Biographie
Michael Dudok De Wit, né en 1953 à Utrecht (Pays-Bas), est un réalisateur de films d’animation néerlandais.
Il travaille chez Disney, notamment comme storyboarder sur La Belle et La Bête en 1991.
Il devint célèbre dans le monde de l’animation en 1994, avec son court métrage Le Moine et le poisson réalisé dans le cadre du programme « Artiste en résidence » du studio Folimage à Valence
(France). Le film, nominé aux Oscars, fait le tour des festivals et reste une référence.
Réalisateur d’un certain nombre de publicités (5 pour AT&T, une pour American Airlines primée à
Annecy en 2005), il réalise son chef d’œuvre Father & Daughter (Grand Prix du Festival d’Annecy
et Oscar du court métrage d’animation en 2000).
– » Entretien avec Michel Ciment « , juin 2003, positif, n°508
L’animation a ceci de particulier qu’un auteur majeur peut, à l’âge de cinquante ans, n’être l’auteur que de quatre courts métrages (dont un film de fin d’études et un pilote de série !). C’est le cas de Michael Dudok de Wit, couvert de prix pour Le Moine et le Poisson (César, Cartoon d’or, nommé aux Oscar) et Père et Fille (Grand Prix d’Annecy, Oscar).
Sa technique sans pareille est audacieuse, consistant à tracer ses dessins au pinceau et à l’encre de Chine directement sur les cellulos, lesquels sont ensuite positionnés sur des décors aquarellés. Quant à ses histoires, du moine poursuivant un poisson dans les réservoirs d’une abbaye romane à l’amour perdu d’une petite fille qui revient à vélo, toute sa vie durant, sur le lieu où son père a disparu jusqu’à ce que sa propre mort lui permette de le rejoindre, elles sont toujours empreintes d’une immense sensibilité.
Quelle fut votre formation ?
Je suis né et j’ai grandi aux Pays-Bas, puis je suis parti étudier la gravure à Genève. Au bout d’un an, j’ai su que je voulais faire du cinéma d’animation. Il n’y avait à l’époque pas beaucoup de lieux de formation : j’ai choisi Farnham, au sud de l’Angleterre. Mon film de fin d’études a été montré à Annecy à la fin des années 70. J’ai voulu changer d’environnement et ai travaillé un an à Barcelone, dans deux studios indépendants. De retour à Londres, j’ai fait de l’animation pour la publicité, qui connaissait son époque dorée, dans les années 80 : il y avait beaucoup de liberté et de créativité. J’ai réalisé plusieurs dizaines de spots, mais je n’ai jamais réussi à faire aboutir mes projets personnels. Aussi ai-je décidé de créer une série. Mon pilote de 2 minutes 30, Tom Sweep (l’histoire d’un petit balayeur de rue découragé par la pollution incessante), a eu du succès mais pas suffisamment pour déboucher sur une série. C’est alors que j’ai reçu une brochure de Folimage qui invitait les réalisateurs à présenter des story-boards. Le mien a été accepté et je suis donc entré dans leur programme d’artistes en résidence à Valence pour réaliser Le Moine et le Poisson. Je me disais que si ce projet personnel – le premier à me tenir vraiment à cœur – ne rencontrait pas du tout le public, je serais bien obligé de constater que je n’étais pas sur la bonne voie, et que je devrais changer de vocation, ou accepter d’exécuter des travaux commerciaux pour le restant de mes jours. Le succès du Moine et le Poisson m’a donc donné confiance pour entreprendre le film suivant, Père et Fille.
Comment est née l’idée du Moine et le Poisson ?
