Bronco Billy

États-Unis (1980)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Fiction

Archives CAC, Collège au cinéma 2001-2002

Synopsis

1980. Un petit cirque western sillonne les États-Unis devant un public souvent clairsemé. La troupe est composée d’un Indien dresseur de serpents, de sa femme Lorraine, d’un vieux Noir chargé d’être le Monsieur Loyal, d’un manchot et de Léonard, un as du lasso. Le tireur Bronco Billy dirige le groupe. À part Léonard, tous sont d’anciens repris de justice qui vivent leur rêve d’enfant. Au cours d’une tournée, Bronco engage Antoinette Lily comme cible pour son fameux numéro de tir yeux bandés, ignorant qu’elle est une riche héritière qui vient de quitter son mari Arlington, avec lequel elle avait été obligée de se marier avant ses trente ans pour toucher son héritage. Vu sa disparition, Arlington est accusé de son meurtre. Croyant habile de plaider la folie, il se retrouve enfermé à vie dans un asile. Lily, qui sait tout par la presse, a choisi de se cacher dans le cirque.
Si la tournée connaît des moments de bonheur, les problèmes ne manquent pas pour Bronco : Léonard est arrêté, le chapiteau brûle, et Antoinette abandonne le cirque. Retournée à New York pour les besoins de l’enquête, elle triomphe de sa famille qui tentait de s’emparer de son héritage. Mais elle n’a pas le moral et Bronco Billy s’ennuie… Elle songe même au suicide… Un coup de fil de Lorraine l’en empêche, et elle reviendra sous le chapiteau reconstitué à l’aide de drapeaux américains…

Distribution

Bronco Billy : un enfant de la ville rêveur et entêté
Dès sa première apparition, Bronco Billy McCoy est un personnage au bord de la crise, crise de son statut dans son propre cirque, crise économique due à un public clairsemé, crise d’autorité sur son équipe, crise plus intime par son incapacité à recruter de bonnes assistantes. Son caractère colérique se manifeste quand il réunit son groupe sous la pluie afin de leur rappeler ce qu’ils lui doivent. Mais sa violence est nuancée par l’aveu de son idéal : acheter un ranch où la troupe se produira pour les enfants. Habile avec les gosses, il entretient son image de cow-boy à l’ancienne pour ce public précis. Plusieurs fois, nous pouvons constater son humanité et sa générosité. C’est un enfant de la ville qui ne connaît des cow-boys que ce que le cinéma lui en a montré. Vendeur de chaussures, repris de justice, il a décidé de ne plus exister que par son rêve de gosse. Il le fait avec conviction autant qu’avec dérision, et surtout entêtement. Malgré les tares qui marquent le pays et qu’il ne cesse de subir, Billy veut croire au rêve américain de la même manière que les héros de western l’incarnaient autrefois. Mais il est en décalage avec la réalité.

Antoinette Lili : de l’égoïsme à la solidarité
Arrogante, prétentieuse, snobe, froide, égoïste, mais pragmatique, Antoinette Lili vit une initiation peu commune. Croyant pouvoir tout gérer (y compris un mariage de circonstance avec Arlington pour conserver ses milliards), elle découvre la dépendance économique, le monde du travail et le contact avec d’autres classes sociales. Considérée par ses nouveaux amis comme une personne normale, dans la gêne et sans fortune, elle ne réalise pas tout de suite la générosité qu’ils ont pour elle. Mais en découvrant leur volonté de vivre un rêve, elle finit par s’intégrer à cette marge séduisante et à éprouver des sentiments de compassion, de solidarité et d’amour.

John Arlington : un enfant qui joue à l’adulte
Chasseur de dot, malhonnête et plutôt vulgaire, Arlington est un méchant grotesque, narcissique et imbécile. Il se fait toujours avoir. Par certains côtés, il est aussi un grand gosse (il va seul au cirque avant sa nuit de noces) et agit de façon extravagante. C’est le double négatif de Billy. Un enfant qui joue à l’adulte, alors que Billy est un adulte qui veut vivre comme un enfant.

