Argent de la vieille (L’)

Italie (1977)

Genre : Comédie

Écriture cinématographique : Fiction

Archives CAC, Collège au cinéma 2009-2010

Synopsis

Depuis sept ans, la Vieille, une milliardaire américaine, débarque à Rome pour jouer au scopone scientifico, avec des indigènes. Peppino, ferrailleur, et Antonia, femme de ménage, qui élèvent leurs quatre enfants dans un bidonville, se précipitent comme d’habitude vers sa villa avec l’espoir de gagner enfin. Elle leur avance une mise d’un million de Lires. Ses domestiques observent les parties et transmettent les informations aux habitants du bidonville proche… Le couple perd d’abord, puis gagne 284 millions de Lires. Mais la Vieille moribonde continue à jouer et gagne. Antonia accepte que Richetto « le tricheur » remplace Peppino et chacun, au bidonville, apporte sa participation. Ulcéré, errant près de la villa, Peppino sauve le « tricheur » qui s’est jeté à l’eau : ils ont tout perdu. Peppino pardonne même à Antonia, même. d’avoir perdu 300 000 Lires à crédit… Le couple hypothèque sa baraque pour rembourser la Vieille, avec l’espoir de recommencer l’année suivante. A l’aéroport, elle refuse l’argent, comme d’habitude, mais propose de le jouer et… Peppino perd! Au moment du départ, Cleopatra, leur fille aînée, offre à la Vieille un cadeau qu’elle a confectionné : un gâteau empoisonné.

Générique

Titre original : Lo Scopone scientifico
Réalisation : Luigi Comencini
Scénario : Rodolfo Sonego
Image : Giuseppe Ruzzolini
Montage : Nino Baragli
Musique : Piero Piccioni
Producteur : Dino de Laurentis
Format : 35 mm, couleurs
Durée : 1h56
Interprétation
Alberto Sordi / Peppino
Silvana Mangano / Antonia
Joseph Cotten / George
Bette Davis / la vieille Yoine Shagal
Mario Carotenuto / Le professeur

Autour du film

Oppositions et alternances

« C’est une partie de cartes entre le peuple et le pouvoir », explique le scénariste Rodolfo Sonego, à l’origine du sujet. Suivant la construction dramatique qui fait alterner les parties de cartes contre la Vieille dans la villa et l’attente fiévreuse dans le bidonville, la mise en scène repose sur un va-et-vient entre les deux lieux : opposition et trajet qui les relie.

L’ouverture du film est à cet égard significatif. Sur le générique arrive la Vieille, qui descend de l’avion vers la terre. La caméra l’accompagne durant la longue traversée d’un sas qui l’amène sur le terre italienne. Deux mondes, deux espaces sont posés, celui, mythique, de la vieille Américaine, sans âge, dont on ne sait d’où elle vient mais qui revient, tel un fantôme (ou un vampire) d’une mort annoncée, en quête d’une éternelle jeunesse, aux origines complexes (« citoyenne du monde », dit-elle), qui va se loger dans une villa de rêve où seule la vision de Saint Pierre confirme qu’il s’agit bien de Rome ; celui, réel, du moins terre-à-terre, de la ville de Rome et de ce que la Vieille appelle « une bourgade romaine » aux habitants « très pauvres », mais avec elle « très cordiaux ».

Un mouvement descendant accompagne le passage de la caméra de la villa au bidonville, séparés par un autre sas, un rideau d’arbres. Le lien entre l’avion et la terre, le monde ludique de la Vieille (les cartes) et celui de la pauvreté où si l’on ne fait parfois rien, c’est surtout faute de travail, est d’abord assuré par une jeune reporter au travail peu prestigieux (« Chroniques romaines : arrivées et départs »). Cleopatra prend le relais et assurera désormais le lien entre les deux mondes : bidonville, mère, père et Vieille, via la radio, puis le téléphone.

