Mystère de la chambre jaune (Le)

France (2003)

Genre : Policier

Écriture cinématographique : Fiction

Archives CAC, Collège au cinéma 2004-2005

Synopsis

Le jeune journaliste Rouletabille fait route vers le Château du Glandier pour élucider le mystère de la tentative d’assassinat de la jeune et belle Mathilde, fille du célèbre professeur Stangerson, spécialiste de physique nucléaire. Accompagné de son ami, le photographe Sainclair, il est loin d’être seul dans ce train, où ont également pris place le juge Marquet et son greffier. Chacun lit les dernières nouvelles dans le journal : ce soir-là, Mlle Stangerson a laissé son père et le vieux serviteur de la famille, le père Jacques, pour s’enfermer à double tour dans la chambre attenante au laboratoire où ceux-ci continuaient de travailler… Quelques minutes plus tard, ils entendent crier la jeune femme, ainsi que deux coups de feu. Ils enfoncent la porte et la trouvent inerte, grièvement blessée. Tout indique que personne n’a pu sortir de la “chambre jaune”… Rouletabille réussit à se faire admettre dans le château et mène sa propre enquête, se mesurant ainsi au célèbre inspecteur Frédéric Larsan, fin limier qui soupçonne très vite Robert Darzac, assistant du professeur et fiancé de Mlle Stangerson, qui a toute la confiance du professeur. Mais quel est son mobile ? Comment a-t-il pu s’échapper de la chambre jaune, fermée de l’intérieur ? Et même y pénétrer ? Quel rôle jouent les concierges ? Rouletabille démonte progressivement les théories trop rapides de Larsan puis se rend aux États-Unis d’où il ramène des informations surprenantes sur Larsan, en fait célèbre magicien et gentleman cambrioleur qui a en fait eu une liaison avec Mathilde… Quant au mystère de la chambre jaune, il n’y en a pas, puisque Mathilde s’est blessée elle-même accidentellement !

 

Distribution

Joseph Rouletabille (Denis Podalydès). Il est d’abord caractérisé, dans le roman de Gaston Leroux, par son jeune âge, dix-huit ans. Par son ambition et son culot ensuite. Tout en affirmant admirer Larsan, inspecteur renommé, il n’a de cesse de combattre sinon ses méthodes, du moins ses conclusions. Il oppose ses méthodes à celles de Larsan sous un aphorisme plaisant mais profondément ambigu : “Prendre les choses par le bon bout de la raison” !… Il s’agit d’abord d’éviter de faire entrer les preuves dans un cadre préétabli comme le fait Larsan. Mais progressivement, sous les yeux de son ami le photographe Sainclair (et les nôtres), Rouletabille déborde la logique qu’il revendique. Alors que son implication dans la solution de l’énigme de la chambre jaune et de l’assassin qui n’aurait pu ni entrer dans la chambre ni en sortir semble résulter de la pure spéculation intellectuelle, ses relations avec Larsan, Darzac et surtout Mlle Stangerson sont progressivement entachées de trouble. Surtout lorsqu’il met tout en œuvre pour permettre à Larsan de quitter les lieux avant sa démonstration finale. Le jeu étrange de Denis Podalydès donne à Rouletabille une épaisseur plus grande encore que dans le roman : le héros de Gaston Leroux en sous-entend trop. L’acteur en fait trop ou à côté de ce que l’on attendrait d’un enquêteur trop sûr de lui. Le conflit avec Larsan n’est pas simplement celui de deux intelligences et de leurs capacités de déduction, mais relève d’un conflit œdipien que viendra éclairer Le Parfum de la dame en noir, mais qui le réalisateur rend déjà sensible ici.

