ARMENDARIZ Montxo

Réalisateur, Scénariste

Biographie

Né à  Olleta (Navarre) en 1949, Montxo Armendariz découvre, dès l’enfance, le cinéma chez les salésiens de Pampelune. Dans cette école de formation professionnelle, il devient un excellent élève qui participe avec intérêt aux activités théâtrales. Ses études le conduisent pourtant vers l’électronique qu’il enseigne, par la suite, dans la même école où il a poursuivi ses études. Ces années de formation font na’eetre en lui un fort sentiment d’enracinement dont l’essentiel de sa production sera le fidèle reflet. Grâce à  une caméra super 8, il peut tourner ses premiers essais sur des événements politiques ou culturels, marquant ainsi un engagement personnel qui le conduit en prison, en 1975, pour avoir manifesté contre l’exécution du militant anarchiste Salvador Puig Antich. Avec d’autres amateurs, il fonde une association afin de tourner des événements multiples de type sociologique, culturel et politique. Le caractère non professionnel de ce travail n’est pas totalement satisfaisant : « Sur le plan collectif, les rushes étaient montés et on projetait les films obtenus un peu partout. Sur le plan personnel, on montait de petites histoires avec des amis, qui faisaient office d’acteurs… Quelques petites tentatives pour raconter une histoire, mais limitées par le côté amateur, pas de lumière, pas d’interprétation, pas vraiment de montage… Une véritable frustration, par manque de moyens. » Depuis 1973, date à  laquelle il a abandonné ses activités professorales, Montxo Armendariz exerce de multiples métiers tout en se lançant dans la réalisation de plusieurs courts métrages. Barregarriaren dantza (1979), tourné en 35 mm, est réalisé grâce au soutien d’une coopérative et garde encore un caractère fortement amateur. Grâce aux prix obtenus à  Bilbao, il peut tourner, dans les mêmes conditions, Ikusmena (1980). Le cinéaste parvient à  intégrer le projet Ikuska, une série de documentaires sur « l’actualité permanente », et filme le numéro 11 sur la Ribera de Navarre. Poétique et personnel, Carboneros de Navarra (1981), enfin, capte l’existence des derniers charbonniers navarrais et annonce son premier long métrage, Tasio.

Le monde rural

Il y a dans le cinéma de Montxo Armendariz un attachement au monde rural dont le meilleur exemple reste sa première œuvre, Tasio (1984), qui s’inscrit assez naturellement dans le prolongement de ses courts métrages. S’inspirant de la vie authentique d’un des derniers charbonniers, le film, qui décline les quatre étapes de l’existence de Tasio (l’enfance, l’adolescence, la force de l’âge et l’âge mà»r), est rythmé par le cycle naturel des saisons. « Je crois que la plupart des choses sont cycliques. C’est une structure qui m’attire personnellement beaucoup car, du point de vue de la narration, elle te permet de mettre en valeur ou d’analyser les éléments qui ont pu avoir une influence dans cette histoire du début à  la fin. » Si la structure est parfaitement linéaire – type narratif habituel chez le cinéaste -, c’est pour mieux inscrire l’existence de Tasio dans un flux temporel qui donne au récit quelques colorations écologistes. Les monts d’Urbasa servent de décor à  cette vie qui semble vouloir échapper au temps et à  l’évolution inéluctable du monde rural qui fait de Tasio l’un des derniers survivants d’une époque révolue. Le charbonnier ne conna’eet que les lois de la nature et rejette celles que les hommes cherchent à  lui imposer, car il participe de l’ordre tellurique du monde. Du haut de la meule de la charbonnière, Tasio, aux allures prométhéennes, est le gardien du feu, et dans cette démarche élémentaire il rentre en correspondance avec la nature basque. Aussi a-t-on pu parler du caractère anthropologique de Tasio. Loin de toute emphase ou de tout excès, l’œuvre fait du paysage un véritable personnage de l’action, sans pour autant offrir une lecture excessivement politique de la réalité basque.

Les désarrois de la jeunesse

« Je voulais présenter le terrible nihilisme dans lequel était plongée cette jeunesse. La drogue était une forme de vie, une manière de se suicider lentement. [’85] Chez ces jeunes, aucune alternative, aucun espoir, pas de rêve. Sans projet idéologique ou professionnel, ils menaient une existence sans humanité, sans affection, sans rien du tout. » Cette jeunesse dont Montxo Armendariz dresse le portrait dans son deuxième long métrage, 27 horas, c’est celle qu’il a connue lorsqu’il vivait à  Renter’eda, près de Saint-Sébastien. Le passage de l’univers rural à  la métropole régionale – parcours porteur de sens dans les œuvres de Montxo Armendariz – conduit le cinéaste à  redéfinir la fonction de l’espace-temps dans un récit dont le titre est déjà  un rappel à  une temporalité. Vingt-sept heures, c’est la durée offerte pour voir Jon, le jeune donostiarra, glisser lentement vers une mort probable. Les amis, son amour pour Maité ne parviendront pas à  l’arracher à  sa destinée. Au-delà  des personnages et de leur tragique destin – Maité mourra d’une overdose -, c’est Saint-Sébastien qui est le lieu symbolique de cette mort lente. Dans une lumière toujours grise, la ville enserre les êtres humains dans le dédale de ses ruelles et les conduit également vers l »eele de Santa Clara, univers premier et virginal, mais lieu symbolique de la mort. Sans dresser un constat social, ni prendre jamais parti, 27 horas n’évoque la drogue que pour parler de la quête d’existence d’une jeunesse en désespérance. Terre et feu pour Tasio, eau pour 27 horas, le cinéma de Montxo Armendariz renvoie sans cesse aux principes élémentaires.

