Matilda

États-Unis (1996)

Genre : Comédie

Écriture cinématographique : Fiction

Archives CAC, Collège au cinéma 2001-2002

Synopsis

Tout bébé, Matilda a déjà des dons exceptionnels, mais autour d’elle on ne risque pas de s’en apercevoir. Dans la famille Verdebois, ne demandez surtout pas le père Harry (un escroc), la mère Zinnia (une “bimbo” défraîchie et irresponsable) et encore moins le fils Michael (au cœur de l’âge ingrat). Ils ne parlent que d’argent, se gavent de jeux télévisés stupides et ne savent pas à quoi sert un livre. Matilda leur inspire au mieux de l’indifférence, au pire du mépris ; et la petite surdouée ne peut compter que sur elle-même pour nourrir son immense appétit de savoir. À six ans, elle fréquente assidûment la bibliothèque, et découvre le monde à travers la littérature.

Un jour enfin, à sa grande joie, le père de Matilda l’inscrit à l’école. Mais “Crunchem Hall” ressemble plutôt à un pénitencier. Une seule lueur dans ce monde de cauchemar : la douce institutrice Jennifer Candy, qui reconnaît vite le génie de Matilda. Mais Jennifer est aussi la nièce de la terrible directrice Legourdin, qui la terrorise et la dépouille depuis l’enfance. Le spectacle de tant d’injustices éveille en Matilda un pouvoir qu’elle ne se connaissait pas encore jusqu’ici – celui de déplacer, soulever, briser à distance les objets et les corps. Elle apprend seule à maîtriser ces facultés surnaturelles, et s’en sert pour aider Jenny à se libérer…

Thème L’adolescence magique, Les enfants surdoués, Films fantastiques, Comédie

Tout bébé, Matilda a déjà des dons exceptionnels, mais la famille Verdebois y est totalement indifférente et méprise la fillette. Père, mère, fils ne parlent que d’argent, se gavent de jeux télévisés stupides et ne savent pas à quoi sert un livre. La petite surdouée ne peut compter que sur elle-même. À six ans, la petite surdouée fréquente assidûment la bibliothèque et découvre le monde à travers la littérature. Son école ressemble à un pénitencier. Mais la douce institutrice Jennifer Candy, qui reconnaît vite ses dons. Hélas ! Jennifer est aussi la nièce de la terrible directrice Legourdin, qui la terrorise et la dépouille. Ces injustices éveillent en Matilda un pouvoir inconnu : celui de déplacer, soulever, briser à distance les objets et les corps. Elle s’en sert pour aider Jenny à se libérer…

Distribution

Deux groupes sous la coupe de deux tyranneaux

Les personnages de Matilda sont fortement typés, et leurs noms résument volontiers des fonctions et des caractères très uniformes : Verdebois, Legourdin, Candi… Plus importante sans doute que la psychologie des personnages est la répartition de ceux-ci en deux groupes symétriques : Matilda dans sa famille, Jane dans son école, les deux groupes dominés par Harry et son homologue Legourdin, deux tyranneaux injustes et lâches, dépourvus de toute légitimité ou autorité morale.

Harry Wormwood : monstrueusement insensible

Il grignote ses profits sur le dos de clients auxquels il vend des voitures hors d’usage. Hâbleur, menteur, monstrueusement insensible, il n’est préoccupé que par son intérêt. Son souci unique est d’éviter les dépenses considérées comme inutiles (il refuse de payer les frais d’accouchement) ou de faire fructifier son argent par les moyens les moins respectables.

Zinnia Verdebois : Américaine moyenne, mauvaise mère, mauvaise cuisinière

Une version ridicule de l’Américaine moyenne, mauvaise mère et mauvaise cuisinière, infantile, oisive, frivole, ne pensant qu’à l’argent, n’aimant personne d’autre qu’elle-même.

Matilda : un individu et non une fonction dans le scénario

Elle tire son originalité d’être un individu, et non une fonction ; son nom (le seul cadeau, au fond, que lui aient fait ses parents) est important à cet égard, et c’est ce qu’elle affirme dès l’âge le plus tendre, en traçant “MATILDA” dans sa crème de chocolat. Dans ce “monde à l’envers”, elle ne doit son salut qu’à ses compétences adultes, son désir entêté de préserver sa liberté, sa capacité à supporter et aimer la solitude, à juger les adultes, à leur désobéir activement, à prendre sans cesse des initiatives contre la bêtise et l’injustice. Son pouvoir de télékinésie a une valeur métaphorique – elle a, en effet, la capacité de “faire bouger” les choses, de prendre en main son destin. Découvrir qu’elle possède ce pouvoir est sa principale évolution au cours du récit ; là encore, il y a image, fable, parabole : grandir, c’est d’abord découvrir que l’on peut avoir une action sur le monde.

