Synopsis
Il était une fois une cité résidentielle aux maisons colorées. Peggy, représentante en cosmétiques, effectue sa tournée sans parvenir à vendre ses produits. Elle se décide alors à chercher un client dans le mystérieux château perché sur les hauteurs de la ville où elle découvre un jeune homme apeuré et hagard. Il s’agit d’Edward, un être créé par un génial inventeur mort juste avant de lui greffer des mains. La pauvre créature est donc affublée de lames de métal très tranchantes à la place des doigts. Attendrie, Peggy l’invite dans sa maison. L’arrivée d’Edward déclenche la curiosité des voisines qui accourent pour voir l’étrange inconnu. Il s’intègre à la vie de la cité, révélant des dons d’artiste en sculptant les buissons et servant de coiffeur inspiré aux dames. Il aime en secret Kim, la fille de Peggy. Tout se gâte pour lui lorsqu’il se laisse convaincre par Jim, le petit ami de Kim, de l’aider à commettre un cambriolage. Du jour au lendemain, tous les habitants se retournent contre lui. Seule Kim le soutient. Traqué, il se réfugie au château, rejoint par Kim et Jim. Les deux garçons se battent et Jim s’empale sur les » mains » coupantes. Après avoir avoué son amour à Edward, Kim annonce sa mort à la foule hargneuse. Elle part, le laissant seul dans la grande demeure.
Thème Les marginaux
Comédie fantastique
Il était une fois une cité résidentielle aux maisons colorées. Peggy, représentante en cosmétiques, ne parvient pas à vendre ses produits dans une cité résidentielle et va chercher un client dans le mystérieux château perché sur les hauteurs. Elle découvre un jeune homme apeuré et hagard : Edward, un être créé par un génial inventeur, mort juste avant de lui greffer des mains affublées de lames de métal tranchantes à la place des doigts. Attendrie, Peggy l’invite dans sa maison. Il s’intègre à la vie de la cité, révélant des dons d’artiste en sculptant les buissons et servant de coiffeur aux dames. Il aime en secret Kim, la fille de Peggy, mais se laisse convaincre par le petit ami de Kim de l’aider à commettre un cambriolage. Tous se retournent contre lui. Seule Kim le soutient…
Distribution
Edward : un être doux qui se heurte à l’injustice
Le corps sanglé de cuir, le visage pâle, les yeux étonnés, ni homme ni robot, Edward a été créé par un inventeur qui est mort avant d’avoir achevé son œuvre. Il agite, en guise de mains, des lames tranchantes qui pourraient être des armes mortelles, lui qui ne sait ni ne veut faire le mal. C’est un être doux, innocent et généreux qui, en découvrant le monde des humains, va se heurter à la cruauté et à l’injustice. Il révèle des dons artistiques et une sensibilité exacerbée. Après avoir été adulé, il se voit rejeté, exclu à cause de sa différence. En tombant amoureux, il ressent de l’amertume face à son handicap et comprend qu’il n’aura jamais droit à l’amour. Il a entrevu le bonheur au sein de sa famille adoptive, mais il poursuivra sa vie éternelle seul, à sculpter de magnifiques statues de glace. C’est une créature pathétique et profondément attachante.
Peggy Boggs : la » mère » qui accepte d’emblée la différence
Représentante en produits de beauté, Peggy arrache Edward à la solitude en le prenant sous son aile maternelle. Car elle est mère avant tout, tout acceptation et amour pour le premier être qui fera vibrer cette corde sensible. Déformation professionnelle oblige, elle soigne le visage aux nombreuses cicatrices d’Edward, et le tartine de crèmes de soin. Elle ne voit jamais Edward comme un monstre et ne regarde pas ses mains comme une difformité. Attentionnée, tendre, elle ne porte aucun jugement de valeur et accepte d’emblée sa différence. Sa générosité et sa naïveté l’aveuglent et l’empêchent d’entrevoir les conséquences de son geste charitable. Elle réalise trop tard qu’Edward était plus en sécurité dans son château.
Kim : gentillesse et sensibilité sous un masque d’effronterie
Fille de la famille Boggs, Kim a l’apparence de la Pom Pom Girl, jolie adolescente quelque peu bêcheuse qui regarde Edward avec un dédain teinté de moquerie. Elle se laisse entraîner par son petit ami, Jim, et regrette ensuite d’avoir piégé Edward. Elle sera peu à peu touchée par son innocence, sa sincérité et sa pureté. Elle laisse alors exprimer la gentillesse et la sensibilité qu’elle étouffait sous un masque d’effronterie. Elle en vient à communiquer avec lui, à l’aimer et à l’aider à sortir des griffes de la foule haineuse. Toute sa vie, elle restera hantée par ce grand amour impossible.
