CORMAN Roger

Cinéaste, Producteur, Réalisateur

Biographie

Producteur, réalisateur et scénariste américain, Roger Corman a obtenu un diplôme d’ingénieur, puis a passé quelque temps à Oxford pour étudier le littérature anglaise. Lorsqu’il revient aux Etats-Unis, il commence par écrire des scripts vers 1954. Furieux de la façon dont son travail est exploité, il se sert de ses premiers cachets pour investir dans la production d’une série B intitulée Monster from the Ocean Floor (Ordung, 1954), puis celle de The Fast and the Furious (Ireland, Sampson, 1954).

On lui doit plus d’une cinquantaine de films au titre de réalisateur, et 400 au titre de producteur, souvent des films à petit budget.

Formidable dénicheur de talents, il a lancé bon nombre de réalisateurs aujourd’hui reconnus comme Martin Scorsese, Ron Howard, Francis Ford Coppola, Joe Dante, James Cameron, le critique Peter Bogdanovich ou encore Jonathan Demme. Il a également fait de Vincent Price son acteur fétiche. Les films de Roger Corman font de Vincent Price un monument du cinéma d’épouvante. Il lança également Jack Nicholson en lui offrant ses premiers grands rôles au cinéma et en lui apprenant les ficelles du métier. Il diffusa par ailleurs aux États-Unis des films de réalisateurs étrangers comme Truffaut, Fellini et Bergman.

Ses réalisations sont majoritairement à classer dans la série B. Roger Corman avait un principe simple : un budget très faible, un salaire de misère, un sujet avec de l’action et une assez grande liberté pourvu que le budget ne soit pas dépassé. Finalement, les films étaient plus ou moins bâclés (fautes de raccords, micros dans le champ…), réalisés en moins de cinq jours, voire deux. Néanmoins, on trouve quelques réelles réussites, comme La Petite Boutique des horreurs, une comédie horrifique avec une plante carnivore parlante. Il s’est essayé à de nombreux genres, tel le film de gangster (Mitraillette Kelly, avec Charles Bronson en tueur plus vrai que nature), l’un de ses films les plus réussis, avec The Intruder.

Roger Corman rachète les droits du film soviétique La Planète des tempêtes réalisé par Pavel Klouchantsev, sorti en 1962, dont les séquences sont utilisées dans Voyage sur la planète préhistorique (1965) et pour le tournage du Voyage to the Planet of Prehistoric Women en 1968.

C’est le passionnant cycle Edgar Poe, dans une veine fantastique, qui a donné à Corman ses lettres de noblesse, et contribua à sa réputation en Europe. Pour la circonstance, il s’entoure d’une équipe de fidèles : l’écrivain Richard Matheson, ainsi que Charles Beaumont et Charles Griffith sont aux scénarios. Floyd Crosby, ancien opérateur de Friedrich Murnau, est de la partie. Pour les acteurs, Vincent Price qui est la star de ce cycle, Peter Lorre, Leo Gordon, Boris Karloff et Basil Rathbone sont sollicités.

Les histoires se déroulent dans de superbes décors de studio très colorés : manoirs hantés, paysages fantastiques, marécages envahis de brouillard, etc. La mise en scène est plus soignée que d’habitude, et Roger Corman, qui a œuvré pour un certain cinéma psychédélique (The Trip), affectionne les effets oniriques. La Chute de la maison Usher inaugure le cycle, Le Masque de la mort rouge, L’Empire de la terreur, La Chambre des tortures rendent parfaitement l’atmosphère de Poe. Le Corbeau transforme le poème original en une comédie burlesque, avec Price, Karloff, Lorre et le jeune Jack Nicholson, et s’achève par un duel de sorcellerie. Inspiré par Lovecraft, La Malédiction d’Arkham, avec un poème de Poe en ouverture et final, est une réussite. Ces films possèdent une certaine analogie avec les productions Hammer (Terence Fisher), mais avec un goût prononcé pour le théâtral et une mise en scène presque expressionniste.

Roger Corman, le pape de la série B

Fort de ces deux petites productions, Corman peut entrer dans la société dirigée par Samuel Z. Arkoff et James Nicholson nommée American Releasing Company, qui devient rapidement l’American International Pictures (AIP). Cette firme indépendante se spécialise dans la série B et offre à Roger Corman la possibilité de tourner son premier film en tant que réalisateur : le western Cinq fusils à l’Ouest (1955) avec Dorothy Malone.

