Enzo

Enzo

France (2017)

Genre : Cinéma LGBT, Documentaire

Écriture cinématographique : Court-métrage, Documentaire, Portrait

Lycéens et apprentis au cinéma 2021-2022

Synopsis

Serena vous emmène en visite chez Enzo. Dans une ambiance intimiste, ce personnage vous laisse entrer dans sa vie, une vie extra-ordinaire, car il s’agit de celle d’un garçon trans.

Dans une ambiance intimiste, ce personnage vous laisse entrer dans sa vie, une vie extra-ordinaire, car il s’agit de celle d’un garçon trans. Dans ce projet, aucune nudité, aucun signe de transidentité n’est évoqué par l’image. Les images rendent compte d’un homme dans son quotidien presque un peu ennuyeux, dans le cadre d’une photographie vernaculaire. Les photographies dévoilent peu à peu l’intérieur du petit appartement, nous montrent des détails du quotidien, des objets qui renseignent sur la personnalité et l’univers d’Enzo. Le but est de mettre en valeur un mode de vie commun, loin des clichés ou de l’instance de l’état de transidentité, afin de laisser penser que la transidentité n’est qu’une identité parmi tant d’autres, et qu’elle mérite qu’on la traite sans particularisme en photographie.

Générique

Réalisation : Serena Porcher-Carli
Image : Serena Porcher-Carli
Son : Margot Saada, Claire Berriet
Montage : Serena Porcher-Carli
Musique originale : Serena Porcher-Carli

Autour du film

Serena Porcher-Carli n’est pas seulement une jeune cinéaste de talent, mais elle est photographe à l’origine et cette dualité des approches imprègne Enzo, essai documentaire récompensé du Prix du jury aux Rencontres internationales Sciences et cinéma de Marseille en 2017 et présenté à Côté court, à Pantin, l’année suivante.

Réalisé dans le cadre de son cursus à l’École nationale supérieure Louis-Lumière, ce court métrage de fin d’études s’appuie sur le dispositif – très adapté – d’un matériel photographique dressant le portrait, par la grâce d’un montage particulièrement fluide, d’un garçon transgenre. Enzo se raconte en voix off, faute d’apparaître dans le champ, sinon par une série d’inserts – de parties de son corps ou de détails de son appartement. Son identité, une “transidentité” donc, se construit ainsi peu à peu, Enzo étant né fille et sachant depuis toujours appartenir en réalité à l’autre genre. Comment mieux retracer, de façon constamment respectueuse, cette trajectoire intime ? On entre aisément en empathie avec ce jeune homme parvenu à se réconcilier avec lui-même, au-delà des incompréhensions et des discriminations, tant quotidiennes que sociales.

Un objet de cinéma singulier, non dénué d’humour, et une troublante leçon de vie dans le même mouvement… Et sans doute le premier opus d’une belle et importante œuvre à venir.

Critiques

“Pour raconter un pan de la vie du personnage qui se confie à elle, la photographe-cinéaste choisit de faire défiler de droite à gauche des photos d’objets, affiches, collages, qui le caractérisent. Ce défilement d’images est dans son principe la métaphore de son parcours de vie. La photo fixe, ainsi mise en mouvement, est le corps même du film. En documentant l’intérieur de l’appartement du personnage c’est son intériorité qui se déploie. Les objets le racontent et l’amplifient, le complètent. Ils incarnent Enzo dans un pas de deux très complémentaire avec le récit sonore du personnage.”
— Jean-Marie Barbe Producteur, coordinateur éditorial de Tënk et co-fondateur des États généraux du film documentaire de Lussas

“En une succession d’images fixes, on découvre petit à petit le parcours de vie et le quotidien d’Enzo. Apparemment Enzo est né fille mais avec tous les attributs physiques d’un garçon même si à la puberté douloureusement vécue, il a vu apparaître certaines caractéristiques physiques féminines telles que la poitrine. Pour l’état-civil, il porte un prénom féminin, ce qui rend son quotidien tout à fait infernal, ainsi qu’il le dit, dans les démarches administratives qu’il est amené à faire. Les images qui défilent lentement sont circonscrites à celles de son appartement, éléments de décoration (livres, photos, papiers divers, etc.) parmi lesquelles quelques parties de son corps (bras, jambe, barbe, etc.) apparaissant comme morcelées et révélant son enfermement dans un quotidien à l’horizon très réduit. Sur le dernier plan, le visage d’Enzo apparaît, un triste sourire aux lèvres et seule image animée du film… Film assez déroutant dans lequel les repères sont brouillés mais qui saisit de façon très forte toute la détresse d’un être entre deux identités sexuelles et sa confrontation douloureuse avec une société qui peine à le reconnaître tel qu’il est.”
— Comité de sélection d’Images en Bibliothèque