Mademoiselle Legourdin / Miss Trunchbull : l’ogre des contes

Ancienne championne olympique de lancer de poids, elle occupe le rôle de l’ogre dans les contes. Son mode d’intervention favori est le “surgissement”, “l’irruption” : elle arrive régulièrement pour semer la terreur parmi les enfants qu’elle déteste. Elle se vante de n’en avoir jamais été un, et ne semble donc exercer son métier que par pur penchant sado-masochiste, en parfait mélange de tortionnaire dickensienne et de “kapo”. Sa seule faiblesse consiste dans des peurs irrationnelles : superstition, peur des reptiles, terreur devant les phénomènes paranormaux provoqués par Matilda.

Mademoiselle Candy / Miss Honey: femme-enfant

Une femme-enfant, portant socquettes et couleurs pastel, aimant le contact des plus jeunes. Les objets qui la caractérisent sont eux aussi enfantins : le chocolat, la poupée Luciole. Isolée dans l’école comme Matilda dans sa famille, elle représente, bien qu’adulte, tout ce que devrait être l’enfant Matilda : soumise à une autorité terrifiante (Mlle Legourdin est à la fois sa famille et son patron), elle est incapable de se soustraire à ce pouvoir abusif.

Autres rôles

L’extrême simplicité dramatique exclut des seconds rôles trop nombreux ou trop étudiés. Michael, au physique ingrat et au langage très limité, n’est qu’une pâle projection de ses parents, et une caricature de préadolescent américain. Autour de Matilda, les enfants de l’école fonctionnent comme un personnage collectif et construisent, par la variété de leurs attitudes, un modèle enfantin “normal” de référence : candeur, malice, gourmandise, curiosité, gaieté. Mme Folyot, comme son nom l’indique, est une grand-mère de conte qui a pour seule mission de guider Matilda dans le monde des livres. Les agents du FBI, pour leur part, interviennent à la façon d’un duo burlesque, caractérisés par leur naïveté, leur maladresse, leur recours ostentatoire et vain à la technique (télé-objectif, caméra vidéo).

Générique

Titre original Matilda
Producteur Danny DeVito, Michael Shamberg, Stacey Sher, Liccy Dahl
Producteur exécutif Jersey Films, pour Columbia TriStar
Scénario Nicholas Kazan et Robin Swicord d’après le livre homonyme de Roald Dahl
Photo Stefan Czapsky
Son Blake Leyh
Décors Bill Brzeski
Montage Lynzee Klingman (ACE) et Brent White
Musique David Newman

Interprétation

Matilda / Mara Wilson
Mr. Wormwood / Danny DeVito
Mrs. Wormwood / Rhea Perlman
Miss Honey / Embeth Davidtz
Miss Trunchbull / Pam Ferris
Agents du FBI / Paul Reubens, Tracey Walter
Michael / Brian Lewinson
Matilda à quatre ans / Sara Magdalin
Miss Phelps / Jean Speegle Howard
Roy / R. D. Robb
Luther / Goliath Gregory
Lavender / Kiami Davael
Julius Rottwinkle / Leor Livneh Hackel
Amanda Thripp / Jacqueline Steiger
Bruce Bogtrotter / Jimmy Karz
Nigel Hicks / Michael Valentine
Charles / Liam Kearns
Magnus / Mark Watson
Hortensia / Kira Spencer Hesser

Film Couleurs
Format CinémaScope (1/2,35)
Durée 1h33’
N° de visa 91 084
Distributeur Columbia
Date de sortie (France) 9 avril 1997

Autour du film

Une exacerbation à la limite de la caricature

Dès le premier plan apparaissent les caractères d’un style visuel très voyant, fuyant constamment le réalisme pour regarder vers l’esthétique bariolée de l’album enfantin, voire plus encore vers un cinéma d’animation qui concilierait la violence d’un Tex Avery avec l’univers un peu mièvre de Disney. Les principes en sont assez simples, voire simplistes, ce qui ne signifie pas qu’ils soient faciles à mettre en œuvre sur le plan matériel, et concerne tous les aspects du film, de l’apparence physique des personnages aux effets spéciaux sophistiqués.