L’inventeur : savant fou, démiurge solitaire
Il apparaît dans les » flashes back « , lorsqu’Edward se remémore l’origine de sa naissance. Démiurge solitaire, il se consacre à ses inventions dans les ténèbres d’un vieux château délabré. Il a l’idée de donner une âme à sa créature le jour où son regard tombe sur un biscuit en forme de cœur. Il lui offre un cerveau, une peau, un cœur, développe sa sensibilité, l’éduque comme un fils mais meurt d’une crise cardiaque juste avant de lui greffer de véritables mains. Dans la lignée de l’illustre professeur Frankenstein, il symbolise le » savant fou « , cher au cinéma fantastique.
Générique
Titre original Edward Scissorhands
Production Denise Di Novi, Tim Burton
Producteur exécutif Richard Hashimoto
Scénario Caroline Thompson, d’après une idée originale de Tim Burton
Réalisation Tim Burton
Photo Stefan Czapsky
Décors Bo Welch
Costumes Colleen Atwood
Effets spéciaux maquillage Stan Winston
Montage Richard Halsey
Musique Danny Elfman
Assistant-réalisateur Jerry Fleck
Mixage son Petur Hliddal
Interprétation
Edward/ Johnny Depp
Kim Boggs/ Winona Ryder
Peg Boggs/ Dianne Wiest
Bill Boggs/ Alan Arkin
Jim/ Anthony Michael Hall
Joyce Monroe /Kathy Baker
Kevin /Robert Oliveri
Helen/ Conchata Ferrell
Marge /Caroline Aaron
Officier de police Allen /Dick Anthony Williams
L’inventeur /Vincent Price
Film 35 mm – couleurs par De Luxe
Format 1/1,66 (full frame)
Durée 1h47
Distribution Twentieth Century Fox-France
N° de visa 76 035
Début de tournage Été 1990
Sortie pays d’origine Janvier 1991
Sortie en France 10 avril 1991
Autour du film
Une fable sur l’incommunicabilité et l’intolérance
Sous le conte poétique et l’hommage au cinéma fantastique, se profile une légende moderne et satirique des conformismes américains. La petite ville accueillante du film renferme tous les maux d’une société enracinée dans ses traditions et coincée dans ses préjugés. Tim Burton décrit un monde qu’il connaît bien, celui d’une banlieue de Los Angeles où il a grandi. En levant le voile sur le vrai visage de l’Amérique profonde, il bâtit une parabole sur la condition précaire de l’artiste prisonnier des règles hollywoodiennes. En tant que réalisateur anticonventionnel, il n’a lui-même jamais réussi – ni cherché – à rentrer dans le moule, restant toujours méfiant face aux engouements factices dont il a pu être l’objet. Ce regard lucide porté sur l’industrie cinématographique transparaît nettement dans Edward aux mains d’argent. Son héros symbolise un artiste qui, après avoir été adulé pour son originalité, se voit soudainement méprisé parce que jugé incontrôlable. Le film peut alors se lire comme une fable poignante sur la solitude et les déchirements du créateur.
À travers ce portrait sans complaisance des États-Unis, le film propose également une réflexion sur l’incommunicabilité et sur l’intolérance. Face à l’inconnu, en l’occurrence un être excentrique et différent, la société réagit violemment. La curiosité, parfois malsaine, fait vite place au rejet, conséquence d’une réaction d’auto-défense illégitime. Cette peur panique naît chez des soi-disant braves gens qui rangent dans l’anormalité ce qui échappe aux normes dominantes. De manière ironique et grinçante, Tim Burton montre l’envers du décor d’un univers apparemment hospitalier qui cache en fait les pires travers. Sa démarche est d’autant plus pertinente qu’elle procède par un renversement de situation : la monstruosité n’est pas là où on l’attend. L’inquiétant Edward se révèle un être charmant, totalement inoffensif tandis que les affables ménagères se métamorphosent en de redoutables sorcières.
