Synopsis
En voulant sauver son pitbull chéri et contenter sa fiancée capricieuse, Lemon, parrain des gangsters de Belgrade, se voit obliger d’assurer la sécurité de la première GayPride de Serbie.
Pour l’aider dans cette mission impossible, il part à la recherche d’anciens mercenaires. Serbes, musulmans, bosniaques, albanais du Kosovo et combattants croates se retrouvent aux côtés des militants homosexuels. Comment cet équipage hétéroclite qui n’aurait jamais dû se rencontrer va-t-il arriver à transcender les frontières et leurs différences ?
Distribution
Nikola Kojo : Lemon
Milos Samolov : Radmilo
Hristina Popovic : Pearl
Goran Jevtic : Mirko
Goran Navojec : Roko
Toni Mihajlovski : Azem
Dejan Acimovic : Halil
Matasa Marcovic : Lenka
Générique
Durée : 1h55
Langue : Serbe
Scénario et réalisation : Srdjan Dragojevic
Production : Biljana Prvanovic
Image : Dusan Joksimovic
Montage : Petar Markovic
Musique originale : Igor Perovic
Autour du film
Note d’intention du réalisateur :
Dans les années 1970, un petit parc juste en dessous de l’hôtel de Moscou, dans le centre‐ville de Belgrade a été le lieu de rassemblement pour certains d’entre nous, fans de Punk‐Rock. Ce même parc était également le lieu de rassemblement des homosexuels. Pas loin de nous, ces pères de famille soigneusement habillés, à la vie socialiste impeccable, étaient à la recherche de partenaires.
En plus de partager le même lieu, nous avions autre chose en commun : nos deux groupes ont été à plusieurs reprises les cibles de jeunes hommes bien habillés et « bien‐pensants ». Ils ne pouvaient pas supporter de nous voir, avec nos épingles à nourrice, nos cheveux colorés et nos vêtements troués, ainsi que l’autre groupe, mais seulement en raison de son orientation sexuelle différente…
Au cours des décennies suivantes, Belgrade a vu beaucoup de look plus « étranges » encore que notre image puérile qui n’était qu’une simple révolte contre la vie socialiste. Aujourd’hui plus personne n’est tabassé à cause des vêtements qu’il porte ou de la musique qu’il écoute. Mais dans la Serbie de 2012 ces « jeunes hommes bien‐pensants », frappent encore des hommes et des femmes ayant une orientation sexuelle différente ; pas seulement dans les parcs, mais aussi dans les rues de Belgrade. Après la chute du régime de Milosevic, nous pensions que les minorités sexuelles pourraient enfin obtenir leurs droits et leur dignité.
En 2001, il y a même eu une tentative d’organiser la première Gay Pride de l’histoire de la Serbie. La tentative s’est terminée en effusion de sang : une trentaine de militants homosexuels ont été brutalement battus par des hooligans et des néonazis tandis que la police était postée juste là, ne faisant rien pour arrêter ce massacre.
Les images de cette raclée sauvage ont fait le tour du monde et fait voler en éclats l’espoir de la jeune démocratie serbe, et l’Union Européenne a retiré 50 millions d’Euros d’aide financière à la Serbie. Une décennie plus tard, rien n’a changé dans ce domaine.
Au contraire, avec un « coup de pouce » de l’Eglise Orthodoxe, un vaste spectre de politiciens quasi‐démocrates , le désespoir de masse et la frustration venue de cette transition brutale et sauvage, les choses n’ont jamais été aussi graves sur le front des droits de l’homme et notamment les droits des personnes homosexuelles.
Pour moi, les trois longues années nécessaires pour faire ce film étaient bien plus qu’une réalisation habituelle. Faire face aux menaces d’une organisation nationaliste et néonazie, tourner presque secrètement, avec un manque constant d’argent… j’ai toujours eu à l’esprit que réaliser « La Parade » était mon devoir citoyen.
Maintenant que le film est terminé, je pense que la Serbie a vraiment besoin de cette histoire. Tout comme je croyais, il y a plus de dix ans, que mon pays avait besoin d’un film qui pourrait parler de la guerre et de la faute, avec une voix différente que la voix officielle. Le résultat en fut le film « Pretty Village, pretty flame » et deux ans plus tard « Wounds », (qui a réuni plus de 1,5 millions de spectateurs). Ces deux films furent les premiers à susciter le débat sur la guerre et la responsabilité des violents conflits en Ex‐Yougoslavie.
