Synopsis
S’ennuyant ferme dans la quiétude campagnarde, le jeune Fanfan occupe son temps à courtiser les plus belles filles du village. Mais les paysans, irrités par ses succès féminins, décident de l’assagir, le capturent et veulent lui imposer le mariage avec sa dernière » victime « .
Une belle bohémienne passant sur son chemin le renseigne sur son destin : il sera soldat du roi et obtiendra une Fille de France. La possibilité de partir à la guerre lui fait esquiver l’engagement conjugal. Apprenant qu’Adeline, la soi-disant bohémienne, sert d’appât à son père sergent recruteur, il tente alors d’esquiver l’engagement militaire. Emmené de force vers le camp, Fanfan parvient à sauver d’une attaque de brigands Madame de Pompadour et Henriette de France. En remerciement, il reçoit une tulipe d’or.
Au camp, Fanfan se révolte contre les exercices qu’inflige aux recrues le maréchal des logis Fier à Bras. Condamné à la prison Fanfan réussit à narguer son supérieur. S’ensuit un violent duel au sabre sur les toits de la prison, couronné par un feu de paille provoquant l’explosion de barils de poudre.
Mais Fanfan persiste à rêver à la princesse qu’on lui a promise. En compagnie de Tranche-Montagne, il s’introduit dans le palais et parvient jusqu’à la chambre où Madame Henriette joue du clavecin. Les deux camarades sont arrêtés et condamnés à la pendaison. Adeline, désolée, essaie de fléchir le roi. Peine perdue. Conduits à l’exécution, Fanfan et Tranche-Montagne échappent pourtant à la mort : ruse du souverain pour se concilier les bonnes grâces d’Adeline. Révoltée, celle-ci gifle Louis XV. Grâce à la marquise de Pompadour, elle peut fuir et se réfugier dans un couvent, mais sa retraite est divulguée par Fier à Bras qui finira par périr dans un puits.
Fanfan a enfin compris qu’Adeline est celle qu’il aime. Il croit la délivrer mais la malheureuse est reprise. Dans le même temps, la bataille se prépare. Fanfan la Tulipe parvient à s’introduire auprès de l’état-Major ennemi et le capture. C’est la débandade, puis l’apothéose française. Louis XV ayant adopté Adeline, Fanfan peut épouser une Fille de France. La prédiction s’est réalisée.
Distribution
Fanfan
Aux aristocrates du film, s’opposent la franchise et la droiture d’un jeune paysan, heureux de vivre, de rire et d’aimer. Toujours prêt à jouir de l’instant, il se laisse berner par des prédictions dont il se fait une règle de vie. Ses actions visent la conquête de la princesse lointaine et seront contrariées jusqu’à la fin par une succession de coups fourrés. Courageux – voire téméraire – malicieux et galant, mauvaise tête mais bon cœur, il rejoint les héros indomptables des romans puis des films de cape et d’épée. Il ajoute à son bondissant personnage un total irrespect pour la soldatesque : du simple sergent au maréchal de camp.
Adeline
Plus favorisée que l’inaccessible fille du roi, elle apporte à Fanfan sa beauté, son exubérance, sa fidélité en même temps qu’un caractère décidé et honnête. Elle dessine une seconde silhouette d’épinal : elle comblera celui qu’elle aime et de nombreux petits fanfans suivront.
Fier à Bras
C’est l’adjudant de Courteline, prêt à toutes les vilenies que lui dictent sa supériorité de gradé, son apparence physique et sa jalousie. Caractère sans nuances, monolithique et combinard, Fier à Bras se venge d’Adeline et, sans nul doute, trahirait aussi bien le roi de France si des pièces d’or sonnaient à ses oreilles.
Louis XV et Madame de Pompadour
Si le roi, sous ses allures de grande élégance, reste le monarque secret, jouisseur mais intelligent qu’a retenu la petite histoire, la marquise de Pompadour s’éloigne à coup sûr de la favorite sensible aux Arts et aux Lettres, qui entendait jouer un rôle politique. Le film ne propose qu’une poupée charmante et sympathique, prête à se moquer de son royal amant.
