Elephant

États-Unis (2003)

Genre : Drame

Écriture cinématographique : Fiction

Archives LAAC, Lycéens et apprentis au cinéma 2007-2008

Synopsis

C’est une belle journée. Très ordinaire. Un lycée américain vit au rythme du sport, du réfectoire, de la bibliothèque, du labo photo, …
Nous suivons une douzaine d’élèves ainsi, dans leur quotidien. Bizarrement, on y étudie peu. Tout le monde se croise. Pour certains ce sera d’ailleurs leur dernière journée.

Générique

Réalisation : Gus Van Sant
Scénario : Gus Van Sant
Image : Harris Savides
Montage : Gus Van Sant
Son : Leslie Shatz
Production : HBO
Disribution : MK2
Couleur
Durée : 1 h 21
Interprétation
Alex Frost / Alex
Eric Deulen / Eric
John Robinson / John
Elias McConnell / Elias
Jordon / Jordan Taylor

Autour du film

Gus Van Sant est un cinéaste complexe, dont la filmographie se divise en blocs parfaitement distincts, allant du petit film indépendant, quasi underground, à la commande de studio, en passant par les plus délirantes expérimentations (Psycho) ou le blockbuster intimiste et singulier (A la recherche de Forrester). L’ère d’épure et d’abstraction ouverte par Gerry (2002), toujours inédit chez nous, trouve dans Elephant un contrepoint saisissant : non que cette variation sur le massacre de Columbine ne joue sur les mêmes effets de radicalité, mais avec cette fois une dimension documentaire, ancrée dans un réel parfaitement assigné (le petit univers du lycée et ses environs) qu’aucune mise à distance théorique ne vient troubler. De cette croisée des chemins -exercice expérimental et description ultra-réaliste-, GVS se tire une fois de plus avec une indécente réussite.
Elephant, sous des dehors de chronique étudiante polyphonique (différents personnages pris à un moment x ou y d’une banale journée de cours), tisse progressivement un espace resserré, organisé et tendu comme une toile d’araignée parfaitement géométrique. Chaque moment volé par le cinéaste (dans le parc, à la cantine, le long des couloirs, dans les salles de réunion, au gymnase) semble autonome et s’étire dans un flottement suave et envoûtant. Rapidement pourtant, les uns et les autres de ces instants se font complémentaires, correspondent entre eux ou se rejoignent en tendant à éliminer toute béance dans l’espace-temps parfaitement ordonné du lycée. Derrière les trajectoires aléatoires de chacun se découvre alors un univers commun, traversé d’un indicible sentiment de malaise (la chorégraphie froide des solitudes), dans lequel rien, en apparence, ne doit venir troubler la fluidité. Cette fluidité, rendue par l’extrême légèreté du filmage, tout en mouvements et vagabondages musiciens, est précisément ce par quoi tout finit par se détraquer : GVS n’explicite aucune origine plausible au surgissement de l’horreur, mais la définit comme un simple bug inexpliqué du système, redoublement d’un temps sur un autre (l’effet de télescopage temporel produit par les points de vue multiples et décalés qui se croisent) ou pure trouée d’une fiction devenue folle (la fine présence du jeu vidéo et de la télé comme éléments fantomatiques).
Nul n’a filmé avec tant de douceur un lycée : à la fois espace de vie et de communications intermittentes, de solitude et de refoulement, cocon d’une indécidable liberté et tombeau de toutes les frustrations (les complexes de la binoclarde dans la salle de sport), le campus d’Elephant est un espace tout à la fois intra-utérin et cosmique (le plan magnifique de tombée de la nuit), qui recouvre le champ des émotions adolescentes jusque dans ses plus délicates nuances. Plutôt que de chercher une hypothétique source au torrent d’épouvante qui recouvre la fin du film, GVS se contente de peindre en mouvement, dans un geste pudique, impressionniste et profondément subjectif, veiné d’une intarissable compassion, la vie et la mort d’une poignée d’adolescents sans relief, dans toute leur anodine et bouleversante liberté.
Vincent Malausa / Chronicart 22 octobre 2003

Dans l’itinéraire filmographique de Gus Van Sant, on aurait tort de minorer l’expérience de tournage de son précédent film  » Gerry « , au scénario ténu qui laissait libre cours à l’improvisation des comédiens face à une équipe réduite. Cette étape est au contraire de toute première importance. La réussite de  » Gerry  » en soit, mais aussi la satisfaction personnelle du réalisateur qui confessait s’être senti fortifié de nouveaux préceptes dans le domaine de la réalisation poursuit ainsi tout naturellement son exploration avec  » Elephant « . A l’instar d’un Larry Clark mais cependant en beaucoup plus mesuré, Gus Van Sant est connu pour l’intérêt qu’il porte aux jeunes de son pays. Dans  » Elephant  » il se penche ainsi sur la transposition pour le cinéma des faits divers qui choquèrent profondément l’Amérique devant les accès de folie qui s’emparèrent de quelques étudiants meurtriers, assassinant leurs congénères dans les collèges. Bien entendu Gus Van Sant ne tente pas l’once d’une explication en évitant comme la peste l’utilisation d’expédients psychologiques fastidieux. A l’inverse, il prône l’idée d’un réalisme du quotidien dont l’authenticité prend source dans le choix de jeunes américains sans expérience de comédie, recrutés pour la caméra au terme d’un casting de grande ampleur. Van Sant propose alors avec eux, une série de portraits d’une extraordinaire véracité tout en réaffirmant sainement ses ambitions contemplatives par le biais des silences, de musique concrète, d’une attention particulière à son cadre et au mouvement, ralenti ou accéléré. Le spectateur constate ainsi l’enjeu cinématographique primordial de Van Sant, amorcé déjà dans  » Gerry  » : Une nouvelle considération du temps, un temps déstructuré par endroit dans  » Elephant  » lorsqu’il multiplie les points de vue d’une seule et même scène vécue par différents personnages ou encore, imposé lorsqu’il suit les jeunes de dos, arpentant les longs couloirs du lycée. En respectant à la lettre ces principes, le réalisateur réussit à donner aux scènes de violence, une valeur proprement stupéfiante. Ne serait-ce que de cet équilibre parfaitement maîtrisé, Gus Van Sant se révèle à nous comme un très grand cinéaste.
Olivier Bombarda / Arte 2003

Vidéos

Outils

Web

Site pédagogique sur Elephant
Fiche pédagogique sur Elephant

Cédérom

A propos de ... Elephant, produit et distribué par le ministère de l'Education nationale et le CRDP de l'académie de Nice. Cédérom qui a reçu le Prix Education Nationale 2003. Il a été réalisé par des enseignants, des partenaires culturels, des critiques spécialisés.

Ce Cédérom propose :
- des éléments d'information sur l'auteur et sur le film
- un découpage séquentiel
- une interview exclusive de Gus Van Sant
- des fiches thématiques sur les grandes problématiques du film
- des prolongements pédagogiques: pistes de recherche artistique et culturelle, pistes d'exercices praiques
- un lexique et un ensemble biblio/filmo webographique

Revues

Positif n°513 (critique et entretien avec Gus Van Sant)
Cahiers du cinéma n°580 et 583, dossier: "Elephant ou l'adolescence américaine"