Synopsis
Oskar est un adolescent fragile et marginal, totalement livré à lui-même et martyrisé par les garçons de sa classe. Pour tromper son ennui, il se réfugie au fond de la cour enneigée de son immeuble, et imagine des scènes de vengeance. Quand Eli s’installe avec son père sur le même palier que lui, Oskar trouve enfin quelqu’un avec qui se lier d’amitié. Ne sortant que la nuit, et en t-shirt malgré le froid glacial, la jeune fille ne manque pas de l’intriguer… et son arrivée dans cette banlieue de Stockholm coïncide avec une série de morts sanglantes et de disparitions mystérieuses.
Il n’en faut pas plus à Oskar pour comprendre : Eli est un vampire. Leur complicité n’en pâtira pas, au contraire…
Générique
Titre original : Låt den rätte komma in
Réalisation : Tomas Alfredson
Scénario : John Ajvide Lindqvist, d’après son roman Låt den rätte komma in
Image : Hoyte Van Hoytema
Musique : Johan Söderqvist
Son : Mikael Brodin, Christoffer Demby, Maths Källqvist
Montage : Dino Jonsäter, Tomas Alfredson
Décors : Eva Norén
Costumes et maquillage : Maria Strid
Production : Efti, Overture Films, Hammer Film Productions
Producteurs : John Nordling, Carl Molinder
Distribution : Chrysalis Films
Sortie en France : 4 février 2009
Couleurs
Durée : 1h54
Interprétation :
Oskar / Kåre Hedebrant
Eli / Lina Leandersson
Håkan / Per Ragnar
Erik / Henrik Dahl
Yvonne / Karin Bergquist
Lacke / Peter Carlberg
Virginia / Ika Nord
Jocke / Mikael Rahm
Gösta / Karl-Robert Lindgren
Morgan / Anders T. Peedu
Larry / Pale Olofsson
Avila / Cayetano Ruiz
Conny : Patrik Rydmark
Andreas / Johan Sömnes
Martin / Mikael Erhardsson
Prix : Grand prix et prix de la critique au Festival du film fantastique de Gérardmer
Autour du film
Morse : la beauté des enfants vampires
Il fut un temps où les vampires prenaient l’aspect d’hommes d’âge mûr, exerçant une séduction patriarcale sur leurs victimes. La moyenne d’âge est en baisse chez les morts-vivants, et la tendance ne s’inverse pas. Un mois à peine après le bel éphèbe de Twilight, voici une enfant sombre, nommée Eli. Elle arrive un soir dans un immeuble sinistre de la banlieue de Stockholm et s’installe dans l’appartement voisin de celui d’Oskar, un garçon d’une blondeur diaphane, torturé par ses camarades et son désir de vengeance.
Morse est un vrai film suédois, fait de neige, de souffrance intérieure, de nuit d’hiver sans fin. C’est aussi (contrairement à Twilight), un vrai film de vampire, sanglant et grotesque. Le scénario est adapté d’un roman (inédit en France) dont le titre peut se traduire par « Fais entrer la bonne personne » (et est emprunté à une chanson de Morrissey). Car Eli, malgré son jeune âge (de son propre aveu, elle a douze ans depuis très longtemps) est une vampire classique, qui ne supporte pas la lumière du soleil et ne peut passer le seuil d’une porte sans y avoir été invitée.
Morse (le titre français ne fait pas allusion à la dentition de l’héroïne mais à la façon dont les enfants communiquent à travers la cloison qui sépare leurs appartements) compose une étrange polyphonie qui mêle la mise en scène de l’aliénation d’Oskar, son malheur de vivre, à l’école en famille et celle de l’étrangeté radicale d’Eli. Le casting de ces deux rôles est à lui seul un trait de génie, la fragilité de porcelaine du garçon semble toujours prêt à se briser sur la force animale de la fille brune.