Le maréchal d’Estrées, le capitaine de la Houlette, le maréchal de Brambourg
Qu’ils soient Français ou Autrichiens, tous ces hauts gradés sont de pompeuses ganaches émettant des chapelets d’âneries. Henri Jeanson a pris un évident plaisir à les fustiger de son antimilitarisme notoire.
Générique
Réalisation : Christian-Jaque
Scénario : René Wheeler, René Fallet
Adaptation : Christian-Jaque, Henri Jeanson et René Wheeler
Dialogues : Henri Jeanson
Image : Christian Matras
Décors : Robert Gys
Costumes : Jean Foy
Maître d’armes : Gardere
Ingénieurs du son : Lucien Lachermoise
Montage : Jacques Desagneaux
Musique : Georges van Parys et Maurice Thiriet
Orchestre : dirigé par P. M. Le Conte
Production : Films Ariane (Alexandre Mnouchkine), Filmsonor, Amato Produzione
Distribution : Ciby Distribution
Film : Couleurs, 1/1,37
Sortie : 21 mars 1952
N° de visa : 11 777
Durée : 1 h 42
Interprétation
Fanfan / Gérard Philipe
Adeline / Gina Lollobrigida
Fier-à-Bras / Noël Roquevert
Louis XV / Marcel Herrand
Tranche-Montagne / Olivier Hussenot
Lebel / Jean-Marc Tennberg
Capitaine de la Houlette / Jean Parédes
Maréchal d’Estrées / Henri Rollan
La Pompadour / Geneviève Page
La Franchise / Nerio Bernardi
Henriette de France / Sylvie Pelayo
Mme Tranche-Montagne / Georgette Anys
Maréchal de Brambourg / Lucien Callamand
Marion / Irène Young
Guillot / Robert Hennery
Les soldats / Gil Delamare, Jackie Blanchot, Joe Davray, Gérard Buhr, Georges Demas, Max Harry, Paul Violette
et la voix de Jean Debucourt
Autour du film
L’éternelle jeunesse…
Fanfan la Tulipe demeure un phénomène du cinéma français de cette période du cinéma français aujourd’hui si méprisé, celui des années 50. Ce n’est pas, et de loin, le premier film de cape et d’épée français, loin de là ! Il ne cherche pas plus à révolutionner le genre, le subvertir, le détourner de sa fonction première de divertissement. Christian-Jaque a alors plus de quarante films derrière lui, dont de nombreuses réussites et bon nombre de succès. Henri Jeanson, comme scénariste ou dialoguiste, plus souvent les deux, a inscrit à son actif Pépé le Moko et Un carnet de bal, de Julien Duvivier, Les Maudits, de René Clément, Entrée des artistes, de Marc Allégret, Hôtel du Nord, de Marcel Carné… Mais aussi des films plus légers, tels que La Dame de chez Maxim’s, d’Alexandre Korda, ou Les Rois du sport, de Pierre Colombier.
La véritable originalité du film est de jouer pleinement la carte du film d’action pure en se donnant les moyens de concurrencer le cinéma de divertissement américain. D’où la coproduction franco-italienne, qui se développe depuis 1949 et bat alors son plein. Il est vrai que le film demeure à capitaux majoritairement français et qu’il ne viendrait à personne l’idée de contester la » présence » (dans tous les sens du terme) de Gina Lollobrigida au générique et surtout aux côtés de Gérard Philipe, en lieu et place de la Martine Carol d’une production cent pour cent française, que l’on imagine d’ailleurs mal en – fausse, certes – bohémienne… Il est vrai que l’introduction de l’Italienne délurée dans cet univers très français a pu justifier le statut un peu arbitraire de cette fille de sergent-recruteur… On touche là, sans en avoir l’air, à un des atouts du film : son sujet comme sa structure narrative s’accommodent aisément de fantaisies qui en rejoignent le principe de base, qu’on aimerait appeler » principe de plaisir « , sans pour cela convoquer Freud et la psychanalyse.
