Chocolat

France (1988)

Genre : Drame

Écriture cinématographique : Fiction

Lycéens et apprentis au cinéma 2023-2024

Synopsis

France retourne au Cameroun où elle a grandi lorsqu’elle était enfant et se remémore cette période vingt ans après. Son père, commandant d’un poste de gouverneur à Mindif, dans le nord du pays, tente tant bien que mal d’organiser la présence coloniale française. Sa jeune femme vit plus difficilement l’Afrique, notamment ses tâches de maîtresse de maison, bien qu’elle soit aidée par Protée, un « boy » instruit et intelligent qui souffre en silence de la situation de son peuple. France, leur fille de cinq ans, très proche de Protée, observe avec sensibilité le pays et les hommes qui changent : tensions et désirs dans une Afrique qui vit ses derniers moments de colonialisme.

Distribution

François Cluzet : commandant Marc Dalens
Giulia Boschi : Aimée Dalens
Isaac de Bankolé : Protée
Cécile Ducasse : France (enfant)
Mireille Perrier : France (adulte)
Jacques Denis : Joseph Delpich
Didier Flamand : capitaine Védrine
Laurent Arnal : André Machinard
Jean-Claude Adelin : Luc
Jean Bededieb : docteur Prosper
Jean-Quentin Châtelain : chef mécanicien Courbassol
Emmanuelle Chaulet : Mireille Machinard
Kenneth Cranham : Boothby
Essindi Mindja : Blaise
Hélène Vauquois
Ian Stapel

Générique

Réalisation : Claire Denis
Assistant réalisateur : Luc Goldenberg
Scénario : Claire Denis, Jean-Pol Fargeau
Costumier : Christian Gasc
Image : Robert Alazraki
Musique originale : Abdullah Ibrahim
Son : Jean-Louis Ughetto
Montage : Claudine Merlin
Mixage : Dominique Hennequin

Autour du film

Chocolat est un film français réalisé par Claire Denis et sorti le 18 mai 1988 en France. C’est le premier film de Claire Denis en tant que réalisatrice, après plusieurs années de collaboration comme première assistante de divers réalisateurs de premier plan (dont notamment Wim Wenders, Jim Jarmusch, Costa-Gavras). Elle fait montre dès son premier film de toute sa sensibilité et son regard sur les désirs et passions des hommes.

Plongée dans les derniers instants de la colonisation au Cameroun, ce premier film de la réalisatrice sorti en 1988 impressionne par sa plastique sensuelle et son regard aiguisé sur un pays en pleine mutation.

Derrière le titre énigmatique du premier film de Claire Denis se cache une expression désuète aux interprétations multiples : « être chocolat », c’est être trompé, se faire avoir. C’est ce sentiment trouble et déstabilisant qu’éprouve France (Mireille Perrier) lorsque, après des années d’absence, elle retourne au Cameroun, telle une étrangère qui ne connaîtrait plus son propre passé (elle est née dans ce pays où son père est administrateur d’un chef-lieu de province isolé). Prise en stop par un homme noir américain, la jeune femme, submergée par les souvenirs du pays avant son indépendance, laisse affleurer à la surface du présent les bribes de la colonisation française. Tandis que le peuple camerounais réclame son indépendance, France noue une amitié complice avec Protée, le boy noir de la famille, juste avant que l’arrivée de l’équipage d’un avion en péril ravive les conflits raciaux et les désirs sexuels…

Inspirée par ses propres souvenirs du pays, où elle passa une partie de son enfance, Claire Denis réalise avec Chocolat (1988, 105 minutes) une photographie sensitive, à fleur de peau, des derniers instants du colonialisme français, vu à travers les yeux naïfs d’une enfant qui ignore tout des conflits raciaux. Claire Denis fait rapidement voler en éclat son microcosme, scellant la fin de l’innocence pour ses personnages. L’amitié entre Protée et France, pudiquement filmée en de longs plans silencieux, ne survit pas à la prise de conscience politique du racisme colonial, tandis que la réalisatrice, avec le regard aiguisé d’une sociologue, scrute les névroses de cette famille de colons européens, fonctionnaires dépassés par les mutations d’un pays qui bouillonne.

Ténu, quasi mutique, d’une lenteur à la fois déconcertante et hypnotique, ce premier film condense tout ce qui fera la force du cinéma de Claire Denis. Un érotisme nerveux caché sous une grande pudeur, l’apparente froideur d’une mise en scène entièrement vouée à ses interprètes— comme lors d’un tête-à-tête inoubliable entre Cécile Ducasse et Isaach de Bankolé , une photographie lumineuse capable de révéler toute la violence comme la passion enfouie des êtres, un montage sonore d’une précision impressionnante…Vingt ans plus tard, Claire Denis, cinéaste du métissage, renouera avec ce thème dans White Material (2008), l’histoire d’une femme blanche déterminée (Isabelle Huppert) à garder sa plantation de café malgré la guerre civile qui fait rage dans une région indéterminée du continent africain. De quoi nous rappeler que chez cette réalisatrice humaniste, l’intime et le politique sont des pays (géographiques, symboliques et cinématographiques) transfrontaliers.

Léa André-Sarreau
Trois couleurs

Pistes de travail

Analyse thématique

De l’extérieur à l’intérieur et vice-versa, la cinéaste joue avec l’espace pour tisser un récit de contrastes, métaphore de la ségrégation à l’œuvre entre colons blancs et populations noires dans le Cameroun de l’époque coloniale.