Je crois fermement que « La Parade » aura un effet similaire sur la nation serbe. Ils vont crier, ils vont hurler mais ils vont regarder le film. Et quand ils le regarderont, peut‐être qu’ils vont réfléchir et reconsidérer leurs préjugés et stéréotypes à l’ égard de ceux dont la seule faute est d’être différents.
J’ai tourné la fin de « La Parade » durant la dernière année de la Gay Pride de Belgrade, la première Gay Pride « réussie » de toute l’histoire de la Serbie. Sa seule réussite a été que les participants soient restés en vie. 6500 policiers protégeaient moins de 1000 militants Gay & amis des gays contre 7000 hooligans et néo‐nazis.
Durant cette parade, 300 policiers et hooligans furent blessés et le centre‐ville de Belgrade fut détérioré. Je crois fermement que le film « La Parade » va aider à ce que nous puissions apprécier dans la joie et la bonne humeur les Gay Prides à Belgrade dans les prochaines années. Parfois l’Art peut travailler dans ce sens …
Pistes de travail
Pourquoi la caricature ?
Dès les premières mesures, on comprend à quel niveau de comique burlesque se situe La Parade. Les méchants homophobes ont des mines patibulaires, les gentils homosexuels sont mignons et évidemment raffinés. Les premiers roulent de gros yeux quand ils ne sont pas contents, les autres font des manières quand ils sont affligés. À la délicatesse de l’euphémisme, Dragojevic a donc fait le choix de la caricature, du cliché, des idées reçues sans chercher à les adoucir ou à les taire. Bien au contraire. On peut certes s’en étonner ou s’en agacer, mais on peut aussi se demander pourquoi. Outre quelques considérations commerciales que l’on devine, on veut croire qu’en s’emparant des stéréotypes homosexuels comme il le fait, le réalisateur serbe ne cherche rien d’autre qu’à les détourner de leurs cibles, à les retourner contre les homophobes eux-mêmes. De fait, plutôt que d’ignorer ces viles croyances (selon lesquelles les homosexuels seraient des « folles » exubérantes et précieuses), il a préféré les souligner, les ridiculiser, en rire, en stigmatiser la dangereuse bêtise. « Bien que ces idées soient fausses, nous dit-il, soyons d’une parfaite mauvaise foi, admettons-les ouvertement et tournons-les en dérision pour mieux les combattre. »
Manière aussi pour lui de désarçonner l’adversaire en récupérant l’image dont la communauté gay est affublée, sans laisser aux contempteurs le soin de le faire eux-mêmes. La nature du rire est-elle alors différente, vidée de sa substance, dépossédée de son pouvoir malfaisant. De moqueur, le rire devient plus sain, comme pacifié. Il rassure et éclaire, devient possible vecteur de compréhension. L’homosexuel, qui est l’autre monstrueux dont on se moque et se méfie, apparaît alors plus proche, soudainement réhumanisé par le trivial, le ridicule, le grotesque. Il a figure humaine, comme soi, en dépit des différences qu’on doit admettre et dont on doit pouvoir rire sans arrière-pensées. En préférant la boursouflure de la farce, Dragojevic entend donc pouvoir prendre le contre-pied de l’homophobie qui sévit dans son pays et, au-delà, dans tous les pays de l’Est. Si on peut regretter que l’homosexualité ne se décline dans La Parade qu’au masculin, on appréciera la radicalité du dénouement, à la croisée du réel et de la fiction. Violence extrême, sang, mort lors de la tentative de gay pride, nous rappellent in extremis que vouloir afficher son homosexualité dans la rue à Belgrade n’est pas qu’une vaste blague. Souvent grossière mais jamais vulgaire, la comédie prend à ce moment-là des accents pamphlétaires.