Dès la juxtaposition des berceaux bleus et roses à la maternité, il est clair que les couleurs obéiront à un symbolisme assez élémentaire. Mais l’attribution des couleurs vives n’a pas un sens uniforme : chez les Verdebois, elle atteste le mauvais goût et la vulgarité physique et morale ; dans la classe de Mlle Candy, elle évoque la gaieté et l’insouciance de l’enfance, ainsi que des méthodes ludiques d’apprentissage, opposées aux austères principes pédagogiques de Mlle Legourdin, liée à des teintes ternes et sinistres (gris, noir, kaki, marron). De forts effets visuels naissent de la “superposition des deux univers” : apparition sinistre de Mlle Legourdin dans le petit monde bigarré de la cour de récréation ; et surtout transformation expresse de la classe, d’où toute couleur doit disparaître, avant la visite directoriale.

Tout aussi voyant est le choix des angles de prise de vues, parmi lesquels figurent de façon récurrente les fortes “plongées” ou “contre-plongées”. Celles-ci ont, traditionnellement, un effet de déformation onirique sur les lieux, les corps, les visages. Mais elles permettent aussi d’indiquer fortement le “point de vue” : parfois celui d’un “narrateur omniscient” qui surplombe le monde du récit (voir, dans le premier plan, le point de vue “aérien” correspondant au début de la voix off), soit, plus souvent encore, le point de vue enfantin qui prédomine dans le film. Il s’agit vraiment de nous montrer le monde “à hauteur d’enfant”, ce dont on s’aperçoit notamment dans la “première sortie” de Matilda à la bibliothèque. Cependant, ne nous y trompons pas : il s’agit moins de “respecter” le point de vue enfantin que d’établir – surtout autour de Matilda – un contraste violent entre son infériorité physique et la supériorité que lui donne une intelligence vive, et une capacité de réaction immédiate à l’hostilité du monde extérieur.

Le “très gros plan” est un autre artifice de découpage fréquemment utilisé, qui aménage facilement le mystère et l’attente. Lors de la première visite de Mlle Legourdin dans la cour, une série de cadrages partiels isolant les aspects les plus effrayants de sa personne retardent l’apparition complète du personnage, et suggèrent le réseau de regards terrorisés qui se croisent autour d’elle. L’usage de la “courte focale” est également une source permanente de déformation et de défiguration. Corollaire logique de cette esthétique, un “montage rapide”, privilégiant les plans très courts assemblés selon une logique de “prisme”, caractérise toutes les scènes les plus spectaculaires du film.

Reste, “last but not least”, l’utilisation des effets spéciaux (moins abondante sans doute qu’elle ne le paraît à première vue, les effets étant cantonnés dans certaines séquences). Leur objectif : animer l’inanimé, et réciproquement. Les enfants que Legourdin lance comme des marteaux deviennent des objets ; les objets que Matilda anime de son pouvoir se trouvent doués de vie. Dans les deux cas, le but est de créer des mouvements impétueux, des trajectoires inattendues, des éléments rythmiques très forts, que l’on retrouve d’ailleurs dans la mise en scène au niveau des “zooms avant ou arrière” très rapides, qui créent des effets superficiels d’animation. La technique de l’incrustation numérique qui permet de voir des objets danser dans les airs, ou des corps devenus de simples projectiles, est ici tellement maîtrisée qu’elle se rapproche autant que possible de la liberté du cinéma d’animation (voir, pour un exemple ancien, “l’apprenti sorcier” dans Fantasia), et repousse toujours davantage les possibilités d’exprimer visuellement le surnaturel.
Jacqueline Nacache, in Dossier “Collège au cinéma” n° 117

Autres points de vue

Hénaurme !

“C’est réjouissant ! Chacun en prend pour son grade : téléphages abrutis, magouilleurs malhonnêtes, détectives indiscrets… Danny DeVito adore “l’hénaurmité”. Ici, tout en composant un père affreux jojo, il orchestre avec brio cette farce matinée de cartoon (les couleurs vives évoquent Les Simpson) et de conte de fées moderne (la maison de la directrice est filmée comme l’antre d’un ogre).“
“Télérama”