La Troupe
Chaque membre de la troupe du cirque est un personnage traité en profondeur sous les apparences de la caricature. Tous ont un besoin crucial de cette seconde vie. Ils reviennent de l’enfer (de la prison ou du vagabondage) et se retrouvent en incarnant des stéréotypes qui leur redonnent fierté et identité.

Doc Lynch
Noir, a exercé illégalement la médecine. Bateleur, sa seule force est la parole. Il est humain au point de passer pour une sorte de conscience du groupe. C’est aussi le patriarche. Sa fidélité à Billy semble aussi reposer sur quelque secret commun.

Lefty LeBow
Ancien caissier qui a détourné de l’argent pour gâter sa femme, a perdu une main en essayant d’être homme canon. Il sert parfois d’assistant quand aucune jeune femme ne peut le faire. Il commente, râle, montre une tendance à la superstition (Antoinette porte malheur) et suit Billy comme son ombre.

Leonard James
Est une sorte de fils adoptif de Billy. Il a tout appris avec lui. De tous, il est le plus fragile, malgré sa force physique. Il a déserté pour ne pas aller se battre au Vietnam. Le passé le rattrape et la honte le détruit. Léonard est un éternel rescapé, un gosse réhabilité par le spectacle.

Big Chief Eagle et Lorraine Running Water
Sont le couple du groupe, un couple qui va avoir un enfant. Lui est un véritable Indien, sorti de l’alcoolisme, qui croit en ses racines, se veut fier et écrit même des livres. C’est l’Amérique des origines à la recherche de son identité. Elle n’est pas une Indienne, mais une ancienne prostituée transformée par l’amour. Elle se considère comme une Squaw, assume une fonction symbolique de mère pour cette communauté d’hommes et finit par jouer le rôle du destin dans le retour d’Antoinette Lili.

Générique

Titre original : Bronco Billy
Production Dennis Hackin, Neal Dobrofsky, Clint Eastwood pour Malpaso et Warner-Columbia Producteur exécutif Robert Daley
Scénario Dennis Hackin
Réalisation Clint Eastwood
Dir. Photo David Worth, Jack Green, Leslie Otis, Douglas Olivares
Son Bert Hallberg, Don Nygren, John Davis
Décors Jerry Mac Donald, Gene Lourie
Costumes Glenn Wright
Maquillage Tom Tuttle
Montage Ferris Webster, Joel Cox, Donald Harris
Effets spéciaux Jeff Jarvis
Musique Snuff Garrett (supervision)
Chansons “Misery and Gin” (Durill et Garrett) chantée par Merle Haggard
“Cow-boy and clown” (Dorff-Harju. Herbslitt-Garrett)
“Bronco Billy” (Brown. Dorff-Garett) chantées par Ronnie Mislap
“Barn Budies” (Brown-Crofford. Dorff-Garrett) chantée par M. Haggard et C. Eastwood
“Bayou Lullaby” (Crofford-Garret) chantée par de Haven
Assistants réalisateurs Tom Joyner, Stanley J. Zabka, Richard Graves

Interprétation
Bronco Billy / Clint Eastwood
Antoinette Lili / Sondra Locke
John Arlington / Geoffrey Lewis
Doc Lynch / Scatman Crothers
Lefty LeBow / Bill Mc Kinney
Leonard James / Sam Bottons
Big Chief Eagle / Dan Vadis
Lorraine Running Water / Sierra Pecheur
Sheriff Dix / Walter Barnes
Doctor Canterbury / Woodrow Parfrey
Irene Lily / Beverlee McKinsey
Lt Wieckler / Douglas McGrath
Le garagiste / Hank Worden
Edgar Lipton / William Prince
La mère supérieure / Pam Abbas
Maid Eloise / Edye Birde
Le journaliste / Douglas Copsey

