Jeune Juliette

Québec (2019)

Genre : Comédie

Écriture cinématographique : Fiction

Archives CAC, Collège au cinéma 2022-2023

Synopsis

Juliette est effrontée, malicieuse, un peu grosse et menteuse. Elle n’est pas vraiment populaire au collège, mais c’est pas grave : c’est tous des cons ! Juliette a 14 ans et elle croit en ses rêves. Pourtant, les dernières semaines de cours se montreront très agitées et vont bousculer ses certitudes sur l’amour, l’amitié et la famille…

Distribution

Alexane Jamieson : Juliette
Léanne Désilets : Léanne
Robin Aubert : Bernard
Gabriel Beaudet : Arnaud
Antoine Desrochers : Liam
Christophe Levac : Pierre-Luc
Stéphane Crête : M. Bernier
Tatiana Zinga Botao : Malaïka
Karl Farah : Serge
Myriam Leblanc : Maude

Générique

Réalisation : Anne Émond
Scénario : Anne Émond
Décors : Sylvain Lemaître
Costumes : Caroline Bodson
Photographie : Olivier Gossot
Montage : Alexandre Leblanc
Musique : Vincent Roberge

Autour du film

Jeune Juliette est une comédie québécoise réalisée par Anne Émond et sortie en 2019. C’est l’histoire semi-autobiographique de passage à l’âge adulte inspirée par les propres expériences d’adolescence de la réalisatrice. Le film met en vedette Alexane Jamieson dans le rôle de Juliette, une jeune fille en surpoids et impopulaire qui est victime de discrimination à son lycée mais qui apprend à se battre avec humour.

S’il ne parle pas forcément au grand public, le nom d’Anne Émond est en revanche bien connu dans le petit monde des festivals. La réalisatrice québécoise a en effet pris l’habitude de voyager aux quatre coins de la planète avec ses films, systématiquement sélectionnés dans les plus prestigieuses manifestations cinématographiques. Après Nuit #1, Les Êtres Chers et Nelly, Jeune Juliette est son quatrième long-métrage, à n’en pas douter son plus personnel… et peut-être son meilleur à ce jour. Portrait d’une jeune adolescente irrésistible, la Jeune Juliette du titre est rondelette, malicieuse, un peu menteuse, très intelligente, pas vraiment populaire dans son collège mais qu’importe, ce sont tous des cons dit-elle avec son amie.

Pistes de travail

Juliette est enveloppée. Et comble du paradoxe, la première séquence qui ouvre le film la met en scène avec un professeur de sport, tout suant, et aussi rondouillard qu’elle. La comédie s’installe ainsi dès l’ouverture de ce récit fantasque et délicat, qui raconte le destin contrarié d’une adolescente, confrontée à ses premiers émois amoureux. Le long-métrage se passe au Canada et la distribution nous offre un film, avec ce français incroyable du Québec, que la production a savamment doublé, non pas de la traduction des dialogues dans notre parler local, mais du même patois, pour en mieux savourer les originalités.

Quelle belle intelligence ! C’est à peu près ce qu’on l’on peut dire de ce film qui ne paye pas de mine, à première vue, et relate avec douceur et tendresse la difficulté pour notre Juliette d’exister au milieu des autres élèves, avec ses kilos de trop. Elle n’est pas la seule à vivre avec une différence. Elle est amie d’une camarade de sa classe, qui l’aime autant que Juliette aimerait que le meilleur ami de son frère, le beau gosse de l’école, l’aime. Et elle a l’occasion d’accompagner un nouvel élève, atteint d’un autisme léger, qu’on reconnaît aux obsessions de la saleté, aux propos décalés et à sa façon toute particulière d’envisager la réalité. Mais la réalisatrice, Anne Emont, n’en fait surtout pas des tonnes dans l’expression de ces différences physiques, sexuelles ou cognitives. L’enjeu pour la réalisatrice demeure essentiellement la façon dont Juliette doit gagner en confiance en elle et composer avec un univers adulte, pas toujours en phase avec ce qu’elle aurait pu attendre.

