Synopsis
Agnès Varda à glané un peu partout en France des images de glaneurs et de glaneuses. Pas ceux d’autrefois qui ramassaient les épis de blé après la moisson, mais les récupérateurs, ramasseurs et trouvailleurs de notre société moderne, ceux qui par nécessité, hasard ou choix vivent au contact de l’univers surprenant des restes des autres.
Générique
Réalisation et commentaires : Agnès Varda
Collectif images : Stéphane Krausz, Didier Rouget, Didier Roussin, Pascal Sautelet et Agnès Varda.
Son : Emmanuel Soland
Mixage : Nathalie Vidal
Musique : Joanna Bruzdowicz
Montage : Agnès Varda et Laurent Pineau
Production et distribution : Ciné Tamaris
Durée : 1 h 22
Autour du film
Ce documentaire en forme de road movie, ce tour (et détour) de France, sous ses allures douces filme un monde dur, passe du temps avec des pauvres, des sans-toit, des laissés-pour-compte, ceux qui ont été abandonnés sur le bas-côté, les K.O., les morts, ceux qui ont leur compte. Qu’ils soient glaneurs ou glaneuses de patates, de raisins, d’huîtres, de télévisions ou de produits emballés, beaucoup, à les entendre et à les voir, semblent avoir été jetés à terre par un souffle de bombe, et depuis, rescapés, cherchent à survivre dans les décombres d’une civilisation.
S’il n’était que cela, Les Glaneurs et la Glaneuse n’aurait déjà pas l’allure d’un documentaire ordinaire. Mais le film cherche en plus un accord difficile, délicat, le point de contact entre sa forme et la singularité du propos. Ainsi, très souvent il semble loin de sa base, un peu hors sujet ; au fil d’une conversation, d’autres questions s’esquissent, d’autres réalités affleurent, des vies se dessinent ou bien, à l’occasion, on va au musée, à une expo, on filme des camions, des fleurs, des animaux. Toujours la caméra joue le jeu et le montage, au risque de raccords de séquences parfois abrupts ou aléatoires, garde la trace de ces digressions, de ces hors-champ. C’est que Varda applique à son film son sujet même : elle glane des plans au hasard, comme ils tombent, au fil de la route, au petit bonheur d’une rencontre de passage. Sans se faire prier, avec plaisir même, elle bouscule sans arrêt le plan de tournage, ajoute et récupère. Cela sonne rarement comme un procédé, c’est en tout cas son principe, bien connu dans la fiction depuis au moins Rossellini et Godard : moins le plan de tournage sera respecté à la lettre, plus réussi sera le film. Glaner, c’est filmer et ce geste, si Varda le comprend si bien, c’est qu’elle le reconnaît. Il est même une séquence drôle, presque suspecte tant elle est un discours de cette méthode : dans une brocante en bord de route, la voiture et le film s’arrêtent pour glaner quelques plans d’objets jusqu’à tomber sur un tableau représentant… des glaneuses. À la manière des chats, c’est la façon de Varda de faire tomber son film sur ses pattes.
Cette légèreté retrouvée, cette souplesse du film, cette belle adaptation aux acccidents de terrain, Varda les doit aussi à une découverte pour elle, avec ce film, elle s’initie à la DV, découvre les possibilités de la petite caméra numérique, et visiblement, s’amuse beaucoup, jouit des couleurs, éprouve et communique le désir de faire de nouvelles images, reprend vie et vitesse.
Bernard Benoliel / Cahiers du cinéma n° 548, juillet-août 2000
Qu’est-ce que glaner ? que glane-t-on ? qui le pratique ? sont les interrogations qui ont servi de point de départ à ce très beau documentaire. Filmés en DV (quel meilleur instrument pour la « picoreuse » de réalité que cette maniable petite caméra ?), Les Glaneurs et la glaneuse sont l’occasion pour la cinéaste de parcourir la France à la recherche d’histoires, de destins, et de visages. On part ainsi du célèbre tableau de Millet, Les Glaneuses, et de la campagne pour aborder l’univers urbain et les « visiteurs » de poubelles. Chaque arrêt de cette promenade est l’occasion d’évoquer un fait d’actualité (le gaspillage agricole, la misère en ville, etc.) sans toutefois s’appesantir. Le film d’Agnès Varda est à mille lieues de l’exposé didactique. Il s’agit avant tout d’écouter ce que les gens ont à dire, sans forcer les conclusions faciles. Si la cinéaste possède un vrai talent pour pointer du doigt les contradictions de notre société, la forme du film s’apparente, quant à elle, à un certain nomadisme visuel. Il souffle un agréable air de liberté sur Les Glaneurs et la glaneuse en grande partie dû à l’esprit d’indépendance qui anime son auteur. Cinéaste citoyenne, Agnès Varda n’en est pas moins une fine esthète qui sait capter et s’attarder sur les plus discrètes beautés de notre environnement, comme le violet éclatant des pousses de pommes de terre en germe, ou le brun uniforme d’un champ en friche. Parfois, le propos se fait plus intime, avec des pointes autobiographiques sur « la glaneuse à la caméra », Varda elle-même, qui scrute courageusement en gros plan ses mains abîmées par la vieillesse.
Mine de rien, Les Glaneurs et la glaneuse nous offrent un précieux portrait de la France à l’orée du nouveau millénaire. Il fallait bien toute la sensibilité d’une Agnès Varda pour le composer…
Elysabeth François / Chronicart 7 juillet 2000
Vidéos
La musique au compte-gouttes
Catégorie : Rencontres
Cinéaste et artiste
Catégorie : Analyse
Outils
Web
Nombreuses photos du film et interview de la réalisatrice sur le site filmographique Agnès Varda
Hors Champ
Cadrage.net- Analyse
Fiche ABC Le France - Extraits de critiques et entretien avec Agnès Varda
CRDP de Lyon - Fiche pédagogique (document PDF à télécharger)
Télérama - Critique
Films
Mur murs de Agnès Varda
Agnès Varda de Philippe Fréling
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Filmer le désir - Voyage à travers le cinéma des femmes de Marie Mandy
Revues
Positif n°473/474, 478, 481
Cahiers du Cinéma n°547, 548, 550
Ouvrages
Le documentaire, ed « les petits cahiers du cinéma des cahiers du cinéma SCEREN-CNDP, 2002
Varda par Agnès, ed Cahiers du cinéma, 1984