Le Moine et le Poisson. J’aime beaucoup le travail au pinceau, à l’encre de Chine ou à l’aquarelle, et je me disais que ce serait un énorme plaisir d’utiliser cette technique pour un dessin animé. D’une image à l’autre, ce sont des sentiments et des émotions qui s’expriment. Un moine essaye d’attraper un poisson et leur affrontement ne fait que préparer le dénouement, où la séparation devient union. J’aime les formes simples : graphiquement, le moine est un simple triangle (lui donner des jambes m’aurait déjà dérangé). J’ai une passion pour l’architecture romane, dont la pureté m’attire depuis qu’enfant je passais mes vacances dans un petit village suisse pourvu d’une belle et très ancienne église romane. Je me suis aussi inspiré des lignes de cette architecture pour les mouvements dans le film. Quant au cadre du monastère, il se prête évidemment bien au côté » spirituel » du film. On peut même y voir une inspiration orientale, renforcée par le graphisme au pinceau… Exactement : comme dans le côté le plus mystique de la religion chrétienne, l’un des fondements de la philosophie bouddhiste, et particulièrement le zen, c’est l’union – cette séparation suivie par l’union dont je parlais, et que l’on retrouve dans des millions d’histoires… Il y a une dizaine d’années, je lisais beaucoup de livres spirituels et philosophiques, parce que j’étais en recherche – aujourd’hui je recommence à lire de la fiction et de la poésie… Et bien sà»r j’ai été très inspiré par la recherche de la simplicité dans les dessins, à la fois naà¯fs et très mà»rs, des moines chinois et japonais, même si je suis loin de maîtriser leur technique. J’ai essayé d’adopter un graphisme simple, et j’ai utilisé quelques détails de la vie japonaise comme la forme d’un arc et des mouvements d’arts martiaux.
Comment avez-vous vécu la résidence à Valence ?
J’adore la France, je suis donc arrivé heureux à Valence. Les gens de Folimage sont des gens très sympathiques, qui ont un réel amour pour la créativité. Je me sentais donc vraiment à l’aise avec eux, d’autant plus que je suis venu avec ma femme (qui est française) et nos jeunes enfants, et cela a créé des liens sympathiques. Je devais rester six mois, c’était juste trop court pour faire mon film. J’ai donc travaillé comme un fou pour y arriver (en sept mois finalement), ce qui m’a empêché un peu de profiter pleinement de cette ambiance chaleureuse.
Comme Le Moine et le Poisson, Père et Fille décrit de petites choses pour exprimer un sentiment très profond – et plus grave dans ce deuxième film.
Père et Fille. C’est un peu différent. Avec Tom Sweep, je cherchais à faire une série ; avec Le Moine et le Poisson, je me disais que c’était une chance unique de faire une œuvre personnelle. Un jour, au volant de ma voiture, alors que je me creusais la tête pour résoudre un problème sur un autre projet, je me suis demandé ce que j’aimerais le plus exprimer. Ma réponse fut cette douleur très belle qu’est ce grand désir silencieux et très profond qui peut vous travailler toute votre vie. En anglais on appelle ce désir longing. Je voulais aussi explorer une nouvelle ambiance, celle des polders aux Pays-Bas, où je faisais du vélo seul quand j’étais enfant. Puis l’histoire s’est cristallisée sur le désir entre un enfant et son père. La conception du story-board m’a pris beaucoup de temps, parce que je voulais condenser toute une vie en quelques minutes, tout en créant un sentiment très fort de temps et d’espace – je voulais éviter que les événements se déroulent trop vite. Ce fut très difficile.
Où avez-vous réalisé Père et Fille ?
C’est une coproduction anglo-néerlandaise, mais entièrement réalisée à Londres. J’y ai un petit studio où je suis seul la plupart du temps, mais où l’on peut être trois au maximum. A Londres il y a beaucoup d’animateurs free-lance, et des équipes peuvent se constituer sans nécessairement partager un même local : certains travaillent chez eux, d’autres dans des ateliers…
Quel est votre prochain projet ?
Je fais des illustrations de livres pour enfants qui vont paraître bientôt. Ensuite je me retirerai quelques mois pour préparer un ou deux projets.
Le long métrage vous tente-t-il ?
Je veux d’abord travailler à des courts métrages, pour écrire et dessiner beaucoup avant d’être sà»r d’avoir une envie et un projet suffisamment solides pour y consacrer plusieurs années de ma vie !
Filmographie
1978 The interview (film de fin d'études, dessin animé, 8 min)
1992 Tom Sweep (encre de chine et aquarelle, 2 min 30)
1994 Le moine et le poisson (crayon, fusain et colorisation numérique, 6 min 30)
2000 Father and daughter Père et fille (encre de chine, peinture sur cellulo et aquarelle, 9 minutes)
2006 The Aroma of tea (Thé sur papier, 3 min 30)
Mise à jour le 4 mai 2009
Outils
DVD En matière d'animation, collection Cour(t)s de cinéma, éditions Scéren/CNDP, 2007