Premier contact

États-Unis (2016)

Genre : Science-fiction

Écriture cinématographique : Fiction

Collège au cinéma 2023-2024

Synopsis

Lorsque de mystérieux vaisseaux venus du fond de l’espace surgissent un peu partout sur Terre, une équipe d’experts est rassemblée sous la direction de la linguiste Louise Banks afin de tenter de comprendre leurs intentions. Face à l’énigme que constituent leur présence et leurs messages mystérieux, les réactions dans le monde sont extrêmes et l’humanité se retrouve bientôt au bord d’une guerre absolue. Louise Banks et son équipe n’ont que très peu de temps pour trouver des réponses. Pour les obtenir, la jeune femme va prendre un risque qui pourrait non seulement lui coûter la vie, mais détruire le genre humain…

Distribution

Amy Adams : Dr Louise Banks
Jeremy Renner : Ian Donnelly
Forest Whitaker : le colonel Weber
Mark O’Brien : le capitaine Marks
Michael Stuhlbarg : l’agent Halpern
Tzi Ma : le général Shang
Frank Schorpion : Dr Kettler

Générique

Réalisation : Denis Villeneuve
Scénario : Eric Heisserer, d’après la nouvelle L’Histoire de ta vie de Ted Chiang
Musique : Jóhann Jóhannsson
Direction artistique : Isabelle Guay
Décors : Patrice Vermette
Costumes : Renée April
Photographie : Bradford Young
Montage : Joe Walker

Autour du film

Une forme noire, titanesque et oblongue, lévite verticalement au-dessus de la surface de la Terre. En dépit de ses courbes, cette structure extraterrestre sibylline suggère inéluctablement le monolithe de 2001, l’Odyssée de l’espace. À la différence qu’ici avec Premier contact, l’intrigue se propose d’en pénétrer littéralement les arcanes. Denis Villeneuve affiche sans rougir un certain fétichisme à l’égard de Stanley Kubrick. Manière de rappeler peut-être que depuis 1968, plus aucun film de science-fiction hormis peut-être Solaris (Andrei Tarkovski, 1974) et dans une moindre mesure Alien (Ridley Scott, 1979) et Under the Skin (Jonathan Glazer, 2014) n’a au fond esquissé autre chose que l’exégèse du chef-d’œuvre de l’Américain. L’heure n’est donc plus au bouleversement cinéphilique mais au commentaire. L’énigme métaphysique laissée par 2001 permet ici l’ouverture d’une boîte de Pandore : le docteur Louise Banks, experte en linguistique, s’introduit avec une équipe de spécialistes au sein du curieux vaisseau spatial – on notera l’accointance avec Alien, autre film dialoguant intimement avec 2001. Sa mission, établie par le gouvernement américain, consiste à déchiffrer le langage des créatures venues d’ailleurs pour comprendre leurs aspirations. Cette rencontre potentielle avec une nouvelle altérité singe aussi en creux les Rencontres du troisième type (Steven Spielberg, 1978) et autres Contact (Robert Zemeckis, 1997). Même si d’un point de vue plus strictement artistique, l’héritage est à chercher du côté de Jonathan Glazer et son kubrickien – encore – Under the Skin.

