Synopsis
Chaque ville a sa lumière, ses odeurs, ses bruits, ses couleurs… Lisbonne : le fleuve, ses ponts et ses ferrys, les ruelles de Bairro Alto ou de l’Alfama, le tramway, les petits métiers, le fado… Bien au-delà, ce film est une balade musicale extraordinaire au fil des rythmes urbains d’une journée qui s’éclaire avec le lever du soleil sur le Tage. La musique originale et hypnotique se compose à partir d’échantillons sonores et visuels recueillis dans la capitale portugaise avec pour métronome les pulsations de la ville. « C’est difficile de mettre un nom sur ce que je fais… J’orchestre les choses, je les arrange, je les fais sonner… » explique le réalisateur.
Distribution
Réalisation : Guillaume Delaperriere
Producteur délégué : Guillaume Delaperriere
Monteur son : Guillaume Delaperriere
Mixeur : Bruce Keen
Ingénieur du son : Bertrand Défossé
Auteur de la musique : Guillaume Delaperriere
Durée : 12 min.
Autour du film
À travers Lisboa Orchestra, Guillaume Delaperrière concrétise un projet documentaire non seulement singulier, mais aussi plutôt audacieux et, du coup, aussi stimulant sur un plan intellectuel que séduisant d’un point de vue sensitif. Comment brosser le portrait d’une grande ville et, plus encore, accéder à son âme même, sans recourir au mode de l’interview (de ses habitants, par exemple) et en renonçant totalement aux mots ?
C’est Lisbonne que le réalisateur a choisi, “Lisboa” étant le nom de la capitale portugaise dans la langue locale, et son film parvient en seulement une douzaine de minutes à en montrer une journée, que l’on pressent représentative et susceptible de restituer véritablement l’atmosphère de la ville. La bande-son extrêmement travaillée et un montage sophistiqué, tant d’un point de vue de l’image que du celui du mixage – parvient à un résultat étonnant et riche de sens. Il montre toutes les possibilités permises par le sampling vidéo, qui ordonne des séquences nées de captations très précises et fonctionne en s’appuyant sur la figure de la boucle (“loop”). Si Porto est le centre économique du pays, Lisbonne en est le centre historique, culturel et mélancolique, a-t-on envie de dire, tant sa géographie assise sur ses collines (au nombre de sept, tout comme Rome), ses tramways jaunes arpentant les pentes pour conduire notamment au château São Jorge et ses rues piétonnes du centre-ville en font une cité conciliant constamment tradition et modernité, passé et présent, comme peu d’autres villes européennes. La fameuse “saudade” portugaise y trouve un écrin parfait pour s’épanouir. Guillaume Delaperrière joue de tous ces éléments pour justement se détourner des clichés et composer une véritable symphonie lisboète, où le décor et les habitants ont une importance équivalente, à travers les sons qu’ils produisent et qui s’assemblent comme pour se régler sur une respiration collective. Du jour qui se lève sur la superbe Cathédrale Santa Maria Maior au soleil se couchant sur les mêmes lieux, la grande ville vit intensément. Les bateaux arrivent de la rive opposée du Tage, où se dresse le célèbre Christ-Roi, les trams sillonnent les ruelles du vieux quartier de l’Alfama, des gamins jouent au football dans une impasse, des retraités se concentrent sur une partie de dominos dans un café traditionnel, un mendiant aveugle fait la manche dans le métro, etc. Le montage n’hésite pas à intégrer plusieurs fois les mêmes plans, en liaison avec la récurrence musicale de sons de machines industrielles, de véhicules ou de chants humains. Un orgue, une batterie, des cloches d’église (celles de São Vicente) se marient à la voix d’un chanteur ou au rap d’un passant noir, ce qui fait remonter en nous des réminiscences de l’histoire du pays, l’un des plus catholique du monde occidental et aussi l’un des plus portés sur le voyage et l’exploration. Le nom du pont entraperçu, celui de
Vasco de Gama, le rappelle. Mais le pays a aussi un passé colonialiste, à travers l’occupation du Mozambique et de l’Angola, et avec des guerres d’indépendance aussi traumatisante que celle d’Algérie pour la France. Ce rappeur faisant une fulgurante intrusion est ainsi peut-être un Portugais de la deuxième génération de l’immigration, dans une société se métissant comme en France. Ainsi l’image de la Lisbonne traditionnelle des cartes postales s’imprègne d’une contemporanéité réelle et décomplexée. Le soir venu, les images et les sons d’un set de DJ s’entremêlent avec ceux d’une procession religieuse, des instruments classiques et une guitare électrique fusionnant pour dessiner une cité moderne aux mille visages et aux nuits aussi intenses que celles de sa (relative) voisine ibère, Madrid. La collusion des contrastes, des âges et des sons provoque des associations parfois amusantes, comme celle du joueur de dominos semblant “mixer” en répétant son geste. Ce sont les leçons du montage telles qu’elles avaient été élaborées part les théoriciens des années 1920, notamment les Russes, qui sont ici recyclées dans un crescendo entraînant et parfois presque subliminal (une danseuse porte un débardeur aux couleurs du Brésil, rappelant furtivement le lien entre les deux terres). La vie est foisonnante à Lisbonne et on se demande si d’autres villes pourraient convenir à une telle approche. C’est sans doute le cas de Paris, sur laquelle Guillaume Delaperrière prépare en 2013 un film sur le même principe, en attendant peut-être d’autres métropoles afin de former les segments d’un long métrage, homogène dans sa démarche artistique. Le caractère hypnotique du format court résistera-t-il à l’allongement de la durée ? La réussite formelle et émotionnelle de Lisboa Orchestra donne toutes les raisons d’avoir le désir de tenter l’expérience.
Vidéos
Comment représenter l’enfance ?
Catégorie : Analyses de séquence
Comment commencer un film ?
Catégorie : Analyses de séquence
Outils
Le film, en version intégrale
Le réalisateur
Site internet :
http://www.guillaumedelaperriere.com/
Interview :
http://www.saywho.fr/intimes/166/guillaume-delaperriere/
Fiche pédagogique
http://www.filmcourt.fr/files/5987/mines/lisboaorchestra.pdf
Pour aller plus loin, sur ciclic.fr
http://www.ciclic.fr/ressources/lisboa-orchestra
À parcourir :
Le Kinetoscope, le portail du court métrage