Une vision pour le moins acide

“Auteur de contes aussi joyeusement cruels que “Les Sorcières” ou “James et la pêche géante”, Roald Dahl a des adultes une vision cauchemardesque et surtout ridicule, qui fait de l’enfance une course à obstacles. Le regard de franc mépris que, quelques heures après sa naissance, Danny DeVito lance à sa fille Matilda donne le ton, et ça ne s’arrangera pas. Tout à l’obsession de la mode, l’excès vestimentaire et la méchanceté conjugale, les parents de Matilda lui reprochent ses goûts par trop exotiques pensez donc, elle aime lire, elle veut aller à l’école. En classe, ça ne vaut guère mieux : l’éducation de nos chères têtes blondes se partage entre un prof plus sadique qu’un adjudant-chef et une instit tout sucre tout miel… d’ailleurs, elle s’appelle Miss Honey. Il n’est pas étonnant que Danny DeVito se soit intéressé à cette comédie noire au scénario subtilement écrit par Robin Swicord et Nicholas Kazan (fils d’Elia). Jette maman du train et La Guerre des Rose indiquaient déjà que DeVito a des rapports familiaux une vision pour le moins acide. Mettant un (tout petit) peu d’eau dans son vitriol, DeVito pousse la verve de sa réalisation jusqu’à frôler le dessin animé, et l’Amérique ultra-consumériste en prend plein la figure.”
Henri Béhar, in “Le Monde”, 10 avril 1997.

Un rythme catoonesque

“À la base, le conte de Roald Dahl recèle un potentiel évident qui conviendrait parfaitement à une bonne adaptation pour le cinéma. Une belle et simple histoire de petite fille surdouée dotée de pouvoirs de télékinésie qui évolue dans une famille de demeurés, ça mérite le coup d’oeil. Dès lors, Danny DeVito semble tout indiqué pour porter à l’écran ce récit qui nécessite un traitement particulier pour ne pas sombrer dans le nunuche. Il donne à son film un rythme cartoonesque tout en conservant la crédibilité des personnages. Et le film fait mouche, les envolées de caméra entrent en parfaite cohérence avec le propos.
Danny DeVito crée autour de Matilda un univers à la limite du manichéisme qui fait ressortir d’autant plus son innocence. Cliché contre humanité : ça marche.”
X-Phil, sur le site http://www.cinemaniacs.be/

Pistes de travail

Les thèmes évoqués dans Matilda, à savoir l’épanouissement de l’individu par la lecture et le savoir, et son aliénation par la télévision et la société de consommation, peuvent alimenter de nombreuses discussions et exercices, au gré de l’enseignant. Voyons donc ici des questions plus spécifiquement liées au film, à ses sources, à son traitement.

  • 1. Utiliser des documents littéraires ou filmiques

    Comparer le roman et le film, comparer les adaptations entre elles (épisodes de la série “Alfred Hitchcock présente” inspirés des nouvelles de R. Dahl, Charlie et la chocolaterie, James et la grosse pêche…). Faire découvrir, en lisant en traduction un extrait de “Nicholas Nickleby”, le sévère personnage de Wackford Squeers chez Dickens. Établir des parallèles entre les mondes magiques de R. Dahl et de J.K. Rawlings pour “Harry Potter”.

  • 2. Étudier le travail de l’acteur.

    Matilda soulève des problématiques intéressantes quant au travail de l’acteur de cinéma ; la triple fonction que se donne Danny DeVito, acteur, producteur, cinéaste ; les problèmes de la direction d’acteurs face à de jeunes enfants ; le fait que plusieurs très jeunes acteurs d’âge différent soient nécessaires pour donner vie à un seul personnage (plusieurs bébés et enfants composent Matilda et Jenny) ; la difficulté technique des scènes truffées d’effets spéciaux, lesquelles représentent pour l’acteur le même défi que les films mêlant le “live action” et l’animation, comme Roger Rabbit. On pourra s’attarder, à propos de Pam Ferris (Miss Trunchbull) sur l’épreuve physique que représentent un maquillage et une transformation lourde. On pourra proposer des recherches sur le cas légendaire de Lon Chaney, qui soumettait son corps à de véritables supplices, sur le maquillage de Boris Karloff pour La Momie, de John Hurt pour Elephant Man, sur les métamorphoses de Robert de Niro pour plusieurs de ses rôles (Raging Bull, Frankenstein).

  • 3. Organiser la polémique.

    Aux élèves qui risquent de dédaigner Matilda comme un film trop enfantin, on pourra faire remarquer l’insolence et la provocation de l’humour noir, et en chercher des manifestations dans d’autres fictions. Aux autres, sans doute plus nombreux, qui apprécient l’esprit de Matilda, il peut être utile de faire rédiger une critique axée sur les points qui, dans le film, prêtent le plus à polémique.

    On y étudiera la question de l’originalité de Matilda par rapport aux schémas habituels de la « superproduction hollywoodienne pour enfants ». On tâchera de répondre aux questions suivantes : la saturation visuelle et sonore procurée par le film, ainsi que la perfection des effets spéciaux, stimulent-elles ou bloquent-elles le travail de l’imaginaire ? Pour aider les élèves à s’exprimer sur cette question, on peut, si l’on dispose d’une copie de L’Homme invisible (J. Whale, 1933), comparer les trucages au niveau des objets qui se meuvent tout seuls, et faire analyser les avantages et inconvénients des techniques anciennes (transparence, cache/contrecache, travelling matte, dunning – voir Trucages, Effets spéciaux) par rapport aux actuelles techniques d’incrustation numérique.

