Synopsis
Il était une fois de beaux jeunes gens et de belles jeunes filles qui faisaient des concours de danse artistique. Les règles en étaient strictement établies par une Fédération toute puissante, menée d’une main de fer par Monsieur Barry Fife.
Dans l’une des écoles qui formaient ces jeunes danseurs, il y avait Scott Hastings et sa partenaire, Liz Holt, qui étaient bien placés cette année-là pour gagner le grand concours final : le Pan Pacific, couronnement de la carrière de tout danseur. Ils étaient entraînés par Les Kendall et Shirley Hastings, mère de Scott et ancienne partenaire de Les. Doug, le père, se contentant de filmer les danseurs et de jouer son rôle de supporter effacé.
Tout aurait pu continuer pour le mieux si, à un des concours préparatoires, un des rivaux de Scott, Ken, n’avait cherché à le gêner. Scott se tira bien du piège, mais en profita pour improviser de nouveaux pas de danse. Scandale pour la fédération, rage de sa partenaire, désespoir de sa mère, joie du public.
Liz abandonna Scott, et son entraîneur dut se mettre en quête d’une nouvelle partenaire pour lui.
Or Fran, une élève débutante de son école de danse, admirait le style personnel de Scott. Elle parvint à le convaincre de s’entraîner avec elle pour mettre au point ces â nouveaux pas â qu’il ne voulait pas abandonner. Ils le firent en secret. Fran était d’origine espagnole et, grâce à sa grand-mère et à son père, ils enrichirent leur technique du Paso doble en découvrant la passion dont il était issu. Mais la Fédération veillait, et Barry Fife tendit un piège à Scott, se servant du passé de son père que celui-ci connaissait mal. Refoulant son désir de liberté et de création et son amour naissant pour Fran, Scott s’inclina. Câest alors que Doug, son père, réagit et apprit la vérité à son fils. Libéré, Scott retrouva Fran et, en dépit des dernières manÅuvres de Barry Fife ulcéré, ils purent danser âleurâ Paso doble, enthousiasmant le public et tous leurs amis.
Distribution
Des personnages de contes de fées
Scott Hastings
Danseur depuis l’âge de six ans, il est l’orgueil de sa mère, doué mais insoumis aux règles sacrées de la danse sportive. En piste pour devenir le champion d’un concours important, il se met à danser ses propres pas, en dépit des figures imposées par la Fédération de danse. Il fait scandale, perdant sa partenaire et la faveur des officiels des concours qui l’éliminent. Il brave les interdits avec fougue, sûr de lui et de son talent. Cette assurance le rend arrogant face à Fran lorsqu’elle lui propose d’être sa partenaire. “ Un amateur n’a pas le droit d’approcher un champion ”, lui dit-il avec une certaine suffisance. Il découvre auprès de la famille de Fran, en particulier de son père, la joie de danser, le rythme et la passion. Il apprendra à bouger et à vibrer au rythme de son cœur.
Fran
D’origine espagnole, Fran cache son jeu sous un physique ingrat et une allure gauche. Danseuse débutante, elle admire Scott et en est secrètement amoureuse. Elle a adoré son numéro et lui propose d’être sa partenaire à trois semaines du concours. Rabrouée violemment par Scott, elle réagit en le provoquant et révèle sa force de caractère. Elle réussit à intriguer et à surprendre Scott, puis à l’encourager et le suivre dans l’invention de nouveaux pas. À force de persuasion, elle réussit à le convaincre de la prendre comme partenaire. Très protégée par sa famille, elle a grandi dans une ambiance chaleureuse et gaie où la danse tient une grande place. En faisant entrer Scott dans ce monde, elle lui révélera une autre manière d’approcher sa passion. Fran évoque une Cendrillon métamorphosée par la magie de la danse et de l’amour. En rencontrant son Prince Charmant, le vilain petit canard se métamorphose en princesse sévillane.
Shirley Hastings, la mère de Scott
Conseillère en produits de beauté, Shirley est une ancienne vedette du mambo. Aujourd’hui, elle dirige d’une main de fer la salle de danse et place tous ses espoirs dans son fils, Scott. Excessive et théâtrale, elle est effondrée lorsque Scott se rebelle contre la Fédération. “ J’ai échoué dans mon rôle de mère ! ”, s’exclame-t-elle. Elle prétend s’être sacrifiée pour lui alors qu’elle projette en fait sur lui ses propres rêves de jeunesse. Exubérante, toujours au bord de la crise de nerfs, elle insulte souvent son mari, le rabroue et l’écrase. On comprend à la fin du film comment son obstination obsessionnelle cachait une revanche sur le passé.