Frédéric Larsan (Pierre Arditi). Au départ, Larsan nous apparaît comme un détective laborieux, mais sûr de lui, inflexible dans sa démonstration, moqueur à l’égard de la jeunesse et de la fougue de Rouletabille. On ne comprend le personnage que rétrospectivement : il faut revoir le film (le livre) dans sa tête ou réellement une seconde fois pour saisir la complexité et la rouerie du personnage. La question n’est pas tellement qu’il veuille faire de Darzac le coupable : tout, d’ailleurs, accuse ce dernier qui ne se défend guère que par des affirmations non vérifiables ou douteuses. Logique, et même considéré comme trop lourdement logique par Rouletabille, il relève en fait de la fantaisie, de la magie, voire du fantastique. Dès le début, il détient toutes les clés de l’énigme qu’il ne cherche aucunement à résoudre, mais plutôt à obscurcir. Il sait que personne, et surtout pas Darzac, pas plus que le père Jacques, les concierges, le mystérieux garde-chasse, n’ont agressé Mathilde. Comme il sait que le professeur Stangerson ne couvre personne, ni sa fille, ni Darzac… Il est là pour construire l’énigme qu’on voudrait lui voir démonter. Il connaît également le passé caché de Mathilde et la personnalité réelle de Rouletabille, né de leur liaison… Il tire pratiquement toutes les ficelles, à tel point qu’on peut se demander s’il n’est pas le véritable instigateur de l’enquête et du dévoilement de sa vraie personnalité par Rouletabille ? Pourquoi un père n’éprouverait-il pas un plaisir jubilatoire à être vaincu par son propre fils – ce que confirmera le Parfum de la dame en noir ? Surtout sur son propre terrain… Vaincu ? Est-ce bien sûr ? Il s’en tire bien et reviendra fringant dans le second épisode… N’est-il pas en outre plus admirable en Ballmeyer qu’en amant délaissé tentant d’arracher sa bien-aimée à de nouvelles amours ? Toutes ces questions aux réponses variées et ambiguës donnent une profondeur mystérieuse à un être apparemment banal.

Robert Darsac (Olivier Gourmet). C’est le rôle le plus difficile du film. Un personnage sans envergure, sans aura, sans cesse effacé. Il n’est que l’assistant du professeur Stangerson, il est amoureux de sa fille mais doit renoncer à l’épouser en raison de la machination et du chantage de Frédéric Larsan. Comme ce dernier, il sait presque tout des relations entre les divers personnages, mais ce qu’il sait ne sert aucunement ses dessins : la phrase célèbre “le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat”, une des clés, le paralyse au lieu de lui servir. À la différence de Rouletabille et de Larsan – et c’est en quoi il constitue un intéressant système de personnages avec ceux-ci –, le savoir ne lui permet pas d’agir mais le paralyse sans cesse. Olivier Gourmet incarne à merveille cette situation, rare pour un acteur.

 

Générique

Titre original : Le Mystère de la chambre jaune
Producteur : Why Not
Production : Films du Fleuve Prod. délégué Martine Cassinelli
Réalisateur : Bruno Podalydès
Scénario : Bruno Podalydès, d’après Gaston Leroux
Photo : Christophe Beaucarne
Son : Laurent Poirier
Costumes : Dorothée Guiraud
Maquillage : Delphine Jaffart
Montage : Hervé de Luze
Décor : François Emmanuelli
Musique originale : Philippe Sarde Mixage Cyril Holtz
Film : Couleurs
Format : Scope (1/2,35)
Durée : 1h57
Visa n° : 105 707
Distributeur : UFD
Sortie France : 2003
Interprétation
Denis Podalydès / Joseph Rouletabille
Jean-Noël Brouté / Sainclair
Claude Rich / Le juge de Marquet
Sabine Azéma / Mathilde Stangerson
Michael Lonsdale / Stangerson
Pierre Arditti / Inspecteur Frédéric Larsan
Julos Beaucarne / Le père Jacques
Scali Delpeyrat / Le greffier
Olivier Gourmet / Rober Darzac
Isabelle Candellier / Mme Bernier
Dominique Parent / M. Bernier
George Aguilar / Petit-Pied, le garde-chasse
Patrick Ligardes / Le brigadier