Tout cela n’empêche pas l’audace du film (du réalisateur ?), qui le structure de bout en bout : le choix inattendu et improbable de Gérard Philipe pour incarner – et le mot n’est pas faible – Fanfan… Gérard Philipe, c’est d’abord l’acteur du TNP (Théâtre National Populaire) de Jean Vilar, le jeune homme tumultueux, en colère, mais aussi chargé de culture, interprétant aussi bien au cinéma L’Idiot, d’après Dostoïevski (Georges Lampin, 1945), Le Diable au corps, d’après Radiguet (1947) ou La Chartreuse de Parme, d’après Stendhal (1949), qu’au théâtre Caligula, Rodrigue, le Prince de Hombourg, Lorenzaccio, Ruy Blas… Même si le public de cinéma et surtout de Fanfan la Tulipe dépasse largement celui du TNP, l’acteur apporte dans un rôle léger une charge culturelle, voire politique – syndicaliste, il a aussi joué Brecht – qui ennoblit le personnage, ce que l’on ne saurait trouver chez un George Marchal ou un Gérard Barray, mais en partie avec Jean Marais, illuminé de l’ombre de Cocteau. On peut croire ainsi au parcours initiatique qui fait de Fanfan, à partir d’un jeune homme insouciant et infantile qui mérite bien son surnom, un être d’abord protégé par l’affection maternelle et fraternelle d’Adeline puis un amoureux sage et digne d’une fille de roi, après un passage par un simulacre de mort : il est poursuivi, arrêté, sur le point d’être pendu.
Si Fanfan la Tulipe est l’un des films les plus populaires de Gérard Philipe, il le doit à l’étonnant accord qui s’établit – et que Christian-Jaque et Henri Jeanson ont su saisir, au moins intuitivement -, entre ce qu’incarne l’acteur, sa mythologie propre, le personnage de Fanfan et les attentes du public de 1952. Au théâtre comme au cinéma, malgré son engagement personnel, Philipe n’a presque jamais incarné un personnage de son temps, un homme politique, un syndicaliste, un militaire revenu d’une guerre coloniale… Il n’est pas l’homme que le spectateur pourrait rencontrer au coin de sa rue.
Et précisément, le spectateur de 1952 n’a guère envie de retrouver cet homme-là au cinéma, le samedi soir. Il sort de l’Occupation, de l’épuration, de la reconstruction de la France et aspire à s’éloigner de l’Histoire, même si elle fait rage en arrière-fond en Indochine. Gérard Philipe lui offre cette sortie hors de l’histoire et du temps. Son visage respire, dans Fanfan plus que jamais, la fraîcheur, la naïveté, l’idée d’une jeunesse perpétuelle et immuable – paradoxe, certes, lorsqu’on sait qu’il ne lui reste que si peu d’années à vivre.
L’apprentissage d’une certaine sagesse et de l’entrée dans la vie sociale en oubliant ses rêves d’enfance (épouser une fille de roi comme Adeline rêve au prince charmant) satisfait d’autant plus la morale du temps que le héros n’y perd rien de son innocence : il a vaincu sans le savoir et Louis XV fait d’Adeline sa fille adoptive et de Fanfan un capitaine sans qu’il y soit objectivement pour grand-chose ! Commence aussi avec Gérard Philipe et ce film, le grand mythe de la jeunesse comme valeur suprême qu’il a d’ailleurs abordé de plein front deux ans plus tôt dans La Beauté du Diable, de René Clair. D’autres acteurs et actrices incarneront ce culte insolent de la jeunesse dans les années suivantes au cinéma, mais Gérard Philipe a sans aucun doute, avec Fanfan la Tulipe, donné le coup d’envoi à un phénomène capital de cette seconde moitié du XXe siècle qui ne semble pas sur le point de s’arrêter à l’orée du nouveau millénaire : le culte de la jeunesse éternelle et sacrée…
Joël Magny
Autres points de vue
Une caméra gambadante
Si Fanfan la Tulipe nous apporte un amusement continu et d’une telle qualité, c’est grâce à ce rare équilibre entre deux formes de la virtuosité qui s’excluent généralement au cinéma : celle du verbe et celle de l’image. Nous avons dit la part qui, dans cette réussite, revient à Henri Jeanson. Celle de Christian-Jaque est considérable. L’agilité de sa caméra révèle un esprit de l’image que celui des mots vient, au bon moment, relayer sans l’entraver jamais. C’est une caméra gambadante et qui nous fait sauter avec elle… Si l’appareil fait la culbute, c’est avec Fanfan la Tulipe, que le public, ne se sentant plus d’aise, accompagne en pensée dans ses cabrioles. Quant à Fanfan la Tulipe, c’est Gérard Philipe, avec son charme, sa grâce – et cette élégance qui n’est pas seulement physique.