Doug Hastings
Le père de Scott est un homme discret, qui ne parle jamais, effacé derrière son envahissante femme. Quand la salle de danse s’est vidée, il se prend à rêver seul, revivant le passé. En cachette, il met un disque et danse de manière farfelue. Il affirme tout le temps ne pas aimer les concours mais il cache un lourd secret : il était autrefois un danseur magnifique, admiré et destiné à être le plus grand champion de tous les temps. Mais il s’est mis à improviser des nouveaux pas non agréés. À la fin du film, il réagit et parle pour la première fois avec autorité à son fils en lui intimant de ne pas faire la même erreur que lui : il a perdu son rêve parce qu’il n’est pas allé jusqu’au bout. “ Nous avons vécu notre vie dans la peur ”, dit-il à son fils, l’encourageant à danser à sa façon. À la fin, Doug retrouve une seconde jeunesse à travers son fils.
Générique
Titre original : Strictly Ballroom
Réalisation : Baz Luhrmann
Scénario : Baz Luhrmann et Craig Pearce, d’après la pièce Strictly Ballroom de Baz Luhrmann et Andrew Bovell
Image : Steve Mason
Direction artistique : Catherine Martin et Bill Marron
Chorégraphie : John O’Connell
Costumes : Angus Strathie
Musique : David Hirschfelder
Production : Tristram Miall
Film : 35mm, 1/1,66 (full frame)
Couleur
Durée : 1H34
Distribution : UGC
Visa : n° 80 863
Sortie en France : 2 septembre1992
Interprétation
Scott Hastings / Paul Mercurio
Fran / Tara Morice
Barry Fife / Bill Hunter
Shirley Hastings / Pat Thomson
Liz Holt / Gia Carides
Les Kendall / Peter Whitford
Doug Hastings / Barry Otto
Autour du film
Briser le cercle
Ballroom Dancing se présente à la fois comme un hommage aux grandes comédies musicales des années quarante et comme une “ success story ” dans la lignée de La Fièvre du samedi soir (John Badham, 1977) ou de Dirty Dancing (Emile Ardolino, 1987). La tradition et la nouveauté y sont continuellement confrontées aussi bien stylistiquement que thématiquement.
À partir d’un scénario à la trame rebattue (l’insoumission d’un danseur, une Cendrillon métamorphosée par la danse et l’amour, la victoire de l’audace sur la convention), le réalisateur pose un regard mi-moqueur mi-attendri sur un milieu méconnu, celui des concours de danse sportive. Sous la farce et le folklore se profile l’étude sociale d’un monde vivant en autarcie, étrangement coupé des réalités extérieures. Rien d’autre n’existe pour ces danseurs que ces moments fugaces où, sous le feu magique des projecteurs, ils ont la sensation précieuse de devenir des stars. Il nous introduit dans cet univers insolite en révélant ses rites inviolables, ses championnats aux règles rigides et son caractère étouffant. Derrière les paillettes et les sourires figés se cache une forme perverse d’aliénation qui enferme l’individu dans un moule. Toute tentative de briser ce carcan se voit sévèrement punie. À travers la farce, voire le burlesque, Baz Luhrmann développe un vibrant plaidoyer pour l’invention artistique et la lutte contre la sclérose des conventions.
La morale est clairement énoncée à plusieurs reprises par une réplique de Fran, un dicton parcourant le film et relançant l’action : “ une vie vécue dans la peur est une vie à moitié vécue ”. Une métaphore aussi simple qu’édifiante qui s’applique aussi bien au monde de la danse qu’à tous les milieux. Par là, le film prône l’initiative individuelle, l’audace et la volonté en véhiculant le mirage de la réussite et de l’épanouissement. Pour faire passer son message, le metteur en scène mélange allègrement la naïveté du propos et la distance humoristique, permettant ainsi au spectateur de sourire tout en étant entraîné malgré lui dans cette histoire cousue de fil blanc.
