Synopsis
Un samedi, cinq élèves d’un même lycée que tout sépare se retrouvent en retenue ensemble : un surdoué, une détraquée, un athlète, une fille à papa et un délinquant. Le professeur commis à leur surveillance, M. Vernon, leur impose une dissertation de 1 000 mots avec pour sujet :« Qui pensez-vous être ? ». Les cinq ados réalisent au fil de cette journée qu’ils ont plus en commun qu’ils ne l’ont toujours pensé. Ils subissent tous à leur façon une forme de pression sociale très forte. Les autres élèves demandent donc ensuite à Brian, le cerveau de la bande, de rédiger une réponse unique pour l’ensemble du groupe.
Distribution
• Judd Nelson : John Bender / « Le délinquant »
• Molly Ringwald : Claire Standish / « La reine de promo »
• Emilio Estevez : Andrew « Andy » Clark / « L’athlète »
• Anthony Michael Hall: Brian Ralph Johnson / « Le cerveau »
• Ally Sheedy : Allison Reynolds / « La détraquée »
• Paul Gleason : Richard « Dick » Vernon, le principal
• John Kapelos : Carl Reed, le concierge
Générique
• Réalisation et scénario: John Hughes
• Producteur : John Hughes et Ned Tanen
• Photographie : Thomas Del Ruth, Keith Forsey
• Montage : Dede Allen
• Budget : 1 000 000 $
• Pays d’origine : États-Unis
• Genre : Comédie dramatique
• Durée : 97 minutes
• Dates de sortie :
• États-Unis : 15 février 1985
• France : 11 septembre 1985
Autour du film
John Hughes n’est jamais vraiment sorti de ses années lycée et a toujours affirmé avoir des relations plus saines avec les adolescents qu’avec les adultes. D’ailleurs, à l’époque du tournage de Breakfast Club, son meilleur ami était Anthony Michael Hall, 16 ans au compteur, le sourire blindé de bagues, scene stealer de son premier film, Sixteen Candles. C’est même Hughes qui joue le père de Brian Johnson (le rôle de Hall) dans Breakfast Club. A côté de ça, il considérait Molly Ringwald comme sa muse, et avait écrit Sixteen Candles spécifiquement pour elle. Il voyait en elle l’adolescente idéale, un mélange de fragilité et d’intelligence, une représentante parfaite de cette classe d’âge injustement stéréotypée et tournée en dérision selon lui. Ayant écrit le scénario de Breakfast Club pratiquement en même temps que celui de Sixteen Candles, il comptait stratégiquement sur le succès de Candles (plus facile d’accès selon lui) pour servir de tremplin au Club, le projet qui lui tenait le plus à cœur. En effet, contrairement à Sixteen Candles, contrairement aussi aux autres gros succès teens de l’époque (Fast Times at Ridgemont High, Valley Girl, etc.), The Breakfast Club affichait un ton clairement plus dramatique, et un parti-pris cinématographique plus osé. L’affiche du film donnait d’ailleurs clairement la couleur : 5 adolescents fixent le spectateur avec un air de défi, sans le moindre sourire. Huis clos d’1h30 mené de main de maître, The Breakfast Club mettait en scène le rien et l’ennui de 5 adolescents aux prises les uns avec les autres, et avec le monde adulte.
L’histoire est en effet simplissime : « Breakfast Club », c’est le terme argotique pour désigner les samedis passés en retenue. Samedi 24 mars 1984, cinq lycéens ont 8 heures de colle au lycée de Shermer, Illinois (60062). Les voilà enfermés dans le CDI du lycée pour une journée, à se regarder en chiens de faïence, à faire les cons et à réfléchir sur leur identité. Parmi ces 5 lycéens, on compte : Claire, la princesse populaire/fille à papa (Molly Ringwald), Andy, le jock (Emilio Estevez), Brian, le geek mal dans sa peau (Anthony Michael Hall), Allison, la weirdo sans amis (Ally Sheedy) et Bender, le rebelle fort en gueule (Judd Nelson). Face à eux, Mr. Vernon (Paul Gleason), le proviseur un peu salaud, un peu méprisant et surtout très blasé, les soumet à un sujet de dissertation : « Who do you think you are? ». Cette journée commence par l’ennui, les vannes à la cool, et les quelques bons mots insolents de Bender. Petit à petit s’installe un malaise.
Do you want me to turn it up?
