Synopsis
Confrontés à la faillite de leur entreprise de lingerie, des salariés – majoritairement des femmes – tentent de la reprendre sous forme de coopérative. Au fur et à mesure que le projet prend forme , ils se heurtent à leur patron et à la « réalité » du marché. L’entreprise devient alors un petit théâtre où se jouent sur un ton espiègle, entre soutiens-gorge et culottes, des questions fondamentales économiques et sociales. Les salariés découvrent dans cette aventure collective une nouvelle liberté.
Générique
Réalisation : Mariana Otero
Image : Mariana Otero
Montage image : Anny Danché
Son : Pierre Carrasco
Montage son : Cécile Ranc
Musique : Fred Fresson
Production : Archipel 33
Distribution : Diaphana distribution
Couleurs
Durée : 1h28
Sortie en France : 6 octobre 2010
Autour du film
Scop ou pas Scop ? Leur entreprise de lingerie féminine, pas loin d’Orléans, est en dépôt de bilan et les employés s’interrogent. Pourquoi pas une « société coopérative de production » ? Pourquoi ne pas prendre en main leur destin ?… Bien sûr, certains sont résolument contre. D’autres hésitent : il leur faudra verser « au moins » un mois de salaire au pot commun. Ça signifie quoi, ce « au moins » ? Les plus convaincus expliquent, discutent, argumentent. En dépit des craintes, chacun se met à rêver : au chômage évité, à un avenir possible, encore…
C’est cette utopie que filme Mariana Otero, sans le lyrisme du Duvivier de La Belle Equipe : le Front populaire est loin, désormais. Mais avec une sorte de ferveur simple, de délicatesse complice. Tout au long des semaines qui précèdent le « grand jour » – celui où l’on saura si la Scop est viable -, elle observe le fatalisme qui se mue, peu à peu, en cohésion. Cette petite entreprise qui, comme tant d’autres, fonctionnait par « clans » s’unifie, songe à innover (des couleurs plus vives pour leurs soutiens-gorge et leurs strings, des modèles plus audacieux pour reconquérir le marché), au point même de s’opposer à une contre-proposition du patron, qui leur offre de rester un « associé extérieur » ! Et puis, hasard ou coïncidence, un gros acheteur leur retire sa clientèle. Et les banques, toujours promptes à n’aider personne, se retirent du jeu. Au revoir, Scop ! Bye-bye, utopie !…
Soudain, au lieu de pleurer ou de gronder, les cinquante futurs chômeurs de cette entreprise définitivement foutue se mettent… à chanter. Comme dans un film de Jacques Demy. «Alors, adieu lingerie / D’hier et d’aujourd’hui / Ribambelles de satin / Jolis rubans de dentelle / Soutiens-gorge et culottes / C’en est fini de la Scop… » Révolte douce qui finit sur un espoir : d’autres, un jour, réussiront là où certains ont échoué… Moment mélancolique et magnifique.
Pierre Murat / Télérama 6/10/2010
Entre nos mains : lutte ouvrière dans la dentelle
Ceux qui l’ont vu se souviennent d’Histoire d’un secret (2003), de Mariana Otero, plongée à pic dans les eaux troubles d’une histoire familiale qui avaient englouti la mémoire de la mère de la cinéaste, disparue trente ans plus tôt. Depuis ce très beau documentaire dans lequel elle révélait la persistance du tabou qui continuait, au début du XXIe siècle, à recouvrir de son silence les ravages des avortements clandestins opérés dans les années 1960, Mariana Otero n’avait pas tourné – sauf comme actrice, des petits rôles à droite et à gauche.
Sept ans plus tard, elle revient avec Entre nos mains, un film social qui contraste, en apparence du moins, avec le précédent. Tourné près d’Orléans en 2009, alors qu’une fabrique de lingerie féminine (Starissima) venait de faire faillite, le film suit le processus par lequel ses employés s’organisent pour tenter de la racheter eux-mêmes et de la transformer en société coopérative ouvrière de production (SCOP).
Arrivée sur place au moment où une consultante extérieure encourage les cadres à mettre en œuvre le projet, Mariana Otero en a suivi la mue complexe. Pour que cette utopie sociale voie le jour, une majorité de salariés doit en effet s’y rallier et s’engager à investir individuellement une certaine somme d’argent. Dans un second temps, les banques se prononcent sur sa viabilité. Beaucoup d’inconnues entrent donc en jeu et entretiennent un suspense qui va croissant à mesure que les intéressés s’approprient le projet. Dans cette affaire, les ouvrières sont le nerf de la guerre et c’est naturellement qu’elles s’imposent comme les héroïnes du film.
Supérieures en nombre, elles sont celles qui ont le plus à perdre, mais aussi le plus à gagner, ce qui explique leur prudente évolution d’une défiance initiale à une adhésion plus ou moins unanime. Dans un dénouement que l’on se gardera de révéler ici, elles font basculer l’histoire, d’une manière aussi inattendue qu’émouvante, dans le registre de la comédie musicale.
Sans jamais jouer la familiarité avec ses personnages (jusqu’au bout, elle les vouvoie), Mariana Otero capte, petite phrase par petite phrase, la prise de conscience progressive d’une solidarité de destin, de classe, qui se transforme en une force de combat contre un patron, au moment où celui-ci cherche à reprendre la main. Au milieu des corsets, des dentelles, des rubans de soie, qui charrient, l’air de rien, entre les murs ternes de l’entreprise, une réserve de fictions inépuisable, ces femmes, d’abord réservées, affirment leurs personnalités, révélant des caractères forts, drôles, attachants.
Pour ces ouvrières – immigrées pour certaines -, chez qui une lucidité sur la nature des rapports de classes se conjugue avec le rêve, tout nouveau, de pouvoir peut-être s’en affranchir, la SCOP ne porte rien de moins qu’une révolution intime.
Et c’est cela qui intéresse l’auteur d’Histoire d’un secret. Le processus d’émancipation social qu’elle met en scène est avant tout sexué, au sens physique et politique du terme. Tout, ici, est féminin : des accessoires jusqu’aux hommes eux-mêmes, dont la virilité se dissout dans les marqueurs de leur univers professionnel. S’ils passent dans le film, les femmes, elles, restent. Que ce soit celle-ci, qui dit en riant qu’elle est entrée chez Starissima à la puberté et qu’elle en ressort à la ménopause, celle-là qui dit prendre ses décisions avec son mari, ou cette autre qui revendique au contraire son autonomie : « C’est moi qui bosse, c’est pas lui ! La décision, elle me revient.«
Isabelle Regnier / Le Monde 5/10/2010
Vidéos
Entretien avec Pierre Carrasco
Catégorie : Analyses de séquence
Pour Entre nos mains, l’équipe de tournage était très réduite : la réalisatrice Mariana Otero était derrière la caméra, simplement accompagnée de l’ingénieur du son Pierre Carrasco. Ce dernier revient sur le travail particulier de la prise de son en documentaire.
Cette vidéo peut être utilisée en complément du texte « montage sonore » en page 5 du livret enseignant Lycéens et apprentis au cinéma.
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Réalisation : Mélanie Loisel, Ciclic.
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