Synopsis
En Afghanistan, sous le régime taliban, Parvana, onze ans, grandit à Kaboul ravagée par la guerre. Elle aime écouter les histoires que lui raconte son père, lecteur et écrivain public. Mais un jour, il est arrêté et la vie de Parvana bascule à jamais. Car sans être accompagnée d’un homme, on ne peut plus travailler, ramener de l’argent ni même acheter de la nourriture.
Parvana décide alors de se couper les cheveux et de se travestir en garçon a n de venir en aide à sa famille. Risquant à tout moment d’être démasquée, elle reste déterminée à trouver un moyen de sauver son père.
Parvana est un conte merveilleux sur l’émancipation des femmes et l’imagination face à l’oppression.
Générique
Titre original : The Breadwinner
Réalisation : Nora Twomey
Scénario : Anita Doron, d’après le livre de Deborah Ellis
Musique : Jeff Danna et Mychael Danna
Durée : 1h34
Autour du film
Entretien avec Nora Twomey, réalisatrice
Êtes-vous d’accord pour définir Parvana, une enfance en Afghanistan, comme une fable réaliste ?
C’est réaliste, oui. Et ce, grâce au livre de Deborah Ellis dont est tiré le scénario. Il s’agit de l’amour qu’une lle porte à son père et à sa famille dans un pays où la femme est niée. La fable elle, qui entrecoupe le récit, a été ajoutée par la coscénariste de Deborah, Anita Doron. Dans le roman, le père passe beaucoup de temps à raconter à Parvana l’histoire et la culture afghanes, quand les Talibans font tout pour effacer ce passé. Mais il existe beaucoup d’Afghans qui protègent l’héritage de ce qui fut longtemps une plaque tournante culturelle. Anita a étudié le folklore du pays pour y trouver un conte à la portée universelle. L’aventure de Souleymane, ce jeune héros qui doit relever trois dé s, est une manière pour Parvana de se connecter avec un être disparu, d’interpréter et de transmettre avec douceur une tragédie vécue. Quand on développait le film, on a beaucoup échangé avec des Afghans qui avaient du mal à exprimer leur douleur, à mettre des mots sur des événements qui les avaient marqués. Cette difficulté, voire cette impossibilité de communiquer les empêche d’avancer et de vivre normalement. Parvana, elle, articule son émotion autour de ce drame dont elle fait une métaphore. C’est cela aussi, notre film : il met en avant le pouvoir de la parole.
La bande originale a également une importance considérable…
Son rôle est même essentiel. L’été dernier, nous sommes allés à Kaboul enregistrer un chœur de femmes afghanes. Ces jeunes filles qui chantent ensemble rappellent que malgré tout, elles continuent d’étudier et de se battre pour exister. Des tas de femmes, parties sous le régime des Talibans, sont revenues pour transmettre leur savoir et leur talent a n que les futures générations aient plus d’opportunités. Dans le film, on a placé le chœur de ces Afghanes dans chaque scène porteuse d’espoir.
À travers l’histoire de Parvana, vous abordez frontalement la tragédie du joug taliban, ce qui est très audacieux pour un film qui s’adresse, entre autres, au jeune public…
À travers les journaux télévisés, les flashs infos à la radio ou même les discussions autour d’eux, les enfants sont exposés en permanence aux tragédies mondiales. Et les adultes ne doivent pas occulter ou masquer cette réalité, ni ériger une barrière pour les protéger et qui, au bout du compte, ne fera que les effrayer encore plus. Famille, enseignants, proches doivent encourager le débat avec eux sur ces sujets auxquels ils finiront forcément par être confrontés. Ainsi, le jour venu, ils sauront mieux gérer et appréhender toute cette horreur. Petite, la radio m’informait des attentats en Irlande du Nord. J’en parlais aussitôt avec mes parents qui n’avaient de cesse de m’expliquer les tenants et aboutissants de ce conflit à travers leur histoire, leur vécu, et ceux de mes grands-parents. Comprendre un conflit et ce qu’il engendre évite d’avoir des opinions hâtives et toutes faites. Et pour en revenir à Parvana, ce qui se passe en Afghanistan est si complexe… Encore aujourd’hui, les Afghans ignorent leurs perspectives d’avenir. Le film explore cette complexité, en posant un certain nombre de questions sans pour autant apporter de réponses.
Comment Angelina Jolie, productrice, est-elle arrivée sur ce projet ?