Rituels

Ce que l’on sait très vite du couple Antonia-Peppino, c’est leur situation précaire et le fait que ls enfants en âge de le faire travaillent chacun à sa manière. La Vieille, elle, a de nombreux bagages de luxe, dispose de 20 millions de Lires par jour, d’un chauffeur, d’un manteau de vison, d’une Rolls, habite provisoirement une superbe propriété avec un véritable château… Leur seul lien : le goût, voire l’addiction au jeu. Mais le jeu implique des règles communes, partagées, qui se traduisent par un cérémonial. Du côté de la propriété de la Vieille, le cérémonial se confond avec la pompe et l’apparat, soulignés par le premier plan à l’intérieur de la villa : Peppino et Antonia accompagnés de la servante Pasqualina arrivent tout au fond, encadrés par la porte ouverte au premier plan, surmontés par un lustre ancien et majestueux, dans un décor blanc mettant en relief les dorures… Le surcadrage (cadrage dans le cadre) met en relief la verticalité monumentale de l’ensemble, qui écrase nos héros. Un nouveau serviteur en uniforme et gants blancs, le majordome, les accueille selon des règles définies (le protocole). L’arrivée de la Vieille, sur son fauteuil roulant poussé par George, le chauffeur, prolonge le rite avant que ne s’instaure celui du jeu, chacun prenant progressivement sa place autour de la petite table, « notre champ de bataille », comme l’a appelé Peppino en explorant les lieux avant l’apparition de la Vieille. Le handicap de la Vieille donne à sa personne une rigidité qui renforce encore l’idée d’un rituel dont elle est le centre et l’origine. Un plan d’ensemble en plongée sur la pièce viendra bientôt ponctuer cette mise en place, où le petit groupe des quatre joueurs s’inscrit harmonieusement dans l’ordonnance générale du décor surchargé – décor « de style », nécessairement ancien –, pesant, comme un piège qui se referme sur une partie de tout temps déjà jouée.

De l’autre côté, dans le bidonville et tout ce qui s’y rattache, règne une impression de désordre (donc de vie). Pourtant l’idée de rituel y est tout autant présent. Il est indiqué par le travail de Cesarino, à l’entreprise de pompes funèbres de l’oncle. Romoletto et Cleopatra l’aident d’ailleurs à composer les bouquets et couronnes mortuaires. Pour la soirée chez la vieille, Peppino emprunte le costume de « cérémonie » (d’enterrement) du croque-mort et achète un robe de récupération pour Antonia. Dès les premières scènes, dans la rue, Peppino défile sous les acclamations de la population du bidonville : « Bouffe-la, Peppino ! Dépouille-la, la vielle, lui laisse rien ! » La caméra placée sur le triporteur de Peppino ajoute à ce sentiment de défilé triomphal. Un autre rituel se déroulera autour de la terrasse de café où on se réunit pour attendre les nouvelles de la partie en cours (par téléphone) tout en jouant pour meubler l’attente. La répétition des situations – le retour du couple après un échec, à une exception près après le malaise de la Vieille – est une autre déclinaison du rituel, qui se marie aisément avec la forme comique classique du comique de répétition.

Rodolfo Sonego (le scénariste) a regretté la manière dont Comencini a filmé les scènes et surtout le décor du bidonville. Il a en effet un aspect conventionnel et Comencini ne cherche pas à lui donner des caractéristiques réalistes ou plus précisément néoréalistes. Il n’insiste pas sur la misère (le sale, le désordre), comme le fait par exemple Ettore Scola dans Affreux, sales et méchants. C’est en effet plus une idée, la quintessence d’un bidonville qu’un véritable bidonville. Le film n’analyse pas les conditions matérielles de la vie de ses habitants, mais la façon dont ils se représentent le monde. Le fait même de juxtaposer le bidonville et la propriété qu’occupe la Vieille, avec une frontière symbolique marquée par une simple palissade à l’ancienne (et sous l’égide lointaine de la coupole de Saint-Pierre), relève de la pure fantaisie géographique. Importent seulement les éléments signifiants qui servent à organiser les déplacements des personnages : le bidonville en bas, le château en haut, la frontière que franchissent seulement les joueurs et ceux dont la fonction concerne les deux univers, qui ont affaire avec la mort, prêtre ou croque-mort.