Lors de la sortie du film, certains y ont vu une parabole sur le Sida, reconnaissant dans ces méthodes d’exclusion les humiliations subies quotidiennement par les victimes de la maladie. Tim Burton ne refuse pas cette interprétation mais préfére laisser au spectateur le soin de déceler toutes les métaphores qu’il souhaite. Il reconnaît néanmoins que de nombreux malades se sont fait projeter le film dans les hôpitaux américains. En vérité, toute minorité, tout marginal, voire toute personne en léger décalage par rapport aux normes sociales, peut se reconnaître dans le personnage d’Edward. Tim Burton avoue s’y être d’ailleurs légèrement projeté. » Je suis très introverti, un peu comme Edward, dit-il. Moi non plus je n’arrive pas à m’adapter. Dans les soirées, je me sens étranger, mal à l’aise. Edward c’est aussi un peu chacun de nous. «
(Danièle Parra)
Autres points de vue
Symphonie mélancolique en quatre couleurs
» Edward aux mains d’argent, quatrième long métrage de Tim Burton, est non seulement son premier projet vraiment personnel mais aussi une réussite absolue. Conte de fées magique, symphonie mélancolique en quatre couleurs pastels (vert, bleu, jaune et rose), Edward aux mains d’argent se déroule dans un monde hostile où l’on assassine avec le sourire. […] Edward est ce moment magique où l’âme de l’artiste se matérialise devant nos yeux ébahis. Mieux qu’un film réussi, il est le conte de fées enfin retrouvé. «
Iannis Katsahnias, in » Cahiers du cinéma « , avril 1991.
La preuve par le vide sidéral
« Edward aux mains d’argent, c’est d’abord la preuve par le vide sidéral que l’Amérique des banlieues coquettes, délavées pastel, semble n’avoir pas bougé depuis des siècles. Mais, Tim Burton laisse prudemment aux spectateurs le soin de coller toutes les métaphores du monde sur le dos de son film. «
Philippe Vecchi, in » Libération « , 10 avril 1991.
Edward l’ermite
» Edward ne s’intègre pas, il ne passe pas à l’âge adulte et retourne dans son manoir au temps immobile. Kim est devenue une vielle femme, tandis que lui n’a pas changé. Dans le conte de Tim Burton, le héros ne parvient pas à trouver sa place, et sa croissance reste à jamais bloquée, il n’a pas réussi sa métamorphose, contrairement à » La Jeune fille sans mains » de Grimm, qui subissait trois épreuves avant d’être acceptée : sans mains, mains d’argent et, enfin, mains humaines, signe qu’elle était une adulte. Edward, lui aussi, aura parcouru trois étapes, sculptant les trois règnes de la nature. S’il semble aller, dans un premier temps, vers l’humain en passant par le végétal, il s’en éloigne au moment où ses rapports se détériorent avec les habitants : il se tourne alors vers le minéral, la glace, symbole de pureté mais aussi d’immobilité. «
Thomas Bourguignon, in » Positif « , n° 364, juin 1991.
Vidéos
Étreinte et offrande des mains
Catégorie : Extraits
par Hervé Joubert-Laurencin
Pistes de travail
- Le mythe de FrankensteinEdward aux mains d’argent est un conte poétique inspiré des grands classiques du cinéma fantastique. Tim Burton revisite le genre en s’appuyant sur l’un des mythes les plus populaires, celui de Frankenstein. Ici, la créature est dépeinte comme un être pur et inoffensif. Analyser comment le film souligne la dimension pathétique de son héros en le confrontant au monde cruel des hommes.
- Une satire de l’AmériqueTim Burton dresse un portrait sans complaisance de l’Amérique sous une forme ironique et grinçante. Il serait judicieux de mettre en lumière les nombreux aspects révélateurs de cette démarche, en suivant, comme un jeu de pistes, les notations touchant à la vie de la petite ville colorée et à l’évolution des personnages face à Edward.
- Une réflexion sur l’exclusionIl apparaît important de mettre en évidence le processus d’exclusion dont est victime Edward : après avoir été l’objet de curiosité, il se voit cruellement rejeté par ceux qui l’adoraient. Une discussion pourra être engagée avec les élèves sur ce thème en analysant les réactions de chaque personnage face à la » créature « . Mettre en lumière comment chacun révèle son vrai visage au fur et à mesure qu’avance l’histoire. Dégager la morale du film : une leçon de tolérance sur le respect des différences.
