Synopsis
Dans un village du Burkina Faso, un père initie son fils aux secrets d’un instrument de musique, le Balafon. Tandis que les mots et les gestes du père réinventent, pour son fils, la musique des génies, partout dans le village, chez les enfants comme chez les adultes, les chants résonnent et semblent donner son unité à la communauté.
Générique
Programme : Six courts métrage Collège
Titre original : Yiri Kan
Réalisation : Issiaka Konaté
Scénario : Issiaka Konaté
Image : Olivier Guéneau
Son : Olivier Le Vacon
Montage : Martine Brun
Musique : Mahama Konaté
Interprétation
Mahama Konaté
Adoulaye Konaté
Production : Arcadia Films et Keneci Films (Burkina Faso)
Film : Couleurs (35mm)
Format : Panoramique (1/1,66)
Durée : 25’
Année : 1989
N° de visa : 70 559
Distribution : Agence du court métrage
Autour du film
Risquons une hypothèse de départ : le court métrage, par définition est inabouti. Il est un monde en gestation, un univers qui se montre, mais qui avoue se chercher encore. En ce sens il est certainement – pour un jeune spectateur – la meilleure façon de rentrer dans le monde de l’analyse du cinéma. Une œuvre inaboutie est une œuvre qui a besoin d’un regard extérieur pour s’achever. C’est une œuvre qui invite à l’analyse, qui laisse la place à l’imagination critique et qui stimule l’invention analytique.
Le court métrage, c’est toujours le début du “ pourquoi ? ” Pourquoi ce plan ? Pourquoi ce raccord ? Pourquoi cette musique ? Pourquoi le réalisateur a-t-il choisi ceci plutôt que cela ? Pourquoi ?
L’anonymat des réalisateurs autorise toutes les hypothèses, aucune n’étant a priori inepte, permet toutes les audaces, aucune n’étant a priori interdite. Dans l’univers des courts métrages, il n’y a pas d’appareil critique préexistant, pas de lectures à tirer derrière soi, pas de spécialistes sur la question. Il n’y a guère qu’une chose : la liberté d’inventer un sens au film que l’on découvre, un questionnement, une critique. La première.
Voici donc six films. Six films très différents : un film belge d’animation, un film burkinabé documentaire, un film allemand comique, trois films français plus réalistes… six films qui ne se ressemblent pas, et qui pourtant posent une même question : qui est l’autre ? Ou encore : qui suis-je, moi qui demande qui est l’autre ? Six films qui interrogent l’altérité, et que nous avons la plus grande liberté de pouvoir interroger, à notre tour… nous les premiers de devant ces films.
Stéphane Malandrin
Yiri Kan et le cinéma africain
Depuis Borom Sarret de Sembène Ousmane, que l’on considère comme le premier film africain (1963), environ 500 films ont été produits en Afrique. À l’échelle d’un continent, et de trois décennies, cela reste peu. Le Burkina-Faso, par la qualité de ses films, est aujourd’hui une pays-phare de la production cinématographique d’Afrique Noire, même s’il ne finance en moyenne que 2 longs métrages et 7 courts métrages par an. Le principal problème du cinéma africain, outre la faiblesse quantitative de sa production et la pénurie de ses laboratoires, est celui de sa distribution, sur le sol même de l’Afrique. Selon une étude réalisée par le Marché international du cinéma africain en 1995, 90% des films africains ne sont pas vus par les Africains eux-mêmes. Les écrans projettent en grande majorité des films de kung-fu importés de Hongkong, ou des comédies indiennes. Le cinéma africain est aujourd’hui plus que jamais un cinéma en lutte.
Stéphane Malandrin
Pistes de travail
- Démontrez, à travers l’analyse de la structure dramaturgique du film, que Yiri Kan ne peut en aucune façon être un documentaire.
- Montrez quels sont les éléments du montage qui indiquent que le film est une fiction. Même exercice avec les éléments de découpage (place de la caméra dans les différentes séquences).
- Relevez toutes les occurrences du balafon présenté comme un lien social (exemple : il fait le lien entre les morts et les vivants — cf. la mention des funérailles de la grand-mère).
- Relevez toutes les déclinaisons possibles de la musique de percussion à l’intérieur du film, et commentez en la nécessité du point de vue de la narration.Fiche mise à jour le 22 octobre 2004
Expériences
Au sortir de la Première Guerre mondiale, les “ majors ” françaises sont plus enclines à développer des productions sans risque, souvent inspirées des grands textes littéraires, et à étendre leurs réseaux de distribution que de favoriser la création.
Les Avant-gardes (1915-1931)
De jeunes croitiques, poètes, peintres, musiciens s’emparent alors du court métrage et trouvent dans ce parent pauvre de la production commerciale le moyen d’exprimer une inspiration nouvelle. D’orgines très diverses, inspirés des mouvements dadaïstes, futuristes, puis surréalistes, ils auront en commun un même refus de la “ représentation romanesque ” et désigneront le théâtre comme l’ennemi absolu. Ils seront les fers de lance de ce qu’on appellera les Avant-gardes.
Abel Gance, l’un des premiers, tente de retrouver avec d’extraordinaires déformations d’images La Folie du Dr Tube, en 1915. Louis Delluc, l’un des théoriciens du mouvement, bouleverse l’organisation du récit avec Le Silence (1920). À partir de 1924, on note une radicalisation de la tendance : refus de rendre compte du réel, recherche d’une “ musique de la lumière ” (Le Ballet mécanique de Fernand Léger) pour aboutir à l’idée d’un “ cinéma pur ”, et à la réalisation de films abstraits (Jeux de reflets et de vitesse d’Henri Chomette, 1923-1925).