Le cérémonial du jeu transforme en outre la réalité en mécanisme abstrait. Même la vie qui semble jaillir de partout dans le bidonville est ordonné, comme on vient de la voir, obéissant à un ordre où s’établit une certaine hiérarchie, avec le curé, le professeur, voir le tricheur en raison de sa réputation… Le jeu, comme l’argent (les billets entassés dans le coffre de la villa que la caméra se plaît à souligner, suivant le regard de Peppino), instaure une abstraction dans les rapports humains qui à la fois les rend supportables et en profondeur plus cruels encore de n’être pas visibles. Lors des parties, la caméra décrit précisément le jeu, montre les cartes déposées et ramassées par chacun. Mais la majorité des spectateurs ignorent les significations des cartes et les règles du jeu. Même pour le spectateur au fait du scopone, seules quelques phases isoles peuvent être interprétées sans révéler les stratégies. L’abstraction et son arbitraire règnent en maîtres, au même titre que les chiffres fantasmagoriques des cours de la bourse. La vie a déserté le monde de la Vieille, repoussant prêtre comme médecin, mais pas celui du bidonville. Elle fait pourtant retour à travers les regards que s’échangent les personnages lors des parties de cartes (—> Analyse de séquence) ou à travers celui que porte Cleopatra, la fille de Peppino et Antonia, sur le monde qui l’entoure.

Vidéos

Argent de la vieille (L’)

Catégorie :

1h23’16” à 1h 25’07” (= 1’51”)*

* Le minutage peut varier de quelques secopndes selon le mode de visionnement choisi : projecteur, lecteur de DVD, ordinateur.

Antonia et Peppino ont gagné 224 millions. Le jeu continue. Le bidonville tout entier est tourné vers la villa de la Vieille. Mais la fatigue commence à se faire sentir.

Le plan-séquence débute par un plan composé de Peppino en amorce, de sa main tenant les cartes, du cendrier de cristal que la Vieille a envoyé précédemment au visage de George, et, en arrière-plan, d’un paquet de liasses de billets : angoisse de Peppino, jeu, violence, argent… Le point est fait sur les liasses de la Vieille, rappelant implicitement l’injonction que vient de lancer Richetto : « Elle peut se payer le luxe de jouer à l’infini. »

La mise au point opère à la façon d’un travelling-arrière : les billets deviennent flous tandis que le point se fait sur un insert (très gros plan) la main de Peppino tenant les cartes. Du but, nous voici amenés aux moyens : le jeu. Piquer l’argent de la Vieille, comme on dit au bidonville, démontrer que l’état actuel de la société peut être renversé par le jeu.

Un rapide travelling-arrière vient cadrer un instant, net, un autre tas de billets : ceux que Peppino et Antonia ont déjà gagnés. Ce plan, quasi identique au premier, opère une sorte d’équivalence visuelle entre les deux fortunes, la masse des billets semblant égale. Nous savons combien cette impression est illusoire, mais nous ne pouvons qu’espérer avec Peppino et Antonia.

La caméra remonte sur le visage de Peppino. Il semble mal à l’aise, incommodé. Sans doute la chaleur y est-elle pour quelque chose, mais sans doute également l’importance de l’enjeu et la conscience de sa faiblesse comme joueur… Rappelé à l’ordre par Antonia, il semble chercher avant tout un prétexte pour rejeter la faute sur une cause extérieur ou attendre l’intervention d’un deus ex machina improbable.

Cause d’un ordre supérieure, le soleil est pour Peppino le prétexte à sortir un instant de sa condition sociale, à jouer au maître et appeler la majordome pour qu’il fixe le rideau.

Indifférent au dérivatif utilisé par Peppino, le plan-séquence se poursuit, comme la partie, la caméra remontant vers le visage de la Vieille. Celle-ci lève les yeux de son jeu et regarde à droite en direction de George. Ce mouvement relance le jeu (à la fois celui des cartes et celui du drame) : le résultat dépend des partenaires, de leurs capacités et de leur soutien, de la façon dont la Vieille domine son domestique et ancien amant…

Le plan-séquence se poursuit impitoyablement jusqu’à un gros plan d’Antonia, qui regarde à son tour George. Malgré le passage de la position face au profil, le visage de la jeune femme remplace celui de la Vieille, marquant leur situation identique de dépendance à l’égard d’un partenaire dont la réaction les inquiète. Toutes deux sont également tendues dans l’attente de ce que va jouer George, même si c’est pour des raisons inverses. La situation, les liens entre les personnages posés, le plan-squence peut s’interrompre.

Contrechamp du regard d’Antonia, un gros plan de profil montre le chauffeur, traits tirés, aussi tendu que Peppino, coincé entre les deux regards féminins. À chaque pli, George joue son droit à la passion, même réduite celle d’un esclave en adoration muette.