Des scènes silencieuses mais drôles, des scènes bavardes mais de plus en plus tendues. La tension croît jusqu’à l’explosion, au climax du film, de la rage d’une génération incomprise, prise dans des insécurités, ses confrontations et ses angoisses. C’est drôle et triste à la fois. S’ensuit une scène de danse réjouissante et cathartique, comme un prélude au fuck you au monde adulte que constitue la lettre qui ouvre et ferme le film. Au fond, ce qui fait de Breakfast Club un film unique, c’est qu’en plus d’être bien écrit, c’est un film sensible. Il ne suffit pas que les personnages soient crédibles et que les vannes fusent. The Breakfast Club fait la différence parce que Hughes y humanise ce qui est en général représenté en termes mécaniques : les adolescents, leurs hormones, leurs cliques, etc. – si Hughes n’en nie pas vraiment l’existence, il montre à quel point tout cela est le fruit de mécaniques sociales difficiles à maîtriser quand on a à peine 16 ans. On se dit que c’est vraiment un milieu à chier, le lycée, ce lieu où l’individu est nié et devient l’incarnation d’une groupe social avant tout. Comment trouver son identité dans ce contexte ? Par dessus le marché, les adultes, pour le peu qu’ils apparaissent dans le film, semblent inaptes à apaiser ce sentiment d’aliénation et d’incompréhension. Ce qui ressort en dernier lieu, c’est qu’en dépit de tout ça, ces gamins s’en tirent plutôt bien.
Ces cinq adolescents parviennent à communiquer en dépit de leurs différences, du moins tant que dure cette journée. Ce qui fait qu’ils s’en sortent, c’est que dans le fond, ce sont de chouettes gamins. En dernier lieu, ce que nous montre Hughes, c’est un groupe d’adolescents attachants. C’était pas gagné, au départ : quand arrivent la princesse, le cerveau, la détraquée, le sportif et le criminel, on est confronté à 5 figures plus ou moins antipathiques, pour des raisons différentes. Mais ces cinq enveloppes vides évoluent et s’ouvrent les unes aux autres. C’est que ça doit demander un sacré courage à Brian Johnson, de se décider à aller fumer de l’herbe avec ce type qui lui fait super peur (Bender). La plus grande force de Hughes, c’est d’être parti du stéréotype et du préjugé, et de l’avoir humanisé au cours de son film. Il y parvient par ce qui, d’après moi, est la plus belle réussite du film, à savoir un jeu permanent sur les registres, et la facilité désarmante avec laquelle il transforme un moment plutôt drôle en quelque chose de dur, et avec laquelle il crée l’émotion quand on ne l’attend pas. Le film montre ainsi que ces fameux clans, ceux qui servent de trame narrative à presque tous les teen movies américains, ces clans étaient bien plus qu’un artifice scénaristique ou l’expression de la superficialité de la jeunesse : ils étaient l’expression d’une pression sociale incroyable, d’un univers difficile, aux codes aliénants, pour les plus populaires comme pour les nazbrocks.
C’est le teen movie par excellence, celui qui capte le mieux l’adolescence, le film culte d’une génération d’Américains qui seront à jamais hantés par l’esprit de John Bender. Lorsque la bande-annonce du film est sortie, Hughes a blêmi : « ils n’ont rien compris » – le film était pitché comme une énième comédie potache adolescente par des marketeux qui décidément semblaient ne rien voir à la force du message que Hughes espérait faire passer (preuve ultime du conflit générationnel que Hughes venait de mettre en images).
Pourtant, le public ne s’y est pas trompé. Le film est apparu à l’époque comme un manifeste de la rage adolescente, dont les insécurités permanentes étaient jetées au visage des adultes. Le film a rencontré un succès fulgurant, tant populaire que critique (il a encore 90% de bonnes critiques sur l’agrégateur américain Rotten Tomatoes), et John Bender est devenu l’icône d’une génération qui n’a plus baissé le poing pendant des mois après sa sortie en salle.
Symbole d’une génération, le film marque aussi l’émergence d’une génération d’acteurs. L’histoire de Breakfast Club, c’est non seulement celle de ces 5 lycéens en retenue, mais c’est aussi celle de la naissance du Brat Pack, sous nos yeux ébahis. Hughes, fasciné par les adolescents qu’il dirigeait, donnait la part large à l’improvisation – c’est le cas de 2/3 des vannes de Bender à l’encontre de Claire (on raconte que Judd Nelson, qui pratiquait le method acting, a failli être viré par Hughes, car il persécutait Molly Ringwald). Et vous voyez ce passage où Allison couine avant de se planter sur sa table, sous sa capuche ? Oh rien, c’est juste un énorme fou rire qu’Ally Sheedy n’arrivait pas à planquer après qu’Estevez se soit cassé la gueule dans la scène précédente?