Autour du film

Un jeu de poupées russes
Le générique du film, puis la première scène de fiction indiquent à merveille l’orientation que Bruno Podalydès donne à sa mise en scène. Dans un premier temps, un système de bille qui circule sur une série de rails qui enclenche le démarrage d’une locomotive à l’évidence miniature. En bref, une pure mécanique telle que l’appréciait Buster Keaton, dans le privé comme dans nombre de ses films. Vient ensuite une maquette qui folâtre parmi les herbes. Puis un vrai train. Vrai en ce qui concerne la taille, mais qui sonne faux, reconstitution d’époque qui ne se cache pas. Ce sont en quelque sorte des poupées russes que l’on ouvre progressivement : même lorsque le récit commence réellement, que les “vrais” personnages sont installés dans de vrais “wagons” de chemin de fer, nous sommes encore dans quelque chose qui ressemble à une mise en abyme : chacun des protagonistes ne fait que lire le journal, se renseigner sur les faits auxquels il n’a pas assisté et pour lesquels il se rend au château du Glandier… Impossible de déceler un niveau de réalité, d’immédiateté…
Dans le Mystère de la chambre jaune, on ne voit jamais directement ce que l’on voit. Dans un premier temps, les textes du journal sont illustrés par des images au statut indéfinissable : on peut supposer qu’il s’agit de ce que chacun imagine à partir de sa lecture, ou que le film (le réalisateur) illustre platement le texte lu par une voix-off impersonnelle (le journal, le journaliste absent de l’image), avec laquelle dialoguent les protagonistes, en particulier le juge et le greffier. Dans un second, c’est Rouletabille et le photographe Sainclair qui, eux-mêmes, écoutent et regardent le juge de Marquet et son greffier avant de se présenter. Entre-temps, les remarques de e Marquet établissent elles-mêmes une distance avec ce qu’il lit et ce que l’on voit : son nom n’est pas orthographié correctement (“en deux mots”), il s’inquiète de ce que le fin limier qu’est Larsan puisse lui démolir ce beau mystère de la chambre jaune. Le juge est aussi auteur dramatique, comme on l’apprendra plus tard, et regarde cette affaire non avec les yeux du juge, mais avec ceux de l’esthète. En se présentant, Rouletabille lui-même qualifie le problème de “belle affaire”.

L’esthète, l’illusionniste et le metteur en scène
Bruno Podalydès a ainsi choisi non pas de raconter une fois de plus l’intrigue du roman de Gaston Leroux et sa résolution, mais l’exposer aux regards du spectateur par l’intermédiaire de personnages eux-mêmes affrontés à un spectacle. Qu’est-ce, en effet, que la résolution d’une énigme dans un roman policier, sinon le fait d’étaler des indices devant soi et les autres – puisque l’enquêteur ne peut jamais se contenter de trouver la solution pour lui-même, mais qu’il doit convaincre l’autre que ces indices mis ensemble dans un certain ordre deviennent des preuves, donner en spectacle la qualité, l’originalité, la validité de son jugement. Pour l’auteur dramatique qu’est de Marquet, c’est le mystère qui est beau et il souhaite clairement, dans un lapsus qui indigne le greffier, qu’il reste irrésolu et se montrera d’ailleurs déçu par la solution présentée par Rouletabille. Pour l’enquêteur, d’abord Larsan, puis Rouletabille, la beauté est au contraire dans la solution, à la condition qu’elle ne soit pas la destruction du mystère, mais sa reconstruction, sa mise en scène. Le juge de Marquet est écrivain et esthète, Rouletabille metteur en scène, Larsan manipulateur, dissimulateur, illusionniste et magicien. Le fameux “mystère” de la chambre jaune n’est rien d’autre qu’un “Mac Guffin” selon Hitchcock, un leurre pour exciter l’esprit du spectateur, mais qui se révèle en fin de compte vain : qu’importe que Rouletabille ait laissé échapper Larsan, qui a certes provoqué la mort du malheureux garde-chasse, mais qui n’est pour rien, ou presque, dans l’accident de Mathilde Stangerson.

