Aventures de Robin des bois (Les)

États-Unis (1938)

Genre : Aventure

Écriture cinématographique : Fiction

École et cinéma 2008-2009

Synopsis

En l’an 1191, le roi Richard Coeur-de-Lion, parti pour les Croisades, a été fait prisonnier par d’écus de rançon…
Mais à la Cour de Nottingham, son frère, le Prince Jean, qui s’est assuré la complicité du seigneur Guy de Gisbourne, tient à garder le pouvoir. Robin de Locksley, archer de grande valeur, se refuse à reconnaître l’autorité de l’usurpateur. Recherché activement, il se réfugie dans la forêt de Sherwood avec quelques compagnons, dont Petit Jean, Willy l’Écarlate et frère Tuck. Ensemble, ils recrutent des hommes fidèles à Richard et organisent la résistance. Les révoltés font prisonniers Gisbourne et sa suite venus récolter les impôts. Robin décide d’envoyer le butin ainsi recueilli en Autriche pour payer la rançon de Richard. Ce geste lui attire la sympathie de Lady Marian qui accompagnait Gisbourne.…

Générique

Titre original : The Adventures of Robin Hood
Réalisation : William Keighley et Michael Curtiz
Scénario : Norman Reilly Raisse et Seton I. Miller
Image : Tony Gaudio et Sol Polito
Musique : Erich Wolfgang Korngold
Décor : Carl Jules Wayl
Montage : Ralph Dawson
Production : Warner Bros
Sortie du film : Mai 1938
Durée : 1h42
Format : 35mm, couleurs
Interprétation
Errol Flynn / Robin des Bois
Olivia De Havilland / Lady Marian
Claude Rains / Pince Jean
Basil Rathbone / Sir Guy de Gisbourne
Patrick Knowles / Wil Scarlet
Eugène Palette / Frère Tuck
Alan Hale / Petit Jean
Melville Cooper / Shérif de Nottingham

Autour du film

• La bête immonde ?

Les Aventures de Robin des bois comportent le risque d’une lecture téléologique liant les intentions du film à la grande Histoire. On pourrait croire que ce film est une prémisse du Dictateur de Chaplin (1940). Le brave Robin serait une allégorie du monde libre prêt à combattre « la bête immonde » du nazisme bien décidé à déferler et à engluer l’histoire. En faisant cette ode à la liberté face à l’oppression visant une communauté précise (les Saxons dans le film), Hollywood commencerait à préparer ses publics à l’engagement des Etats-Unis dans le conflit de la seconde guerre mondiale. Une version technicolor de Why we fight de Frank Capra (1944), finalement. Le roi Richard Cœur de Lion représenterait la démocratie et la raison qu’il faut défendre coûte que coûte, même quand elle semble avoir déserté, contre le totalitarisme et la folie de tous les princes Jean en puissance.

Mais l’histoire contemporaine nous a appris que l’engagement des Etats-Unis dans le conflit fut complexe. Et qu’au vu des déchirements internes du pays, à la date de sortie du film (1938), l’Amérique tendait davantage vers l’isolationnisme que vers le statut de potentiel sauveur du monde. Il faut toujours garder en tête qu’une des clefs du succès d’Hollywood fut de suivre les opinions politiques majoritaires plutôt que de les devancer. Ou pour reprendre les mots d’Errol Flynn, extraits de ses mémoires : « En réalité, Hollywood est, à sa manière perverse, aussi hypocrite et conservatrice que n’importe quelle petite ville du Dakota ». Si les Aventures de Robin des Bois est en lien direct avec l’histoire, c’est avec celle du cinéma Hollywoodien.

Une bête qui meurt ?

Les Aventures de Robin des bois cristallisent tout un pan de l’histoire du cinéma américain. Et pour mieux cerner le film, il faut, un temps, passer par sa genèse.

Le film fut produit par un des grands studios d’Hollywood, la Warner Bros, dirigée par les quatre frères Warner, (d’anciens vendeurs de vélo, reconvertis, après des aventures picaresques en producteur de cinéma !). Le projet était dans leur tiroir depuis 1934 et correspondait à la nouvelle ligne commerciale de la Warner : plus de films noirs avec des héros moralement contestables mais des fictions en accord avec le code de censure Hays (en vigueur à partir de 1934) et avec l’optimisme politique et économique voulu par le New Deal.