(Claude Mauriac, Le Figaro littéraire, 29 mars 1952).
Une bouffonnerie féroce et déplacée
Tout cela est mené avec vigueur, brio, et certaines scènes, comme un duel sur le toit, sont mirobolantes. Malheureusement, l’ironie trop poussée du dialogue d’Henri Jeanson gâte beaucoup de choses. Il va jusqu’à une bouffonnerie féroce et déplacée, qui rappelle les pires pamphlets. L’atmosphère du film en est empoisonnée, et c’est dommage. L’interprétation n’est pas excellente. Gérard Philipe ne croit guère à son jeu. Gina Lollobrigida n’a qu’un certain charme et bien des rôles sont franchement mauvais. Le public s’amusera, du reste, mais on aurait pu aisément lui donner beaucoup mieux !
(J. M., France-Magazine, 13 avril 1952).
Un Douglas Fairbanks voltairien
Le scénario de René Wheeler et le texte d’Henri Jeanson – mi-dialogue, mi-commentaire – sont une manière de chef d’œuvre. Ils ont pris un parti excellent, capable de sauvegarder le sérieux en accusant la parodie, celui de Voltaire dans Candide. Le personnage de Fanfan incarne des vertus humaines et poétiques qui font d’autant mieux ressortir les ridicules ou les méchancetés du monde. Gérard Philipe faisait un Fabrice contestable, mais il campe ici une sorte de Douglas Fairbanks voltairien et bien français au charme irrésistible. Autour de Fanfan, les auteurs ont reconstitué un XVIIIe siècle à la fois réaliste et spirituellement conventionnel, où la satire morale sait être d’autant plus efficace qu’elle semble ne pas se prendre au sérieux. Sans en avoir l’air, ce film est un étonnant pamphlet contre le militarisme et l’autocratie. Ainsi demeure-t-il dans une solide tradition de la chanson française où se mêlent à la fois le goût de l’héroïsme et l’horreur de la guerre, la fleur bleue et la gaillardise.
André Bazin, Radio Cinéma, n° 116, 24 avril 1952
Pistes de travail
Tous les personnages du film de Christian-Jaque sont faits d’une seule pièce et leurs noms eux-mêmes les situent d’emblée dans une imagerie populaire moqueuse. Fanfan, La Franchise, Tranche-Montagne, Fier-à-Bras, etc.
Pas de renversement de situation : les traîtres trahissent et le héros bondissant franchira allègrement tous les obstacles pour obtenir sa bien-aimée. Chacun suit sa ligne, définie dès sa première apparition.
Relever dans un premier temps les étapes du parcours des principaux personnages pour dégager les grands traits de caractère. Dans un second, étudier les contradictions ironiques entre ces caractères et les noms des personnages.
En analysant la structure du film, on peut se rendre compte que la narration fonctionne comme les couplets d’une chanson : le problème, posé au début de chaque séquence, se développe et se résout à l’intérieur de ladite séquence, et induit le couplet suivant. Faire résumer le film aux élèves sous la forme d’une chanson.
Un petit florilège des dialogues écrits par Henri Jeanson peut faire toucher du doigt l’importance de cette composante d’un film. Dans des films plus récents, et qui font sans doute plus partie de la culture cinématographique d’aujourd’hui, on peut chercher les répliques qui permettent d’identifier immédiatement un film ( » Que la force soit avec toi » dans La Guerre des étoiles de George Lucas ; » E.T. téléphoner maison » dans E.T. de Steven Spielberg ; » C’est cela, oui » dans Le Père Noël est une ordure de Jean-Marie Poiré, et d’autres plus récentes que chacun peut développer à son aise.