Une ténébreuse affaire
D’une part, la mise en scène de Podalydès ne cesse de jouer sur des mouvements de caméra latéraux qui détaillent des protagonistes en position de spectateurs suivant une démonstration, comme dans la scène où Rouletabille explique comment Mathilde s’est elle-même blessée dans la chambre jaune bel et bien close, faisant circuler de main en main le cheveu trouvé sous le lit. De l’autre, elle découpe constamment des objets (les traces, les indices) ou des parties de corps, des visages souvent reflétés dans des miroirs qui les décomposent. Des plans séquences, plus ou moins longs mais souvent baignés de lumière – et dans lesquels les personnages sont comme pris dans la toile d’araignée du récit et se jettent des regards suspicieux – construisent sous nos yeux la mise en scène de Larsan ou celle de Rouletabille à partir de pièces de puzzle éclatés en des dizaines de brefs détails fréquemment noyés dans la pénombre (avant d’être, pour certaines, montrées le moment de la révélation venu, en pleine lumière).
Mais à l’arrivée, une pure mise en scène invite à croire sur la seule parole : sans le commentaire de Rouletabille, les images muettes de Mathilde tombant du lit et se cognant à la table de nuit resteraient bien énigmatiques… Bien plus, comme pour le début du film, elles illustrent a posteriori une scène à laquelle personne n’a assisté et sortent en quelque sorte du discours, de la bouche, du journaliste détective… Tous se passe comme si Bruno Podalydès voulait que l’énigme demeure en partie ténébreuse et sa solution frustrante comme le remarque le juge. Non pour nous faire attendre la suite (Le Parfum de la dame en noir), mais pour préserver la part obscure des relations troubles entre Mathilde, Larsan, Rouletabille et le très énigmatique professeur Stangerson qui sera au cœur du second volet…
Joël Magny

Les Podalydès sont-ils raisonnables ?
“Rouletabille, bien sûr, c’est Denis Podalydès filmé par son frère Bruno. Avec une telle constance, une telle alchimie, que s’il faut parler de l’auteur du film, force est de ne pas les séparer. Un film de frères, donc, encore un. Mais, pour la première fois, on serait tenté d’y voir une intimité toute particulière. C’est que nous ne sommes pas conviés dans n’importe quelle chambre : la leur, sans, doute, et c’est ce qu’il y a ici de plus touchant. Les voici revenus, peut-être à l’étage d’une maison familiale, à jouer ensemble : Bruno donne les directives, “on dirait que tu seras Rouletabille”, Denis s’y met. Avec sérieux, comme en toute chose les enfants font preuve dès qu’il s’agit de jouer, selon la célèbre injonction de Nietzsche. On le voit bien dès ce choix de casting, étant donné l’âge initial du personnage (18 ans à peine) : du haut de son corps d’adulte, Denis Podalydès cherche à faire beaucoup moins. Son pantalon trop court sur de longues jambes l’y aide, en même temps qu’il renvoie à une autre figure qui n’est pas étrangère au cinéma de cette étrange famille : depuis les lithographies tirées de L’Étoile mystérieuse dans l’appartement du personnage de Versailles Rive-Gauche jusqu’à la scène du restaurant de Dieu seul me voit, inspirée du Sceptre d’Ottokar, Tintin est une fois de plus convoqué en référent idéal : une manière de n’avoir pas d’âge chère à l’acteur, un style aussi. La « ligne claire » d’Hergé, qui devient ici le principe d’une rigueur sans faille. Ce qu’il faut, c’est évidemment suivre l’injonction du personnage, prendre le problème par le bon bout de la raison. Mais les Podalydès sont-ils réisonnables ? Cohabitent dans leur cinéma la stricte écriture des scènes et la folie du jeu, à tel point que le gag trouve une résonance particulière. burlesque parfois, réaliste le plus souvent : génial ridicule qui fait déraper la scène comme par accident, à tel point que la direction d’acteurs semble sans cesse contaminée par le hasard. Interprétant Rouletabille, Denis Podalydès, par excès de rigueur dans son maintien, sa parole, joue au tennis comme Hulot dans Les Vacances : avec un art con sommé, tout ensemble, du ridicule et de l’efficacité. Somme toute, le décalage vient de ce que chacun est à la fois dans le jeu et dans son commentaire implicite.”
Sébastien Bénédict Cahiers du cinéma, n° 580, juin 2003

