Party (La)

États-Unis (1968)

Genre : Burlesque

Écriture cinématographique : Fiction

Archives LAAC, Lycéens et apprentis au cinéma 2001-2002

Synopsis

Hrundi V. Bakshi est un acteur hindou invité à Hollywood pour jouer dans un remake de Gunga Din. Il se révèle être un acteur-catastrophe et finit par se faire renvoyer du tournage après avoir fait exploser le décor du film. Invité par erreur à la  » party  » que donne le producteur, il multiplie gaffes et maladresses dans la luxueuse et ultra-moderne villa hollywoodienne. Aidé pour la circonstance d’une jeune invitée française, d’un serveur ivre, des enfants de la famille et d’une troupe de danseurs russes, Bakshi mettra un point d’honneur – toujours involontaire – à faire subir à la villa un traitement identique à celui qu’il avait infligé au décor.

Générique

Titre original The Party
Réalisation Blake Edwards
Image Lucien Ballard (Panavision et DeLuxe Color)
Effets spéciaux Norman Breedlove
Décors Reg Allen, Jack Stevens
Costumes Jack Bear, Angela Alexander, Wes Jeffries
Montage Ralph E. Winters
Musique Henry Mancini (chanson : Nothing to Lose, paroles de Don Black, chantée par Claudine Longet) Interprétation
Hrundi V. Bakshi / Peter Sellers
Michèle Monet / Claudine Longet
Levinson (le serveur ivre) / Steve Franken
Fred Clutterbuck (le producteur) / J. Edward McKinley
Alice Clutterbuck / Fay MacKenzie
Production Mirisch-Geoffrey-United Artists
Distribution United Artists
Film Panavision, couleur
Durée 98 minutes
Sortie à Paris août 1969

Autour du film

La Party est une œuvre essentielle, sans doute la plus grande comédie réalisée à Hollywood depuis la fin de l’ère des studios (début des années 1960). Le film ne doit pas cette place de choix à un caprice critique ou à une  » simple  » réussite ; il est le résultat d’un pari gagné par son cinéaste qui consistait à faire revivre le comique muet à une époque déjà tardive de la comédie américaine. Blake Edwards réalise ainsi une œuvre en grande partie muette (et musicale) dont le scénario offre surtout une trame ou un canevas aux brillantes improvisations de l’acteur Peter Sellers. Le cinéaste retrouve ainsi le geste même des acteurs-réalisateurs du cinéma muet qui travaillaient sans script, mais son attitude n’a rien de nostalgique et ne se laisse pas penser comme un  » retour à  » un âge d’or perdu. Blake Edwards et Peter Sellers produisent un comique d’une éclatante modernité dont la maison du producteur constitue à la fois le symbole et le repoussoir ; cinéaste de son temps – qui utilise la vidéo sur le tournage pour suivre les improvisations de son acteur- – Edwards se livre aussi à une critique subversive de Hollywood. Le personnage de Hrundi V. Bakshi constitue à cet égard une trouvaille qui renouvelle le genre du film sur le cinéma : venu de l’extérieur,  » extra  » engagé pour jouer le rôle d’un  » collabo  » dans le remake du film colonial Gunga Din, l’acteur indien sabote systématiquement (et involontairement) les projets hollywoodiens – qu’ils soient de l’ordre de la production (le film dans le film) ou de la distraction (la  » party « ). La puissance de destruction d’une bande de Laurel et Hardy est ici mise au service d’une critique radicale d’un monde du cinéma stigmatisé dans sa fatuité et son inefficacité.

(…) Dans chacun de ses films, la party est un moment clé où le personnage se dévoile, où la bienséance et le mensonge se trouvent bafoués. Ici, Edwards pousse le pari jusqu’au bout, il fait de cette party le thème même du film. Les gags abondent, s’enfilant comme des perles, s’assemblant comme des mosaïques pyramidales, se gonflant comme d’immenses ballons (un dynamitage du film sur l’armée des Indes, une chaussure qui prend sa liberté, un W.C. hanté, un éléphant qu’on lave à grande eau et une mousse qui envahit tout le film). Certes, il y a quelques faiblesses dues justement à l’abondance des gags (le repas est trop long, les teenagers déplacés, le serveur trop ivre). Mais dans cette mécanique, qui n’est point sans rappeler celle du film de Tati >B>Playtime, l’ambiance ne tombe jamais. Mieux, nous avons l’impression, confirmée quant à moi, d’être placés dans une sorte d’épanouissement sexuel. Les symboles sexuels jaillissent constamment dans l’œuvre d’Edwards.
Gérard Langlois, Les Lettres françaises, 27 août 1969

Pistes de travail

La Party est un film sur Hollywood. Il entre dans la lignée des grandes représentations américaines du cinéma de Show People (King Vidor, 1928) à The Player (R. Altman, 1991) en passant par les grands classiques : Boulevard du crépuscule (B.Wilder, 1950), Les Ensorcelés (V. Minnelli, 1952) ou Une étoile est née (W.Wellman, 1937 et G. Cukor.1954). Mais par son appartenance au genre comique, le film de Blake Edwards est à relier aux grandes comédies sur Hollywood comme Les Voyages de Sullivan (P. Sturges, 1941) ou Chantons sous la pluie (S.Donen/G.Kelly, 1952) dont la force de subversion est sans doute supérieure à celle des œuvres mélodramatiques. La Party retourne d’ailleurs comme un gant le mythe de Cendrillon qui fit le succès de la forme (cf. Show People, Une étoile est née) : l’acteur indien est un  » extra  » qui ne réussira jamais dans le cinéma – il en est  » renvoyé  » dès le début du film.