Un mouvement de caméra vers le bas accompagne le point de vue d’Antonia, avec un insert sur la carte que pose George. Elle ne suscite de réaction ni d’Antonia ni de la Vieille, ce que confirme la remontée de la caméra vers le visage impassible de cette dernière qui ramasse le pli, semble-t-il, et joue. La caméra suit ces gestes d’un mouvement coulé et rapide qui accompagne, simple enchaînement des phases du jeu, et se prolonge, suivant l’avancée du corps de la Vieille qui pose une carte, vers le visage de Peppino inquiet et hésitant un instant. Un faible grognement d’Antonia et il se reprend, affirmant son coup (« scopa ») comme s’il l’avait prévu de toute éternité. La musique a repris, douce, calme, hollywoodienne comme le dit Comencini, un peu doucereuse et allègre en même temps, illustrant l’état d’esprit de Peppino.

Ce second plan-séquence s’achève sur les mains de Peppino ramassant le pli : on a entrevu son air satisfait. Il est convaincu de maîtriser le jeu et que la chance leur sourit enfin.

Quatre plans montrent quelques personnages du bidonville, collés derrière le grillage qui les séparent de la villa. La musique continue, mais les visages expriment une inquiétude et un scepticisme qui contrastent avec cette tonalite, donnant à la satisfaction de Peppino un aspect un peu dérisoire.

Le plan de la villa superbe, blanche, avec ses jardins réguliers, pourrait être le contrechamp de ces regards. Mais nous savons que la vue est bouchée par une palissade et il ne peut s’agir que d’une vision imaginaire et collective.

Retour au réel dans la villa : une servante, puis deux viennent relayer les « voyeurs » du bidonville. Les splendeurs gastronomiques étalées au premier plan sont vite abandonnées par le travelling-avant qui resserre le cadre vers le véritable objet de tous ces regards : la table de jeu et ses joueurs au bord de l’épuisement.

Presque au terme de son trajet, la caméra saisit le regard de Peppino vers la Vieille, qui semble dans l’incapacité de jouer lucidement, au bord du malaise. En arrière-plan, le tas de billets, qui met en péril la vie, physique ou mentale, des quatre joueurs. Le regard de Peppino n’a plus la bienveillance des effusions après l’agression de celle-ci. Il guette la faiblesse de l’adversaire, ne fonctionnant plus que sur le souci du gain. Mais la vieille est-elle bien hors d’état ou est-ce une ruse dans un moment où la partie lui échappe ?

Le travelling s’achève sur un gros plan de la Vieille, de profil, la tête légèrement penchée en avant, les yeux ouverts, mais au bord de l’inconscience. La musique, banale pourtant, qui accompagne toujours la scène, prend un aspect pleinement ambigu. Souligne-t-elle plaisamment un probable triomphe de Peppino et Antonia, ou nous prépare-t-elle ironiquement à leur échec annoncé ?

Plutôt que la réaction de Peppino ou d’Antonia, Comencini choisit la répercussion sur le bidonville de l’événement que nous ne voyons pas (le malaise de la Vieille), transmis sans doute par Pasqualina. Le premier à demander des précisions est celui que ne concerne nullement cette victoire toute matérialiste, le curé. Nous n’avons pu voir le vrai malaise de la Vieille, mais la description qu’en fait Cleopatra par mots et par gestes devient vérité, à laquelle répond, par la voix de l’homme à la minerve, rendu brutalement porte-parole du groupe par un violent zoom-avant : « Il était temps ! » Oui, mais très vite les affaires vont reprendre, pour le prêtre, les pompes funèbres et les autres…

Photogrammes pour repérage




















Pistes de travail

Localisation

Où se déroule le film ? Que voit-on de cette ville ?

Mise en scène de la séquence

Avec l’aide des définitions qui suivent chercher quels types de plan a choisi le réalisateur pour filmer la partie de carte. [Le plan général montre un vaste décor naturel ou la totalité d’un décor construit avec des personnages à peine visibles Le plan d’ensemble découvre la majorité d’un décor. où plusieurs personnages peuvent être visibles en pied à une certaine distance. Le plan moyen cadre les personnages en pied, le plan américain à mi-cuisses, à la taille ou aux épaules. Le plan rapproché cadre à la taille, la poitrine ou les épaules. Les gros plan découpe la tête au niveau du cou Le très gros plan ou insert isole une partie du visage où du corps (main, œil…).

