Synopsis
L’histoire d’une nuit en flash-back : les destinées de six couples basculent et s’entrecroisent, reliées entre elles par des objets ou des faits insignifiants comme une pièce de monnaie, une botte, un cri dans la nuit. Hasard ou prédestinée ? Et pourtant ! Si Mathieu n’avait pas mis le pied dans une bouse de vache, rien de tout cela ne serait arrivé !
Générique
Programme : Cinq courts métrages Collège 2005-2006
Réalisation : Laurent Firode
Scénario : Laurent Firode
Image : Laurent Firode
Musique : Maurice Ravel
Son : Irène Ismaïloff
Montage : Pascal Drapier
Mixage : Jean-Marc Schick
Production : Culture production
Distribution : Films du Paradoxe
Film : 35 mm
Couleur
N° de visa : 94 466
Durée : 27 mn
Interprétation
Gilbert Robin, Louison Roblin, Marie Cécile Tuvache, Denis Manin, Denis Manin, Lysiane Meis, Mathieu Ducrez, Joseph Malerba, Eric Savin, Manu Layotte, Nor Eddin Abbout, Marion Bonneau, Pascale Schiller, Michel Leclerc, Marie Massiet du Biest, Martine Dilly, Léocadia Cauchois, Ariel Wizman, Sébastien Guerra, Anne Mazauric, Olivier Azam, Eric Felman, Louis Vautrey.
Carrière du film :
Autour du film
Depuis son premier court-métrage, La Mort du chanteur de Mexico, ce sont toujours les possibilités et les paradoxes de la narration que s’est plu à explorer Laurent Firode, en considérant chaque fois le scénario de ses films comme un gigantesque terrain de jeu. De Super bon prix aux Menteurs, le réalisateur des Astres n’a cessé de jouer avec des histoires qu’il plie à son désir de narrateur, tout puissant, inversant, mélangeant la chronologie jusqu’à instaurer avec nous un rapport éminemment ludique. Ses films misent sur l’intelligence et sur la participation d’un spectateur qui, en faisant les liaisons manquantes d’une séquence à l’autre, en comblant les trous d’une narration volontiers parcellaire, est amené à se positionner un peu comme le co-scénariste de films.
Dans Les Astres, tout fait sens puisque, dans une logique proche du jeu de dominos, il suffirait que l’on supprime une des scènes, voire un geste anodin (marcher dans une bouse de vache, allumer une lumière), pour que la brillante mécanique narrative se grippe. Comme le dit d’ailleurs un personnage, “Tout est écrit”. Ce clin d’œil au dispositif du film résume bien le projet esthétique d’un cinéaste mesurant avec humilité sa chance de pouvoir raconter des histoires et qui n’hésite pas à s’amuser avec ce grand jouet qu’est le récit.
Les Astres est une fiction s’assumant clairement comme telle, où un marionnettiste malin s’ingénie à téléguider les unes vers les autres plusieurs destinées apparemment sans rapport. Les liaisons d’un personnage à l’autre s’articulent par le truchement d’objets (une botte, une pièce de monnaie, un bâton de réglisse, un pain au chocolat), ces différents éléments, tout aussi concrets que le billet passant d’une main à l’autre dans L’Argent de Robert Bresson, agissant comme des moyens de déborder des univers hétérogènes. Si l’on imagine qu’à chaque duo de personnage correspond un film différent, dans Les Astres, ce serait ainsi sept films virtuels qui se retrouveraient mis en relation les uns avec les autres, les objets énumérés ci-dessus permettant de dresser des ponts entre différentes possibilités de fiction.
Cette obsession du contrôle, les coutures apparentes du scénario pourraient agacer tant elles paraissent interdire l’inattendu ou la spontanéité. Cela pourrait être stérile et prétentieux. Miraculeusement, ça ne l’est jamais. Car, en plus de ses amusantes trouvailles, Firode ne se contente pas d’impressionner le spectateur par tant de maîtrise, il le convoque ouvertement dans son jeu.
Firode considère ce statut omniscient, donnant au spectateur des éléments de compréhension que n’ont pas les personnages, avant tout comme une invitation au jeu. Dans Les Astres, vrai film interactif, il ne s’agit pas seulement de démontrer que tout est lié, que tout se répond et qu’il n’y a pas de coïncidences, il s’agit surtout de proposer au spectateur de trouver comment tout cela s’agence.
Son habileté narrative étant tellement rodée, le réalisateur peut se concentrer sur d’autres choses, délaisser la rigidité inhérente au dispositif pour se soucier de l’essentiel : à savoir la scène plutôt que la structure d’ensemble ; le gag plutôt que la virtuosité scénaristique. Du coup, on constate que les personnages se révèlent attachants et sortent de la stricte fonctionnalité que le scénario leur assignait.