Dès lors, il enchaîne les tournages à un rythme effréné, avec des budgets qui ne dépassent jamais 100 000 $ et un calendrier serré qui n’excède pas les quinze jours de tournage pour chaque film. Sur la quantité de longs-métrages tournés, il se permet même d’en réussir quelques-uns comme Not of This Earth (1956), film de science-fiction ironique, Sorority Girl (1957), War of the Satellites (1958), et Mitraillette Kelly (1958) qui lui permet de révéler un jeune acteur nommé Charles Bronson. Dans le kitsch Teenage Cave Man (1958), il révèle également l’acteur Robert Vaughn.

Les années 60 : petits films inspirés et cycle Edgar Allan Poe

De cette période de boulimie filmique, on peut encore mettre en avant Un baquet de sang (1959) et surtout La petite boutique des horreurs (1960) qui permet de révéler Jack Nicholson dans un rôle secondaire marquant. Toutefois, Roger Corman commence à réduire un peu le rythme des tournages en entamant un nouveau cycle en 1960.

Passionné par l’œuvre d’Edgar Allan Poe, Corman s’offre les services de scénaristes comme Richard Matheson ou Robert Towne pour adapter des histoires parfois très courtes de Poe et les mettre au goût du jour. D’ailleurs, certains films ne reprennent que quelques éléments de la nouvelle et développent donc des intrigues originales. Ce cycle Poe débute par La chute de la maison Usher (1960) qui donne la vedette à Vincent Price. La série se poursuit avec La chambre des tortures (1961), L’enterré vivant (1962), L’empire de la terreur (1962), Le corbeau (1963), Le masque de la mort rouge (1964), assurément le meilleur du lot, et La tombe de Ligeia (1964). Si le cycle est inégal, il a beaucoup fait pour la renommée de Roger Corman.

A la même époque, décidément très en verve, Roger Corman réussit encore quelques films d’horreur comme La tour de Londres (1962) et La malédiction d’Arkham (1964) qui s’inspire conjointement de Poe et surtout de HP. Lovecraft. Mais on retiendra aussi le très ambitieux et audacieux drame The Intruder (1962) qui est sans nul doute le meilleur film de toute la carrière de Corman qui dénonce ici une certaine Amérique conservatrice.

Roger Corman, le découvreur de talents

Egalement, on notera que c’est en ce début des années 60 que Roger Corman offre leur chance à de jeunes apprentis cinéastes comme Francis Ford Coppola, Jack Nicholson, Monte Hellman, Jack Hill et bien d’autres. Si le producteur fut toujours pingre, il a permis à de jeunes talents de s’exprimer dans les limites d’un budget raisonnable. La plupart des artistes ayant débuté avec lui insistent sur la liberté créatrice qui leur était offerte, pour peu qu’ils apprennent à écrire et à tourner vite.

Après le cycle Poe, Roger Corman tente de passer à la série A avec le film de guerre L’invasion secrète (1964) qui, selon ses dires, aurait coûté plus cher à lui tout seul que l’ensemble des films consacrés à Poe. On y trouve un casting de stars avec Stewart Granger, Raf Vallone et Mickey Rooney, mais le film n’est pas un succès.

Retour donc à la case série B avec Les anges sauvages (1966), film de motards destiné à la jeunesse et qui révèle Peter Fonda. Ensuite, Corman enchaîne avec deux bons films de gangsters qui suivent le succès de Bonnie and Clyde : L’affaire Al Capone (1967) et Bloody Mama (1970) où l’on découvre le jeune Robert De Niro. Décidément, Corman a du flair en matière de casting.

Corman arrête la réalisation et se consacre à la production

Avec Le baron rouge (1971), Roger Corman raccroche les gants en tant que réalisateur et choisit de se consacrer quelques temps à la production pour sa propre compagnie New World Pictures. Initialement, Corman pensait s’octroyer une pause d’un an ou deux, mais il ne revient à la réalisation qu’en 1990 avec La résurrection de Frankenstein qui sera son baroud d’honneur.

Comme la réalisation ne l’accapare plus, la production devient son activité principale et Roger Corman est un pourvoyeur de séries B, voire Z, particulièrement actif. On compte plus de 350 films où son nom apparaît en tant que producteur. Parmi les plus célèbres, on trouve Bertha Boxcar (Scorsese, 1972), Cinq femmes à abattre (Demme, 1974), La course à la mort de l’an 2000 (Bartel, 1975), Lâchez les bolides (Howard, 1977), Ilsa, la tigresse du goulag (LaFleur, 1977), Piranhas (Dante, 1978), La galaxie de la terreur (Clark, 1981), House (Miner, 1985) et Carnosaur (Simon, 1993).

