Un jour, un homme achête une maison

Norvège (1998)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Film d'animation

Archives CAC, Collège au cinéma 2007-2008

Synopsis

Un jour, un homme acheta une maison. Mais quelqu’un l’habitait déjà. L’homme essaya de chasser l’habitant mais ce dernier, avec le temps, lui devint un être indispensable.

Générique

Six courts métrages Collège au cinéma 2007-2008

Titre original : Huset på Kampen
Réalisation : Pjotr Sapegin
Scénario : Pjotr Sapegin
Image : Lise Fearnley
Son : Håkon Lammetun
Montage : Simen Gengenbach
Animation : Pjotr Sapegin et Andrea Kiss
Musique : Randall Meyers Production : Studio Magica As
Distribution : Les Films du préau
Pâte à modeler
Durée : 8 mn
Interprétation : Odd Borretzen / Le narrateur

Autour du film

  • Techniques d’animation : le volume

Ce film ne peut pas être classé parmi les dessins animés à proprement dit car ses personnages ne sont justement pas « dessinés » mais réalisés en volume. Ce sont de petites figurines modelées dans de la plasticine qui s’articulent sur une armature en fer. Pour les animer, le réalisateur doit s’armer de patience (une qualité indispensable dans ce métier) : il devra fixer chaque phase du mouvement (il photographie chaque étape à l’aide d’une caméra) afin de recomposer, dans un deuxième temps, l’amplitude du geste en déroulant les images au rythme de 24 par seconde.

Cette technique d’animation se rapproche du cinéma traditionnel en studio car les personnages sont placés sur un décor à leur mesure. L’éclairage, les déplacements des personnages, les mouvements de caméra sont, à moindre échelle, les même que pour un tournage avec de véritables acteurs. L’étagement des décors peut facilement produire des effets de profondeur : amorce, flou-net, etc…

  • Parodie et rupture de ton

Un jour un homme nous raconte la rencontre amoureuse entre un homme et un animal. Ce  mélange des genres donne au film son principe narratif. L’humour du film se nourrit du film de genre qu’il parodie en empruntant puis en en détournant les codes internes. En sautant d’un genre à un autre ce film joue aussi sur la rupture de ton. Nos attentes liées à la logique codées des genres sont systématiquement détournées. L’absurde se substitue donc à la logique propre au documentaire animalier, au cartoon, au thriller et au mélodrame. Le spectateur déconcerté est donc prêt à accepter sans problème les scénarios les plus loufoques, comme l’histoire d’amour entre un homme et un rat.

  • Documentaire animalier

Le film débute comme un documentaire animalier. Les hautes herbes en amorce du cadre nous indique que la caméra est tapie afin de saisir sur le vif la vie animale. La voix grave du narrateur, son ton didactique et doctoral, le champ lexical qu’il utilise (« la lutte pour la survie de l’espèce est régie par la loi de la jungle… ») nous sont familiers. Immédiatement, le spectateur reconnaît le type de film qui lui est proposé. Nous savons cependant que le principe même de l’animation (rien n’est dû hasard, tout est ouvertement construit) est incompatible avec le documentaire en général et encore plus avec le documentaire animalier basé, sur la fascination pour des images rares (gros plan d’un lion dévorant une gazelle, danse nuptiale des oiseaux…) car difficiles et risquées à obtenir. Et en effet, avant la fin du travelling, le sérieux de la voix off est désamorcé par la copulation caricaturale des deux insectes et le bruitage qui l’accompagne. Cette ouverture donne le ton du film – il sera parodique –, installe l’enjeu narratif : « Peut on avec certitude distinguer les amis des ennemis ? L’amour prend des chemins parfois mystérieux, on le trouve là où on l’attendait le moins … » et effectue la transition avec la séquence suivante « … Mais quand l’amour vous tient, tout peut arriver ».

La fin du travelling marque la fin de la parodie animalière et de la première séquence. La voix off change alors de registre. Le narrateur devient maintenant conteur « laissez moi vous raconter une histoire » pendant que l’image prend en charge la présentation du personnage principal.

  • Cartoon

Le second genre appartient à une catégorie bien spécifique du cinéma d’animation : le cartoon. Le schéma narratif est basé sur les stratégies mises en œuvre pour capturer le rat et permet de réaliser gag sur gag (le salamirat, le piège à ours, le chat pitbull de Malaisie). La déformation des personnages, les défis aux lois de la vie (les personnages ne meurent jamais : le rat mange de l’arsenic sans problèmes) et de l’apesanteur (le chat fait un bond incroyable) ou encore les  bruitages (Boïïïnng !) proches des onomatopées des comicsrappellent les aventures de Bip-Bip et Coyote de Chuck Jones par exemple, ou de bien d’autres, comme celles des personnages de Tex Avery.