Film 35 mm – Couleurs DeLuxe :
Format 1/1,66
Durée 1h56
Distribution Carlotta Films
No de visa 52 865
Sortie en France 10 septembre 1980

Autour du film

La gestion de nos attentes et de nos fantasmes
On pourrait dire que ce film est un documentaire sur des gens qui font sans cesse semblant d’être des personnages de fiction, sauf que leurs corps exécutent réellement les acrobaties ou les manipulations adroites qui sont programmées sous le chapiteau. Leur travail est donc leur seul moment d’épanouissement. Bronco Billy est un film sur le spectacle et la mise en scène, la promotion du spectacle et la vie d’une équipe. Là, tout doit répondre aux dispositifs instaurés avec précision, tant sur le plan physique (le moindre mouvement de cuisse d’une assistante peut lui produire une blessure) que sur les codes de représentation (changer le texte devant le public est déstabilisant). La cadence du show est essentielle. Si le public s’ennuie, cela peut produire une catastrophe. Quand l’Indien fait durer son numéro en attendant le retour de Billy, des jeunes spectateurs s’ennuient, s’impatientent et finissent par jeter des pétards qui mettent le feu au chapiteau.

La mise en scène doit avant tout captiver le public. Le film ne peut avoir de temps mort, même s’il s’autorise de courtes plages de repos. Clint Eastwood place deux moments de bravoure avec la séquence de l’incendie et celle de l’attaque du train Il évite les longues scènes. Sauf au début : le premier spectacle, la discussion sous la pluie et la scène du garage après le réveil d’Antoinette. Ce sont des scènes d’expositions nécessaires. En revanche, toutes les scènes à New York sont brèves, porteuses d’informations filmées avec économie, de même que la séquence de la prison en Arizona.

Contrairement à l’idée que l’argent fait le bonheur, la mise en scène de Bronco Billy ne cesse de désigner l’argent comme antagoniste du rêve des grands enfants qui forment la troupe du cirque, même si les enfants ont des tirelires pour économiser dans le but de réaliser leurs rêves. Billy aussi a sa tirelire. Il veut acheter ce ranch, sorte de paradis pour tous. D’ailleurs, dans la séquence de l’attaque de la banque, sa colère émerge lorsqu’un des bandits bouscule un enfant qui portait une tirelire.

Les enfants, c’est l’autre versant généreux qu’aborde avec pudeur la mise en scène, sans doute parce que Clint Eastwood signe ici son premier film pour les familles, mais aussi parce que les enfants ont toujours eu une place dans son œuvre. L’enfance est le moment où l’on croit encore aux rêves. Le gamin de la banque est un privilégié qui voit un cow-boy agir dans la réalité comme dans les films. D’autres écoutent les mensonges que fait Billy pour les faire rêver (devant sa voiture ou à l’orphelinat). Mais la plupart le voient dans son numéro et laissent ensuite leur imaginaire faire le reste.

Dans tous les cas, la mise en scène désigne la simple réalité où ces rêves ne sont qu’une illusion. L’aventure moderne ne permet pas d’autres marginalités que celles du bandit, du clochard, de l’artiste ou du saltimbanque. Seules les femmes auront ce qu’elles voudront. Lorraine attend un enfant de l’Indien. Elle revient de l’enfer de la prostitution, connaît mieux la vie que les rêves et conseille Antoinette. Cette dernière pouvait vivre dans le rêve américain le plus vulgaire : la richesse. Mais une fois le masque de beauté enlevée à son réveil seule dans le motel, ses bijoux volés et une robe quelconque empruntée, elle traverse peu à peu le miroir en endossant la panoplie d’assistante de cow-boy et trouve sa réalité profonde en aimant Billy et les autres.