Que mettent en valeur ces plans ?

Comment le réalisateur a-t-il mis en évidence les deux tas de liasse de billets ? A qui sont-ils ? Qu’y a-il en évidence entre les plans des deux tas ? Quel enjeu exprime ce plan ?

Qui regardent les yeux des visages (profil) de la Vieille et d’Antonia ? Qu’expriment ces regards ?

Qui sont les deux joueurs les plus faibles mentalement ? Comment le réalisateur nous le fait-il comprendre sans parole ?

Que regardent les personnages derrière le grillage ? Qu’est-ce que cela représente pour eux ? Qu’expriment leurs visages ?

En quoi le plan où le réalisateur montre le curé plus pressé d’avoir le résultat de la partie de carte que son compagnon de table , est-il ironique ?

Le réalisateur montre-il la fin de la partie ? Où et comment nous apprend-il le résultat ? Caractériser les gestes de Cleopatra, qu’annoncent-ils ? La partie de carte est elle seulement entre le couple Antonia-Peppino et la Vieille-Georges ?

Montrer à partir de cette séquence, que la mise en scène de tout le film repose sur un va-et-vient entre deux lieux et que la partie de carte est une partie entre le peuple et le capital.

Dramaturgie

Chercher quelles sont les deux intrigues et leurs enjeux.

Y- a-t-il un personnage principal autour duquel s’organse ?

Personnages

Qui voit-on surtout travailler dans le films ?

Faire la liste des personnages principaux. Préciser leurs traits physiques, leur métier, leur milieu social,leurs traits de caractère. ..

Peut-on être sûr que la Vieille ne reviendra pas pour jouer, comme le souhaite Cleopatra ?

– Les jeux d’argent

D’où vient le hasard dans les jeux de carte ?

Faire une liste des jeux de hasard et d’argent pratiqués en France. Quand peut-on dire qu’il y a addiction au jeu ? Quelles en sont les conséquences ? Pourquoi Peppino et Antonieta n’ont-ils aucune chance de gagner tant que la Vieille vivra ?

Joël Magny et Yvette Cazaux, le 25 août 2009

Expériences

Classification des jeux

Même si l’appât du gain est mis en avant par Peppino et Antonia, consciemment ou pas, au même titre que leur richissime partenaire, et comme Alexis Ivanovitch, le héros du Joueur de Dostoïevski, avec la roulette, ils recherchent aussi le jeu pour le jeu, avec l’excitation et la tension à la fois agréables et désagréables qu’il procure.

S’il n’est pas un pur jeu de hasard comme la roulette, le Scopone, appartient néanmoins au groupe des jeux de hasard et d’argent, comme l’a judicieusement analysé Roger Caillois dans Les jeux et les hommes : « Certains jeux comme les dominos, le jacquet, le plupart des jeux de carte, combinent l’agôn et l’alea : le hasard préside à la composition des « mains » de chaque joueur et ceux-ci exploitent ensuite de leur mieux et suivant leur force, le lot qu’un sort aveugle leur attribua… L’âgon est une revendication de la responsabilité personnelle, l’alea – nom du jeu de dés en latin – une démission de la volonté, un abandon au destin… En général, le rôle de l’argent est d’autant plus considérable que la part du hasard est plus grande et par conséquent la défense du joueur plus faible… » Les vrais jeux de hasard, ne laissant aucune place à l’habileté ou à la réflexion, comme les machines à sou, les jeux de grattages…, sont rares. Les revues spécialisées sur les courses montent que des parieurs accordent une place importante à la connaissance pour faire leur choix. Même pour la roulette, pur jeu de hasard, des joueurs ont recours aux statistiques et aux systèmes de martingales. Des joueurs de loto, s’ingénient à jouer des numéros les moins sortis dans un passé récent…

La pratique des jeux de hasard et d’argent est devenue dans nos sociétés banale et majoritaire. Grâce au PMU, à la Française des jeux et aux Casinos en particulier, l’Etat est son premier bénéficiaire.

