Biographie
Arthur Penn est né le 27 septembre 1922 à Philadelphie (Pennsylvanie), d’un père horloger et d’une mère infirmière. Lorsqu’ils divorcent en 1925, l’enfant vit d »ord à New York avec sa mère et son frère a’eené Irving, qui deviendra un célèbre photographe ; puis, à partir de 1936, à Philadelphie avec son père Harry. Au lycée, il s’initie au théâtre, et militaire à Paris en 1945, il rencontre Joshua Logan et Paddy Chayefsky. Au Black Mountain College (Caroline du Sud), il étudie la philosophie et la psychologie, monte des pièces d’après Erik Satie et William Saroyan, rencontre l’architecte Buckminster Fuller, le peintre Josef Albers, le danseur et chorégraphe Merce Cunningham et son futur complice, le musicien John Cage. En 1948, il est à Pérouse et Florence, où il étudie, entre autres, Guido Cavalcanti, poète ami de Dante, et la peinture italienne de la Renaissance. Sa formation passera également par les cours de théâtre de Michael Chekhov (neveu d’Anton Tchekhov) à Los Angeles, et ceux de l’Actors Studio à New York.
A partir de 1951, grâce à Fred Coe, qu’il a rencontré durant l’armée, à Fort Jackson, il travaille pour la télévision : émissions de variété ou d’actualités, shows (Jerry Lewis et Dean Martin), scénarios. Entre 1953 et 1955, il met en scène plus de deux cents téléfilms, parmi lesquels, en 1957, The Story of My Life (Histoire de ma vie), d’après l’autobiographie d’Helen Keller, pour lequel il est primé. C’est encore Fred Coe qui, en 1957, appelle Penn à Hollywood : il produit pour la Warner un film sur Billy the Kid, figure mythique de l’Ouest – mort à vingt-et-un ans avec vingt meurtres à son actif -, illustrée par de nombreux films, feuilletons et séries télévisées. De ce héros impulsif et généreux, Penn en fait un personnage névrotique, un être cherchant obscurément une lueur de lucidité et d’espoir. La Warner opère des coupes et le public américain ne reconna’eet pas son héros ; mais le film est remarqué en Europe et surtout en France. Penn regagne New York, la télévision et le théâtre. Il ne découvre que plus tard l’accueil chaleureux que la critique et une partie du public fait en Europe et surtout en France au Gaucher, ce qui lui fait accepter la proposition de Fred Coe pour les Artistes Associés de porter à l’écran The Miracle Worker (Miracle en Alabama).
Après les deux Oscars d’interprétation pour ce film, Penn se voit proposer par les Artistes Associés un film au budget important, Le Train, mais il est remplacé sans explication par John Frankenheimer. Il obtient alors de la Columbia une totale liberté contre un salaire modeste pour Mickey One (1965). Rançon et piège de la liberté ? Penn se laisse aller à son penchant pour la Nouvelle Vague française. Stylistiquement entre Godard et le Fellini de 8 1/2, la présence de Warren Beatty, « le nouveau James Dean », ne sauve pas le film de l’échec esthétique et commercial.
Pour La Poursuite impitoyable, en 1965, le producteur Sam Spiegel offre à Penn de quoi le séduire : une histoire très critique à l’égard de la middle class américaine dans une petite ville du Sud, un budget confortable, des acteurs de rêve : Marlon Brando, Jane Fonda, Robert Redford… Mais en raison des interventions excessives du producteur, Penn ne se reconna’eet pas dans un résultat pourtant d’une redoutable efficacité.
Proposé d »ord à Truffaut, le scénario de deux journaliste du Times ressuscitant l’histoire du gang Barrow échoit à Penn, via Warren Beatty, qui en a acheté les droits. Personne ne croit à Bonnie and Clyde (1967), malgré Warren Beatty et Faye Dunaway, mais c’est un immense succès suscitant mode vestimentaire et musicale, avant de devenir pour un temps un film-culte. On y retrouve trois éléments déjà présents dans Le Gaucher: la violence propre aux personnages (surtout Clyde), mais suscitée par la société américaine elle-même en cette période de Dépression (correspondant à l’enfance de Penn avec sa mère) ; des personnages à l’esprit confus qui tentent difficilement de trouver une certaine lucidité ; des êtres immatures, spontanés, qui se conforment à l’image (photographique) et à la légende que la société leur renvoie.