    On fera enfin la synthèse sur la question du “film pour enfants” : s’il peut être reconnu comme un genre à part entière, il faut s’interroger sur les moyens de le définir, en le distinguant autant que possible de territoires très voisins.

    Mise à jour: 18-06-04

  • Expériences

    Les acteurs-réalisateurs du cinéma comique

    Les exemples de comédiens qui passent de l’autre côté de la caméra se trouvent à toutes les époques et dans tous les genres. Pourtant, depuis toujours, ce sont la comédie et le comique qui abritent les plus spectaculaires carrières d’acteurs-réalisateurs.

    Les choses ont commencé très tôt, alors que les formes n’étaient pas toujours très distinctes. En Allemagne, l’artiste de cabaret Karl Valentin effectuait les mêmes numéros à la scène et devant la caméra ; quant au jeune Ernst Lubitsch, il adaptait dans ses premières pochades des stéréotypes propres à l’humour berlinois. Dans le burlesque américain, du temps de Mack Sennett et de son “usine à rire”, la Keystone, les acteurs mettaient la main à la pâte, dans une atmosphère d’improvisation et d’invention permanente. Mais déjà le talent d’un Chaplin cherchait à s’exercer dans ses propres films, tournés avec un souci toujours plus grand d’autonomie ; Buster Keaton, réalisateur de la plupart de ses films dans les années vingt, put lui aussi y mettre en œuvre, en cinéaste complet, son perfectionnisme et son génie visuel.

    Le cinéma devenant sonore, la participation de l’acteur comique s’étendit à la parole. Les Marx Brothers, Mae West ou W.C. Fields, auteurs de la plupart de leurs dialogues, font volontiers oublier le nom du réalisateur, sauf s’il s’agit d’une signature prestigieuse comme celle de Leo McCarey. Même phénomène en France pour Fernandel dont le jeu était un texte à part entière (voir par exemple Le Schpountz, Marcel Pagnol, 1937). Dans un registre de comédie plus théâtrale et littéraire, Sacha Guitry incarne parfaitement le désir d’une complète maîtrise sur ses films.

    Par la suite, beaucoup d’acteurs de comédie prirent leur œuvre en main. Jerry Lewis, Mel Brooks, Woody Allen sont acteurs, scénaristes, réalisateurs, producteurs, et plus largement “concepteurs” de leurs propres films. En France, Jacques Tati reste l’exemple absolu d’une autonomie stylistique qui lui permit de construire à lui seul tout un pan, complètement original, du comique cinématographique moderne. Enfin, les vingt dernières années ont vu la génération “café-théâtre” des années soixante-dix saisie par le démon de la réalisation : Josiane Balasko, Michel Blanc, Gérard Jugnot, n’hésitent pas à se trouver à la fois devant et derrière la caméra.

    Comment expliquer ce phénomène ? L’acteur comique serait-il particulièrement narcissique ? Plus probablement, le comique implique, plus encore que les autres genres, la construction d’un univers cohérent, organique, et ce monde fonctionne mieux lorsqu’il est agencé par un seul et même artiste. D’ailleurs, l’acteur comique, notoirement “indirigeable” (que l’on pense à Toto en Italie, De Funès en France), est “toujours en un sens son propre metteur en scène”. Le jeu de l’acteur comique, qu’il réalise ou non ses films, confirme que la comédie cinématographique, si souvent dédaignée au profit d’autres genres, est pourtant une école de création, de style, d’indépendance.

    Outils

    Bibliographie

    Matilda, Roald Dahl, coll. Folio Junior, Gallimard.
    Le film hollywoodien classique, Jacqueline Nacache, coll. Cinéma 128, Ed. Nathan Université, 1999.
    Hollywood, la norme et la marge, Jean-Loup Bourget, coll. Fac cinéma, Ed. Nathan Université, 1998.
    Histoire du cinéma américain, Brigitte Gauthier, coll. Les Fondamentaux, Ed. Hachette Supérieur, 1995.

    Vidéographie

    Matilda. VHS Distribution ADAV n° 20 018
    Matilda. DVD Distribution GCT (Droits réservés au cercle familial)
    L'homme invisible, J. Whale. Distribution ADAV n° 5 009