Clint Eastwood ne met en scène ici que de l’amour : amour des enfants, amour des gens de la troupe, amour du spectacle, amour du jeu, amour de l’Amérique idéalisée, mais aussi amour d’une femme pour un homme qui le rejoint dans sa mise en scène surannée sous un chapiteau fait de drapeaux américains pour trouver enfin le bonheur en s’exposant sur une roue à ses risques et périls. C’est le triomphe de la notion de famille, au sens de la tribu. La marginalité fait exception dans un monde de corruption et de violence. Seul l’amour permet de subsister. Dans le lieu clos qu’est l’Amérique, un petit cirque minable devient un paradis.
Noël Simsolo

Autres points de vue

De Roosevelt à Reagan
“Clint Eastwood a souvent dit que c’est en souvenir de Frank Capra et de ses films, notamment La Vie est belle, qu’il a réalisé Bronco Billy, une œuvre tout à fait personnelle. Plusieurs thèmes se mêlent dans le film. Il y a d’une part une pure intrigue de comédie américaine classique avec une riche héritière obligée de se marier avant ses trente ans sous peine de perdre l’héritage de son père, mettant au point avec son homme d’affaires et amant un plan pour spolier sa belle-fille. Quelques années auparavant, on aurait parfaitement imaginé Carole Lombard, Jean Arthur ou Claudette Colbert dans le rôle de cette riche héritière qui n’a même pas dix cents pour pouvoir passer un coup de téléphone… […]
D’autre part, Bronco Billy offre l’image d’une Amérique nostalgique – on pense évidemment à ce spectacle que Buffalo Bill donna à travers les États-Unis et en Europe – et en même temps ambiguë. L’Homme qui tua Liberty Valance nous a appris que, dans l’Ouest, lorsque la légende l’emporte sur la réalité, on imprime la légende. C’est ce que fait Bronco Billy avec ses camarades, faisant croire qu’il est le meilleur tireur de l’Ouest. La vérité est fort différente […]. Mais comme l’explique Lorraine, femme du chef (!) Big Eagle, à Antoinette :  » Vous pouvez être ce que vous voulez. Il suffit de le vouloir assez.  » Le message du film est là. Bronco Billy n’est sans doute pas un authentique cow-boy, mais il est celui qui est capable de faire rêver des centaines d’enfants, auxquels il conseille d’obéir à leurs parents et de dire leurs prières, et de modifier le comportement d’une riche et égoïste héritière. Il est le révélateur susceptible de réveiller une Amérique endormie et de lui redonner courage en lui rappelant ses vraies valeurs. La mauvaise conscience née de la guerre du Vietnam, la délinquance et les problèmes liés à la drogue laissent ici place à un retour à l’Amérique des pères fondateurs.

Bronco Billy est sorti en 1980, quelques mois seulement avant l’élection de Ronald Reagan, et il est tentant d’établir un parallèle entre un acteur devenu Président des États-Unis et appelant l’Amérique à se reprendre, et le personnage de Bronco Billy, faux héros qui en devient un véritable. Certains se sont empressés de reprocher à Eastwood son reaganisme – il n’a d’ailleurs jamais caché qu’il a voté pour Reagan – et son boy scoutisme, en oubliant cependant que c’était le même idéal rooseveltien qui marquait Monsieur Smith au Sénat ou L’Extravagant Mister Deeds… ”
Patrick Brion, “Clint Eastwood”, Éd. de La Martinière, 2002.