Arthur Penn filme de façon chaleureuse et critique la société américaine dans ses manifestations les plus contradictoires : Alice’s Restaurant (1969) décrit le mouvement hippy au moment même de son développement (autour du chanteur oublié aujourd’hui Arlo Guthrie). Logiquement, Penn passe de la violence à la douceur – comme tous les grands créateurs qui inversent le temps d’un film leur thème dominant -, pour décrire le repli d’une certaine jeunesse américaine hors du « système » (économique, politique, idéologique…).
C’est aussi une dégradation des idéaux américains que décrit un des grands succès de Penn, Little Big Man (1970), truculente fresque sur la fondation de l’Amérique racontée par un chroniqueur centenaire et plus que douteux, Jack Crabe (Dustin Hoffmann).
Marginal, opposé aux normes morales du « système », au détective qui d’arroge tous les droits, Penn accepte pourtant de réaliser en 1975 un « detective story », Night Moves (La Fugue), mais il mêle, comme dans le combat d’Annie Sullivan dans Miracle en Alabama, l’enquête officielle du détective privé Harry Moseby à la crise personnelle de ce dernier : l’adultère de son épouse.
Une nouvelle fois, Arthur Penn revient sur l’histoire de l’Amérique avec The Missouri Breaks (1976), au temps de la « frontière », avec une lutte triangulaire entre un éleveur (Randy Quaid), un voleur de chevaux (Jack Nicholson) et un tueur à gages, plus précisément un « régulateur » (un Marlon Brando mémorable).
Six ans plus tard, Georgia marque un tournant. Penn conte une histoire des années 60, d’après une célèbre chanson de Ray Charles, autour de trois garçons amoureux de la même fille. Le titre original, Four Friends (Quatre amis), est plus juste, l’essentiel tenant dans les relations d’un groupe d’amis. Penn invoque les mythologies des années 60, qui lui semblent plus riches de promesses, même avortées, que les années 70, dominées par Richard Nixon et le feuilleton du Watergate. L’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, en 1963, qui frappe fortement l’esprit de Penn, clôt cette décennie et, semble-t-il, la confiance que le cinéaste portait à son art. Ses films ultérieurs manquent de personnalité et d’ambition, comme Target (1985), Froid comme la mort (1986) ou Penn & Keller Get Killed (1989), ou d’une lourdeur militante pathétique (Inside, en 1996, sur l’apartheid). Il se replie sur le théâtre et la télévision, dont le superbe et nostalgique The Portrait, avec Gregory Peck et Lauren Bacall. En 1986, il déclarait au critique américain Richard Combs : « Je suis toujours attiré par le cinéma, mais je ne suis pas sûr que le cinéma soit, lui, attiré par ma personne. »
Filmographie
- 1957 The Left-Handed Gun (Le Gaucher)
- 1962 The Miracle Worker (Miracle en Alabama)
- 1964 Mickey One (Mickey One)
- 1965 The Chase (La Poursuite impitoyable)
- 1967 Bonnie and Clyde (Bonnie and Clyde)
- 1969 Alice's Restaurant (Alice's Restaurant)
- 1970 Little Big Man (Little Big Man ou Les Extravagantes Aventures d'un visage pâle)
- 1973 The Highest épisode du film Vision of Eight (huit réalisateurs filment les Jeux Olympiques de Munich)
- 1975 Night Moves (La Fugue)
- 1976 The Missouri Breaks (Missouri Breaks)
- 1981 Four Friends (Georgia)
- 1985 Target (Target)
- 1987 Dead of Winter (Froid comme la mort)
- 1989 Penn and Teller get killed
- 1993 The portrait (TV)
- 1995 Lumière et compagnie (Un épisode)
- 1996 Inside
- 2001 100 Centre Street (Un épisode)
Mise à jour le 19 mai 2009