C’est nous qui l’avons approchée. Elle connaissait notre travail, avait vu Brendan, le secret de Kells et Le Chant de la mer… Le sujet la touchait forcément – elle qui a créé une école de filles à Kaboul où elle se rend souvent, qui demeure une ambassadrice très active des Nations Unies, qui a une expérience unique à propos des personnes victimes de conflits politiques. Son soutien a été primordial et elle a suivi le développement de très près, aidant même à résoudre des problèmes techniques car, également réalisatrice, elle comprend les limites créatives dues à un financement modeste et sait comment tirer le meilleur de nos capacités.
Comment avez-vous envisagé l’esthétique visuelle de votre film ?
Très difficilement. Autant Brendan et le secret de Kells était enraciné dans la culture celte et Le Chant de la mer dans la campagne irlandaise, autant Parvana, une enfance en Afghanistan devait reproduire une réalité à laquelle nous n’avions pas accès – à moins d’avoir une machine à remonter le temps ! Heureusement, nous avons eu très tôt l’apport de Daby Zainab Faidhi qui a dessiné les décors. Il savait à quoi Kaboul ressemblait à la n des années 1990. On s’est également nourri de témoignages, essentiels pour savoir comment un homme se déplaçait dans un marché, sa gestuelle, appréhender l’aspect lumineux d’une matinée, comment cette lumière traverse la poussière – laquelle se dépose sur absolument tout à Kaboul… Quand on vous donne autant de détails, l’aspect du film se dessine naturellement. Je tenais à un look authentique, que Kaboul soit belle mais vraie, et à tout construire autour du visage de Parvana, qu’on voit dans ses yeux une multitude de pensées se bousculer, peser le pour et le contre, cogiter en permanence. Tout part de son point de vue, de son esprit. À l’arrivée, le look du film est une synthèse de quantité de réunions, de concertations, d’impasses également. Cela demande de réunir beaucoup de talents et de faire preuve de persévérance pour que l’esthétique dépende du fond et non l’inverse.
En optant pour un format en écran large, vous ne choisissez pas la facilité…
C’est plus dif cile, oui. Les storyboarders étaient d’ailleurs très perturbés par ce format. D’autant que de nombreuses séquences se déroulent en intérieur, dans une pièce, et quand les personnages sont debout, c’est encore plus compliqué à cadrer. Mais ce format est nécessaire pour oxygéner le récit. Le public devait pouvoir respirer.
Quelles ont été les réactions des premiers spectateurs ?
On l’a montré très en amont dans diverses écoles, en Irlande par exemple. Après la projection, les enfants se parlaient sans qu’on lise une tristesse particulière sur leur visage. Les professeurs eux, très émus, avaient les yeux embués et s’inquiétaient de l’impact du film sur les enfants. Sauf qu’entre leur appréhension et les réactions de leurs élèves, il y avait un gouffre et c’est normal. Les adultes viennent voir Parvana avec un bagage lourd, plein de leurs angoisses et drames vécus, ainsi que de leurs connaissances et informations sur le contexte du long-métrage. Les enfants, au contraire, regardent le film en toute innocence, calquant leurs réactions sur celles de la jeune héroïne.
Vous offrez une fin ouverte. Compte tenu du sujet, un classique et convenu happy-end était impossible ?
Je ne pouvais pas conclure avec une fin simpliste. J’en ai beaucoup parlé avec Angelina Jolie et des Afghans concernés par la situation, et décidément non, j’ignore quelle solution est possible. En revanche, je tenais à montrer l’espoir à travers le visage de Parvana, à travers sa connexion avec son père. On entend d’ailleurs ce chœur de femmes qui, je le rappelle, exprime cet espoir. Ce qu’elles chantent sont les mots d’un poète persan, qui disent que la voix sert également à guérir et à panser les plaies. Et puis le livre de Deborah a été publié en 2000, avant le 11 septembre et la chute des Talibans, avant la création de Daesh, avant les attaques en France et dans le reste du monde… Durant la production du film, nous avons organisé des veillées après les attentats contre Charlie Hebdo, puis au Bataclan, ainsi qu’à chaque nouvelle tragédie de ce genre dans le monde… Comment, au vu de tout cela, proposer une solution ou un happy end ? Ce serait injuste vis-à-vis des victimes, où qu’elles soient. C’est pourquoi la fin repose sur le visage de Parvana. On y voit ce qu’on veut. Tout ce qu’on veut.