Une réalisation ludique
“Ce n’était pas une mince affaire pour Bruno Podalydès que de se lancer dans l’adaptation de l’œuvre la plus célèbre de l’auteur. D’autant moins facile que cela avait déjà été réalisé (notamment par M. L’Herbier), et que Podalydès était jusque-là connu pour des films plutôt ancrés dans leur époque (même s’il s’était souvent autorisé de belles digressions poétiques). Pourtant le pari est en grande partie gagné. En effet, le film parvient à restituer l’ambiance des récits de Leroux et la truculence de leurs personnages, grâce à un casting raffiné, une esthétique élégante et une réalisation ludique. Le ‘whodunnit’ fonctionne bien. Ceux qui ne connaîtraient pas l’histoire ou auraient oublié son déroulement, se plongeront avec plaisir dans ses méandres. De plus Denis Podalydès est un bon Rouletabille, plus proche de Tintin que des détectives privés. Le divertissement est bien là, même si le plaisir de Podalydès à faire ce film le pousse à quelques longueurs qui nuisent à l’efficacité de l’ensemble.”
Thomas Deslypper Fiches du cinéma /L’Annuel du cinéma, juin 2003

Pistes de travail

  • Scénario

    Récapituler les données du “mystère de la chambre jaune”. Description de la chambre : portes et ouvertures (fenêtres, volets ouverts ou fermés ?).
    Situation de la chambre par rapport au laboratoire.
    Qui était présent lors de l’agression ? Quels sont les personnages qui entrent les premiers dans la chambre ? Que voient-ils ? Décrire ce qu’ils voient et noter les objets et traces relevés ?
    Comment les indices permettent à la fois de faire progresser l’enquête et de la retarder ? Recenser ces indices (le revolver, les traces de pas sur le tapis et dans le parc, la trace de main ensanglantée, le cheveu, l’os de mouton, la blessure du garde, etc.). Puis pour chacun d’eux, montrer comment ils disculpent certains personnages ou au contraire les désignent comme suspects. Et comment, à la fin, Rouletabille les intègrent dans son schéma explicatif ?

  • Personnages

    Quels personnages, selon vous, retardent sciemment l’enquête ? Pourquoi ?
    Placer les différents personnages sur une règle qui indiquerait, à l’une des extrémités, ceux qui savaient tout dès le départ et, à l’autre extrémité, ceux qui ne savaient rien. Puis se poser la question, pour chacun d’eux, ce qu’il savait réellement des autres.

