Etrange affaire Angelica (L’)

France, Portugal (2010)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Fiction

Archives LAAC, Lycéens et apprentis au cinéma 2013-2014

Synopsis

Une nuit, Isaac, jeune photographe et locataire de la pension de Dona Rosa à Régua, est appelé d’urgence par une riche famille, afin de faire le dernier portrait de leur fille Angélica, une jeune femme morte juste après son mariage.

Dans la maison en deuil, Isaac découvre Angélica et reste sidéré par sa beauté. Lorsqu’il porte à son œil l’objectif de son appareil photo, la jeune femme semble reprendre vie, pour lui seul. Isaac tombe instantanément amoureux d’elle. Dès lors, Angélica le hantera nuit et jour, jusqu’à l’épuisement.

Générique

Titre original : O Estranho Caso de Angélica
Réalisation : Manoel de Oliveira
Scénario : Manoel de Oliveira
Image : Sabine Lancelin
Musique : Oeuvres de Chopin
Décors : Christian Marti, José Pedro Penha
Production : Les Films de l’après-midi, Filmes do Tejo II, Eddie Saeta, Mostra International de Cinema
Distribution : Epicentre Films
Couleurs / Noir et blanc
Sortie en France : 16 mars 2011
Durée : 1h35

Interprétation
Isaac / Ricardo Trepa
Angelica / pilar López de Ayala
La Mère / Leonor Silveira
L’Ingénieur / Luís Miguel Cintra
Clementina / Ana Maria Magalhães
La Domestique / Isabel Ruth
La Religieuse / Sara Carinhas
Le Mendiant / Ricardo Aibéo
Justina / Adelaide Teixeira

Autour du film

« L’Etrange Affaire Angelica » : dans la douceur ensorcelante de l’amour à la morte

(…) L’Etrange Affaire Angelica tient, par sa seule atmosphère, une alliance entre la sobriété lumineuse caractéristique de l’œuvre du cinéaste et une touche fantastique primitive dont la simplicité confine au sublime. La magie qui émane des apparitions d’Angelica repose sur de délicats jeux de contrastes. Contraste, d’une part, entre le détourage phosphorescent des deux amants scintillants, semblant tout droit sortis d’une peinture de Chagall, et le noir et blanc mat choisi pour figurer les rêves d’Isaac.

Contrastes d’autre part entre les couleurs désaturées de sa chambre et celles, très intenses, des photos qui y flottent dans l’air, suspendues à une corde à linge. En s’animant, celles-ci deviennent des petits films incrustés dans le grand, des cadres dans le cadre qui viennent souligner l’impossibilité de l’amour absolu que fantasme le jeune artiste ailleurs que dans la mort. Concernant la magie de L’Etrange Affaire Angelica, il faut encore saluer la splendeur du sourire de Pilar Lopez de Ayala, qui incarne dans ce film l’une des plus belles mortes de toute l’histoire du cinéma.

Entre le moment où Manoel de Oliveira a écrit la première version du scénario et celui où il a fait le film, le monde a changé ; l’auteur aussi. La question juive, notamment, est moins brûlante qu’en 1952, et le cinéaste, ainsi qu’il s’en explique dans le dossier de presse, a modifié le scénario en conséquence.

Si quelques détails font penser que l’action se déroule aujourd’hui, une certaine théâtralité dans les décors, dans les costumes, dans les gestes, la libère d’une historicité précise. Dans cette perspective, l’identité juive d’Isaac apparaît surtout comme une manière de souligner l’étrangeté des deux amants l’un à l’autre, que redouble leur différence de classes. Désargenté, le jeune artiste est de fait du côté des paysans qu’il prend chaque jour en photo et dont le chant magnifique vient régulièrement scander le rythme de l’intrigue.

La beauté de ce film, sa douceur ensorcelante, vient essentiellement du point de vue que Manoel de Oliveira adopte sur les penchants mortifères de ce personnage qu’il a fait interpréter par son petit-fils, Ricardo Trepa. Comme s’il était lui-même prêt à rejoindre la farandole de ses fantômes.
Isabelle Régnier / Le Monde 15 mars 2011

Métaphysicien facétieux, Oliveira ne cesse de questionner, avec ses images modestes et magiques, la différence entre le corps et l’âme, la frontière entre le ­présent et l’éternité, entre l’ici et l’infini. Le scénario dormait depuis 1952 dans ses cartons. Il s’est enrichi de considérations contem­poraines : à la table de la logeuse, des pensionnaires éclairés commentent les ­dernières avancées de la recherche scientifique, dans ces domaines où la physique confine à la philosophie. Oliveira en prend bonne note, mais rit aussi sous cape, comme toujours : dans un coin de la pièce, un chat s’impatiente sans fin au pied de la cage d’un oiseau. Soit une autre vision du monde, tout aussi dérisoire, pas moins vraie.

Au fond, la passion du photographe pour la défunte n’a rien de plus étrange, de plus dérangé que les croyances des autres. Elle les recoupe éventuellement : la merveilleuse étoile filante au-dessus du Douro que forment, enlacés, Angélica et son fiancé, n’est-elle pas cette énergie née de la ­fusion entre la matière et l’antimatière dont parlent les érudits ?… Le cinéma sans limites se fait rare. Pour ceux qui, ces derniers mois, ont aimé l’histoire de l’enfant qui aurait pu avoir mille et une vies et n’en aura aucune (Mystères de Lisbonne, de Raul Ruiz) ; pour ceux qui ont aimé le voyage féerique du mourant à travers ses existences passées et futures (Oncle Boonmee, d’Apichatpong Weerasethakul), voilà une invitation au mariage, en toute intimité, d’un jeune homme intranquille et d’un spectre radieux.
Louis Guichard / Télérama 16 mars 2011

Vidéos

Envol nocturne

Catégorie :

Si L’Etrange Affaire Angélica appartient au genre fantastique, il réserve toutefois le merveilleux à un petit nombre de scènes, dont la plus remarquable est celle de l’envol nocturne d’Isaac avec le fantôme d’Angélica. C’est l’occasion de variations sur des éléments de mise en scène qui parcourent tout le film : la profondeur, le passage des seuils, les glissements de l’attention d’Isaac, l’invention d’un motif.


Cette vidéo a été conçue en complémentarité avec les rubriques « Mise en scène » et « Motif » du livret enseignant Lycéens et apprentis au cinéma.

Outils


Conférence sur "L'Étrange affaire Angélica" de Manoel de Oliveira par Guillaume Bourgois, auteur d'une thèse sur le cinéaste portugais. Enseignant-chercheur, Guillaume Bourgois vient de publier un ouvrage d’analyse sur le film "L'Étrange affaire Angélica" intitulé "Angélica ! L'Étrange affaire Angélica", co-édité par De l’incidence et lux Scène nationale de Valence. Cette conférence a eu lieu lors de rencontres académiques à lux les 19 et 20 octobre 2013.

Web
http://www.lexpress.fr/culture/cinema/manoel-de-oliveira-fete-ses-103-ans-la-lecon-de-cinema_972958.html
Critique du film du journal L'Express

http://www.lesinrocks.com/cinema/films-a-l-affiche/letrange-affaire-angelica-une-eblouissante-lecon-de-cinema/
Critique du film du journal Les Inrocks

http://www.lemonde.fr/cinema/article/2015/04/02/avec-la-mort-de-manoel-de-oliveira-le-cinema-perd-son-doyen_4608632_3476.html
Retour sur l'œuvre de Manoel de Oliveira
par le journal Le Monde

Vidéographie
Voir l'interview du réalisateur Manoel de Oliveira en 2008 par Télérama