Né quelque part

Quatre lettres envoyées par un immigré clandestin à  sa famille articulent Las Cartas de Alou (Lettres d’Aloul). Toujours nomade, Alou le Sénégalais fait de ses déplacements un voyage initiatique qui le conduit à  s’installer dans une autre culture. Comme dans les deux films précédents, l’observation minutieuse de la réalité – utilisation de matériel vidéo – constitue la base de cette histoire de racisme et d’identité. Montxo Armendariz préfère ici encore les acteurs non professionnels pour incarner ses personnages. « J’ai toujours eu beaucoup de mal à  inventer une histoire de façon abstraite. J’estime que je dois absolument conna’eetre le matériau humain, les atmosphères et le comportement des personnages avec lesquels je dois travailler par la suite, sinon je me sens perdu. » à  l’instar de Tasio ou de Jon, Alou est un personnage épris de liberté, mais auquel il manque un point d’ancrage. Tantôt ouvrier agricole, tantôt vendeur ambulant, travaillant à  l’occasion dans un atelier clandestin de confection, Alou s’éprend d’une jeune Espagnole, tente d’obtenir une carte de séjour avant d’être expulsé. La construction cyclique de l’œuvre – le film s’ouvre et se clôt par un voyage du continent africain à  l’Espagne – contribue à  l’extraire d’un contexte temporel trop précis. Qualifié parfois de néo-réaliste, Las Cartas de Alou évite pourtant les écueils du film à  message pour offrir une chronique juste de l’immigration clandestine.

Une jeunesse désespérée

L’échec commercial de Las Cartas de Alou – malgré la Concha d’or obtenue à  Saint-Sébastien – vient freiner la carrière artistique du cinéaste. Montxo Armendariz se lance alors dans la réalisation d’un montage audiovisuel qui ne verra jamais le jour car le Pavillon des Découvertes de l’Exposition universelle de Séville, auquel il était destiné, est détruit par les flammes. Fidèle à  son producteur El’edas Querejeta, le cinéaste adapte le roman de José Angel Ma’f1as, Historias del Kronen. Dans le bar « Kronen », les jeunes boivent de la bière, consomment de la cocaà¯ne et vivent de brèves aventures amoureuses. Tout un univers dont le cinéaste se sent éloigné : « J’avais à  raconter une histoire avec laquelle je ne m’identifiais pas. J’ai donc essayé dès le début d’adopter l’attitude la plus froide, la plus distante et la plus objective possible. Mon intérêt pour l’histoire ne résidait pas dans les personnages, mais dans la possibilité de montrer une parcelle de la réalité, pour que les gens sachent que les jeunes qui demain occuperont des postes importants dans la société vivent ainsi aujourd’hui. »

Sans renoncer à  la linéarité de ses récits, Armendariz observe encore les comportements de la jeunesse et bâtit une réflexion sur les rapports qui s’établissent entre le réel et sa médiation vidéographique. Si la vidéo appartenait en quelque sorte à  la gestation même des œuvres antérieures, elle s’inscrit ici au cœur même du récit. Après Historias del Kronen, le cinéaste va reprendre un ancien projet, Las Voces de los muertos qui devient Secretos del coraz’f3n. (Jean-Claude Seguin)

Filmographie

Courts métrages

    • 1979 Barregarriaren dantza (13 min)
    • 1980 Ikusmena (14 min)
    • 1981 Ikuska 11 (10 min)
    • 1981 Carboneros de Navarra (27 min)

Longs métrages

    • 1984 Tasio (1 h 36)
    • 1986 Vingt-sept heures 27 horas (1 h 30)
    • 1990 Les lettres d'Alou Las Cartas de Alou (1 h 30)
    • 1995 Histoires du Kronen Historias del Kronen (l h 35)
    • 1997 Les secrets du cœur Secretos del corazon (l h 44)
    • 2001 Silencio roto
    • 2004 Escenario movil documentaire (1 h 30)
    • 2005 Obaba
    • 2010 N'aie pas peur No tengas miedo

Projets non aboutis

  • 1982 "D'edas de guardar" (d'après le roman de Carlos Pérez Merinero)
  • 1988 "La Montana es algo mas que una inmensa estepa verde" (d'après le récit autobiographique d'Omar Cabezas)
  • 1993 Scénario de "Jaur'eda" avec Alvaro del Amo et Carlos Pérez Merinero

Mise à jour le 22 avril 2009