On peut tenter de dialoguer une courte scène en partant d’une situation, de la typologie des personnages, du genre cinématographique envisagé (comédie, drame, science-fiction, etc.), des acteurs que l’on imagine dans les rôles (avec diverses options possibles)…
Dans les années 50, le scénario faisait l’objet d’un » découpage technique » très précis, où chaque plan était minutieusement prévu et décrit (angle de prise de vue, échelle du plan, focale de l’objectif, mouvement d’appareil, etc.). Fanfan est un film particulièrement » découpé « , on y dénombre près de 1 000 plans. à l’inverse, rappelons qu’un film comme La Strada (Fellini) ne comporte que 62 plans ! Le parti pris de mise en scène explique en partie la rythmique du film et contribue grandement à cette esthétique de » la dentelle » ( » paillettes « , dirions-nous aujourd’hui) qui rend le film si plaisant et si surprenant.
En prenant une scène d’action type (ainsi la bataille dans le couvent), on peut étudier la façon dont les mouvements sont » découpés » et comment, à partir de ces éléments discontinus, parcellaires (les plans), le spectateur reconstitue un espace continu et cohérent (ce que l’on appelle » l’espace filmique « ).
Mise à jour: 17-06-04
Expériences
Des redresseurs de to: rts joyeux, insolents et bondissants
Films ou romans de cape et d’épée racontent tout simplement l’histoire de France à la façon des images d’épinal. à l’origine, on trouve les petits » livrets bleus » du colportage, parfois lointainement issus des romans de chevalerie ou de la vie des saints, mais largement laïcisés. Voisinent avec les Contes de Perrault, les exploits de Mandrin, simple contrebandier élevé au rang de défenseur des opprimés parce qu’il pratiquait la contrebande de tabac, très populaire, et dévalisait les collecteurs d’impôts et les fermiers généraux. à la différence de ses nombreux successeurs – Mandrin de René Jayet, 1947 ; Mandrin, bandit gentilhomme de Jean-Paul Le Chanois, 1962, etc.), le héros du Mandrin du serial de Henri Fescourt, en 1923, » Robin des bois de l’impôt « , ne meurt pas sur la roue à Valence, mais bénéficie même du soutien de Voltaire (ce qui est historiquement juste).
Cartouche est à l’origine un simple chef d’une bande (les » chauffeurs d’Orgères « ) qui terrorisait, au XVIIIe , les fermiers du Loiret en leur brûlant les pieds pour leur faire indiquer la cachette de leur magot. Il devient un héros de la pègre en relation avec des puissants (le Régent ?) dont les exploits sont exaltés sur la scène du théâtre français (Cartouche, ou Les Voleurs, 1721) ou vantés dans des épopées lyriques (Le Vice puni, ou Cartouche, 1726), utilisant un large vocabulaire argotique, ancêtre de la gouaille populaire d’un Albert Simonin. Au cinéma, reprenant parfois son vrai nom de Louis Dominique Bourguignon, il est sublimé par l’amour avant son exécution (Cartouche, Jacques Daroy, 1934) ou déporté en Louisiane après avoir manqué sa réinsertion dans la peau d’un honnête homme (Cartouche, roi de Paris, Guillaume Radot, 1948), avant d’être sautillant, désinvolte et souriant sous le visage de Belmondo dans le Cartouche de Philippe de Broca (1962).
Magistralement interprété, dit-on, par Frédéric Lemaître, célébré par une série de lithographies de Daumier, comme le filou qui se fond parfaitement dans le beau monde sous les traits d’un banquier ou d’un avocat, ignoble assassin du mélodrame l’Auberge des Adrets (1823), Robert Macaire, plus tard dupe ridicule dans une comédie portant son nom (1834), devient, dans le Robert Macaire de Jean Epstein, un repenti au cur pur qui rend justice à sa propre fille en ruinant un financier véreux à l’aide de la magie et de l’hypnose.
Les années 50 sont friandes de ces redresseurs de torts joyeux et bondissants, prolongeant généralement une veine ancienne du cinéma français. Le fringant Capestang, du nom d’une localité du Biterrois, n’a rien à voir avec Le Capitan fanfaron de la commedia dell’arte. Au cinéma, il est au service de l’enfant-roi Louis XIII contre les manigances de Marie de Médicis et du Florentin Concini et obtient la main de Gisèle d’Angoulême (Le Capitan, Robert Vernay, 1945 ; André Hunnebelle, 1960). Cette même année, Jean Marais passe du Capestang au héros de Théophile Gautier, noble défenseur de la belle ingénue qui se révèlera, heureusement, digne de sa condition (Le Capitaine Fracasse de Pierre Gaspard-Huit), reprenant le sujet illustré sous le même titre par Abel Gance en 1942, sous les traits de Fernand Gravey !