Molly Ringwald et Anthony Michael Hall sortaient ensemble pendant le tournage. Reste que Judd Nelson et Emilio Estevez étaient comme cul et chemise et se retrouveraient, avec Ally Sheedy sur le tournage de St. Elmo’s Fire quelques mois plus tard ; de son côté, Ringwald allait récidiver avec Pretty In Pink, tandis que Hall enchaînait immédiatement sur le tournage de Weird Science. Ils étaient devenu les nouveaux golden boys d’Hollywood, le monde était à leurs pieds? Jusqu’à ce qu’un journaliste accompagne Estevez et Nelson dans une soirée beuverie au Hard Rock Café : consterné par le spectacle de ces jeunes acteurs imbus d’eux-mêmes, arrogants et méprisants, il les assassinera symboliquement dans un article du New York Magazine, « The Birth of Hollywood’s Brat Pack », sonnant ainsi le glas des carrières de Judd Nelson, Emilio Estevez et Rob Lowe. St. Elmo’s Fire fut un succès, mais rien ne fut plus comme avant pour tous les acteurs ayant participé à ces teen movies flamboyants. Leur malédiction portait un nom : le typecasting.
Vidéos
Le film dans l’histoire du Teen Movie, par Adrienne Boutang
Catégorie : Analyse
Entrées en scène par Marcos Uzal
Catégorie : Analyses de séquence
Entrées en scène (extrait non commenté)
Catégorie : Extraits
Séquence analysée dans le dossier enseignant
Catégorie : Extraits, Séquences analysées dans le dossier enseignant
Début du film
Catégorie : Extraits
Pistes de travail
Caractéristique du teen-movie
Le teen movie met en scène des adolescents, le plus souvent entre 13 et 19 ans, décrivant le parcours d’un héros ou d’un groupe d’amis dans une forme de parcours initiatique, sous le regard critique des adultes (parents et enseignants). La plupart des héros étant des garçons, le but est généralement l’initiation sexuelle et la perte de la virginité (souvent, un adolescent effacé, plus ou moins révolté, tombe amoureux d’une très belle adolescente jugée inaccessible). La sexualité et/ou la naissance des sentiments amoureux sont donc très souvent les thèmes centraux de ces films.
Ce genre se reconnaît à des ingrédients récurrents1 : des personnages de héros stéréotypés (le sportif, l’intellectuel voire le nerd, le dragueur, la pom-pom girl, l’obsédé, l’alcoolique, le petit gros, l’artiste incompris, le futur délinquant, etc.) et des adversaires (parents, enseignants (le prof de sport), commerçants, les autres clans d’élèves comme la bande des filles populaires), des lieux emblématiques (le lycée ou high school, l’université ou college, le couloir avec les casiers des élèves, le terrain de football, la maison familiale et notamment la chambre de l’adolescent – lieu de tous les possibles, le centre commercial, le bar ou diner à proximité de l’école, etc.), des moments (la rentrée en automne, la nuit, le bal de fin d’année, la première fois), des objets (le téléphone, la voiture, le préservatif, l’accessoire vestimentaire déterminant) et de la musique (qui ne se limite pas seulement à la bande-son d’accompagnement du film mais qui se compose très souvent des chansons jouées dans le film lui-même, elle est composée principalement de pop rock, rock, de grunge, post-grunge et rarement de hard rock et de heavy metal, tout cela en fonction des époques).
Le teen movie peut donc s’apparenter à un film sur l’accès à l’âge adulte, dans des sociétés où le rite de passage formalisé n’existe plus. L’adolescence est présentée comme la période cruciale de l’existence, celle où les choix qui y sont pris vont guider le personnage pour toute sa vie. Il aborde également d’autres thèmes susceptibles de toucher son public-cible : celui de l’identité pour des jeunes dont la psychologie et la physiologie changent (qui suis-je ?), celui de l’altérité (suis-je différent des autres ?), celui de la sociabilité (comment m’intégrer ?), celui de l’autorité (qui peut décider pour moi ?). Ces thèmes sont au cœur des films de John Hughes.
Le teen movie peut également être perçu comme un film nostalgique, réalisé par des adultes sur une adolescence fantasmée, associée à des souvenirs de liberté ; de nombreux titres se passent d’ailleurs dans les années 1960, vécues comme une sorte d’âge d’or. Il peut donc s’agir d’une critique implicite de la société actuelle, comme dans Risky Business où en pleine ère reaganienne libérale et pudibonde, le jeune héros met sur pied un service lucratif de prostituées.