Mais au-delà de l’herméneutique kubrickienne, Denis Villeneuve poursuit ici ses mantras métaphoriques. Après le motif de l’arbre pour la filiation dans Prisoners, celui de l’araignée emprunté à Louise Bourgeois dans Enemy, ou encore celui du trou noir en guise de cas de conscience dans Sicario, le Canadien développe une nouvelle marotte : le palindrome. A l’image du fameux mot que l’on peut lire dans un sens comme dans l’autre, Premier contact dispose d’une structure réversible. C’est ce même dispositif qui va permettre à Louise, son héroïne – Amy Adams, pugnace et écorchée telle Emily Blunt dans Sicario – de potentiellement trouver la rédemption là où tout semble perdu pour elle. Parce que Premier contact puise comme tout film fantastique sa rhétorique dans l’intime et la résolution d’un traumatisme psychologique, ces douze vaisseaux se posant sur la surface de la Terre ne sont que l’image de la blessure de Louise. Elle qui a perdu un être cher perçoit le monde qui l’entoure comme un univers dévasté, au bord de la fin du monde. C’est donc à elle et à elle seule de résoudre un problème d’envergure mondiale : trouver un moyen de communiquer avec le supposé envahisseur. Tous ces plans d’espaces internationaux occupés par des vaisseaux titanesques qui flottent dans l’air représentent ainsi le symptôme d’une contamination mentale – voir par exemple les surimpressions entre l’ovale du visage de Sophie et celui de la structure du vaisseau. Denis Villeneuve en profite cependant pour rapprocher cette difficulté personnelle d’un bouleversement géopolitique : outre la possible imminence d’un conflit interplanétaire, se profile dans le même temps toutes les théories du complot possibles et imaginables. Comme Louise tentant de s’extirper de son deuil et de retrouver goût en l’existence, notre planète se retrouve en proie à une situation cataclysmique.

Science-fiction, surnaturel, thriller, mélodrame… Villeneuve brasse ici comme souvent de nombreux genres. La combinaison fonctionne à merveille, épaulée qu’elle est par une réalisation splendide – même si la photographie de Bradford Young ne vaut pas celle de Roger Deakins (Prisoners, Sicario…). Très loin du sérieux et du superfétatoire de Christopher Nolan, dont quelques-uns des films peuvent par moment faire penser à Premier contact, le cinéaste ne néglige pas ses personnages et leur apporte même de la douceur. En cela, la dynamique rappelle celle du malickien Jeff Nichols. A noter que comme à l’accoutumée, l’écriture fait la part belle aux archétypes : la figure du jeune soldat assistant les séances de Louise avec les extraterrestres, de même que l’agent Halpbern, est par exemple celle d’un Iago, celle d’un homme ayant, par peur, perdu foi en l’altérité.

De quoi polariser l’angélisme du scientifique Ian Donnelly – drolatique et affectueux Jeremy Renner. Mais aussi brillant soit ce huitième long métrage de Denis Villeneuve, aussi astucieuse soit sa direction artistique – mention spéciale pour les vaisseaux, les aliens-poulpes à la The Mist et leur encre en guise de langage -, Premier contact présente quelques signes d’essoufflements eu égard par exemple à Sicario. La faute certainement à un manque de renouvellement de la part du cinéaste, qui ne fait finalement qu’articuler à nouveau ses obsessions, et à un certain appesantissement dans le final. Avec un soin minutieux et une facilité enfantine à jongler entre la grandiloquence du film d’invasion extraterrestre et des enjeux plus resserrés – la famille brisée -, Denis Villeneuve démontre néanmoins s’il en faut une nouvelle fois toute l’étendue de ses dispositions de metteur en scène.

Alexandre Jourdain
avoir-alire.com

Pistes de travail

Analyse thématique

Dans Premier contact, son premier film de science-fiction, le cinéaste québécois Denis Villeneuve (Incendies, Sicario, Dune…) explore la thématique de la communication. Langage visuel, langage du cinéma, langage des effets spéciaux, langage des émotions… : le long métrage fait du langage une puissance qui dépasse largement le dialogue entre humains et extraterrestres…




On l’oublie souvent mais la communication est au centre de notre société. Une mauvaise communication peut amener aux conflits et aux mauvaises décisions. Revenons donc sur un film mettant en avant cet aspect dangereux qu’est cet art difficile qu’est communiquer avec Premier Contact. Louise Banks est une experte en linguistique. Quand des extraterrestres débarquent sur notre planète, elle est engagée pour communiquer avec eux et savoir si leur but est pacifique ou belliqueux…

La place des langues

Les langues ont une place centrale dans notre monde. Elles relèvent d’un héritage culturel et selon celle utilisée, un mot peut cacher des significations multiples. Il faut donc maitriser celles-ci avec attention et précision. Malheureusement, nous sommes actuellement à une époque où l’on veut toutes les informations de manière rapide et concrète. Or, la vitesse de propagation de celles-ci ne permet pas une communication totalement fiable. Nous mettons donc en avant la rapidité, là où il vaudrait mieux privilégier la véracité. Le film le représente d’ailleurs avec les réactions de certains médias se jetant sur chaque parcelle d’information et l’interprétant (ce présentateur de radio rappelant certains propagateurs de « fake news » effrayantes). Croire qu’une chose peut être faite parfaitement dans un laps de temps extrêmement court n’est donc pas la meilleure chose qui soit.