Sous ceux de Georges Marchal, un autre classique, Lesage, est exploité à son tour par René Jolivet (Les Aventures de Gil Blas de Santillane (1955). Avec la complicité de Joris Ivens, Gérard Philipe se donne le beau rôle dans Les Aventures de Till l’Espiègle (1956). L’œuvre de Michel Zévaco, après Le Capitan, sert également de prétexte au Chevalier de Pardaillan (Bernard Borderie, 1962), celle de Paul Féval inspire un Bossu où, dans le rôle de Lagardère, succédant à Robert Vidalin (René Sti, 1934) et Pierre Blanchar (Jean Delannoy, 1944), Jean Marais, sous la direction du spécialiste André Hunnebelle (1959) défait l’ignoble Philippe de Gonzague et sauve la belle Aurore grâce à sa botte secrète !
On ne saurait également passer sous silence les adaptations des romans » historiques » d’Alexandre Dumas, à commencer par les fameux Trois mousquetaires et leur célèbre D’Artagnan, en 1953 (Georges Marchal sous la direction de Hunnebelle) et 1961 (Gérard Barray dirigé par Bernard Borderie). Edmond Dantès (Jean Marais) ne manque pas à l’appel (Le Comte de Monte-Cristo de Robert Vernay, 1953), ni Marguerite de Valois (Jeanne Moreau dans La Reine Margot de Jean Dréville, 1954), ni le capitaine Buridan (Pierre Brasseur dans La Tour de Nesle d’Abel Gance, 1954), ni Le Vicomte de Bragelone (Fernando Cerchio, 1954, avec Georges Marchal) Et quel frère mythique du Roi-Soleil se cache derrière Le Masque de fer : Pierre Cressoy (Richard Pottier, 1954) ou Jean Marais (Henri Decoin, 1962), cette fois avec la complicité au scénario de Jacques Laurent, déguisé en Cécil Saint-Laurent, évadé de l’univers plus leste des Caroline chérie (R. Pottier, 1950 ; Un caprice de Caroline chérie (Jean Devaivre, 1952). Le fil de l’épée n’est plus que prétexte à l’érotisme grivois mais honteux de Martine Carol avant qu’on ne tente de la remplacer par l’insipide France Anglade (Caroline chérie, Denys de la Patellière, 1967) en attendant l’érotisme de bon goût où, dans les années 60, l’alcôve prend des allures de couvent et où l’épée se révèle un alibi aussi hypocrite que la cape dont se découvre savamment la rousse Michèle Mercier dans la série des Angélique, Marquise des Anges, d’Anne et Serge Golon, mis en scène par l’infatigable Borderie .
Outils
Bibliographie
Christian-Jaque, Raymond Chirat et Olivier Barrot, Travelling n° 47, 1976.
Les disparus de Saint Agil, Raymond Chirat, Dossier et fiche Collège au cinéma n° 55, CNC, 1995.
Fanfan la Tulipe, découpage plan à plan après montage et texte des dialogues in extenso, L'Avant scène cinéma n° 370, 1988.
Gérard Philipe, Jean-François Josselin, Ed. Mille et une nuits, Arte éditions, coll. Les petits libres, 1996.
Le temps d'un soupir, Anne Philipe, Ed. LGF, coll. Le Livre de poche n° 2690, 1969.
Gueules d'atmosphère, les acteurs du cinéma français : 1929-1959, Olivier Barrot et Raymond Chirat, Ed. Gallimard jeunesse, coll. Découvertes n° 210, 1994.
Histoire des plus célèbres répliques du cinéma, Marion Vidal et Jean-Claude Glasser, Ed. Ramsay poche cinéma, 1989.
Vidéographie
Fanfan la Tulipe. Distribution ADAV n° 8157
Les disparus de Saint-Agil. Distribution ADAV n° 1489
L'assassinat du Père Noël. Distribution ADAV n° 1486
Un revenant. Distribution ADAV n° 1152
La Chartreuse de Parme. Distribution ADAV n° 1963