Le visage de l’homophobie
La Parade, c’est aussi le défilé des affreux, qui nous fait dire que le film s’inscrit à mi-chemin du cinéma kusturicien et d’une certaine tradition de la comédie italienne. De fait, la charge burlesque du film ne porte pas sur la seule caricature de la figure de l’homosexuel. Elle touche tous les autres personnages, au premier rang desquels Lemon et sa fiancée Pearl. Lui est un chef mafieux, machiste, homophobe et chauvin ; elle une blonde superficielle au grand cœur qui, grâce à son sens de la manipulation, sera la cheville ouvrière de la grande réconciliation finale. Sans goût ni éducation l’un comme l’autre, ils s’épanouissent tous deux au contact des colifichets de la société de consommation les plus clinquants. Or, si ce couple de beaufs amuse parfois, le rire s’arrête net à l’apparition du fils de Lemon, petit délinquant fasciste qui n’a d’ailleurs droit qu’à une esquisse de son personnage (comme la bande avec laquelle il fricote) et qui, au terme d’un énième rebondissement scénaristique, se réconciliera avec son père devenu entre-temps gay friendly ! Ce sinistre personnage, fort heureusement (pour la réussite morale du film) traité sur un autre mode que comique, représente la part maudite du récit. Une fois encore, Dragojevic ne s’embarrasse d’aucune finesse psychologique et ne cherche ni à le faire exister, ni à le comprendre. Lui et ses copains sont, pour le cinéaste, les vrais (mais pas les seuls, faut-il le rappeler) adversaires désignés des homosexuels. Bourrés de préjugés et de bière, ce sont des êtres désœuvrés, fanatiques et violents, facteurs de la plus vive intolérance envers tout ce qui n’est pas « eux ». Leur haine dépasse en effet la simple homophobie. Racistes, sexistes et ultranationalistes, ils sont fascinés par l’idéologie nazie, comme le suggèrent les nombreux symboles de reconnaissance qu’ils affichent partout.
Criminels de guerre
Dans ce film qui prône « la communication non violente », la fierté homosexuelle et la tolérance pour tous, les féroces ennemis d’hier sont les meilleurs amis d’aujourd’hui. Ce n’est certes pas là le moindre des paradoxes du film, mais au cours de son périple qui le conduit à travers les pays voisins de la Serbie, Lemon retrouve d’anciens mercenaires comme lui, contre qui il s’est battu durant les guerres en ex-Yougoslavie (1991-1999) et qui se sont depuis reconvertis dans le banditisme. Il y a d’abord Roko, le cafetier croate, puis Halil, un musulman bosniaque véreux et, enfin Azem, un Albanais du Kosovo trafiquant de drogue.
Chacune des retrouvailles est l’occasion d’un morceau de bravoure du film, qui nous livre à la fois une version parodique du recrutement des Sept Mercenaires et un tableau édifiant de l’état des pays aujourd’hui indépendants de cette région des Balkans. Là, tout semble n’être que pauvreté et trafics en tout genre. Les mafias dictent leurs lois et prospèrent en toute impunité. Un vrai jeu d’enfants, nous dit la scène du faucon livreur de cocaïne au Kosovo… Dans ces scènes où les uns et les autres s’interpellent à coups de « Tchetnik », « Oustachi » et « Shqiptar » (termes péjoratifs pour désigner respectivement un Serbe, un Croate et un Albanais du Kosovo), on est frappé par tant de complicité, de joie, de bonne humeur. Or, derrière cette galerie de portraits à l’emporte-pièce et les rires virils qui la caractérisent, se cache une réalité beaucoup moins plaisante, située au-delà de la détestation partagée des homosexuels de nos quatre Pieds Nickelés. Une réalité perceptible dans la manière qu’ils ont de se jauger et de se reconnaître. De se respecter, sinon de s’admirer pour ce qu’ils sont et ont été : des criminels de guerre (avec possible participation de Lemon lui-même à la « purification ethnique » des Croates et des musulmans par les Serbes lors du conflit serbo-croate). Gênant donc pour une fiction burlesque qui puise son aliment dans l’histoire récente des pays de la zone.
Extrait du dossier pédagogique du réseau Canopé
Outils
Dossier pédagogique du réseau Canopé :
www.eduscol.education.fr/pjrl/films/pjrl-2013/canope2012-2013/parade
Site du distributeur et dossier à télécharger :
www.sddistribution.fr/film/la-parade/44