  • Mise en scène

    Le décor : le décrire (extérieurs du château, parc, cour ; intérieur du château ; etc.).
    Comment ces différents lieux sont-ils utilisés ? De jour ou de nuit ? En hauteur (rez-de-chaussée / premier étage, échelle, situation de Larsan, du garde-chasse lors du meurtre de ce dernier, etc.) ?
    Le roman est daté de 1907, et l’adaptation est située en 1929. Bruno Podalydès nous répond qu’il s’agit de la date de naissance de Tintin ! Au-delà de cet hommage, quelles sont les raisons qui peuvent l’avoir amené à faire un tel choix (références cinématographiques, littéraires, picturales) ?
    Pourquoi, selon vous, a-t-il choisi le format Scope (un format très large) ? Pensez au rôle des regards dans le film. Qui regarde (suspecte) qui ? Quels personnages sont balayés par les mouvements d’appareils latéraux (panoramiques, travellings) ? Comment ces mouvements participent-ils à l’enquête et incitent-ils le spectateur à formuler constamment des hypothèses, des craintes ou des espoirs ?
    Le rythme mérite une attention toute particulière (accélération, pause – ainsi du voyage en Amérique évoqué par le petit train et préparant, par un processus d’attente, la révélation du mystère). Ces variations de rythme (direction d’acteur, déplacements, montage) évoquent les tours de passe-passe d’un illusionniste tel le grand Ballmeyer ! Ainsi la grande scène du couloir où tous les personnages se croisent se présente comme un véritable tour de prestidigitation, à l’instar de celui que Larsan a réalisé devant les deux amis médusés.
    Remarquer comment sont filmées certaines scènes au cours du film, et comment ces mêmes scènes sont reprises en flashes-back à la fin du film, lors de la démonstration finale. Prenez, entre autres, la scène de la lettre sur le banc entre Darzac et Mathilde, ou le départ de Larsan dans l’allée ombragée du parc : autant ces images sont volontairement laissées dans l’ombre, en contre-jour, rapides et à peine entr’aperçues au cours du film, autant elles sont présentées, à la fin du film, en pleine lumière, en plein cadre, avec une durée qui permette au spectateur de se les remémorer, de les revivre, en quelque sorte. Certains plans sont même filmés au ralenti. En nous donnant de cette manière les clés du mystère de “la chambre jaune”, le réalisateur nous invite à découvrir d’autres mystères plus oniriques, plus intimes qui unissaient les différents personnages et qui étaient les véritables mobiles de cet assassinat de carton pâte.

  • Le roman

    -Bruno Podalydès a conservé certains traits propres au feuilleton et au roman populaire. Lesquels ? Chapitrage, effets horrifiques, personnages stéréotypés, manières d’entretenir la curiosité du spectateur d’un chapitre sur l’autre, etc.
    Comparer le roman et le film. Réfléchir aux partis pris d’adaptation adoptés par les frères Podalydès.
    Pourquoi avoir supprimé certains personnages ?
    Fait de certains d’entre eux un seul ?
    Comment et pourquoi avoir substitué au tribunal la cour du château ?
    Fait d’un jeune homme de 18 ans un homme d’âge mûr ?
    Réfléchir aux relations entre le roman et le cinéma (les trois unités ?).

    Fiche mise à jour le 29 septembre 2004
    Fiche réalisée par Joël Magny

  • Expériences

    Le roman populaire français (domaine policier)

    Le premier roman populaire français est une autobiographie rédigée par des inconnus vers 1830 et signée de François Vidocq (1775-1857), natif d’Arras, soldat sous la révolution, puis déserteur et truand célèbre, bagnard évadé avant de devenir chef de la sûreté française en 1811. Ce parcours incroyable fascinait le public. Sa vie inspira Balzac pour le personnage du Vautrin de La Comédie humaine et Victor Hugo pour le Jean Valjean des Misérables. Mais la plupart des écrivains et feuilletonistes romançant des affaires criminelles démarquèrent également cette personnalité dans leurs œuvres.
    C’est à partir de 1836 que le roman populaire prend son essor avec des récits interminables publiés sous forme de feuilletons dans les journaux et lus par les gens du peuple en voie d’alphabétisation.
    En jouant sur les faits-divers, les épopées historiques et les mélodrames, les auteurs de ces textes de valeur très inégale reprenaient souvent les thèmes qui séduisaient alors le public des théâtres forains : la veuve, l’orphelin, le traître et le sauveur Le vraisemblable en était banni. Le sensationnel (sanglant de préférence) régnait. On opposait systématiquement les bons aux méchants. La caricature et le schématisme libéraient cependant une démesure de l’imaginaire qui donnait une étrange poésie à ces délires tout empreints de l’histoire récente. La révolution de 1789 n’est pas loin, les intrigues de la royauté non plus et les romans de cape et d’épée (Le Bossu, de Paul Féval) sont très prisés.
    Mais c’est avec les histoires criminelles que cette littérature triomphe.

