Forêt d’Émeraude (La)

États-Unis (1985)

Genre : Aventure

Écriture cinématographique : Fiction

Archives CAC, Collège au cinéma 2005-2006

Synopsis

Tommy (7 ans), fils de Bill Markham, ingénieur américain venu construire un barrage hydraulique en bordure de la forêt amazonienne, est enlevé par une tribu d’Indiens : les Invisibles. Pendant dix ans, son père cherche en vain à le retrouver. Tommy grandit avec les Indiens, reçoit l’initiation qui fait de lui un homme et part seul dans la forêt afin d’y chercher les pierres vertes. Au cours de sa quête, il retrouve son père Bill, blessé par la tribu des Féroces, et l’emmène à son camp où le sorcier Wanadi le soigne. Ensuite, il refuse de le suivre à la ville et le dépose près du chantier installé pour le barrage.

À son retour au camp, il constate que les Féroces ont enlevé les femmes de sa tribu pour les vendre aux trafiquants. Les survivants de ce raid partent attaquer le campement des malfrats, mais sont vaincus par les armes à feu que possèdent maintenant les Féroces. Wanadi est tué au cours du combat. Tommy se rend aussitôt dans la ville pour demander l’aide de son père qui possède un fusil.

Bill Markham organise un raid contre les trafiquants qui prostituent leurs prisonnières. Les Invisibles récupèrent leurs compagnes ou leurs filles. Bill admet que la construction du barrage est la source des conflits entre tribus. Tommy préfèrera-t-il rejoindre la “civilisation” ou continuer à vivre parmi les invisibles ?

Générique

Titre original : The Emerald Forest
Réalisation : John Boorman
Scénario : Rospo Pallenberg
Image : Philippe Rousselot
Son : Ron Davis
Montage : Ian Crafford
Musique : Junior Homrich, Brian Gascoigne
Assistant-réalisateur : Barry Langley
Casting : Flavio R. Tambellini
Direction artistique : Marcos Flaksman
Costumes : Clovis Bueno, Christel Kruse Boorman
Mixage : Gerry Humphreys
Production : John Boorman, Michael Dryhurst, avec Edgar F. Gross
Couleur
Format : CinémaScope (1/2,35)
Durée : 1 h 50
N° visa : 58 492
Distribution : Carlotta Films
Sortie en France : Juin 1985
Interprétation
Bill Markham / Powers Boothe
Jean Markham / Meg Foster
Tomme / Charley Boorman
Tommy enfant / William Rodriguez
Haether Markham / Estee Chandler
Haether enfant / Yara Vaneau
Kachiri / Dira Paes Wanadi
Chef Des “Invisibles” / Rui Polonah
Uwe Werner / Eduardo Conde
Jacareh, Chef Des “Féroces” / Claudio Moreno
Padre Leduc / Ariel Coelho
Perreira / Peter Marinker
Costa / Mario Borges

Autour du film

le passage des frontieres

Comme d’autres cinéastes proches de sa génération (Francis Ford Coppola, Sergio Leone, Clint Eastwood), John Boorman travaille sur le détournement du film de genre et met ses films en scène en mêlant classicisme et modernité d’une façon tout autant critique que spectaculaire. Venu du documentaire et de la télévision, il aime toujours à confronter ainsi divers styles d’écritures cinématographiques, passant de lents travellings et de mouvements de grue sophistiqués à des plans “volés” avec la caméra à l’épaule. Par le montage, il unifie ensuite ces systèmes contradictoires avec une rigueur qui n’empêche pas un évident lyrisme. Son formalisme et son style est expérimental, mais il refuse les virtuosités exhibitionnistes des avant-gardes. L’hétérogénéité des styles de tournage à l’intérieur d’un même film s’efface chaque fois derrière une forte unité dynamique de l’ensemble.

John Boorman nous raconte une fable métaphorique qu’il filme comme des images oniriques, sauf dans les rares scènes du chantier, de la favela et du bar des trafiquants où le sordide naturaliste prend vulgairement le pas sur l’apologue en icônes mentales. Nous ne sommes jamais dans un film ethnologique, mais dans la seule visualisation d’un imaginaire : celui de John Boorman. Avec ses obsessions, ses cruautés critiques et l’impossible soif d’harmonie naturelle qu’il sait être une utopie. Forêt et personnages ne participent pas de la réalité, ils sont une cosa mentale. La mise en scène de Boorman le signifie sans cesse. Ils sont l’image d’une utopie.