Entre 1924 et 1930, se développent des courts métrages d’inspiration surréaliste : L’Étoile de mer de Man Ray, et surtout Le Chien andalou de Dali et Buñuel et L’Âge d’or de Buñuel.
Parallèlement, pour un autre courant, le “ réalisme ” sera le plus court chemin vers la poésie. Plus sensibles aux problèmes sociaux et politiques, ces cinéastes réaliseront quelques œuvres marquantes : Rien que les heures d’Alberto Cavalcanti (1926), La Zone de Georges Lacombe (1928) et, surtout, À propos de Nice de Jean Vigo (1930).
Les Premières parties (1931-1940)
Le court métrage se réduit à cette époque à des premières parties, avant l’entracte, qui participent davantage d’un comique troupier volontiers égrillard que de l’art cinématographque. Des exceptions, cependant, comme l’admirable court métrage de Jean Renoir : Une Partie de campagne (1936).
Le Renouveau (1940-1953)
De nouvelles lois et le développement des réseaux de ciné-clubs vont favoriser un retour aux recherches des années 20 : films esthétiques (Images pour Debussy ou Pacific 231 de Jean Mitry), films “ engagés ” (Aubervilliers de Eli Lotar, Hôtel des Invalides de Georges Franju), des films d’art (Guernica de Alain Resnais, Les Charmes de l’existence de Jean Grémillon)… C’est en 1950 que Jean Genet réalise son unique film, interdit pendant près de 25 ans : Chant d’amour.
Les Nouvelles vagues (1953-1963)
La prime à la qualité est substituée à l’aide automatique. Il s’ensuit un nouvel élan, avec en particulier la création du “ Groupe des trente ” qui va se révéler être l’une des premières manifestations de ce qui sera le mouvement de la “ Nouvelle Vague ”. Le court métrage sera l’instrument de leurs premières passes d’armes : Nuit et brouillard (Alain Resnais, 1955), Du côté de la côte (Agnès Varda, 1958), Blue Jeans (Jacques Rozier, 1958), Charlotte et son Jules (Jean-Luc Godard, 1958), La Jetée (Chris Marker, 1962), La Boulangère de Monceau (Eric Rohmer, 1963), Paris vu par… (Jean Douchet, Jean Rouch, Jean-Daniel Pollet, Eric Rohmer, Jean-Luc Godard et Claude Chabrol, 1963).
Pour un cinéma différent (1960-1980)
Dans la riche mouvance des années 60/70, le court métrage est l’occasion pour certains cinéastes d’exprimer une sensibilité originale et souvent passionnante : Carlos Vilardebo (La Petite Cuillère, 1960), Marcel Hanoun (Egosum, 1963), Robert Lapoujade (Mise à nu, 1965), Martial Raysse (Jésus-Cola ou l’hygiène de la vision), Jean Eustache et son admirable Une sale histoire (1978).
Jacques Petat
Aujourd’hui
Au fil des années, le monde du court métrage s’est organisé, a trouvé ses propres réseaux de diffusion, ses propres réseaux de production, ses propres tics de narration, son propre public, si bien que le court a fait de son immaturité et de son professionnalisme incertain une caractéristique nouvelle — et assumée — de son système.
Il y a au moins trois raisons à cela :
– L’économie, d’abord. Le court métrage a cette caractéristique d’être et de n’être pas — en même temps — inscrit dans l’économie. La plupart du temps, réalisateur, scénariste, techniciens et acteurs ne sont pas payés lorsqu’ils travaillent sur un court. Une, voire deux semaines de travail sans rémunération sont nécessaires à la réalisation d’un film, sans compter les journées de préparation et d’écriture. Les quatre cents courts métrages produits chaque année constituent une masse d’heures de travail non rémunérées étonnante, dans un espace économique où les sommes investies deviennent souvent colossales.
– Deuxième spécificité : sa diffusion. Le court métrage est lié à son espace de diffusion — le festival —, comme le film long est attaché à la salle de cinéma. Les festivals de courts métrages se greffent à la fois sur l’identité non-économique du court (des bénévoles), et sur son identité : le public y est jeune, en apprentissage, et souvent lui-même hors du circuit économique. On dénombre environ quarante festivals de courts métrages en France, répartis sur toute l’année, de Brest (films européens) à Toulouse (films d’Écoles de cinéma du monde), en passant par Clermont-Ferrand (le fief du court), Poitiers, ou Meudon. Une culture spécifique qui suppose et engendre une attitude différente face aux films.
– Troisième et dernière spécificité : l’identification du cinéma de court métrage se fait au niveau du film (c’est l’histoire de…) et non au niveau de son auteur (c’est un film de…). À tel point que bon nombre de courts métrages sont davantage faits pour être racontés (les courts “ à chute ”) que pour partager un regard sur le monde.
Dans le monde du court métrage, la production, la diffusion, et le public sont strictement différents du monde du long métrage. Ils définissent les critères d’une forme singulière de l’acte cinématographique et donnent à penser que, davantage qu’une antichambre, le court métrage est aujourd’hui l’autre visage du cinéma.
Stéphane Malandrin