Se glisse alors dans les interstices de la fiction une petite musique mélancolique (ici prise en charge par une mélodie de Ravel) qui trouvera tout lieu de s’exprimer, un an plus tard, dans son long-métrage, Le Battement d’ailes du papillon.
Pistes de travail
Le flash-back
Faire prendre conscience de la simultanéité du début et de la fin, et la situation temporelle des événements relatés par le film par rapport à cette scène à la fois inaugurale et finale (en s’aidant au besoin d’une représentation graphique).
Définir la notion de flash-back (` flash-forward) et en expliquer la fonction narrative.
Les scènes
Décrire succinctement les mini scènes qui composent le film (en fait, des “ensembles” à 1, 2, 3 ou 4 personnages) – une quinzaine, au total.
Désigner les personnages qui sont communs à plusieurs de ces ensembles. Noter le montage en alternance de certaines d’entre elles.
Les liens
Dresser la liste des liens qui unissent ces scènes entre elles (botte, café, pièce de monnaie, voix, téléphone, lumière, taxi, fermeture…).
Ne peut-on pas y voir un dénominateur commun qui serait lié au cinéma ?
Fiche réalisée par Stéphane Kahn et Jacques Petat
6 octobre 2005.
Expériences
La déconstruction narrative, un nouveau maniérisme ?
Entre le truc de scénariste, la visée ludique d’un Firode et l’ouverture des possibles narratifs, la production de ces dernières années a fait de la déconstruction un de ses tics les plus voyants.
L’un des premiers courts de Laurent Firode, Super bon prix, racontait un fait-divers nocturne en trois séquences montées à l’envers de leur véritable chronologie. Ce procédé d’inversion narrative est depuis un an très fréquent dans la forme courte. Sur le modèle du Droit chemin de Mathias Gokalp (2004), on a recensé, en 2005, au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand, pas moins de cinq films employant plus ou moins pertinemment cet effet. On retrouve ce procédé que l’on retrouve dans des longs métrages comme Irréversible de Gaspar Noé (2002) ou Memento de Christopher Nolan (2000). Dans ce dernier, où l’effet est constamment légitimé par le propos, le procédé fait sens car il épouse le point de vue d’un amnésique remontant petit à petit le fil de son passé.
Dans Les astres, les moindres gestes se voient dotés de conséquences disproportionnées. Plus rien n’est négligeable. C’est le principe qui est au cœur de Smoking/No Smoking d’Alain Resnais (1993). La narration y emprunte des voies parallèles à celles du jeu vidéo, les personnages ayant à choisir entre différents possibles ou à recommencer les mêmes actions jusqu’à ce qu’ils atteignent leur but (voir l’exemplaire Un jour sans fin de Harold Ramis, 1993). Assez proche, un film comme L’Effet papillon de Eric Bress et J. Mackye Gruber (2003) explorait lui aussi, dans le registre du cinéma fantastique, les différentes possibilités d’existence de son héros.
D’autre films récents, comme Amours chiennes (1999) ou 21 grammes (2003) de Alejandro Gonzales Inarritu (tous deux écrits par le même scénariste) jouent avec ces brouillages temporels, racontent des histoires à plusieurs personnages en se refusant toujours à commencer par le début. C’est petit à petit que le spectateur comprend ce qui lie les personnages, ce qui s’est passé. Dans ces deux films, l’initial chaos narratif s’y agence peu à peu et l’émotion parvient à percer derrière l’artificialité du dispositif. On peut toutefois rester sceptique face à ces procédés de déconstruction du récit, se demander ce qu’ils apportent et surtout s’ils ne sont pas surtout des astuces permettant de masquer, sous l’esbroufe narrative, l’éventuelle vacuité du propos. Toujours est-il que leur récurrence, depuis Pulp Fiction de Quentin Tarantino (1994), est bien le signe d’un nouveau maniérisme qui ne serait plus tant formel (comme celui des années 70/80, avec Brian de Palma) que scénaristique.
Outils
Bibliographie
Une encyclopédie du court métrage français, Jacky Evrard et Jacques Kermabon, Ed. Yellow Now, 2003.
Vidéographie
Cour(t)s de cinéma
DVD. Programme comprenant les 5 films inscrits dans le dispositif Collège au cinéma 2005/2006, ainsi que des analyses, des interviews, des fiches pédagogiques téléchargeables, et des courts métrages complémentaires.
DVD disponible au prix de 28 € dans les boutiques des CRDP et sur le site : crdp.ac-lyon.fr.