Robin des bois devait être interprété par James Cagney (qui excella en gangster dans l’Ennemi public de William Wyler, 1931) mais ce dernier, d’un tempérament irascible, se disputa une fois de trop avec Jack Warner, le producteur. Jack Warner choisit, en dernier recours, un jeune premier au jeu d’acteur limité mais qui, en plus d’un physique attrayant, avait comme atout le succès commercial extraordinaire de Capitaine Blood de Michael Curtiz (1935). Ce bellâtre se nommait Errol Flynn.

A la lecture du générique, on s’aperçoit que deux réalisateurs sont mentionnés. A première vue, on s’imagine une collaboration à la Cooper et Schoedsack, ou plus proche de nous à la façon des frères Coen ou Larrieux : c’est-à-dire un partage serein et mystérieux de la création. Il n’en est rien. Les studios américains avaient une équipe de réalisateurs interchangeables selon les aléas du tournage. Le tournage des Aventures de Robin des bois commença sous la direction de William Keighley, un réalisateur fin et docile mais connu pour son manque de fermeté. Ce trait de caractère entraîna du retard sur ce film au point de lui coûter sa place. Il fut remplacé au pied levé par Michael Curtiz.

Michael Curtiz d’origine hongroise arriva à Hollywood en 1926 recruté par les frères Warner quand Hollywood prit pour mode de récupérer les talents européens afin d’en faire profiter leur cinématographie nationale. Michael Curtiz, Michael Kertész de son véritable nom, avait donné son premier rôle à Errol Flynn, réalisé plus d’une dizaine de films pour la Warner depuis son arrivée à Hollywood. Il avait la réputation d’être complètement inadapté aux rapports humains les plus élémentaires… Il était donc respecté et craint car menant ses tournages d’une main extrêmement ferme malgré son anglais qui resta approximatif toute sa carrière. La moitié des séquences en extérieurs ayant étaient tournées par William Keighley, Michael Curtiz eut la responsabilité de terminer les extérieurs et de tourner les séquences intérieures en moins de deux mois.

Ces multiples revirements étaient courant à Hollywood où le producteur régna en despote absolu jusqu’au dernier nabab, Robert Evans (Love Story, le Parrain, Chinatown), soit au début des années 70.

• Une bête tricéphale ?

L’analyse de la mise en scène des Aventures de Robin des bois semble être véritablement pertinente qu’en prenant en compte ce que les facteurs exogènes ont fait du film : une bête tricéphale. Avec pour géniteurs : les frères Warner voulant une histoire optimiste dans la lignée des visées politiques du New Deal (1934) ; la mise en scène efficace des extérieurs, discrète jusqu’à l’académisme de William Keighley ; et l’art tout en mélancolie corsetée de Michael Curtiz. On est assez loin de l’image fantasmé du démiurge créateur qui se sert de sa caméra comme d’un stylo, œuvrant loin des lois du marché. Mais au moins, Hollywood a le mérite de ramener le cinéma à ce qu’il est : un croissement improbable et sans cesse à réinventer entre l’industrie (et tout ce que cela comporte en formatage à destination d’un public standardisé) et l’art (ce que François Truffaut appela Politique des auteurs, soit les lignes de fuite à l’intérieur du système).

 

Vidéos

Arrivée de Robin de bois au château de Nottingham, défiant le prince Jean et Guy de Gisbourne en plein banquet

Catégorie :

Notre analyse commence à la 6ème minute et 16 secondes du film et se conclut deux minutes plus tard : 6 plans seront analysés. Nous sommes dans le château de Sir Guy de Gisbourne, à Nottigham. Le Prince Jean va annoncer à ses convives qu’il est désormais le régent et il va tenter de favoriser une alliance entre Lady Marian et son hôte.

– Après un carton précisant le lieu où va se dérouler la première séquence, le premier plan apparaît dans un fondu enchaîné. Le point de vue est surélevé, la caméra effectue un panoramique de droite à gauche, nous présentant une fête en l’honneur du Prince Jean. Le premier cadre nous fait sentir que nous sommes dans l’antre du mal par la présence du feu qui enserre l’image : en haut, une torche qui brûle, en bas une cheminée où rôtit un chevreuil. L’atmosphère n’est plus au ciel dégagé et à la verdure comme dans le monde de Robin mais aux voûtes et à l’horizon cloîtré du château de Nottingham. Une lecture sémiologique, un peu académique, ajouterait que l’atmosphère négative est renforcée par le mouvement de caméra allant de la droite vers la gauche, soit prenant à rebours notre sens de lecture : une direction qui indique bien souvent que nous prenons le chemin du mal. Les motifs qui se déclinent dans ce plan vont appuyer le châtiment prochain du Prince Jean.