Mise à jour : 17-06-04

Expériences

Satire de Hollywood et film comique quasi-expérimental, La Party fait se rejoindre deux sources qui irriguent l’œuvre de Blake Edwards. Après avoir rencontré le succès dans la comédie mais aussi dans le film policier (Allo, Brigade spéciale ! ) ou le drame (Le jour du vin et des roses), le cinéaste avait ouvert une nouvelle voie en collaborant avec Peter Sellers et en tentant une première  » synthèse  » du burlesque, de la comédie et du dessin animé dans La Grande Course autour du monde (1965). Dédié à Laurel et Hardy, le film opposait des bons et des méchants caricaturaux dans une superproduction qui revisitait tous les grands genres hollywoodiens (du western à une bataille géante de tartes à la crème en passant par une parodie du Prisonnier de Zenda). L’insuccès relatif du film poussa Blake Edwards à choisir une tout autre solution dans La Party, film qui obéit à la très classique règle des trois unités. La collaboration avec Peter Sellers se poursuivit avec la reprise du rôle de l’inspecteur Clouseau dans les années 1970 (plusieurs Panthère rose), mais ces bandes, quoique souvent parfaitement désopilantes, ne sauraient rivaliser avec les aventures nocturnes de Hrundi V. Bakshi. Blake Edwards utilisa remarquablement Dudley Moore, autre comique britannique, dans Ten (1979), mais c’est avec Victor/Victoria (1981) qu’il retrouve une originalité et une grâce comparables à La Party en renouvelant le genre de la comédie de travesti. Blake Edwards reviendra enfin sur le thème du cinéma avec une comédie grinçante (SOB) et un film policier  » élégiaque  » : Meurtre à Hollywood.

Grande année contestataire à travers le monde, 1968 constitue aux États-Unis une sorte de tournant : jamais le Flower power hippie ne sera aussi en vogue qu’à cette date, à mi-chemin entre le premier grand festival rock (Monterey, 1967) et la grand-messe de Woodstock (1969) ; mais, de l’autre côté, les forces traditionnelles offrent mieux qu’une simple résistance : 1968 est également l’année de l’assassinat de Robert Kennedy, de l’élection de Richard Nixon — et de l’intensification de la guerre du Vietnam. L’appel à une liberté totale, à un  » lâchez-tout  » (drop out) va très souvent de pair chez les jeunes, et plus particulièrement les étudiants, avec une mobilisation politique accrue depuis les assassinats de J.F. Kennedy et Martin Luther King. La question des civil rights (droits civiques) marque le retour à une tradition de désobéissance civile qui est le propre d’un mode de contestation typiquement américain dans la tradition d’un Emerson ou d’un Thoreau. En dépit de cet ancrage, le raz-de-marée  » pop  » dépasse très largement les limites de l’engagement, même s’il en est le plus puissant vecteur. Sans Francisco est la Mecque du mouvement, et chacun sait, comme le veut la chanson, qu’il faut s’y rendre avec des fleurs dans les cheveux («  If you’re going to San Francisco Be sure to wear some flowers in your hair…« , paroles du tube San Francisco de Scott McKenzie en 1967). Si Los Angeles n’est qu’à une heure d’avion de San Francisco, le cinéma hollywoodien n’enregistre qu’indirectement la secousse sismique. Certaines œuvres notables du  » néo-Hollywood « , comme Le Lauréat (M ; Nichols, 1967) ou Petulia (R. Lester, 1968), ont su rendre avec justesse les aspirations d’une jeunesse qui préférait cependant se  » connecter  » avec des media plus chauds et plus musicaux. Ce décalage fût-il léger voire imperceptible, avec l’actualité est l’un des atouts du cinéma, ce qui lui confère une force de témoignage – unrendu d’époque – souvent sans comparaison avec les bandes d’actualité.

Outils

Bibliographie

Blake Edwards, Peter Lehman et William Luhr, Ohio University Press, 1981. (en anglais)
Returning the Scene : Blake Edwards 2, Ohio University Press, 1989. (en anglais)

Les vases communicants, Pascal Bonitzer, Cahiers du cinéma n° 216, 1969.
Parlez-vous hindoustani?, Marc Cerisuelo et Alii, Positif n° 375-376, 1992.
Cette nuit ou jamais, Gérard Legrand, Positif n° 347, 1990.

Web

Des bulles, des bulles, des bulles!!! - Critique sur le site Critikat
Fiche ABC Le France - Extraits de critiques, filmographie