Arbres

Belgique, France (2002)

Genre : Documentaire

Écriture cinématographique : Documentaire

École et cinéma 2023-2024

Synopsis

Arbres est une histoire de l’Arbre et des arbres. Il commence par les Origines puis voyage à travers le monde des arbres et les arbres du monde. Le film raconte les grandes différences et les petites similitudes entre l’Arbre et l’Homme avec l’idée prégnante que l’arbre est au règne végétal ce que l’homme est au règne animal. Arbres est un parcours dans une autre échelle de l’espace et du temps où l’on rencontre des arbres qui communiquent, des arbres qui marchent, des arbres timides ou des arbres fous… Arbres renverse quelques idées reçues en partant du constat que l’on voit toujours l’animal qui court sur la branche mais jamais l’arbre sur lequel il se déplace.

Générique

Image : Antoine-Marie Meert
Commentaire : Sophie Bruneau
Conseiller scientifique : Francis Hallé
Récitant version fançaise : Michel Bouquet
Récitante version anglaise : Marianne Faithfull
Récitant version allemande : Otto Sander
Son : Marc-Antoine Roudil, Benoît Bruwier
Directrice de production : Sandrine Valageas
Montage image : Philippe Boucq
Montage son : Etienne Curchod
Mixage : Philippe Baudhuin
Machiniste : Olivier Marrel

Pistes de travail

Le travellling sur rails ou plus rarement en ballon, le panoramique, utilisé ici a minima et parfois le steadycam sont les moyens classiques employés par Marc-Antoine Roudil et Sophie Bruneau pour approcher leur motif. Il s’agit de tromper la fixité de l’arbre pour entrer en lui, de dépasser la vigilance ou au contraire l’indifférence que son port impose, reléguant notre regard dans le lointain. Car nous ne voyons les arbres qu’à distance ; quand nous nous faisons proches d’eux, c’est que nous ne les voyons plus, quand nous devenons leur familier, c’est que nous les ignorons, nous livrant sous leur ombrage à tout ce qu’un homme peut faire quand il est au grand air ; pique-niquer ou faire la sieste, lire un livre ou jouer de la flûte, et beaucoup d’autres activités encore ou le faire n’est pas très sérieux (faire l’amour, de la balançoire, faire ses besoins, etc.). Le mouvement de la caméra nous invite ici à entrer dans un paysage inconnu de nous, où nous sommes comme forcés d’entrer dans une nouvelle connaissance : en cadrant le tronc et les racines, la ramée et les branches voisines, le sol et l’air qui les entourent, Marc-Antoine Roudil et Sophie Bruneau nous font voir toutes les surfaces d’échanges d’un arbre pas lesquelles il vit et communique, toutes les parties par lesquelles il forme un Tout, tous les pays par lesquels il est un Monde.

Dans cette opération, l’arbre, de motif, devient sujet. Et la supériorité technique de l’homme, par la technique même s’en trouve diminuée. C’est à ce renversement que nous convie le film, vertige où nous entendons soudain la voix millénaire de l’arbre, palétuvier qui vit et meurt simultanément au rythme ou il déploie ses rayons, pinus aristata de la vallée de la Mort qui concentre dans ses anneaux 5000 ans d’histoire. L’arbre est virtuellement immortel comparé au rythme où va l’homme et, tous comme les précédents héros des films de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil, le pêcheur des Flandres ou le notaire du Cantal, c’est lui qui finalement enregistre la durée dans la permanence de sa consignation méticuleuse, faisant et défaisant les noeuds de la vie et de la mort, du temps et de l’espace. Il faudrait alors inverser notre formule liminaire et déclarer : « C’est l’homme qui est fixe et l’arbre qui est mouvement » ! ».

Rares sont les cinéastes qui depuis Rouquier et Resnais, nous proposent d’occuper cette place où nous nous trouvons à notre tour photographiés par le monde, devenant des objets d’un regard sans âge et sans visage. Nous voilà rendus, par la grâce du cinéma, énigmes à nous-mêmes. Qu’on ne s’y trompe pas : la perception toute formelle des films de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil n’est là que pour mieux inciter à plus de modestie, et si il y a de la grandeur dans tous leurs sujets, c’est pour mieux nous faire mesurer la petitesse de l’échelle où nous déployons tant d’efforts pour grimper.
C’est aussi en cela qu’Arbres, comme toute œuvre vraiment classique, est une leçon de sagesse.

Laurent Roth