Pistes de travail
Afghanistan : devenir femme, un combat pour la liberté [portraits]
Ghazal, Mahdia, Sosan. Des adolescentes comme toutes les autres, à un détail près. Leur vie d’adulte s’élance fragilement au cœur d’un pays ravagé par l’obscurantisme. Ces jeunes filles partagent les mêmes rêves que certaines Européennes de leur âge, mais leur combat s’avère beaucoup plus féroce. Bienvenue en Afghanistan, terre de toutes les interdictions, mais aussi de tous les défis lorsqu’on est une femme. Pourtant, ces ados rêvent d’en devenir une et pas n’importe laquelle.
Du régime austère des talibans, il ne leur en reste aucun souvenir. Pourtant, elles vivent au sein d’une société culturellement meurtrie et sans grande compréhension du modèle féminin. Une cicatrice profondément inscrite dans la société afghane où le modèle de la femme libre reste à conjuguer au futur pour la plupart d’entre elles. Les menaces sur leur identité restent encore très présentes, mais cela n’effraie pas Ghazal, 16 ans, extrêmement déterminée à changer les choses : « Je rêve de devenir soldat et servir mon pays. Et même si je suis une fille, cela ne me pose aucun problème ». Un choix évidemment surprenant dans un pays où les femmes sont plutôt invitées à rester à la maison, mais sur les 195 000 soldats de la toute fraîche armée afghane, 1 300 sont des femmes. « Je viens d’une famille très conservatrice. Mes parents refusent ce choix, car en Afghanistan, une fille qui devient soldat, c’est la honte. Tout le monde coupe les ponts avec toi. Mais pour moi, il y a trop de violence envers les femmes dans ma société, et spécialement au sein des familles. C’est pourquoi je veux devenir militaire. »
Autant dire que le discours de cette ado dont les parents refusent la scolarisation est d’autant plus surprenant quand on sait que parler à une adolescente en Afghanistan relève du défi. Alors, être mise dans la confidence, c’est presque inespéré.
Un pays où il faut tout réinventer pour prendre sa place
Effectivement, ici les jeunes filles sont protégées, presque cachées, et c’est toujours très brièvement qu’on les observe ou qu’on les approche. Elles craignent aussi les représailles. On n’engage pas la conversation avec une adolescente afghane dans la rue comme on le ferait à Paris ou dans la plupart des grandes villes. Et quand on arrive enfin à s’asseoir pour discuter avec l’une d’entre elles, les murs se dressent très rapidement. Timidité, peur de dire n’importe quoi ou pas trop d’idées sur la question posée. Surtout lorsqu’on leur parle de devenir une femme dans un pays où il faut tout réinventer pour prendre sa place.
Devenir un modèle pour les autres
Pas facile de comprendre ce qu’il se passe dans la tête de ces adolescentes, comme beaucoup d’autres d’ailleurs. Sosan, elle, pulvérise tous les superlatifs en termes de réussite scolaire. Si douée qu’elle vient de rentrer à l’université américaine de Kaboul du haut de ses 16 ans. Quand on lui pose des questions sur ses objectifs professionnels, la voilà qui bavarde dans un anglais parfait sans sourciller en évoquant même son idole de toujours, Albert Einstein. Mais quand il s’agit de parler de son désir d’être une femme, son regard se fige. Ce qui compte, c’est de devenir un modèle pour les autres. Devenir une ingénieure réputée. Changer les choses. Pour la femme en devenir, on repassera. Certaines de ses amies imaginent un autre futur pour elles. Se marier, fonder une famille. Tout simplement. Un choix très classique dans un pays où les familles n’ont guère d’autres projets que… d’agrandir un peu plus la famille. Et en Afghanistan, on évitera de contrarier ses parents. Le sujet est d’ailleurs un peu délicat. Vendues ou données en mariage très jeunes, certaines sont déjà mères à 15 ans.
« Les filles sont courageuses et résistantes »
Mahdia, 16 ans, en classe de première, s’exprime exclusivement en dari, sa langue natale, et paraît très timide. Mais une fois lancée, ses propos sont beaucoup plus affirmés : « Selon moi, les filles sont courageuses et résistantes. Si nous étudions et travaillons dur, nous atteindrons notre but et nous nous rendrons utiles à la société ». Pour cette jeune fille issue d’un milieu traditionnel et dont le rêve est simplement de réussir, être une femme c’est ressembler à son idole Fawzia Koofi, membre du Parlement. Et son envie de voir les femmes sur le devant de la scène est sincère : « Nous devons toutes comprendre qu’il faut travailler et être actives pour la société parce que, sans les femmes, une société ne peut pas fonctionner correctement ». Mais encore une fois, difficile de cerner comment ces ados imaginent leur féminité dans dix ans. Elles se confient toutes largement sur le rôle des femmes et de la lutte pour leurs droits. Mais étrangement, très peu au singulier. Peut-être par pudeur, ou par habitude. En tout cas, il semble qu’en Afghanistan, devenir une femme pour une adolescente de la ville, c’est avant tout devenir quelqu’un. Travailler.