Quand il faut passer aux affaires de vampire, Tomas Alfredson ne cherche pas d’échappatoire. Mais il filme ces moments sanglants avec un détachement déconcertant, refusant toutes les ficelles du suspense, de la caméra subjective. On peut en concevoir un peu de frustration, mais au bout du compte, ce parti pris accentue l’étrangeté poétique du film.
Comme toutes les histoires de vampire, Morse est une histoire d’amour et de sexe. Oskar s’apprête à passer de l’enfance à l’adolescence, à découvrir d’autres plaisirs et d’autres souffrances. Eli est pour toujours figée dans cet instant par essence instable. Ils disputent sans démériter le titre d’amants maudits de la semaine à Benjamin Button et Daisy.
Thomas Sotinel / Le Monde 4 février 2009
Les vampires ont beau être à la mode chez les adolescentes, Morse risque de ne pas peser bien lourd face au rouleau compresseur de Twilight. Plutôt que de retourner voir les aventures romantico-nunuches de Bella et Edward, les jeunes filles auraient tout à gagner à découvrir ce film fantastique suédois, superbe antithèse à la mièvrerie de Catherine Hardwicke. C’est une question de réalisme psychologique, mais aussi de climat…
La neige à la blancheur obsédante recouvre les mornes banlieues des années 80 comme un linceul. Décor propice à la solitude, où chacun se réfugie chez soi pour retrouver la chaleur qu’il refuse aux autres. Les mouvements au ralenti des personnages engourdis par le froid contribuent à l’atmosphère cotonneuse, presque lymphatique, d’un film à l’esthétique sobre. Les explosions de violence n’en sont que plus impressionnantes, y compris quand Tomas Alfredson a l’habileté de les placer hors champ.
Violence bestiale de la petite Eli, vampire à jamais figée dans le corps d’une gamine de 12 ans, qui, pour ne pas mourir de faim après le sacrifice de son père (la scène est bouleversante), doit se jeter sur ses proies comme un fauve. Violence plus feutrée, mais non moins terrifiante, des collégiens contre Oskar, leur camarade mal dans sa peau. Dans ce monde d’une tristesse infinie, la complicité naissante entre les deux jeunes marginaux brille comme un éclair dans la nuit – Flash in the night, le tube inquiétant repris sur la bande-son. Une lueur d’espoir pour rappeler que l’adolescence reste, envers et contre tous, l’âge des possibles.
Samuel Douhaire / Télérama 7 février 2009
Vidéos
Seuils, ouvertures et passages
Catégorie : Analyses de séquence
L’identité des personnages de Morse est floue. Eli n’est pas vraiment une fille, pas vraiment vivante mais pas tout à fait morte non plus, Oskar est entre deux âges, Virginia est en pleine métamorphose, on ne sait si Hakan est l’amant ou le père d’Eli… Pas étonnant que la mise en scène de ce film de vampires utilise les motifs de la frontière et du franchissement. On les retrouve à chaque scène du film, en dehors même de la séquence emblématique du « laisse-moi entrer » (01:21:53), où cours de laquelle Oskar met en péril la vie d’Eli en tardant à lui accorder son droit de passage.
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Cette vidéo a été conçue en complémentarité avec le texte « Formes établies et marges d’indéfinis » en page 10 du livret enseignant Lycéens et apprentis au cinéma.
Réalisation : Centre Images.
Première morsure
Catégorie : Analyses de séquence
La mise en scène de la première morsure d’Eli reprend des procédés du cinéma d’épouvante développés dans les films fantastiques de Jacques Tourneur, maître dans l’art de la suggestion. Cette scène évoque une séquence d’attaque nocturne de Leopard Man, également sous un pont, ainsi que les métamorphoses sonores de La Féline. La violence de l’attaque résulte moins de ce que l’on voit mais de ce qu’on ne voit pas et que l’on imagine à partir de la bande sonore. L’occasion de constater le pouvoir d’évocation du cinéma.
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Cette vidéo a été conçue en complémentarité avec le texte « Proximités sonores » en page 16 du livret enseignant Lycéens et apprentis au cinéma.
Texte : Amélie Dubois, réalisation : Centre Images.