– Alberto Sordi

De tous les grands acteurs de la comédie italienne, Sordi est celui qui aura eu la carrière la plus longue (60 ans), la plus prolifique (150 films), la plus variée : doubleur (d’Oliver Hardy, de Marcello Mastroianni, de Franco Fabrizi…), scénariste, réalisateur, producteur, et bien sûr acteur, sous la direction de Fellini, Comencini, Monicelli, De Sica, Risi, Scola, Rosi, Bolognini, Zampa, Steno… Cette carrière, il se plaît à considérer qu’elle reflète l’histoire de l’Italie jusqu’en 1998, date de son dernier film. Il en avait fait un film de montage pour RAI 2 en 1979, mêlant extraits de ses films et actualités. « Lorsqu’un personnage que je rencontre dans ma vie me touche, tôt ou tard je le représente dans un film. » Sordi se considère comme un continuateur du néoréalisme : « Un néoréalisme non à fond dramatique, comme De Sica ou Rossellini, mais à fond ironique : j’entendais représenter les défauts des Italiens. »

Pour Comencini, c’est avant tout un romain. « Le peuple romain est un peuple […] qui est resté en dehors de toute l’évolution industrielle et qui se ressent du fait qu’il a servi le Pape pendant des siècles ; un peuple à l’ombre du Vatican qui a toujours su se débrouiller, s’arranger avec le petit commerce. »

Sordi est un cas exceptionnel d’un comique fondé sur des éléments essentiellement négatifs. Son personnage est peureux, craintif, sans cesse prêt à la magouille (l’arrangement), mais aussi capable de n’importe quoi pour s’en sortir, jusqu’à la bassesse. La lâcheté est la base de son comportement. Pier Paolo Pasolini parle à son propos d’infantilisme dévié : « [Son] comique naît du conflit entre la société moderne bariolée et standardisée, et un homme que son infantilisme, au lieu de le rendre ingénu, candide, bon, disponible, a rendu égoïste, lâche, opportuniste et cruel. » Souvenons-nous de l’homme qui, par le plus grand des hasards, emmène sa vieille mère en promenade jusqu’à une maison de retraite (Les Nouveaux Monstres). Qui exploite sans hésitation un couple d’étrangers démuni, naïfs et sous le coup d’un deuil (I magliari, de Francesco Rosi). Dans Un bourgeois tout petit, petit, de Monicelli, il réussit le tour de force d’amener le spectateur à la suivre, passant d’un personnage victime dont le drame peut toucher chacun au plus profond à un véritable tortionnaire dans foi ni autre loi que celle du droit à la vengeance.

« Le caractère de l’Italien, écrit Alberto Lattuada, s’est endurci dans l’égoïsme, la trahison, la lâcheté considérée comme la qualité du “plus malin que les autres”. Le génie de la survie, de l’indomptable énergie qui suit les plus atroces catastrophes, a étonné le monde, surtout après la Seconde Guerre mondiale. Sordi est le miroir de ces caractéristiques, peu facilement déchiffrables. » Cette « indomptable énergie » est l’autre versant de la personnalité de Sordi. C’est son « humanité ». Sans elle, nombre de ses personnages seraient des monstres insupportable.

Quelques-uns de ses films :

  • 1946 Le miserie del signor Travet (Mario Soldati)
  • 1947 Le Crime de Giovanni Episcopo (Alberto Lattuada)
  • 1952 Le Cheik blanc (Federico Fellini)
  • 1953 Les Vitelloni (Fellini)
  • 1955 L’Art de se débrouiller (Luigi Zampa)
  • La Belle de Rome (Luigi Comencini)
  • Un héros de notre temps (Mario Monicelli)
  • 1959 La Grande Guerre (Monicelli)
  • Profession : magliari (Francesco Rosi)
  • 1960 Il Vigile (Luigi Zampa)
  • 1960  La Grande Pagaille (Comencini)
  • 1961 Une Vie difficile (Dino Risi)
  • 1963 Il boom (V. De Sica)
  • 1967 Les Sorcières (sketch Sens civique, M. Bolognoni, avec Silvana Mangano))
  • 1972 L’Argent de la vieille (Comencini)
  • La Plus belle soirée de ma vie (Scola)
  • 1973 Poussière d’étoiles (A. Sordi)
  • 1976 La Fiancée de l’évèque (sketch de Comencini)
  • 1977 Un bourgeois tout petit petit (Monicelli)
  • 1977  Les Nouveaux monstres de (Monicelli, Risi, Ettore Scola)
  • 1979 Le Grand Embouteillage (Comencini)
  • Le Témoin (Jean-Pierre Mocky)
  • 1980 Storia di un Italiano (Série TV, A. Sordi)
  • 1982 Je sais que tu sais que je sais (Io so che tu sai che io so) (Sordi)
  • 1995 Le Roman d’un jeune homme pauvre (Scola)
  • 1998 Incontri proibiti (Sordi)