Le langage est également au centre du film par le biais du montage. En effet, c’est par ce biais que communique un réalisateur et par extension son œuvre et les personnages inclus dedans. Ici, le montage reprend la vision du temps des heptapodes pour mieux comprendre la vision qu’en a Louise, figure centrale du film à laquelle se rattachent les spectateurs, mais également ceux-ci une fois la révélation dévoilée. Le langage se voit donc placé au centre du film de manière intra diégétique de par son sujet et ses thématiques mais également de manière extra diégétique par ce biais. Denis Villeneuve se permet également d’autres trouvailles par le biais du montage, notamment lors de la première rencontre avec les heptapodes, coupée pour faire comprendre au public la frustration de l’héroïne au vu de l’échec de celle-ci. Quant à l’aspect de palindrome du film, on l’annonce par le prénom de la fille de Louise, Hannah, mais aussi dans la bande originale.

Point de vue Terre à Terre

L’intrigue aborde totalement les prémisses du synopsis de manière posée et « humaine ». Ne vous attendez donc pas à un film à la Independance Day , où la destruction est privilégiée à la raison. Ici, le film est plus terre à terre, notamment dans son traitement géopolitique, montrant une nouvelle fois les dissocions culturelles entre différents pays impliqués dans « l’invasion ». Le traitement réservé aux extraterrestres relève ainsi également de différences dans les acquis et la transmission du savoir (l’utilisation du Mah-jong par le gouvernement chinois). Le traitement réservé à l’histoire prend donc place dans un univers réaliste, appuyé par la mise en scène de Denis Villeneuve. Il annonce d’ailleurs dans la scène de l’hélicoptère l’importance qu’a le langage mais aussi la difficulté de communiquer sans les bons outils (le casque et le micro) dans un environnement compliqué.

Une forte sensibilité se retrouve aussi, de par la mise en avant du personnage de Louise Banks, ce que l’on retrouve également dans l’interprétation d’Amy Adams. Sans surjeu aucun, elle arrive à nous bouleverser par son histoire et ce qu’elle vit et vivra. En tant que point de repère dans l’histoire, elle permet une empathie forte entre le film et le public. Si certains se sont plaints de personnages secondaires mis de côté par rapport à elle, cela est pourtant logique d’un point de vue narratif. Il est donc normal que ces personnages secondaires le restent. Ils disposent néanmoins chacun d’interprètes convaincants pour croire en leur crédibilité.

Certains ont également fait des remarques quant à la fin du film. Elle rentre pourtant encore dans une logique narrative et permet même un message doux amer sur l’existence humaine. En effet, Louise apprend le destin futur de sa fille Hannah et la douleur que cela engendrera mais malgré cela, pousse quand même à sa naissance. Par ce moyen, on peut comprendre qu’il faut profiter des personnes que nous aimons, étant donné notre statut d’êtres éphémères. Chaque seconde de notre vie est une seconde dont il faut profiter avec ceux qui comptent et c’est son aspect fuyant qui rend notre existence plus belle encore.

Au final, « Premier Contact » est une œuvre sensible sur divers sujets mais surtout sur l’humanité et tout ce qui s’y rattache. C’est le genre de film qui mériterait tellement d’être plus mis en avant par rapport à certains produits mercantiles sans vie. Quand notre humanité, dans son aspect le plus imparfait mais aussi le plus sensible et le plus doux, est aussi bien représentée, cela nous offre quelque chose d’intimiste et grandiose à la fois, quelque chose d’humain, en sorte…

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