    Du crime à la une

    Le premier grand roman de ce type est Les Mystères de Paris (1842) d’Eugène Sue, une fresque moralisatrice sur les bas-fonds de l’époque, vite suivie des Mystères de Londres (1844) de Paul Féval, du Comte de Monte Cristo (1845), livre fondateur sur les dispositifs de la vengeance, et des Mohicans de Paris (1854), tous deux d’Alexandre Dumas.
    Viendront encore les Mystères du bagne (1860), d’Ernest Capendu, L’Affaire Lerouge (1866), d’Emile Gaboriau, où la déduction policière est privilégiée sur le mélodrame et les Mystères du Nouveau Paris (1876), de Fortuné du Boisgobey, alors que Gustave Aymard invente des histoires de peaux-rouges à la manière de Fenimore Cooper (Le Dernier des Mohicans) et qu’une pléthore de feuilletonistes inondent le marché avec des drames pontifiants.
    L’auteur le plus prolifique de cette époque est Pierre-Alexis Ponson du Terrail (1829-1871), célèbre pour sa série Rocambole, mélange d’intrigues policières et d’incursions dans le fantastique et l’onirisme qui marqueront les esprits. Son héros est un voyou devenu bon. Il combat un monstre aux allures d’occultiste et déjoue les complots dans toutes sortes de milieu. L’invraisemblance de ces récits est telle que l’on a retenu le terme “rocambolesque” pour définir ce type de récits.
    Hors de France, le roman populaire de type policier est important. Edgar Poe (1809-1949) a inventé le Chevalier Dupin dans Le Double Crime dans la rue Morgue (1841), un des premiers mystères de chambre close. Conan Doyle (1859-1930) crée le détective Sherlock Holmes dans Une étude en rouge (1887).
    En 1886, un éditeur américain lance la série des Nick Carter sous la forme de fascicules aux couvertures accrocheuses qui ne tarderont pas à envahir toute la planète.

    La Belle Époque

    En France, la belle époque verra l’apogée du roman populaire et l’invention de héros aussi intelligents que cruels, mais on y traduit aussi les dime novels de provenance américaine ou autre.
    Parmi ces publications, il convient de signaler des récits d’origine allemande : Nat Pinkerton (1908), Lord Lister (1909) et surtout les Dossiers secrets de Sherlock Holmes (1907), rebaptisés les Dossiers secrets du roi des détectives après un procès des éditeurs de Conan Doyle. Cette série disparaîtra de France en 1908 pour reparaître sous le titre des Aventures de Harry Dickson en 1929, partiellement récrite par l’écrivain gantois Jean Ray. Longtemps le cinéaste Alain Resnais tentera de les adapter au cinéma. En vain…
    Noël Simsolo

    Gaston Leroux

    Écrivain de réputation internationale, Gaston Leroux (1868-1927) s’est illustré dans le roman populaire et ses œuvres ont souvent été portées à l’écran. D’abord avocat, puis journaliste, il écrit des livres, mais aussi des pièces de théâtre et quelques scénarios pour le cinéma.
    Né à Paris, mais normand d’origine, il pesait plus de 100 kilos et montrait une belle énergie dans tout ce qu’il entreprenait. Grand voyageur, curieux insatiable et plein d’humour, il engrangea des expériences diverses qui allaient nourrir ses récits policiers ou d’aventures fantastiques. Il fut d’ailleurs un des maîtres du genre et des personnages comme le reporter Joseph Rouletabille, le forçat Chéri-Bibi ou le fantôme de l’opéra sont demeurés présents dans l’imaginaire collectif.