“Serena Porcher-Carli n’est pas seulement une jeune cinéaste de talent, mais elle est photographe à l’origine et cette dualité des approches imprègne Enzo, essai documentaire récompensé du Prix du jury aux Rencontres internationales Sciences et cinéma de Marseille en 2017 et présenté à Côté court, à Pantin, l’année suivante.
Réalisé dans le cadre de son cursus à l’École nationale supérieure Louis-Lumière, ce court métrage de fin d’études s’appuie sur le dispositif – très adapté – d’un matériel photographique dressant le portrait, par la grâce d’un montage particulièrement fluide, d’un garçon transgenre. Enzo se raconte en voix off, faute d’apparaître dans le champ, sinon par une série d’inserts – de parties de son corps ou de détails de son appartement. Son identité, une “transidentité” donc, se construit ainsi peu à peu, Enzo étant né fille et sachant depuis toujours appartenir en réalité à l’autre genre. Comment mieux retracer, de façon constamment respectueuse, cette trajectoire intime ? On entre aisément en empathie avec ce jeune homme parvenu à se réconcilier avec lui-même, au-delà des incompréhensions et des discriminations, tant quotidiennes que sociales.
Un objet de cinéma singulier, non dénué d’humour, et une troublante leçon de vie dans le même mouvement… Et sans doute le premier opus d’une belle et importante œuvre à venir.”
— Comité de sélection de l’Extra Court, Agence du Court métrage

“Le dispositif du film de Serena Porcher-Carli se réapproprie cette sensation de monstration et d’immersion du diaporama présenté pour la première fois lors de L’exposition Universelle de 1900 à Paris. Cette fois, il s’agit de nous faire ressentir, par le biais d’un défilement de photographies, l’univers et la trajectoire d’Enzo. Le défilement photographique ne constitue pas une continuité homogène mais se compose de fragment successifs nous permettant de nous faire une idée sur différents éléments de la vie d’Enzo. Cela nous fait rentrer dans sa géographie quotidienne sans pour autant insister sur son aspect trans. C’est la voix-off qui prend cet aspect en charge. Les photographies montrent des signes, des figures (de Karl Marx à Romy Schneider en passant par Angela Davis et Einstein), des objets du quotidien. La succession de ces images se déroulent comme un diaporama, forme familiale et amateur de partage d’images (souvent liée à des événements heureux comme les vacances, les fêtes de famille…). Comme des diapositives partagées et sélectionnées, elles nous plongent dans les secrets d’Enzo. Enzo rappelle Tomboy de Céline Sciamma (2011) ou encore le récit Gabriel de George Sand (1839) mais ici, l’approche de l’intime par la photographie évoque aussi l’artiste Nan Goldin. La succession des photographies dans Enzo laissent toujours voir sur les bords un avant et un après, une trace de ce qui précède et de ce qui suit. Seule la fin du film nous montre Enzo, bien en vie, en mouvement.”
— Passeurs d’Images, programme Des Cinés, La Vie

Pistes de travail

Un subtil film d’école sur la transidentité

Enzo, documentaire de fin d’études de Serena Porcher-Carli à l’École nationale supérieure Louis-Lumière, raconte le quotidien, en 2017, d’une femme devenue homme.

Le film est constitué, non pas d’images filmées, mais de photographies qui défilent les unes après les autres, alors qu’Enzo se raconte. Sa voix accompagne donc sans cesse les images, mais de son corps et de son visage, nous ne voyons que des détails pendant la majeure partie de ce film court, des détails cependant signifiants : une barbe, des jambes poilues, sa main. L’appartement d’Enzo, l’espace qui semble être son refuge, prend une grande place dans ces images. Mais, de même, ce sont avant tout des parts de l’ensemble que nous découvrons : le lit, une carte postale de la grand-mère, des photographies de la famille ou de chats.

Enzo commence en reprenant des anecdotes de son quotidien, notamment depuis son traitement hormonal et la mastectomie qu’il a vécue, c’est-à-dire l’ablation des seins, opérations lui ayant permis de changer de sexe. Sa transsexualité n’est pas abordée de plein fouet, mais donc d’abord à travers des exemples concrets qui rendent évidentes les difficultés vécues en société, dans l’attente de son nouvel état-civil masculin. À chaque fois qu’il est confronté à son ancienne identité, il se retrouve dans une impasse : pour un colis à la poste, lorsqu’on l’appelle dans la salle d’attente chez le médecin, lors d’un entretien… Comment expliquer ?

Pourtant, pas besoin pour le spectateur de voir son visage ; déjà, à travers la voix d’Enzo, on entend la libération et le soulagement de vivre en tant qu’homme, d’abord pour lui-même. Quelques phrases retracent le mal-être de cette époque où il percevait son corps comme quelque chose de monstrueux. Mais c’est avec du souffle que s’achève ce film, qui en est finalement bien un puisque, après tous ces détails, nous découvrons Enzo, non plus photographié mais filmé, de face, sans un mot. Le mouvement a remplacé les mots ; les mots étaient le passé, le mouvement est l’avenir et la vie.

Léocadie Handke

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