Mais la vivacité et l’urgence du cartoon est plus difficile à obtenir avec une animation en volume. Si les personnages modelés se déforment facilement, le rythme est cependant beaucoup moins emballé que dans un classique du cartoon. Une fois de plus, la voix off comble cette lacune en jouant sur la dérision des situations « comment un piège à ours a-t-il bien pu arriver sur la maison sur la colline ? » et créé ainsi l’effet comique.

  • Thriller

Autre séquence, autre genre. Le cartoon est délaissé pour une séquence frissons (to thrill = frémir). Ici, ce sont les codes du thriller qui sont parodiés. Ce genre place le spectateur sur le fil du rasoir et créé de la tension grâce au suspens. Comme définit par Hitchcock, maître incontesté en la matière, le suspens apparaît lorsque le spectateur possède plus d’informations que le personnage menacé.   

Dans le premier plan, le chat Pitbull de Malaisie apparaît en légère contre plongée derrière un objet tranchant, le piège à loup, placé en amorce. Son attitude (faussement) menaçante, les dents aiguisées du piège et surtout la musique aiguë qui baigne l’ambiance nous confirment que le rat n’en a plus pour longtemps à vivre…  En effet, le plan suivant propose un contre champ sur la victime. Il s’agit du point de vue de l’agresseur sur la future victime, déjà écrasée par une caméra en plongée.

Un GP désigne ensuite le piège à ours comme l’arme du crime. Il ne reste plus qu’à agir. Le montage retarde l’acte à accomplir, et la musique maintient la tension. Enfin, la victime et meurtrier sont réunis dans le même cadre : nous voyons le chat  avancer lentement vers le rat sans que celui-ci ne s’en aperçoive : le suspens est à l’œuvre… jusqu’à ce que le narrateur ne le tourne à la plaisanterie.  

  • Mélodrame

Avant de revisiter le mélodrame, le film bascule de façon plus radicale. Alors que l’histoire était racontée à travers les yeux de l’homme, le point de vue va changer : c’est celui du rat que l’on va adopter.

Le long travelling accompagné d’un air mélancolique de piano tranche avec le rythme des séquences précédentes. Le narrateur nous invite à reconsidérer un personnage antipathique, le rat. En assumant ses pensées, le narrateur nous présente un personnage féminin doué de sentiments, sensible et amoureux.  

Cet amour impossible fournit sa trame au mélodrame. Les envolées lyriques de la musique, le rapide zoom avant sur le personnage masculin mais aussi le décor défilant pour évoquer la course, sont des stéréotypes de ce genre dont le film Autant en emporte le vent de Victor Fleming reste emblématique.  

A la fin du film, le narrateur renoue avec le conte en énonçant l’enseignement tiré de l’histoire. Mais il détourne nos attentes une ultime fois en n’énonçant, pour notre plus grand soulagement, qu’une partie de la célèbre phrase de conclusion des contes : « ils se marièrent… Exactement, oui, oui, ils se marièrent ». Ici, l’animation s’arrête comme dans un arrêt sur image. La vie du couple se feuillette désormais sur un album photo qui les présente dans les bras l’un de l’autre. Figés dans leur bonheur, pour eux, le temps s’est arrêté.

Pistes de travail

  • Animation et mise en scène

Ce programme composé de 6 films d’animations met en valeur la diversité des styles graphiques (peinture, gravure, crayon à papier) et l’inventivité des techniques d’animation (volume, animation traditionnelle). Ce corpus permet aussi, par la comparaison, de mettre en relief différents choix de mise en scène.

Si il paraît indispensable de s’intéresser au graphisme et à l’animation dans un programme aussi spécifique, il ne faudrait pas s’y restreindre. Le « dessin animé » fait partie intégrante du cinéma et c’est pour expliciter cette idée qu’on préfère employer aujourd’hui le terme « film d’animation ».

Comme dans un film avec des personnages en chair et en os, le réalisateur met en scène ses personnages. Techniques d’animation et graphisme complexifie l’exercice car ils s’ajoutent aux paramètres déjà existant dans le cinéma mettant en scène de véritables acteurs : taille de plan, mouvements de caméra, déplacement des personnages, axes de prise de vue, montage, traitement du son… Ce dernier élément est souvent oublié.