Toujours actif dans les années 2010

A partir du milieu des années 90, Corman produit beaucoup de films pour la vidéo ou la télévision. Dans les années 2010, il succombe aussi à la vague des Sharktopus (O’Brien, 2010) et consorts, alimentant donc toujours les spectateurs en séries B, voire Z. Bien qu’approchant les 100 ans, Roger Corman continue d’être actif. Il est également l’auteur d’une excellente autobiographie Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime (1990).

Virgile Dumez

Filmographie

(Filmographie sélective)

Producteur

1955 : Cinq fusils à l'Ouest (Five Guns west)
1958 : Mitraillette Kelly (Machine-Gun Kelly)
1960 : La Chute de la maison Usher (House of Usher)
1962 : The Intruder
1972 : Bertha Boxcar (Boxcar Bertha)
1975 : La Course à la mort de l'an 2000 (Death Race 2000)
1978 : Piranhas (Piranha)
1979 : Jack le Magnifique (Saint Jack)

Réalisateur

1955 : Cinq fusils à l’ouest (Five Guns West)
1955 : The Beast with a Million Eyes coréalisé avec David Kramarsky (non crédité)
1955 : La Femme apache (Apache Woman)
1955 : Day the World Ended
1956 : La Loi des armes (Gunslinger)
1956 : It Conquered the World
1956 : La femme d’Oklahoma (The Oklahoma Woman)
1956 : Femmes gangsters (Swamp Women)
1956 : La loi des armes (Gunslinger)
1957 : Rock All Night
1957 : Naked Paradise
1957 : L’Attaque des crabes géants (Attack of the Crab Monsters)
1957 : Pas de cette terre (Not of This Earth)
1957 : Teenage Doll
1957 : The Saga of the Viking Women and Their Voyage to the Waters of the Great Sea Serpent
1957 : Carnival Rock
1957 : The Undead
1957 : Sorority Girl
1958 : War of the Satellites
1958 : She Gods of Shark Reef
1958 : Teenage Cave Man
1958 : Mitraillette Kelly (Machine-Gun Kelly)
1958 : I Mobster
1959 : Un baquet de sang (A Bucket of Blood)
1959 : La Femme guêpe (The Wasp Woman)
1960 : La Petite Boutique des horreurs (The Little Shop of Horrors)
1960 : La Chute de la maison Usher (House of Usher)
1960 : La Dernière femme sur terre (Last Woman on Earth)
1961 : Ski Troop Attack
1961 : La Chambre des Tortures (The Pit and the Pendulum)
1961 : Atlas
1961 : La Créature de la mer hantée (Creature from the Haunted Sea)
1962 : The Intruder
1962 : L’Enterré vivant (The Premature Burial)
1962 : L’Empire de la Terreur (Tales of Terror)
1962 : La Tour de Londres (Tower of London)
1963 : Le Corbeau (The Raven)
1963 : La Malédiction d’Arkham (The Haunted Palace)
1963 : L’Horrible Cas du Dr X (X: The Man with the X-Ray Eyes)
1963 : Duel sur le circuit (The Young Racers)
1963 : L’Halluciné (ou Le Château de la terreur) (The Terror)
1964 : Le Masque de la Mort Rouge (The Masque of the Red Death)
1964 : La Tombe de Ligeia (The Tomb of Ligeia)
1964 : L’Invasion secrète (The Secret Invasion)
1966 : Les Anges sauvages (The Wild Angels)
1967 : L’Affaire Al Capone (The St. Valentine’s Day Massacre)
1967 : La Poursuite des tuniques bleues (A Time for killing) coréalisé avec Phil Karlson (non crédité)
1967 : The Trip
1968 : The Wild Racers coréalisé avec Daniel Haller (non crédité)
1969 : Istanbul, mission impossible (Target : Harry)
1969 : Le divin marquis (De Sade) coréalisé avec Cy Endfield et Gordon Hessler (non crédité)
1970 : Bloody Mama
1971 : Gas-s-s-s
1971 : Le Baron rouge (Von Richthofen and Brown)
1990 : La Résurrection de Frankenstein (Frankenstein Unbound)

Acteur

2003 : Easy Riders, Raging Bulls - Comment la génération sexe, drogue et rock'n'roll a sauvé Hollywood (Easy Riders, Raging Bulls: How the Sex, Drugs and Rock'N'Roll Generation Saved Hollywood)
2003 : Une décennie sous influence (A Decade Under the Influence)