La mise en scène repose d’abord sur la transgression des lisières entre les lieux et les mondes de chacun : Tommy est ainsi “l’élu”, l’Aigle, celui qui vole au-dessus des lisières, écho simple et redoutablement efficace de sa réalité narrative dans cette fiction, puisqu’il connaît les deux mondes (la forêt et la ville) par sa naissance puis son rapt. Il est d’ailleurs le seul prétexte de cette histoire. Rien ne serait arrivé si les Invisibles ne l’avaient pas enlevé. Son père ne serait pas allé chez les Féroces pour leur faire alors découvrir ce qu’est une arme à feu. Ainsi Tommy est naturellement celui qui peut voyager d’un lieu l’autre, alors que son père au totem de Jaguar ne réussit à être utile que dans l’assaut du bar, le lieu qui appartient entièrement à son monde, puisque cet endroit n’existerait pas s’il ne construisait pas de barrage. L’unique problème de Bill est d’ailleurs de ne pas pouvoir traverser les frontières du réel comme celles de l’imaginaire et de croire qu’il peut changer l’ordre des choses en détruisant ce qu’il a mis des années à bâtir : un barrage (construction qui le définit parfaitement). Sa prise de conscience reste donc cantonnée dans son bon univers d’Américain entêté. Il ne traverse jamais les frontières, il les détruit en voulant plier la nature à son désir, comme le montre implacablement ces plans où il tire au hasard dans la forêt qu’il confond avec les Féroces.

Dès l’ouverture du film, les choses sont mises en place par Boorman : Tommy observe les fourmis qui construisent leur territoire en apportant des feuilles tombées des arbres, respectant ainsi la nature, tandis qu’à quelques mètres de là, des hommes détruisent l’équilibre écologique à coups de dollars.

La différence entre Bill et son fils est ensuite soulignée par l’opposition de leurs comportements dans la forêt. L’enfant y circule avec facilité et peut voir les Invisibles, alors que le père s’empêtrera dans les feuillages en appelant son garçon et restera anéanti devant l’immensité touffue du lieu.

Il est donc logique que Tommy trouve un père qui soit en osmose avec sa nature, le chaman, et ne se sente jamais proche de son véritable géniteur, pas plus que de sa mère, comme l’indique le très pathétique plan du visage de celle-ci à travers la vitre quand son fils a escaladé la façade de l’immeuble pour demander à Bill son soutien armé.

Comme dans tous les films de Boorman, les éléments de la nature fondent les personnages et structurent la mise en scène tellurique. L’air, le feu et l’eau en sont les forces vives. C’est à la rivière que Bill retrouve Tommy. C’est l’eau crevant le barrage qui conclut l’apologue. Tout fonctionne ainsi par des signes précis se répondant les uns aux autres. Tommy tue un singe noir comme il va tuer les Féroces (noirs eux aussi) pour sauver Bill. Un Invisible offre une plume à Tommy avant de l’enlever et Bill offre une plume au chef des Féroces avant de se servir de son arme à feu pour se protéger d’eux. Il y a également deux cérémonies d’initiation hallucinogène : celle de Tommy et celle de Bill. Deux attaques du bar des trafiquants. Chaque fois, une situation se reproduit avec une conséquence différente selon que celui qui la subit ou la provoque peut transgresser une frontière ou demeurer mentalement prisonnier de part et d’autre de la lisière.