Mais pour beaucoup d’autres, cela ne signifie pas grand-chose à part élever ses enfants.
Un combat quotidien pour la liberté
La journée se termine auprès de cette jeune fille si fragile et si éloquente à la fois. Une parole si longtemps conspuée en Afghanistan. Durant le régime des talibans, les fondamentalistes interdisaient de mettre les oiseaux en cage, mais emprisonnaient sans aucun remords les femmes à la maison. Aujourd’hui, être une femme en Afghanistan reste un combat quotidien pour la liberté. Et les nombreuses burqas présentes dans les rues témoignent encore de l’emprisonnement moral de certaines. Mais ces jeunes filles représentent le futur de leur pays, elles le savent bien. Et ce n’est pas à travers le grillage de ces voiles archaïques qu’elles se projettent, mais bien à travers l’idée qu’elles se font de leur propre liberté.
Source : http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20160301-afghanistan-femme-journee-internationale- adolescentes-talibans-8-mars
Outils
Quelques films pour aller plus loin
Le cahier d’Hana Makhmalbaf, Iran, 2008
Sous les anciennes statues géantes de Bouddhas détruites par les Talibans, des milliers de familles tentent de survivre dans des grottes. Baktay, une petite fille de 6 ans, entend toute la journée son petit voisin réciter l'alphabet. Elle se met alors en tête d'aller à l'école, quitte à braver tous les dangers.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=132090.html
Sur le chemin de l’école, documentaire de Pascal Plisson, France, 2013
Jackson, 11 ans, Zahira, 12 ans, Samuel, 13 ans, Carlos, 11 ans. Ces enfants vivent aux quatre coins du globe mais partagent la même soif d’apprendre. Ils ont compris que seule l’instruction leur permettra d’améliorer leur vie, et c’est pour cela que chaque jour, dans des paysages incroyables, ils se lancent dans un périple à haut risque qui les conduira vers le savoir.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=210112.html
Syngué sabour – pierre de patience de Atiq Rahimi, 2013
Au pied des montagnes de Kaboul, un héros de guerre gît dans le coma ; sa jeune femme à son chevet prie pour le ramener à la vie. La guerre fratricide déchire la ville ; les combattants sont à leur porte. La femme doit fuir avec ses deux enfants, abandonner son mari et se réfugier à l'autre bout de la ville, dans une maison close tenue par sa tante. De retour auprès de son époux, elle est forcée à l'amour par un jeune combattant. Contre toute attente, elle se révèle, prend conscience de son corps, libère sa parole pour confier à son mari ses souvenirs, ses désirs les plus intimes... Jusqu'à ses secrets inavouables. L'homme gisant devient alors, malgré lui, sa "syngué sabour", sa pierre de patience - cette pierre magique que l'on pose devant soi pour lui souffler tous ses secrets, ses malheurs, ses souffrances... Jusqu'à ce qu'elle éclate !
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=204927.html
Osama de Siddiq Barmak, Afghanistan, 2004
Une petite fille de douze ans, sa mère et un jeune garçon ont survécu aux répressions qui ont suivi les manifestations organisées par les femmes afghanes au début du régime taliban. Les deux femmes travaillent dans un hôpital, mais sont informées que les talibans ont renvoyé tout le personnel et fermé les portes de l'établissement. Ces derniers s'assurent qu'aucune femme ne peut désormais s'aventurer hors de sa maison sans compagnon "légal". Dans le cas contraire, elles seront sévèrement punies.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=52623.html
Sonita, documentaire de Rokhsareh Ghaem Maghami, Allemagne, Iran, suisse, 2016
Réfugiée afghane clandestine en Iran, Sonita habite depuis dix ans dans la banlieue pauvre de Téhéran. Sonita rêve de devenir une artiste, une chanteuse en dépit des obstacles auxquelles elle est confrontée en Iran et dans sa famille. En effet sa mère lui réserve un tout autre destin : celui d’être mariée de force et vendue pour la somme de 9000 dollars. Mais Sonita n’entend pas se soumettre : téméraire et passionnée, elle bouscule les codes de cette culture conservatrice et décide de se battre pour vivre sa vie.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=243439.html
« La voix des femmes » : entretien avec Behi Djanati Ataï
Catégorie : Rencontres
« Gagner son pain » : entretien avec Anne-Laure Brisac
Catégorie : Rencontres