Ce “ mélo ” sentimental sous forme de comédie musicale est avant tout un divertissement et surtout un conte de fées avec sa galerie de personnages codés : le Prince charmant (Scott), Cendrillon (Fran), la sorcière (Shirley) et l’affreux traître (Barry Fife). Mais derrière la féerie et le sentimentalisme, il trouve une vraie dimension tragique grâce au personnage de Doug, le père de Scott. Danseur frustré, tourné vers un passé révolu, il symbolise l’échec d’une vie gâchée par la peur et le conformisme. Il offre l’image pathétique de l’individu cassé par les conventions qui va enfin réaliser son rêve de jeunesse à travers son fils. C’est lui qui poussera Scott à exécuter ses propres pas, lui ouvrant le chemin de la liberté et de la créativité. C’est sur une scène transformée en arène que Scott et Fran exécutent leur danse, telle une corrida, devant une foule en délire dont les applaudissements rythment la mise à mort du classicisme au profit de l’innovation chorégraphique.
Danièle Parra
Un film sympathique
“ Après une ouverture astucieuse, le mélange de la farce – trop ou pas assez poussée – et de l’étude sociale d’un milieu méconnu (celui des concours de danse sportives) s’harmonise difficilement dans la “ success story ” ; l’opposition archétypique entre tradition et innovation se trouve un peu vite réglée dans le troc d’un paso doble contre une rumba. Sans doute, on sourit souvent et les interprètes excellent à nous entraîner sur les ailes de la danse lors de numéros magistralement filmés. Mieux orchestré, cet ensemble kitsch et bariolé aurait donné plus qu’un film sympathique. ”
Philippe Richard, in “ Positif ”, novembre 1992.
Un mélo malin !
“ S’il force notre sympathie c’est que le film a le recul de l’humour avec tous ces clichés, et qu’il est malin. Malin précisément, plutôt que naïf, et joyeusement mélo car il manifeste moins la pure candeur d’un cinéaste qu’un judicieux pari sur l’attente du spectateur. Un spectateur qui va adorer la débauche de couleurs, les excès de jeu, les chansons qu’il aime déjà aussi (Cendrillon assortie du Socratique “ Connais-toi toi même ” et du synthétique “ Fais ce qu’il te plaît ”), se trémousse, aérienne. Malin parce qu’il tombe bien, aussi bien que le parfait rideau rouge de début et de fin du film. ”
Camille Taboulay, in “Cahiers du Cinéma ”, n° 460, novembre 1992.
Tout oser !
“ Dans son film, Baz Luhrmann ose tout. Le Kitsch, l’hénaurme, la tendresse et l’humour. Une danseuse se met à hurler, hystérique: “ Je veux que Ken Railings entre et dise : Pam Short s’est cassé les deux jambes, je veux danser avec toi. ” Aux plans suivants, Pam est victime d’un accident de voiture, et Ken fait irruption pour déclamer la phrase en question.
Baz Luhrmann a l’air d’un jeune homme sage. Il a 29 ans, il croit encore aux contes de fées. ”
Isabelle Danel, in “ Télérama ”, 2 septembre 1992.
Pistes de travail
- Le réalisateur
Ballroom Dancing est le premier film de Baz Luhrmann. Évoquer les origines du réalisateur qui a baigné toute son enfance dans le milieu du spectacle. Il semble intéressant de retracer sa carrière théâtrale principalement tournée vers l’opéra et la comédie musicale. Cela permettra de mettre en lumière la manière dont le film devient l’aboutissement logique d’une formation et d’une expérience solides. - Les “ success stories ”
Ballroom Dancing s’inscrit dans une tradition de films qualifiés de “ success stories ”, un genre particulièrement vivace à partir des années soixante-dix. Leurs histoires suivent toutes le même schéma : l’itinéraire d’un artiste qui se bat pour réussir. Ces divertissements véhiculent les valeurs de la libre Amérique (même si on est en Australie) où rien n’est impossible. Évoquer quelques-uns de ces films en ressortant leurs points communs. - Mise en scène de la danse
La mise en scène du film ne s’apparente aucunement à du théâtre filmé. Le réalisateur a réellement mis sa caméra au service de l’action, en particulier des numéros dansés, saisis avec mobilité et nervosité. Étudier comment le montage parallèle lui permet de faire avancer et éclairer l’évolution de l’histoire. - Un milieu méconnu
Sous le couvert de légèreté et de fantaisie, le film propose l’étude sociale d’un milieu méconnu, celui des concours de danse sportive. Déchiffrer avec les élèves tous les indices qui permettent de brosser une peinture de ce monde, avec ses rituels et ses règles intangibles. Déceler comment, derrière la caricature, se profile la description précise d’un microcosme insolite. - Une leçon de vie