    L’art du feuilleton

    C’est sous la forme du feuilleton quotidien que ses romans parurent d’abord, à commencer par La Double vie de Theophraste Longuet, publié dans Le Matin en quarante-neuf parutions du 5 octobre au 22 novembre 1903, histoire de réincarnation dans laquelle un petit bourgeois réalise qu’il fut autrefois le bandit Cartouche.
    Après une première incursion au théâtre avec La Maison des juges, représenté à l’Odéon en 1906, il écrit Le Mystère de la chambre jaune et Le Parfum de la Dame en noir qui paraissent en épisodes dans L’Illustration et connaissent aussitôt un succès considérable. Son héros, Joseph Rouletabille, y enquête sur un mystère de chambre close avant de se retrouver devant son propre drame. En effet, il est le fils de ceux qu’il pourchasse comme criminels.
    Plus tard, les surréalistes aimeront citer la belle phrase clé de cette histoire : “Le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat”.
    À partir de 1908, Leroux accumule les nouvelles, le théâtre, les souvenirs de journaliste, des scénarios de films, d’autres romans mettant Rouletabille en scène : Rouletabille chez le Tsar (1913), Rouletabille à la guerre (1914), Rouletabille chez Krupp (1917), Le Crime de Rouletabille (1921), Rouletabille chez les Bohémiens (1922), Une victoire de Rouletabille (1926), feuilletons magistraux : le Roi-mystère (1908), le Fauteuil hanté (1909), la Reine de Sabbat (1910), Balaoo (1911), l’Épouse du soleil (1942), Confi Tou (1916), la Colonne infernale (id), Aventures effroyables de Herbert de Renich (id), la Poupée sanglante (1926), les Ténébreuses (1924), la Farouche Aventure (id), le Fils des trois frères ( id), la Mansarde en or (1925), les Mohicans de Babel (1925), Mister Flow (1927), les Chasseurs de danses (id), tous publiés ensuite en volumes. Dans cette abondante production, une suite de feuilletons égale en notoriété les aventures de Rouletabille. C’est Chéri-Bibi (1913), histoire d’un boucher devenu forçat et s’étant fait greffer le visage et la peau d’un autre pour assouvir sa vengeance. Fable terrible où le héros subit la destinée en répétant « Fatalitas », elle aura deux suites: les Nouvelles Aventures de Chéri-Bibi (1919) et le Coup d’État de Chéri-Bibi (1925).
    Des romans de Gaston Leroux deux, seulement ne parurent pas d’abord en feuilletons : Un homme dans la nuit (1911) et le Fantôme de l’opéra (1910), qui sera traduit en plusieurs langues et porté à l’écran à Hollywood dès 1925. La particularité des œuvres de Leroux est de mêler un fantastique réaliste avec les caractéristiques du récit policier. Tous ses personnages ont une vie double et sont motivés par le besoin de vengeance. Victimes du destin, ils souffrent et combattent le mal chez les autres et celui qu’ils portent en eux.
    Noël Simsolo

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    Bibliographie

    Le Mystère de la chambre jaune, par Gaston Leroux.
    Il existe de nombreuses éditions du livre de Gaston Leroux. Signalons celles plus spécialement destinées aux enseignants et aux élèves :
    Ed GFFlammarion, coll. “Étonnants classiques”, présentation et dossier par Jean-Philippe Marty, Paris, 2003 ;
    Éd. Gallimard, coll. “Folioplus Classiques”, n° 4, dossier d’Hélène Fieschi, Lecture d’image (“Intérieur avec femme en rouge”, de Félix Vallotton) par Alain Jaubert, Paris, 2003.

    Vidéographie

    Le Mystère de la chambre jaune, de Bruno Podalydès, 2 DVD 9 avec compléments et bonus, PAL, couleur, 2004.
    Le Mystère de la chambre jaune, une enquête policière multimédias, CD-ROM pour PC (Windows 98 ou supérieur), Ed. Scérén-CNDP-Académie de Paris. Destiné à l usage en classe, Primaires, sixièmes, cinquièmes. Diffusé avec le roman dans l édition Flammarion, voir ci-dessus.