générique défile sur une série de portraits féminins qui sont autant de modèles auxquels les jeunes adolescentes aspirent à ressembler. La coiffure est un moyen de se mettre à la mode. Anne espère ainsi faire oublier qu’elle est une Princesse. Solène, quant à elle, cherche à gommer son apparence d’enfant pour mieux s’intégrer à son groupe de copines.
Outils
Bibliographie
Une encyclopédie du court métrage français, Jacky Evrard et Jacques Kermabon, Ed. Yellow Now, 2003.
Vidéographie
Cour(t)s de cinéma
DVD. Programme comprenant les 5 films inscrits dans le dispositif Collège au cinéma 2005/2006, ainsi que des analyses, des interviews, des fiches pédagogiques téléchargeables, et des courts métrages complémentaires.
DVD disponible au prix de 28 € dans les boutiques des CRDP et sur le site : crdp.ac-lyon.fr.