Biographie
(1906-1967)
C’est comme comédien que, sur les planches, Emil Anton Bundesmannen, né à San Diego en 1906, fait son entrée, à peine âgé de 14 ans : » Il faut avoir été acteur pour savoir par quoi un acteur doit passer! « dira-il plus tard, pour résumer les acquis d’une pratique qui le mène, en 1930, à devenir régisseur, puis, en 1934, à fonder sa Stock Company, déjà avec James Stewart, dans laquelle il met en scène de nombreuses pièces de théâtre
Cette initiation à la représentation scénique qui, de la province à New-York, lui fait acquérir une solide réputation sera son tremplin pour le cinéma : en effet, c’est eu égard à ce parcours que David O’Selznick, producteur légendaire, l’engage comme talent-scout à Hollywood. Là , son travail consiste à tourner et à monter des bouts d’essai d’acteurs, pour Autant en emporte le vent, entre autres, avant d’accéder aux fonctions d’assistant (de Preston Sturges, notamment). Le passage des planches aux studios ne lui pose aucun problème : Mann est un passionné de cinéma, notamment de cinéma muet car, pour lui, c’est dans et par l’image que se trouve la quintessence de l’art qui va désormais le préoccuper : « […]Le meilleur exemple du bon film serait celui que l’on comprendrait entièrement si l’on coupait la bande sonore et si l’on ne regardait que les images parce que tel est le cinématographe« . Il ne va pas tarder à pouvoir expérimenter ces conceptions : en 1942, après toutes ces années passées à regarder les réalisateurs, Anthony Mann devient enfin l’un d’entre eux.
Ces débuts (1942-1950) constituent, à ses dires, un véritable roman d’apprentissage : « Je dois admettre que je fis huit ou dix pauvres films – du moins, je les qualifie de pauvres parce qu’il me fallut les réaliser avec de tout petits budgets, sans acteurs, sur de très mauvais scénarios, mais il faut bien vivre, je ne veux pas dire matériellement, mais exister en tant que metteur en scène « . Par ailleurs, cette école du système D lui apprendra une des règles de base de tout cinéaste : l’inventivité permanente : « C’est certainement le moment le plus critique dans la carrière d’un jeune metteur en scène, parce qu’il n’a rien ; personne ne veut construire de décors pour lui : il lui faut récupérer ceux sur lesquels il peut faire main-basse. On le bouscule sur le plateau et, si une autre production est en préparation, elle est toujours plus importante […] ces conditions obligent le metteur en scène à préparer soigneusement son film[…] et il apprend aussi comment parvenir le plus rapidement à ses finsCe fut une bonne école, la plus rude mais la meilleure. Le moindre plan devait participer à la signification de l’ensemble, le moindre geste vous typer un personnage« . C’est néanmoins avec le western que Mann accède au statut d’auteur.
Son goà»t pour les tournages en extérieurs (« Un tournage en décors naturels doublait la véracité des scènes et, partant, façonnait le film en lui donnant un aspect et une consistance souvent inattendus « ) semble le prédisposer au genre où, sur 11 incursions, peut être isolée la série tournée avec James Stewart : Winchester 73 (1950), Les affameurs (1952), L’appât (1953), Je suis un aventurier (1954), et L’homme de la plaine (1955). Loin de la Stock Company et des triomphes comiques d’avant-guerre, le comédien voit cet univers le métamorphoser en une singulière figure de héros moderne car doutant de tout et de lui. Ne pouvant proposer une analyse d’une œuvre si dense, on se contentera d’y noter la vision de l’Amérindien comme père primitif assassiné (La porte du diable), la peinture d’un Mal très relatif prenant les traits ambigus d’Arthur Kennedy (Les affameurs,L’homme de la plaine), de Lee J.Cobb (L’homme de l’Ouest), ou de Robert Ryan (L’appât), ainsi qu’une recherche de l’épure de plus en plus prononcée, passant par une utilisation magistrale du paysage (« Je n’ai jamais compris pourquoi on tournait la quasi-totalité des westerns dans des paysages désertiques ! John Ford, par exemple, adore Monument Valley : mais Monument Valley, que je connais très bien, n’est pas tout l’Ouest ! En fait, le désert ne représente qu’une portion de l’Ouest américain « ). Pour autant, ces réussites restent limitées au western. Biopics (Romance inachevée), ou films de propagande militaire (Strategic Air Command) témoignent que, parce que, pour lui, tourner équivaut à respirer, le cinéaste choisit parfois la quantité à la qualité. C’est malheureusement ce constat qui s’impose à partir de 1959.
Collaborateur de péplums prestigieux (Quo Vadis de Le Roy, 1951; Spartacus de Kubrick, 1960), Mann semble prédisposé à réaliser de grands films historiques. Las! Bien qu’elles comportent de beaux moments (la mort de Heston dans Le Cid), les productions Samuel Bronston, dont l’infrastructure a aussi englouti Nicholas Ray et ses 55 jours de Pékin, paraissent impersonnelles. Il en va de même de l’aventure guerrière des héros de Télémark.
La carrière du cinéaste se clôt sur Maldonne pour un espion achevé, après sa mort, par l’acteur Laurence Harvey et, d’après les critiques, très décevant. Les cinéphiles, qui auraient rêvé d’une clôture digne de Ford et de sonFrontière chinoise, songent alors à ses projets westerniens mort-nés (notamment The King avec Wayne qui devait être son Roi Lear!) pour contrebalancer le (relatif) échec d’une telle fin artistique. Reste que Mann incarne le cinéma américain classique avec une telle évidence que même ses » ratages « se justifient : « On essaie dans chaque film, si petit soit-il, d’y mettre quelque chose bien à soi, de façon à ce que les gens qui le voient se disent: « Ce bonhomme a quelque chose…Je ne sais pas s’il en a beaucoup, mais il a quelque chose! « « . C’est ce « quelque chose « – rien moins que les traces d’un auteur – qui nous rend Mann aussi précieux…
Les propos de Mann sont issus des entretiens, publiés dans Les Cahiers du cin’c8ma n°69 et n°190
Filmographie
Mise à jour le 14 mai 2009
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Articles
Entretien avec Anthony Mann, Missiaen Jean-Claude, Les cahiers du cinéma n°190, mai 1967, Editions de l'Etoile, p.47.
Entretien centré sur des questions de mise en scène et assorti d'une filmographie complète.
Livres
Quelque chose à faire : poétique d'Anthony Mann, La fable cinématographique, Rancière Jacques, Seuil, La librairie du XXI ème siècle, 2001.
Une lecture des westerns de Mann sous l'angle d'une théorie du discours véritablement éclairante.
Festival de la Rochelle, site officiel du festival de la Rochelle où fut organisé, en 2003, un important festival Mann, dernière consultation : 13.08.04.
Un bon texte d'introduction de Michel Boujut et la présentation de tous les films sélectionnés
Fiche réalisée par Ortoli Philippe.