– Silvana Mangano

Elle est d’abord la mondine (repiqueuse de riz dans les rizières) de Riz amer de Giuseppe De Santis (1949) : un pull étriqué qui moule la poitrine, mini short et bas noirs montant à mi-cuisse, et la figurante devient en un film unique, et à 19 ans, un « sex-symbol ». À son palmarès, elle a déjà la séduction d’un jeune apprenti acteur, Marcello Mastroianni – avec lequel elle jouera enfin dans son dernier film, deux ans avant sa disparition, Les Yeux noirs de Nikita Mikhalkov (1987) –, et le titre de Miss Rome 1946 (elle échoue l’année suivante à celui de Miss Italie, remporté par Lucia Bosé). À la sortie du film (1949), elle épouse un jeune producteur en pleine ascension, Dino De Laurentiis, qui dirigera et contrôlera sa carrière. Une carrière à l’autre extrémité de laquelle on trouve les derniers films de Visconti, surtout Mort à Venise (1971) et Violence et passion (1974), ainsi que Œdipe-roi (1967) et Théorème (1968) de Pier Paolo Pasolini. C’est-à-dire une femme élégante, hautaine, d’une froideur contrastant totalement avec le sex-symbol de ses débuts, exploité très vite par Alberto Lattuada dans Anna (1951), où elle est, comme dans Riz amer, partagée entre Vittorio Gassman et Raf Vallone (et que la censure démocate-chrétienne ne lâchera qu’en 1953). Cette dualité est constante dans la carrière de la Mangano. Ainsi, dans un des rares péplum de qualité qu’elle ait interprété, Ulysse, de Mario Camerini, elle interprète le double rôle de Circé et Pénélope. Prostituée pour De Sica (L’Or de Naples, 1951), elle joue la sophistication extrême dans le rôle d’une bourgeoise dans Chacun son alibi, de M. Camerini (1960). Remarquable dans le mélodrame poussé à ses limites dans Le Procès de Vérone, de Carlo Lizzani (1963), elle peut aussi être la Madone de Giotto dans Le Decameron de Pasolini. Les Sorcières (Le streghe, 1966), loin d’être un simple véhicule pour diva, lui pemet d’explorer toutes ses facettes et particulièrement le jeu permanent entre la star et la femme, particulièrement, bien entendu, dans le sketch de Visconti, La Sorcière brûlée vive. Plus que jamais, derrière le maquillage et le hiératisme de la star apparaît ce que remarquait très tôt Lo Duca dans Cinémonde, ce « léger détachement qui rend croyable le fabuleux. » L’Argent de la vieille lui vaudra un David de Donatello de la meilleure actrice (équivalent de nos césars), après ceux obtenus pour Le Procès de Vérone et Les Sorcières.

Principaux films :

