Nuit des femmes (La)

Japon (1961)

Genre : Drame

Écriture cinématographique : Fiction

Lycéens et apprentis au cinéma 2025-2026

Synopsis

La jeune Kuniko est pensionnaire d’une maison de réhabilitation pour anciennes prostituées. Malgré la bienveillance de la directrice, la vie n’est pas facile, et comme toutes ses camarades, elle espère s’en sortir. On lui propose une place dans une épicerie, mais le mari de la patronne et les hommes du quartier sont trop concupiscents. Kuniko doit s’enfuir, et part travailler dans une manufacture. Devant la méchanceté des autres employées, elle quitte son emploi, pour intégrer une pépinière. La vie semble devenir plus douce, mais le passé de la jeune femme la rattrape.

Distribution

Chisako Hara : Kuniko Sugimoto, femme du centre
Akemi Kita : Chieko, femme du centre, amie de Kuniko
Chieko Naniwa : Kameju, femme du centre
Chieko Seki : Oyuki, femme du centre
Misako Tominaga : Yoshimi Kamikura, femme du centre qui fait le mur
Kazue Tagami : Matsuko, femme du centre
Yuki Aresa : Tomeko, femme du centre
Noriko Sengoku : Shizuka, femme du centre
Fumiko Okamura : Okada, femme du centre
Masumi Harukawa : Harada, femme du centre
Chikage Awashima : Mme Nogami, directrice du centre de réinsertion

Générique

Réalisation : Kinuyo Tanaka
Scénario : Sumie Tanaka, d’après le roman Michi aredo de Masako Yana (ja) publié en 19601
Musique : Hikaru Hayashi
Direction artistique : Motoji Kojima
Photographie : Asakazu Nakai

Autour du film

Situé dans la deuxième moitié des années 50, après la loi interdisant la prostitution au Japon, La Nuit des femmes suit Kuniko, une ancienne travailleuse du sexe, qui vit dans une « maison de réhabilitation », entourée de femmes qui faisaient le même métier qu’elle. La mission des femmes à la tête de ces maisons (rattachées à l’État) est de trouver un emploi aux anciennes travailleuses du sexe et ainsi les réinsérer dans la société.

Sororité

Kinuyo Tanaka nous fait voir d’emblée une chaleureuse sororité dans cette maison (j’en profite pour vous recommander l’excellent Working Girls de Lizzie Borden sur ce sujet), et ce dès le début, à l’occasion d’une séquence où les femmes de la « haute société » visitent la maison pour l’ajouter à leur liste de bonnes œuvres. On comprend alors que les vrais éléments problématiques ne seront probablement pas ces femmes à la marge de la société, mais bien la société elle-même.

De fait, l’héroïne va aller de déception en déception au gré de ses emplois dits « respectables », et être confrontée aux préjugés ainsi qu’aux tentatives d’exploitation de son passé dès lors qu’il est révélé par accident, ou par choix. Perspicace, la réalisatrice ne limite pas le problème aux hommes libidineux, puisque les femmes font partie intégrante des problèmes de Kuniko : soit par mépris de classe, comme dans la séquence du début, soit par manque de réflexion/d’éducation sur le sujet, ou simplement par égoïsme – profiter de plus faible que soi pour arriver à ses fins.

La différence de sororité entre le « monde réel » et la maison de réhabilitation est assez criante tout le long du film, mais elle l’est encore plus lorsque Kuniko travaille dans une usine composée exclusivement d’ouvrières à qui elle raconte sciemment son passé. Pensant travailler et vivre au sein d’une communauté qui l’accepte et ne voyant pas (à juste titre) la différence entre vendre son temps, ses capacités intellectuelles et/ou sa force physique et vendre son corps, la désillusion n’en est que plus cruelle, pour elle comme pour nous.

Le poids des traditions

Lorsqu’elle finit enfin par trouver des employeurs ouverts d’esprit et même par trouver l’amour, ce sont les conventions qui viendront contrarier son bonheur, la condamnant sans pitié alors même qu’elle n’avait été condamnée ni par la justice ni par la loi. Son seul et dernier refuge sera une autre communauté de femmes (les ama, pêcheuses en apnée traditionnelles), loin de tous et de tout.

Visionnaire et fort intelligent, en plus d’être simplement superbe, La Nuit des femmes met également en lumière à quel point les femmes de talent (mentionnons également la scénariste du film, Sumie Tanaka, qui collaborait régulièrement avec Tanaka) ont toujours existé dans le cinéma, la plupart ayant déjà compris à leurs époques respectives comment fonctionnaient les rapports de force et les enjeux propres à leur genre. — Cinématraque