Un jour

France (1998)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Film d'animation

Archives LAAC, Lycéens et apprentis au cinéma 2005-2006

Synopsis

Une voix féminine raconte : « un jour, un homme est entré dans mon ventre ». Très vite, on voit le petit homme qui lui transperce le corps à l’horizontal, les jambes sortant dans le dos de la femme, la partie supérieure émergeant sur le devant.

Elle sort sous la pluie, le soir elle rentre chargée, il prend alors les sacs de courses qu’elle peine à monter dans l’escalier. Ils mangent la soupe ensemble, lui sur une table plus basse.

La voix dit qu’elle a plutôt de la chance quand elle pense à sa voisine. Celui qui lui traverse le ventre apparaît comme bien indiscipliné.

Aussi, dit-elle, « ce fût un choc quand il partit ». Il laisse un trou dans son corps. Pendant le générique final, la voix ajoute que beaucoup d’autres hommes sont entrés dans son corps, mais ils n’étaient jamais à la bonne taille.

Générique

Programme : Six courts métrages Lycéens 2005-2006

Réalisation : Marie Paccou
Image : Marie Paccou
Son : Fabrice Gérardi
Montage : Marie Paccou
Décor : Marie Paccou
Musique : Matthieu Ascheoug
Interprétation : Christine Gagneux
Production : Claude Huhardeaux
35 mm – noir et blanc – 1:1,66r
Durée : 4 mn 12

Ordinateur 2D

Autour du film

Mise en scène

« Un jour un homme est entré dans mon ventre. » Le calme de la voix féminine qui énonce ces mots ne permet pas de comprendre de quoi il s’agit. Le dessin qui le met en scène l’illustre d’une manière aussi littérale que mystérieuse. Rien de plus saisissant toujours que d’inscrire de l’étrange ou du fantastique dans le rythme du quotidien le plus banal. La simplicité du trait, ces aplats noirs, cousins du théâtre d’ombres, accentue le schématisme d’une situation qui sonne comme une image, parabole ou métaphore. Malgré sa brièveté, Un jour se déploie selon plusieurs mouvements en crescendo. Après les vues des toits de la ville et l’affirmation de cet étrange état, nous découvrons ce corps qui traverse celui de la femme d’une manière inédite, irréaliste. Nous le percevons comme une exception, une monstruosité qui contraste avec la sortie de la femme et le naturel avec lequel son quotidien s’organise. Elle découpe ses vêtements, il l’aide à porter les courses, une petite table sous celle de la femme leur permet de manger la soupe de concert.

La surprise suivante est la découverte que cette situation est normale. Pour preuve, la voisine porte un tel être, au comportement moins agréable simplement. Le dernier mouvement – avant-dernier en fait si on considère la voix off sur le générique final qui égrène les hommes suivants, jamais à la bonne taille – nous laisse, après le départ de l’homme, avec ce trou dans le corps à travers lequel on retrouve l’image des toits du début. .

La force du film est de puiser aux sources de l’imaginaire féminin le plus fondamental qui soit sans pour autant nous permettre de trancher sur la teneur de son propos. Un homme qui entre dans le ventre d’une femme suggère plusieurs sens qui nous viennent simultanément dans une troublante confusion, mais que l’écriture impose d’énoncer consécutivement. .

On songe ainsi à l’expérience de la grossesse. Un jour tourne autour de l’imaginaire que peut générer le fait de créer et porter au cœur de ses entrailles un être vivant, tout à la fois partie de soi et alien. Dès Freud, la littérature psychanalytique s’est penchée sur ce qui circule dans le désir d’enfant, comme substitut du désir du phallus. De même qu’aujourd’hui une femme enceinte tend à ne plus dissimuler son état mais tend plutôt à l’exhiber, on ne manquera pas de noter, dans Un jour, l’érection de l’homme quand la femme est allongée sur son lit. .

« Entrer dans mon ventre » fait écho à « entrer dans ma vie ». Ce film pourrait ainsi figurer la vie de couple, vu du point de vue de la femme. « Mon homme » dit la voix. La formule inaugurale s’entend aussi assez spontanément comme une pénétration sexuelle. Le dessin penche-t-il plutôt du côté de l’enfance ou de la condition maritale ? L’homme est plus petit, mais sans âge. Celui de la voisine, antipathique, boit vulgairement au goulot, mais il demeure difficile de trancher si ce qu’il tient dans la main puis jette est un biberon ou la fiole d’un alcoolique violent. .

Il ne faut surtout pas trancher en plaquant un sens univoque à un film dont une des beautés est de laisser flotter plusieurs pistes, condensées par l’entremise d’un imaginaire très personnel : quelques phrases simples, un graphisme schématique, bref une économie de moyens particulièrement évocatrice. .

On sent bien que Un jour touche à quelque chose de fondamental, de très profond. Mais si nous pouvions mettre des mots précis sur ce qui se joue là, l’expression filmique choisie n’aurait sans doute pas été aussi nécessaire. .

« Un jour un homme est entré dans mon ventre. » Emmanuelle Prétot, admiratrice du film, s’est emparée de cette formule inaugurale dans un essai poétique en vidéo qu’elle a réalisé en 2005, La vie par volutes, et consacré au viol. .

Technique d’animation

Marie Paccou : « Au départ, je pensais faire une bande dessinée à partir de l’idée principale du film. Je l’imaginais en gravure en eau-forte, une technique pleine de nuances. Mais le logiciel que j’avais appris à maîtriser traitait le dessin en vectoriel et ne permettait pas le rendu en matières. J’ai donc choisi un style graphique se rapprochant de la gravure sur bois. »
Marie Paccou a dessiné directement sur ordinateur via une palette graphique et animé avec le logiciel 2D Tic Tac Toon.

Outils

Vidéographie

Cour(t)s de cinéma 2
DVD. Programme comprenant les 5 films inscrits dans le dispositif Lycéens au cinéma 2005/2006, ainsi que des analyses, des interviews, des fiches pédagogiques téléchargeables, et des courts métrages complémentaires.
DVD disponible dans les boutiques des CRDP et sur le site : crdp.ac-lyon.fr.