Symphonie…
“S’il est un film qui contient toutes les obsessions d’Eastwood, tant thématiques que cinématographiques, c’est sans doute Bronco Billy. Tous les éléments du rêve américain  » en action  » sont là : retour aux origines, à l’Ouest et à sa conquête, exaltation de l’individualisme, conviction que tout homme peut décider de son destin sur une terre qui a toujours symbolisé la liberté. Mais en même temps, Eastwood procède à une désintégration radicale de ce rêve américain tout en s’efforçant cependant d’en sauver la puissance de fascination. […] Si la dérision agit sans cesse comme contrepoint acide, le propos d’Eastwood n’en garde pas moins toute sa vigueur. Car que veut-il, cet idéaliste de Bronco Billy ? Construire un ranch où les enfants vendraient voir de vrais cow-boys, que tous les enfants d’Amérique aillent à l’école, fassent leurs prières, obéissent à leurs parents et ne touchent ni aux cigarettes ni à l’alcool… C’est L’Extravagant Mr. Deeds, le bon vieux populisme de Capra qu’exploite là, à sa manière, Eastwood. D’un côté, il y a des méchants et de l’autre, des gentils. Car le film nous montre une Amérique somme toute pas très attirante : paysages mornes noyés sous la pluie, bars sinistres où la seule distraction est une bonne bagarre, fermiers rougeauds prêts à violer la première venue après avoir vidé quelques canettes de bière, flics qui tabassent consciencieusement un déserteur du Vietnam, avocat véreux… Ce n’est pas nouveau : la société américaine est pourrie, Dirty Harry l’a démontré bien souvent.

Mais cette fois-ci, point de violence, point d’affrontement direct ni non plus de substrat héroïque. Eastwood démystifie le mirage de l’Amérique idéale sur le mode mineur, par le biais de ces histoires de  » loosers  » renouant avec les légendes qui ont nourri l’enfance de l’Amérique. Des hommes croient à leurs rêves d’enfant dans un monde d’adultes qui les a oubliés depuis longtemps. Bronco Billy est une sorte de parabole à la Capra (Mr Smith au Sénat, La Vie est belle), mais ne quitte jamais ce bas monde qu’il explore au ras de sa triste quotidienneté. Il n’y a pas d’anges pour intervenir dans l’humaine condition ni de grands rebondissements fictionnels, mais seulement des rêves, des émotions et des sentiments simples et réels comme l’amitié, la solidarité, l’amour. Autant de sentiments qu’il est difficile de garder intacts. Sauf si l’on s’appelle Bronco Billy et que l’on affirme, envers et contre tout :  » Je suis ce que je veux être « .”
Michèle Weinberger, “Clint Eastwood”, Éd. Rivages, 1989.

Un gentilhomme du cinéma
Bronco Billy, conte de fée sentimental, bluette mélancolique, rosserie sociale, c’est lui [Clint Eastwood], comme l’autre, Madame Bovary. Petite communauté d’hommes perdus où on essaie de faire battre de grands coups de cœur, où la moindre trahison est une grande affaire, où les flics sont des salauds, l’Amérique une protection fragile et l’amour une conquête : c’est le film du grand frère, fort en gueule, un peu minable, mais solide là où un homme se joue : dans sa capacité de défendre le faible. Épure des solennelles et belles tragédies qu’il a déjà réalisées, c’est une espèce d’essence de l’homme libre et occidental que Clint Eastwood concocte ici dans un humour qui sent non le brûlé mais la chaleur ; une chose est sûre, de ce grand gaillard, qu’il est irréconciliable avec qui n’est pas sensible, au moins au fond de sa vie, au moins avec lui, aux qualités de cœur issues de la chevalerie. Clint Eastwood est un gentilhomme de cinéma.”
Jacques Grant, “Cinématographe”, n° 61, octobre 1980.

Pistes de travail

La structure
Dénombrer les séquences de trajet de la caravane et les haltes dans les villes où se déroulent les représentations. Faire ainsi apparaître le rythme de la narration. Mettre en relation cette structure avec la progression de l’histoire.
Concernant les séquences sous le chapiteau, notez les nuances, les différences, l’évolution : public, personnages, éclairages, etc.

Les personnages
Essayez de décrire chacun des personnages : leur habillement, leur façon d’être, leur passé, leurs espoirs, etc. Qu’est-ce qui les unit ? Qu’est-ce qui les distingue ? Paraissent-ils représentatifs de la société américaine ? Peut-on les considérer comme des caricatures, des stéréotypes ou, au contraire, comme des êtres en marge, à la recherche de leur vérité propre, en dehors des schémas que la société veut leur imposer ? Est-ce que la distinction est toujours bien nette, ou bien, est-elle volontairement ambiguë ?