  • 1951 Anna (Alberto Lattuada) (avec Raf Vallone et Vittorio Gassman)
  • 1954 L’Or de Naples (L’Oro di Napoli) (Vittorio De Sica, sketch « Teresa ») (Ruban d’Argent de la meilleure actrice par le syndicat national italien des journalistes de cinéma)
  • 1954 Mambo (Robert Rossen)
  • 1954 Ulysse (Ulisse) (Mario Camerini) (double rôle de Circé et Pénélope)
  • 1956 Hommes et loups (Uomini e lupi) (De Santis)
  • 1958 Barrage contre le Pacifique (René Clément)
  • 1959 La Grande Guerre (La grande guerra) (Mario Monicelli) (avec Alberto Sordi)
  • 1960 Chacun son alibi (Crimen) (Camerini) (avec Sordi)
  • 1961 Une vie difficile (Una Vita difficile) (Dino Risi) (avec Sordi)
  • 1961 Le Jugement dernier (De Sica) (avec Sordi)
  • 1963 Le Procès de Vérone (Carlo Lizzani) (David di Donatello de la meilleure actrice, Ruban d’argent du syndicat national italien des journalistes de cinéma)
  • 1964 Il Disco volante (Tinto Brass) (avec Sordi)
  • 1964 La Mia signora (Mauro Bolognini, Tinto Brass et Luigi Comencini) (Alberto Sordi)
  • 1965 Moi, moi, moi… et les autres (Io, io, io… e gli altri) (Alessandro Blasetti)
  • 1966 Les Sorcières (Lestreghe) (Luchino Visconti, Bolognini, Pier Paolo Pasolini, Franco Rossi, De Sica) (David di Donatello de la meilleure actrice)
  • 1967 Œdipe roi (Pasolini)
  • 1967 Scusi, lei è favorevole o contrario ? (Alberto Sordi)
  • 1968 Théorème (Pasolini)
  • 1968 Caprice à l’italienne (sketches de Monicelli et Pino Zac)
  • 1971 Le Décaméron (Pasolini)
  • 1971 Mort à Venise (Luchino Visconti) (Ruban d’Argent du meilleur second rôle féminin par le syndicat national italien des journalistes de cinéma)
  • 1972 Ludwig ou le crépuscule des dieux (Visconti)
  • 1972 L’Argent de la vieille (David di Donatello de la meilleure actrice)
  • 1974 Violence et passion (Visconti)
  • 1984 Dune (David Lynch)
  • 1987 Les Yeux noirs (Oci ciornie) (Mikhalkov) (avec Marcello Mastroianni)

Outils

Internet

Fiche de la Cinémathèque française - Biographie, filmographie et bibliographie du réalisateur
Fiche ABC Le France - Extraits de critiques, entretien et biographie (document PDF téléchargeable)
Critique de François Chevassu - de La Revue du Cinema, janvier 1978
Fiche des Acacias - Critiques et biographie (document PDF téléchargeable)

Bibliographie

- Dossier pédagogique « Collège au cinéma » n° 176, par Joël Magny et Yvette Cazaux, CNC, 2009.
- Positif, n° 156, février 1974 (entretien) ; n° 157, mars 1974 (entretien) ; n° 203, février 1978 (Alain Masson) ; n° 218, mai 1979 ; n° 238, janvier 1981
- Cinéma 77, n° 228, décembre 1977 (Mireille Amiel) ; n° 233, mai 1978 ; n° 234, juin 1978
- Cahiers du cinéma, n° 272, novembre 1976 (Serge Toubiana), n°284, janvier 1978 (Danièle Dubroux)
- Écran 77, n° 64, décembre 1977 (Gilles Cèbe)
- La Revue du cinéma-Image et Son, n° 324 (François Chevassu)
- La Revue du cinéma-Image et Son, n°352bis, hors série, 1980, fiche filmographique, par Jean-Louis Cros
- Jeune cinéma, n° 81, septembre-octobre 1974 ; n° 108, février 1978.
- Jean A. Gili, Luigi Comencini (Édilig, 1981), Gremese, 2003 (chapitre sur le film).
- Jean A. Gili, le Cinéma italien (entretiens), vol. 1, coll. 10/18, UGE, Paris, 1978 (entretien avec Comencini en partie sur le film).
- Jean A. Gili, La Comédie italienne, éd. Henri Veyrier, Paris, 1993.
- Michel Serceau (dir.), La comédie italienne de Don Camillo à Berlusconi, CinémAction, n° 42, mars 1987, Cerf.
- Aldo Tassone, le Cinéma italien parle, coll. Cinégraphiques, éd. Édilig, Paris, 1982 (chapitre et entretien sur Comencini en partie sur le film).
- Bruno Duval, « Comencini et la comédie italienne », revue Téléciné, n° 191-192, septembre-octobre 1974.
- Laurence Schifano, le Cinéma italien (1945-1995), crise et création, coll. 128, éd. Armand Colin, Paris, 2008.

DVD

- L’Argent de la vieille, DVD, DVD libre de droits pour une utilisation en classe, ADAV, référence: 92111. Ce DVD ne propose que le film.
- L’Argent de la vieille, DVD, Zone 2, VO (2 et mono), VOSTF, VF (2.0), Studio Canal. (Usage exclusivement réservé au cercle familial).