- Un conte moderneEdward aux mains d’argent est marqué par plusieurs influences : le conte, les mythes et l’esthétique du cinéma fantastique, le dessin animé. Le réalisateur a télescopé les genres pour créer un univers singulier entre rêve et réalité. Il utilise le fantastique pour parler d’aujourd’hui, prenant les thèmes des contes de fées pour les rendre contemporains. Montrer comment il joue sur les contrastes et les archétypes pour illustrer un propos éminemment moderne.
- Les déchirements de l’artisteOn peut interpréter le film comme une parabole sur la condition de l’artiste porté aux nues puis soudainement rejeté par Hollywood. Tim Burton jette un regard lucide sur le monde du cinéma en imaginant un être en décalage, comme lui, avec l’univers qui l’entoure. Montrer comment, en attaquant le miroir aux alouettes que constitue Hollywood, il souligne les déchirements de l’artiste.
Mise à jour: 17-06-04
Expériences
Un cinéma de genres
L’ombre de Frankenstein plane sur Edward aux mains d’argent qui, par son fantastique gothique, s’inscrit dans la lignée de nombreux films évoquant le célèbre mythe. On y retrouve le savant solitaire qui se voue à une œuvre folle : la création d’un androïde qui s’adaptera mal au monde des hommes. Le film de Tim Burton regarde également du côté des contes merveilleux et romantiques tel La Belle et la Bête.
Frankenstein, né sous la plume de Mary Shelley en 1918, inspira directement plus d’une centaine de films, faisant naître un des mythes les plus visités du cinéma fantastique. Il devait éclater sur les écrans sous les traits de Boris Karloff dans Frankenstein (1931) et La Fiancée de Frankenstein (1935) de James Whale, chefs-d’œuvre jamais égalés par la suite. La créature se révèle douée de réflexion et de sentiments grâce à la composition magistrale du comédien. Son jeu fait sourdre une morbidité, une agressivité et une vulnérabilité qui confèrent au personnage une dimension humaine. Dans l’esprit du public, le nom de Frankenstein désigne désormais le monstre (jamais nommé) et non son créateur (le Victor Frankenstein du roman). Le héros en sera donc Boris Karloff, monstre émouvant et martyrisé dont la seule apparition suffit à balayer celle de son créateur. Dans Edward aux mains d’argent, Johnny Depp fait renaître la dimension pathétique de son illustre modèle.
Renversement de situation avec Terence Fisher qui fait du savant le héros de cinq films interprétés par Peter Cushing. La créature n’est ici qu’un cobaye dans les mains d’un inventeur cynique et assassin. Mais, dans l’imaginaire du grand public, le souvenir de Boris Karloff triomphe. Le mythe perdure, inspirant des séries B sans éclats ou des parodies allègres (Frankenstein Junior, de Mel Brooks, en 1974), jusqu’à ce que Tim Burton s’en empare pour lui restituer la part de poésie qui l’avait abandonné depuis fort longtemps. Dans Edward aux mains d’argent, le savant donne une âme à sa créature et meurt avant de l’avoir achevée. Il est surtout vu comme un homme solitaire ayant créé un fils (Pinocchio n’est pas loin) qui, devenu orphelin, doit affronter seul le monde des humains. Il y découvre l’amour impossible avec une belle évoquant les princesses de contes de fée. Nous voilà alors dans le pur merveilleux, cher à Jean Cocteau (La Belle et la Bête, 1946). Après la peur et la répulsion, la Belle se met à aimer la Bête malgré sa différence, et peut-être à cause de sa monstruosité. Car, comme dans le film de Cocteau, un Edward » normalisé » n’aurait plus la même force attractive. Alors que le film de Cocteau reste dans le merveilleux (la Bête enfin aimée se transforme en Prince Charmant), celui de Tim Burton retombe dans la réalité : l’amour impossible entre la belle et le monstre.
Outils
Bibliographie
Articles de Thomas Bourgignon, Positif n° 364, 1991, et Cahiers du cinéma, 1991.
Edward aux mains d'argent, Danièle Para, Dossier "Collège au cinéma, CNC.
Cahier de notes sur...L'Etrange Noël de Monsieur Jack, Pascal Vimenet, Ed. Les enfants de cinéma.
Burton on Burton, Mark Salisbury, Faber & Faber, 1997.
La triste fin du petit enfant huître et d'autres histoires, Tim Burton, coll. 10/18,UGE, 1998.
Frankenstein, Mary Shelley, Ed. Flammarion, 1989.