Ressortir la morale énoncée à plusieurs reprises dans le film : “ une vie vécue dans la peur est une vie à moitié vécue ”. Il apparaît essentiel de préciser que cette formule s’applique non seulement au monde artistique mais également à tous les milieux. Le film propose par là une leçon de vie et de liberté en prônant l’initiative individuelle et le refus du conformisme. - Les racines culturelles du cinéma australien
Le cinéma australien connaît une formidable croissance et de nombreux auteurs ont gagné une reconnaissance mondiale. Pour comprendre la situation actuelle, on ne peut ignorer l’évolution historique et les racines culturelles de ce cinéma. Pour cela, faire un bref récapitulatif en suivant ses différentes étapes et en évoquant ses réalisateurs phares.- L’histoire d’un genre
Ballroom Dancing s’affirme comme un vibrant hommage aux grandes comédies musicales hollywoodiennes. Ce genre typiquement américain a connu son âge d’or dans les années 40/50. Aborder les grands films de danse devenus des classiques en suivant l’évolution du genre et en évoquant les artistes célèbres qui ont contribué à sa popularité. - La construction du film
La structure dramaturgique de Ballroom Dancing est relativement simple. Rechercher à quel type de lieu et à quel temps correspond chaque personnage. Qu’en déduisent-ils de leur personnalité respective ?Mise à jour: 16-06-04
Expériences
Un hommage au succès
Ballroom Dancing est un hommage à la comédie musicale traditionnelle tout en étant une brillante démonstration du sang neuf apporté par la chorégraphie moderne. Les grandes comédies musicales hollywoodiennes mettaient une histoire au service de la danse et du chant. Dans les années 70 et 80, le divertissement se teinte de nouvelles préoccupations en rapport avec les difficultés économiques et sociales, comme le clivage des classes dans La Fièvre du samedi soir et surtout la soif de réussir seul contre tous. Ce sera la grande vogue des “ Succes stories ”, courant dans lequel s’inscrit totalement Ballroom Dancing.
Réalisé en 1977 par John Badham, La Fièvre du samedi soir remporte un énorme succès et lance la carrière de John Travolta. Il y incarne Tony, fils d’émigrés italiens, qui utilise son maigre salaire pour se payer ses sorties du samedi soir où, sur la piste de danse, il devient un véritable dieu. Le cinéaste n’a pas voulu fabriquer un film s’articulant autour de la musique mais plutôt que la musique soit l’élément moteur. Ce n’est pas film sur le disco mais un film-disco.
La musique et la danse sont perçus comme un moyen de sortir de sa condition et de réussir comme un sportif. Il n’est pas étonnant que Sylvester Stallone, le champion de la “ sport success story ” avec ses Rocky, ait mis en scène la séquelle Staying Alive (1963) en la filmant comme un entraînement de boxe. Mais six ans après La Fièvre du samedi soir, l’ambition du héros a évolué. Il n’aspire plus à être le meilleur dans une discothèque mais dans un grand show de Broadway. Le danseur exubérant s’est transformé en homme ambitieux et arriviste. Il symbolise l’itinéraire classique de l’Américain qui croit en son étoile et se donne comme unique but : la réussite.
Dans la même optique, Flashdance (Adrian Lyne, 1983) a comme héroïne une jeune ouvrière qui rêve de devenir danseuse. Elle parcourt un long chemin pour être admise à l’académie de danse. Présenté comme un conte de fée moderne, le film marie le rêve et le discours moralisateur : tout est question de volonté et de courage, la chance peut sourire à qui veut se battre et se donne les moyens d’y arriver. Nous voilà en pleine utopie de la libre Amérique où rien n’est impossible. C’est à nouveau le parcours familier qui mène de l’obscurité à la gloire au terme d’une série d’épreuves et d’embûches.
De toute évidence, le film qui se rapproche le plus de Ballroom Dancing demeure Dirty Dancing (Emile Ardolino, 1987). Une jeune fille est initiée aux danses torrides et sensuelles par un bel animateur, interprété par Patrick Swayze. La communication s’établit entre les deux partenaires à travers le langage du corps, installant une intimité, une forme de dialogue. Les ondulations sont lascives, les chorégraphies musclées et la transformation de la godiche en jolie danseuse tout à fait miraculeuse.
Une nouvelle fois, la danse finit par résorber les conflits de classe et de génération, balayant tous les problèmes en une pirouette.