Il y a dans Jeune Juliette beaucoup de pudeur et de tendresse dans le portrait que la réalisatrice fait de cette famille quelque peu originale. La relation entre Juliette et son frère en fera rêver plus d’un, tant elle est jolie et remplie de délicatesse. Le cinéma offre rarement des films qui refusent l’intellectualisme à outrance, sans tomber dans la vulgarité ou la lourdeur. La légèreté apparente du scénario accompagne le spectateur d’un bout à l’autre de ce récit ingénu et drôle. L’humour ne cède jamais à la moquerie ou la niaiserie. De fait, Juliette devient alors un personnage avec une humanité débordante, au milieu d’une famille bancale, mais aimante. D’ailleurs, le sentiment d’amour vrai traverse toute cette histoire, donnant enfin l’occasion aux spectateurs d’échapper à la sinistrose du cinéma réaliste et social. Voilà donc un film fait pour rire, s’émouvoir, et s’évader dans un univers attendrissant.

S’agit-il d’un film pour adolescents ? Oui, sans aucun doute. Mais plus que cela, Jeune Juliette est une invitation aux familles de se laisser porter par un demi-rêve, où il sera question de l’émancipation intellectuelle et émotionnelle d’une jeune fille qui démontre, non sans ingéniosité, que le bonheur est permis à tout le monde. La joie constitue la marque de fabrique de ce film, qui pourtant dévoile la cruauté du monde des élèves à l’égard des enfants handicapés ou différents. Cela n’est pas sans interroger le modèle dominant d’une école qui se voudrait inclusive. Mais l’inclusion ne se décrète pas. Elle doit se doter d’un discours, d’une pédagogie qui incite les plus jeunes enfants à vivre avec des êtres vulnérables ou ne rentrant pas dans les normes établies par la société. Voilà sans doute l’objectif éclatant de ce long-métrage qui nous fait, avec une économie de mots, une magistrale leçon sur l’intégration scolaire.

Laurent Cambon

Alors que le film remue de thématiques labourées jusqu’à l’overdose comme l’âge ingrat, l’acceptation de soi, ou les premiers émois amoureux, Jeune Juliette parvient à surprendre par son intelligence. La réalisatrice Anne Émond a mis beaucoup d’elle-même dans ce récit pas autobiographique mais « inspiré de ». Mais ce n’est pas cela qui fait la différence et nimbe le film d’un climat de tendresse. La différence se crée parce que Jeune Juliette n’a jamais besoin d’en faire des tonnes sur rien. Il se contente de se laisser délicatement glisser sur cette histoire de changement et de porter un regard le plus neutre possible sur une adolescente qui gagne progressivement en confiance et en maturité. Parce que finalement, l’émancipation est une aventure et le sujet est assez porteur en soi. Pas besoin donc d’être impertinent, niaiseux ou décalé, la justesse suffit à insuffler tous les ingrédients nécessaires pour habiter l’histoire. Alors que le spectateur contemple entre rire et émotion le parcours de cette magnifique Juliette, des tas de choses viennent border sa trajectoire et lui donner de l’épaisseur. L’air de rien et sans forcer le trait, Anne Émond évoque la rudesse d’un système qui ne parvient pas à être aussi inclusif qu’il le voudrait, elle évoque l’imaginaire comme évasion thérapeutique, les questions des modèles dominants et des normes sociales, le fléau de l’exclusion et tend non pas vers le moralisme mais vers l’idée que tout devrait passer par la pédagogie. Enrichissant, sympathique comme pas deux et tendre, Jeune Juliette est un vrai joli film que l’on prend vite en affection.

Nicolas Rieux

Expériences

La réalisatrice québécoise (Les Êtres chers, Nelly…) s’est nourrie de teen movies américains pendant son adolescence. Il était alors naturel qu’elle réalise elle-même un teen movie : Jeune Juliette (2019). Elle raconte comment elle a imaginé ce film qui fait l’éloge de la différence.