– Le deuxième plan semble tautologique : il démarre du même axe que le premier mais son mouvement diffère et souligne à nouveau que la mise en scène condamne les personnages présents dans ce lieu. L’essayiste René Noizet parle de «cynisme anthropomorphique »1 à propos de ce plan qui nous montre trois aigles apprivoisés et totalement soumis au premier plan de l’image avant de nous dévoiler le banquet où se trouvent les trois sbires du Prince Jean. La métaphore est explicite, d’autant que le plan se termine sur un chien rongeant des os alors qu’en fond sonore, on proclame la gloire du Prince Jean.

1/ René Noizet, Tous les chemins mènent à Hollywood, l’Harmattan, 1997, p 201.

La mise en scène affiche clairement ses affinités avec Robin en créant des rapprochements entre le bestiaire de la salle et la bande du Prince Jean.

Une autre connotation négative est donnée par le mouvement descendant de la caméra, comme un présage de la chute prochaine.

– Le troisième plan décline la même proposition. Le Prince Jean a rapté le trône mais l’œil de la caméra n’est pas dupe : à peine sur lui, elle se déplace en travelling arrière. Cela permet de donner des indications au niveau de la narration, le spectateur peut situer rapidement les différents personnages. Mais ce travelling contribue surtout à travailler l’opposition symbolique entre le Prince Jean et Robin des bois. Le premier n’arrive pas à occuper le cadre quand Robin s’y impose sans battage.

– Le quatrième plan montre le Prince Jean avec Marian. La finesse de la mise en scène de Curtiz se fait sentir. Aucun cadre sur le Prince Jean ne sera franc : ni de face, ni de profil, ni de ¾, comme si Curtiz illustrait littéralement la perversion de Jean, en faisant de lui un être déviant l’image. Un réalisateur œuvre également sur les détails et sur toute une série de rappels picturaux qui contribue à l’atmosphère du film. Par exemple, on remarque que Lady Marian porte deux broches avec des diamants verts alors que Sir Guy de Gisbourne, son promis dans l’esprit du Prince Jean, a des broches avec des diamants de couleurs rouges. Séparation picturale et symbolique : le rouge renvoyant à l’univers du Prince Jean alors que le vert à celui de Robin des bois.

– Le quatrième plan cloître Marian dans l’univers du Prince Jean, chaque partie du cadre, de l’amorce à l’arrière plan, est occupé par un de ses acolytes.

– Au cinquième plan, nous retrouvons le même cadre qu’au plan 4. Nous avons vu que le réalisateur a chargé de sens les éléments du décor (les animaux), les costumes (la couleur des diamants des broches), et l’organisation de l’espace : ces symboles construisent l’ambiance du film ; tracent le rôle et la moralité des personnages (le caractère d’un personnage n’existe au cinéma que dans la matérialité d’un espace et de ses composants). Dans ce plan, la mise en scène va se servir d’un accessoire pour annoncer la relation ultérieure entre Robin et Lady Marian.

Au moment où le Prince Jean va évoquer l’intérêt qu’il aurait à voir Lady Marian unie avec Sir Guy de Gisbourne, son riche allié ; Prince Jean joue avec une petite branche d’arbre. L’attention de Lady Marian naviguera entre le discours de Jean et ce qu’il tient dans sa main. Cet accessoire, sans grande utilité narrative, permet de comprendre que Lady Marian est le seul personnage double : son corps est à cette table mais son cœur va bientôt répondre aux appels de la forêt, de la nature et de l’impétueux collant vert de Robin des bois. La mise en scène glisse des indices, par des motifs, de son futur choix qui sera au antipode des plans du Prince Jean.

Il est intéressant de relever que le Prince Jean est un roi nu car il ne sait pas lire les signes que le destin lui envoie. A plusieurs reprises, il interprète à son avantage ce qui paraît être l’auspice d’une déconvenue. Lors de sa première séquence (2 minutes 34), il renverse une carafe de vin rouge, le vin s’écoule ainsi par terre sous ses yeux émerveillés d’y voir l’augure de l’application de ses volontés (faire couler le sang des Saxons). Seulement ce signe pouvait aussi signifier sa maladresse et son incapacité à être à la hauteur de la place qu’il convoite : un signe que cet ordre donné le conduira à sa chute. De même lorsqu’il joue avec la petite branche d’arbre en parlant de mariage à Lady Marian, sans le vouloir, il propose à la filleule de Richard Cœur de Lion un ailleurs, une capacité à ne plus porter attention à ses propres propos. Il est donc pervers, littéralement : celui qui met les signes sans dessus dessous.