L’argent
L’argent, symbolique de la réussite américaine, joue à de nombreuses reprises un rôle important dans le film. Faire retrouver ces scènes. Quand Billy voit Antoinette pour la première fois, il laisse tomber son argent aux pieds de celle-ci et, quelques instants plus tard, nous apprenons qu’elle est milliardaire. Chaque fois d’ailleurs que l’argent est en scène, une crise survient : Doc parle d’argent à Billy et ce dernier stoppe la caravane pour laisser éclater sa colère, Arlington dévalise Antoinette et l’abandonne, Billy encaisse un chèque dans une banque et un hold-up a lieu, Antoinette a besoin de 10 cents pour téléphoner et se retrouve ainsi membre de la troupe du cirque, la promesse de 500 000 dollars pousse Arlington à s’accuser de meurtre… Contrairement à l’idée que l’argent fait le bonheur, la mise en scène de Bronco Billy ne cesse de désigner l’argent comme antagoniste du rêve des grands enfants qui forment la troupe du cirque, même si les enfants ont des tirelires pour économiser dans le but de réaliser leurs rêves.

L’image de Clint Eastwood
En reprenant des extraits d’autres films (Impitoyable, par exemple), montrer les différences de l’image du cow-boy qui en ressort. Faire comprendre que l’archétype du cow-boy est une représentation liée à la société américaine que tout Américain porte peu ou prou en lui. Eastwood, plus qu’un autre, n’a-t-il pas incarné cette image du cow-boy, viril, courageux, intrépide, rustre mais sentimental, en un mot, cette image de pionnier, fondatrice de la mythologie du Far West ? Qu’en reste-t-il dans le personnage de Bronco Billy ?

Approcher la problématique du film
– En faisant de Bronco Billy une sorte de  » cow-boy du pauvre « , Eastwood prend ses distances avec l’image légendaire que l’on peut en avoir, et remet en question la mythologie du Far West.- Mais cette mythologie n’en continue pas moins d’exister à la manière d’un rêve d’enfant auquel il voudrait (re) donner réalité. C’est même cette quête qui le fait avancer et supporter les difficultés d’une existence médiocre et marginale (tout à l’inverse de la réussite prônée par “ l’American way of live ”). C’est une autre réussite, une autre illusion à laquelle il aspire. Ces deux aspects (parfaitement contradictoires) coexistent tout au long du film, maintenus sur le fil du rasoir. Tout son art consiste à les faire vivre au sein d’un même personnage, sans jamais tomber ni dans le ridicule (la caricature) ni dans l’exaltation (la nostalgie).

Le discours cinématographique
En interrogeant l’archétype du cow-boy, Clint Eastwood met en crise l’un des genres majeurs du cinéma américain : le western. En amenant le spectateur à prendre conscience des mythes, des représentations que celui-ci porte en lui, il fait œuvre “culturelle” (amener à produire un discours sur l’idéologie qui sous-tend la société américaine) et “cinématographique” (travailler le système de représentations qui conforte cette idéologie au niveau le moins conscient du spectateur).Mise à jour: 16-06-04

Expériences

Un film des années 80
En 1980, Hollywood vit un nouvel âge d’or. Plusieurs films viennent de battre tous les records de recettes : La Guerre des étoiles (Star Wars, 1977), de George Lucas, Alien (1979), de Ridley Scott, etc. C’est aussi l’époque où commence à se développer le marché des magnétoscopes et des vidéocassettes. Si la mode est aux films de science-fiction avec effets spéciaux, tel L’Empire contre-attaque (The Empire Strikes Back), de Irwin Kershner, des œuvres bien plus intimistes séduisent aussi le public : Kramer contre Kramer, de Robert Benton, par exemple.