Pistes de travail

Les éléments naturels

1) L’eau
• Dresser la liste des scènes principales où l’eau apparaît (là où Tomme découvre les pierres vertes, protection absolue des Invisibles ; là où Tomme déclare son amour à Kachiri ; là où il retrouve son père ; là où l’on peut pénétrer la forêt, etc.).
• Quelles sont les fonctions de l’eau ?
– réelles : irrigation de la végétation, voie de pénétration de la forêt.
– symboliques : source de la vie, de la famille.
• En quoi le barrage signifie-t-il dès lors la mort de tout ce qui constitue les fondements de la vie des Indiens (faune, flore, famille, tribu) ?
• En quoi, comme dans tous les films de Boorman, l’eau s’impose-t-elle comme le signe du renouvellement et de la prise de conscience de soi-même ?
2) Le feu
• Relever les scènes où apparaît le feu.
• Noter en regard les différentes fonctions du feu : purification, régénérescence, thérapie, etc…
• Particulièrement, son utilisation dans la cérémonie funéraire.
3) La terre
• Recenser les indications montrant la conscience que les Indiens peuvent avoir de l’équilibre biologique.
• Leur conception de la place de l’homme dans la biodiversité.
• L’utilisation des produits minéraux pour confectionner la peinture des masques : montrer comment ces parures confèrent à l’Indien sont statut d’humain, son intégration dans la tribu, et au-delà, dans la biosphère (On pourra se reporter aux théories Gaïa de James Lovelock : http://fr.wikipedia.org/wiki/Théories_Gaïa – avec les réserves d’usage concernant ce site).
4) L’air
• Recenser les scènes faisant référence aux plumes. En incluant la faune ailée (cf. poissons volants).
• Montrer comment, pour les Indiens, le monde de l’air fonctionne comme une sorte de double de celui de l’eau, ce que les premiers explorateurs comme le Français Jean de Léry au XVIe siècle avait parfaitement décrit.
• L’air que “matérialise” la plume assure la relation entre les humains (cf. la séquence de l’enlèvement de Tommy, au début du film.)

Les initiations

• Dénombrer les scènes explicites d’initiation (caractérisées par des cérémonies). Réfléchir sur leurs significations.
•D’autres initiations structurent l’évolution de la narration (Ainsi : la découverte des armes à feu par les Féroces ; celle de la barbarie primitive pour Werner ; de l’aspect sordide de la civilisation pour les jeunes Indiennes obligées à se prostituer ; celle de la solidarité pour la femme de Bill qui s’occupe des enfants abandonnés, etc. ; mais aussi celle du spectateur, face à la fable écologique et métaphysique qui lui est proposée). En dresser la liste et montrer de quelle manière elles constituent le moteur narratif du film.

Les clôtures

Le film commence à la lisière d’une forêt.
• Amener les élèves à prendre conscience des multiples passages ou transgressions de frontières, de limites, de clôtures que le film donne à voir.
• Dénombrer les lieux clos (quelle que soit leur nature : la forêt ou l’espace d’une tribu est un lieu clos, comme le bar des trafiquants ou le barrage qui enferme l’eau, un territoire au mode de vie social particulier; mais également l’âme de Bill qui est obsédé par l’espoir de retrouver son fils…).
• Réfléchir
– à leur fonction bénéfique (protection et épanouissement d’un groupe) ou maléfique (moyen de préserver les activités sordides des trafiquants).
– à leur fonction symbolique (les Invisibles deviennent visibles dès lors qu’ils passent la lisière ; leurs plumes et maquillages les rendent humains, donc visibles à eux seuls…).
• En quoi chacun est-il prisonnier de son propre cercle ?
• Dans ces conditions, comment dépasser ses propres limites sans perdre son identité et courir le risque de sa propre mort (Les Féroces) ?

Le bestiaire

Des fourmis porteuses de feuilles aux grenouilles appelant la pluie, en passant par les singes noirs, l’aigle et le jaguar, les animaux abondent dans cette fable.
• Essayer d’en dresser la liste.
• D’indiquer, à chaque fois, les conditions de leurs apparitions (quelle scène, avec quels personnages, avec quelles actions concomitantes ?).
• Quel rôle de révélateur jouent-elles (l’aigle pour Tomme ; le jaguar en cage lorsque Bill retourne à la civilisation, par exemple…)? Quelles significations peut-on en tirer ?
• En quoi cette intime coexistence du monde animal et humain constitue-t-elle une leçon que les hommes sont en train d’oublier ?

Fiche réalisée par Noël Simsolo et Isabel Cabeca
19 septembre 2005.