– D’ailleurs le sixième plan, verra une première contrariété affichée au projet du Prince Jean. Après que Jean ait évoqué une possible liaison entre Guy de Gisbourne et Lady Marian, le plan 4 avait fait un panoramique entre les deux personnages : ce mouvement les avait quasiment rassemblés dans le même plan, à l’image du dessein du Prince. Cependant le 6ème plan, va trancher le lien symbolique qu’avait créé le plan 4. Car après avoir évoqué une deuxième fois Sir Guy de Gisbourne auprès de Marian, la caméra ne les lie plus ensemble (il n’y a pas de deuxième mouvement allant de l’un à l’autre). Sir Guy est donc isolé par un montage cut où le cadre le renvoie à sa solitude.

La mise en scène anticipe le choix de Marian en rompant la liaison effectuée par le mouvement de caméra du plan 4. Désormais, l’espace entre Marian et son prétendant aux yeux du Prince Jean, est définitivement clos.

Pistes de travail

• La lutte de deux enfants

Le cinéma américain de la fin des années 30 aux années 50 est obsédé par « cet écartèlement quasi métaphysique renvoyant l’homme à un problème fondamental auquel il se heurtera sans cesse : celui qui consiste à vouloir concilier, à travers sa quête, la soumission à l’irrémédiable passage du temps et le besoin de préserver quelque chose de la pureté originelle de son enfance ».

1. Les Aventures de Robin des bois semble avoir tranché : optant pour la pureté originelle de l’enfance. Nul tracas pour Robin Hood ou pour n’importe quels personnages du film, ils restent identiques. Les personnages ne changent pas, ils ne ressortent pas grandis de leurs aventures. De là découle cette étrange impression de fixité, renforcée par les couleurs en aplat du technicolor, monde éternel et fantasmé de l’enfance, où les rôles, une fois attribués, n’ont plus qu’à être joués pleinement. Les multiples sourires d’Errol Flynn (à la dentition semblant faites de dents de lait d’ailleurs) n’affichent pas la niaiserie innocente du film mais plutôt l’irrésistible joie d’évoluer dans un monde de la permanence. Robin, le héros, et Prince Jean, le méchant, sont l’envers et l’endroit d’une même qualité : celle de la fixité et de l’obstination. Aucune péripétie ne les fera dévier de leurs routes : bon de bout en bout ou mauvais jusqu’au cou. Tous deux veulent accorder le monde à leurs désirs : Robin Hood veut restaurer l’équilibre perdu du règne de Richard Cœur de Lion et Prince Jean veut se faire sacrer Roi.

Deux enfants, proches certes, mais avec un différend dans le rapport à l’autre. Robin des bois est celui qui va sans cesse intégrer l’autre à son aventure, faisant de lui automatiquement un compagnon de jeu. Aucune revendication sociale ou de communisme latent dans cette version de Robin des bois, notre héros n’aime pas voir les autres souffrir car la souffrance empêche le jeu et son irrésistible légèreté.

2/ Jacqueline Simon, La « fêlure » dans le cinéma romanesque Américain, Masson, 1986, p.228

Le Prince Jean, quant à lui, ne voit en l’autre qu’un moyen ou un obstacle, sentant bien qu’accueillir l’autre, c’est être soumis à son regard. Et sans doute qu’à trop se laisser observer, Jean offre l’occasion d’apercevoir que ses épaules sont trop fines et sa tête trop faible pour la tenue du roi et le poids de la couronne.

• Construction visuelle des oppositions

La mise en scène va travailler une série d’oppositions entre Robin des bois et le Prince Jean ; entre un personnage joueur et droit qui s’ouvre aux regards et un personnage pervers (perversus) rangeant l’autre à des fins utiles et prenant les signes au contre-pied de la lettre.

Pour reprendre ce que nous avons tenté d’expliquer brièvement dans la partie « mise en scène », le mode de production des majors imposait au réalisateur un certain classicisme reprenant, en la réduisant, la célèbre formule de Boileau dans l’Art poétique : « plaire et toucher ». Discrète organisation de l’espace et embellissement du monde qui permettait au studio d’avoir des mises en scène transposables et au film une fluidité appréciable par tous. Cependant pour que les caractères apparaissent, il faut créer des oppositions visuelles franches : ce que le film ne cesse de construire.

– Les couleurs : Robin, en accord avec son environnement et les attributs de son personnage, sera vêtu de vert alors que le Prince Jean déclinera des teintes de rouge : de sa chevelure rousse à ses vêtements couleurs de sang.