Quelques films marquants (Apocalypse Now, de Coppola, The Shining, de Kubrick, Gloria, de John Cassavetes, Raging Bull, de Martin Scorcese) montrent alors la permanence de l’ambition artistique des cinéastes américains, mais l’échec des Portes du paradis (Heaven’s Gate), de Michael Cimino, indique aussi l’inflexibilité cruelle du système.

C’est aussi le règne des acteurs-réalisateurs : Woody Allen (Stardust Memories) et Sylvester Stallone (Rocky II). Cependant, le public change. Les spectateurs sont surtout des adolescents. Les films des grands auteurs ne les intéressent pas, d’où l’échec commercial d’Au-delà de la gloire (The Big Red One) de Samuel Fuller, du Facteur humain (Human Factor) d’Otto Preminger ou du Malin (Wise Blood) de John Huston.

Dans les studios, les décideurs viennent souvent des banques ou de sociétés privées. Ils n’ont aucune connaissance de l’histoire du cinéma et s’ils misent sur des œuvres signées Robert Redford ou Clint Eastwood, c’est parce que ces réalisateurs sont d’abord des stars aimées du public. Ces acteurs-réalisateurs sont aussi les seuls qui parviennent à rester indépendants, avec George Lucas et Steven Spielberg, même si ce dernier vient d’essuyer un gros échec commercial avec 1941 et s’apprête à prendre sa revanche avec le premier Indiana Jones.

Néanmoins, le cinéma américain de 1980 résiste encore à l’infantilisation qui va le gagner quelques années plus tard. Mais tout le monde sent qu’une page se tourne déjà. C’est un peu de cette nostalgie dont parle aussi Bronco Billy.

Un film qui fait référence au cinéma
Bronco Billy fait aussi partie de ces nombreux films qui évoquent une figure légendaire du cinéma. Acteur et réalisateur du cinéma muet américain sous le nom de Gilbert Anderson, dit Bronco Billy, Max Aronson (1883-1971) fut le premier cow-boy de l’écran dans le célèbre Vol du rapide (The Great Train Robbery – 1903) d’Edwin S. Porter. Il interprète et réalise des centaines de films d’une ou deux bobines (pas plus de 20 minutes) où il incarne toujours un mauvais garçon au grand cœur, cavalier maladroit et cascadeur burlesque. Il crée en 1908 le personnage Bronco Billy, cow-boy “good badman” (“bon mauvais garçon”) racheté par l’amour. Ce personnage connut un succès phénoménal avec les multiples films produits en série pendant huit ans. Anderson est tellement identifié à son héros qu’on l’appelle désormais Bronco Billy. Sa gloire sombre peu à peu devant le succès d’un nouveau venu, William Hart. Il abandonne le cinéma en 1920, et l’on ne sait quasiment rien de ce que fut sa vie dans les décennies qui suivirent.

Outils

Bibliographie

Clint Eastwood, François Guérif, Ed. Veyrier, 1983. Rééd. Atefact, 1985.
Clint Eastwood, Michel Weinberger, Ed. Rivages/cinéma.
Clint Eastwood, Noël Simsolo, Ed. Cahiers du cinéma, 1999.
Clint Eastwood, Richard Schikel, Presses de la Cité.
Clint Eastwood, Eric Libiot, Ed. Casterman, 1997.
Clint Eastwood, collectif, Ed. Gremese, 1999.
50 ans de cinéma américain, Jean-Pierre Coursodonet Bertrand Tavernier, Ed. Nathan, 1991.
Le cinéma anglo-américain 1984-2000,Freddy Buache, Ed. L'Age d'homme, 2000.

Vidéographie

Bronco Billy, Clint Eastwood
Distribution ADAV VHS n° 1019

Impitoyable, Clint Eastwood
Distribution ADAV VHS n° 22798

Eastwood par Eastwood, R. Schikel
Distribution ADAV VHS n° 22792