Expériences

L’amazonie

Le Bassin de l’Amazonie couvre 7 850 000 km2 et représente le tiers des ressources mondiales des forêts tropicales. Il s’étend sur 6 pays sud-américains : le Venezuela, la Colombie, le Pérou, la Bolivie, le Paraguay et le Brésil qui possède à lui seul les deux tiers de ce bassin (58 % de son territoire). Il est traversé par l’Amazone, l’un des deux plus longs fleuves du monde (l’autre étant le Nil) qui, avec près de 7 000 km possède plus de 1 100 affluents, tous des rivières importantes.

Par sa spécificité climatique, l’Amazonie offre un exemple unique de biodiversité. Elle possède la faune et la flore la plus riche au monde, mais sa forêt est très fragile car son sol est très pauvre ; elle se nourrit essentiellement de l’humidité de l’atmosphère. Dès qu’elle n’est plus protégée par les arbres, son sol devient dur comme du béton ou laisse la pierre à nu. C’est l’un des grands problèmes causés par le déboisement intensif de la forêt le long des routes amazoniennes.

On pourra se reporter utilement à deux sites :
http://www.ac-rouen.fr/pedagogie/equipes/hist_geo/doc/ddc/amz/amz.htm
http://terresacree.org/forevieg.htm
qui comportent beaucoup d’informations et de nombreux liens sur le sujet.

Les Indiens Tupi-Guarani

Ce fut l’une des tribus les plus puissantes du Brésil. Grand, fort, les yeux en forme d’amande, la peau jaune avec une touffe de cheveux au sommet du crâne. De caractère plutôt sociable et timide, à la fois doux et guerrier, le Tupi est complètement relié à “l’âme de la forêt”. Chacun de ses gestes, chaque objet (plumes, oiseaux, plantes) a une signification précise.

S’ils s’adonnent au cannibalisme, comme beaucoup d’autres tribus (polynésiennes, par exemple), cette pratique, comme l’explicite Claude Lévi-Strauss dans Tristes tropiques, “relève davantage d’une cause mystique, magique ou religieuse : ainsi l’ingestion d’une parcelle du corps d’un ascendant ou d’un fragment d’un cadavre ennemi, pour permettre l’incorporation de ses vertus ou encore la neutralisation de son pouvoir.”

La plume a une symbolique toute particulière dans la mythologie des Tupis. Elle permet par exemple au Poisson volant, cet animal hybride aux nageoires en forme d’ailes, de se mouvoir aussi bien dans l’eau que dans l’air, et de passer d’un milieu à l’autre.

On comprend ainsi la double fonction de la plume dans la séquence du “rapt” de Tommy : lorsque l’Indien fait passer une plume entre lui et l’enfant, il “matérialise” le lien entre l’Ancien et le Nouveau monde, entre l’Indien et le jeune Blanc. En lui offrant une “Parure”, il le rend “visible” et le fait ainsi entrer dans le monde des humains.

Que sont devenues aujourd’hui ces tribus amazoniennes qui comptaient plusieurs millions d’individus avant l’arrivée des Européens ?
On peut trouver des éléments de réponse sur le site : http://survival-international.org/fr/

Outils

Bibliographie

Boorman un visionnaire en son temps, Michel Ciment, Editions Calmann-Lévy, Paris, 2003

Nus, féroces et anthropophages, Hans Staden, Edité en 1557, Rééd. Métailié, Paris, 2005
Histoire d’un voyage fait en la terre de Brésil, Jean de Léry, Ed. 1578. Rééd. Livre de poche, Paris, 1994
Tristes tropiques, Claude Lévi-Strauss, Ed. Plon, Paris, 1955. Rééd. Coll. Terre humaine/Poche, éd. Pocket, Paris, 1984/2005
Brésil épopée métisse, Mario Carelli, Coll. Découvertes, Ed. Gallimard n° 29
Histoire du Brésil 1500-2000, Bartolomé Benassar et Richard Marin, Ed. Fayard, Paris, 2000.

Vidéographie

La Forêt d'émeraude DVD MGM Zone 1, (Réservé au cadre familial privé)
Delivrance. Dist. ADAV n° 27002
Excalibur . Dist. ADAV n° 27007
Exorciste II : l’hérétique . Dist. ADAV n° 49458
Zardoz . Dist. ADAV n° 44742
Le Général . Dist. ADAV n° 35250