– La mise en scène offrira des espaces ouverts à Robin, où cadré de face ou de profil, il sera magnifié par des gros plans avec un éclairage classique hollywoodien le distinguant nettement des décors. Prince Jean sera souvent filmé en biais, peinant à s’imposer dans le cadre. La caméra sera fixe avec des plans larges nous montrant la dextérité et la capacité de Robin à être à la hauteur de toutes les situations quand, au contraire, le cadre enferme le Prince Jean, comme sans cesse cerné par ses convives ou dans une série de mouvements de caméra comme si ce dernier n’avait pas assez de charisme pour que le cadre ait envie de s’arrêter sur lui.

Plaisir et fascination du spectacle d’un corps agile et bon pour Robin ; face à l’incapacité du Prince Jean à se donner de la consistance à l’image. Il semble usurper sa présence dans le cadre comme il vole la place du Roi.

Nous avons vu dans l’analyse de séquence, la façon dont le Prince Jean a du mal à tenir dans un plan qui le mettrait en valeur et interprète mal les signes que la mise en scène joue sous ses yeux.

– Le montage va privilégier les fondus enchaînés pour le Prince Jean et ses actions alors que Robin des bois verra un montage cut : montrer ses faits ou ceux de ses compagnons. Le fondu enchaîné consiste à faire disparaître un plan dans l’apparition d’un autre plan : ce type de montage renforce l’idée de liaison des séquences entre elles (le dernier plan d’une scène et le premier plan d’une autre semblent corollaires). Ce choix pour le Prince Jean indique l’aspect néfaste de son pouvoir. Le danger qu’il représente, n’est pas dans sa capacité à formuler des ordres cruels mais à les faire si bien appliquer. Il est donc une menace car il est capable de créer des réactions en chaîne (comme les pendaisons, par exemple) que le montage cut (un plan puis un autre) utilisé à chaque apparition de Robin va défaire. Robin des bois par la mise en scène et le montage va délier l’ordre établi d’un monde où le pouvoir du Roi s’exécute sans heurt. Notre héros va rompre la tranquille application des volontés de l’usurpateur Jean : il tranche l’enchaînement aveugle des résolutions rendant son apparition d’autant plus remarquable à l’image qu’elle est intempestive.

Florian Torrès, le 27 août 2008

Expériences

Santé et fêlure

Après une première vision, on se dit que le film respire l’optimisme du cinéma classique d’aventure : à l’apogée de ses moyens, de son sens de l’efficacité, de sa litote narrative soupoudrée d’une emphase musicale continue. L’ensemble force l’oubli vers le rêve américain (que ce cinéma a fortement contribué à construire). Un film en pleine santé !

Cependant il ne faut pas omettre que derrière ces fables aux allures insouciantes se cache un déni. Francis Scott Fitzgerald, nomma cela : La fêlure, soit la conscience que « toute vie est un processus de démolition ». D’ailleurs tous les créateurs du film ont, leurs vies durant, paraphrasé cet aphorisme de l’écrivain de la génération perdue. Michael Curtiz passa sa vie au travail empêtré dans des divorces sans fin et il restera pour la postérité l’auteur du mélancolique Casablanca. Errol Flynn clama à qui veut l’entendre : « Alors que la plupart des choses finissent par m’ennuyer, la vodka jamais ». On se doute bien que nos héros ne sont pas des enfants de cœur. Notre propos n’est pas là. Les Aventures de Robin des bois n’est pas qu’une œuvre affichant fièrement la réussite d’un mode de production au sommet de ses moyens, ni un simple conte rempli de joie et d’énergie. La jubilation des films d’aventure américains ne provient pas d’une vision candide du monde mais davantage d’une prescience de la fêlure et de la perte irrémédiable du rêve américain. Si on les visionne encore aujourd’hui, ce n’est pas seulement pour nous plonger dans un univers harmonieux mais parce qu’entre les plans, entre les acrobaties d’Errol Flynn et son rire confiant se tapit une peur qui n’est pas celle des soubresauts de l’histoire à venir mais plutôt l’effroi de ne plus avoir assez de souffle pour maintenir cette course effrénée vers un hypothétique réenchantement du monde. Les grands succès d’Hollywood ne sont finalement qu’une danse devant l’abyme, d’autant plus réussie qu’elle feint de ne pas l’apercevoir.

Outils

Bibliographie

François Amy de la Bretèque, La légende de Robin des bois, Privat, 2001
Errol Flynn, Mes 400 coups, Ramsay poche cinéma, 1988
René Noizet, Tous les chemins mènent à Hollywood, l’Harmattan, 1997.
Jacqueline Simon, « La fêlure » dans le cinéma romanesque américain, Masson, 1986.

Web

Télédoc (fiche cndp sur la couleur dans le film)