S’il est vrai que par définition le son ne se voit pas  c’est justement pour cela qu’il joue un rôle déterminant au cinéma. Il agit souvent de façon beaucoup plus subtile que l’image en structurant un film, en caractérisant des personnages, en complétant des décors, etc … Ainsi, invitons les élèves à regarder mais aussi à tendre l’oreille. 

  • Initiation à l’analyse de film en 3 étapes
  • Formuler sa réception du film, son ressenti (Dans ce film on dirait que …, On a l’impression que…) afin de dégager des pistes de travail.
  • Se questionner sur les moyens mis en œuvre pour produire l’effet repéré. Autrement dit, dégager les notions de fond et de forme (choix de réalisation : cadre fixe,  changement de rythme du montage…) afin d’examiner les rapports entre les elles. 
  • Hiérarchiser les choix dans un texte rédigé.
  • Exercices sur le chemin de l’analyse

– Quel est le ton de ce film ? La parodie est une forme d’humour qui détourne la mécanique d’une œuvre. Pour faire rire, il faut donc avoir compris le fonctionnement interne de l’objet à parodier. La parodie est donc un travail intéressant car pour être réussi, il faut non seulement se plier à l’analyse mais faire également preuve d’un sens de l’observation assez aigu.

Par ailleurs, ce type d’humour est exclusivement référentiel. Il ne fonctionne qu’à condition que le destinataire connaisse l’original (inutile d’aller voir Scary Movie, si vous ne connaissez pas le film Scream de Wes Craven). Aussi, l’identification des originaux peut être un bon exercice préparatoire (Les guignols de l’infos, Austin Power …) à la création d’un texte ou d’un film parodique (série télé, émissions de divertissement, jeux vidéos…). Ce genre de travail permet aux élèves de prendre de la distance par rapport à une pratique, un film, un personnage et de développer leur esprit critique.

Cécile Paturel, le 25 août 2008

Expériences

  • Le changement de point de vue

Avant de filmer une histoire, un  cinéaste doit avant tout choisir de quel point de vue il va la raconter au spectateur : allons nous vivre les choses à travers l’expérience d’un seul personnage ? Dans ce cas, la caméra sera majoritairement placée dans l’environnement proche du personnage. Loin de ne montrer que des plans subjectifs (la caméra prendrait alors la place des yeux du personnage, qu’on ne verrait donc plus du tout dans le cadre), le cinéaste restreint notre connaissance d’un lieu et d’un espace à celle du personnage qui s’y trouve. Ainsi, nous adoptons sont point de vue au sens figuré du terme. Que le protagoniste soit moralement critiquable n’a plus d’importance, le spectateur, en s’y identifiant, devient beaucoup plus tolérant. Nous aurons tendance à souhaiter la réussite de l’évasion du tueur si c’est de son point de vue qu’est racontée l’histoire.

A l’opposé, le cinéaste peut choisir de nous tenir à distance des personnages en nous livrant plus d’informations qu’à eux même : nous pouvons les devancer dans un lieu, connaître les véritables intentions d’une nouvelle rencontre, etc… Des points de vue externes alterneront alors avec le point de vue de différents personnages sans vraiment en privilégier un en particulier. C’est le principe du suspens : en montrant le plan d’un assassin, couteau à la main, guettant le prochain passant au coin de la rue, puis le plan du personnage se dirigeant vers le coin de rue en question, le réalisateur joue sur nos nerfs, il tend le spectateur. Au contraire, si notre point de vue est restreint à celui du passant, le coup de couteau produira de la surprise.

Dans Le portefeuille, Pjotr Sapejin choisit de faire basculer le point de vue d’un personnage à un autre au cours du film. Ce procédé adopté par Hitchcock dans Vertigo, conduit à reconsidérer la première partie de l’histoire. En effet, le personnage du rat, méchant et répugnant du début nous apparaît sous un autre jour dans la deuxième partie : nous y découvrons un personnage totalement nouveau.

Beaucoup de réalisateurs ont exploité la question du point de vue au cinéma. Ron Howard par exemple s’en empare habillement dans Un homme d’exception : les points de vue y sont minutieusement équilibré de sorte que le spectateur soit maintenu pendant toute la durée du film dans un doute exquis. 

Outils

Bibliographie

Les oscars du film d'animation, Cotte Olivier, secrets de fabrication de 13 courts-métrages récompensés à Hollywood, Editions Eyrolles, 2006
Le cinéma d’animation, Denis Sébastien, Editions Armand Colin, Paris 2007

Web

Association française du cinéma d’animation (afca)

DVD

En matière d’animation, collection Cour(t)s de cinéma : présente les 6 films du programme et leurs analyses.