Prisonnière du désert (La)

États-Unis (1956)

Genre : Western

Écriture cinématographique : Fiction

École et cinéma 2004-2005

Synopsis

Texas, 1868. Trois ans après la fin de la guerre de Sécession, Ethan revient auprès des siens : Aaron, son frère, habite un ranch perdu dans le désert où il vit avec sa femme Martha, ses enfants et Martin Pawley, un jeune métis, recueilli autrefois par Ethan.
Le soir suivant, des Comanches attaquent la ferme des Edwards, tuent Aaron, Martha et leur fils Ben, enlèvent Debbie et Lucy.
Dès lors, Ethan, accompagné de Martin, n’aura de cesse de retrouver Debbie (Lucy, elle, a été retrouvée morte). Une longue errance commence. Les années passent. Debbie est devenue la femme du chef Comanche, Star. Un jour, Martin enlève Debbie. Ethan la prend dans ses bras et la ramène à la maison. Puis, il s’en repart seul, vers le désert.

Générique

Titre original : The Searchers
Réalisation : John Ford
Scénario et dialogues : Franck S. Nugent d’après le roman d’Alan le May
Image : Winton C. Hoch, Alfred Gilks (seconde équipe), (Vista Vision)
Son : Hugh Mc Dowell, Howard Wilson
Musique : Max Steiner
Montage : Jack Murray
Production : C.V Whitney, Mérian C. Cooper, Warner Bros
Distribution : Action Gitanes
Durée : 1 h 55 Interprétation :
Ethan Edwards / John Wayne
Martin Pawley / Jeffrey Hunter
Le chef Comanche Scar / Henri Brandon
Laurie Jorgensen / Vera Miles
Le capitaine révérend Clayton / Ward Bond
Debbie Edwards / Nathalie Wood

Autour du film

La Prisonnière du désir
Le films’enchâsse entre deux questions (chansons du générique et de la fin), entre l’ouverture d’une porte et la fermeture d’une autre – avec dans les deux cas un passage obligé des personnages par l’ombre, une mère pour entrer la fiction, sa fille pour en sortir. Mais surtout, La Prisonnière du désert érige la construction architecturale de son spectacle, comme deux piles d’un pont qui soutiennent son tablier, sur le dédoublement d’un geste d’Ethan : l’élévation de Debbie tenue à bout de bras. Ce geste répété appartient au rituel religieux de l’Eucharistie. Quand Ethan soulève Debbie pour la première fois, c’est une enfant qu’il adore, c’est la fille de Martha. Quand Ethan soulève Debbie pour la deuxième fois, c’est une femme qu’il abhorre, la femme de l’Autre excécré. Ce geste d’officiant qui expose, devient, pour Ethan et le spectateur, une source de miséricorde, un miracle d’amour. Par la grâce de ce geste, Ethan se décante de son fanatisme. Il change d’attitude.
Extrait du Point de vue du Cahier de notes sur… écrit par Pierre Gabaston, édité par Les enfants de cinéma

Le film allie, de façon incroyable, le symbolisme métaphysique qui était au cœur du Mouchard et de Dieu est mort et la (fausse) simplicité formelle des récits de l’Ouest vers lesquels le cinéaste va revenir. Mais cet alliage d’éléments hétérogènes confère au film une densité hallucinante, comme si tout Ford, son catholicisme et sa vision hyperlucide de l’Histoire et de ses rapports avec la mythologie, s’y retrouvait.
Le Monde, Jean-François Rauger

Etrange Odyssée ! Elle commence par un retour et se termine par un départ ; au fil des quatre expéditions, le groupe des héros partis en quête se réduit, jusqu’à deux ; les seuls voyages qui aboutissent semblent condamner à mort la jeune fille qu’on recherche, mais elle sera sauvée par un changement inopiné dans la pensée du chef des poursuivants. Étrange Iliade ! Son Hélène grandit, son Ilion est insaisissable, mais contre-attaque…(…)
Or qu’arrive-t-il ? la relation vacille vingt fois. Les héros de Ford, aux approches du foyer, à l’instant qui sépare le voyage de l’attaque ou le péril du refuge, connaissent cet amuïssement, qui les rend méconnaissables, et c’est peut-être pour l’avoir trop souvent connu qu’Ehtan réussit enfin à s’humaniser.
Voici en effet le détail de sa morale. Il rejette grossièrement la prétention de Martin à faire partie de sa famille, au nom des liens du sang. Par la même règle, Debbie sera toujours sa nièce. Mais la consanguinité détermine aussi le racisme, soutenu par une haine vengeresse à l’égard des Commanches. Debbie appartenant par mariage à la tribu, elle passe à l’ennemi, elle cesse d’être elle-même, comme les pauvres folles qu’on aperçoit. Dès lors deux appartenances se combattent et la contradiction ne peut être levée que par la mort de Debbie. Mais, si le passage au noir délivre, comme une mort, une individualité nouvelle, la contradiction pourra être dépassée par un retour “ à la maison ”. La palinodie d’Ethan peut surprendre ; elle ne saurait passer pour invraisemblable. Mais à la coutumière évolution psychologique Ford substitue une explication purement visuelle : l’aspect interrompu du héros, qui le rend obscur aux familles, excuse à ses yeux comme aux nôtres les avatars de Debbie. C’est en confondant sa silhouette avec celle de la jeune fille que Martin la protège d’Ethan. Voilà ce que soulignent ces instants noirs où se confondent les retours, tous trois mis en scène de la même manière et tous trois marqués par la même forme que les départs. Cela explique un autre paradoxe de cette Odyssée : ce n’est pas le parcours, c’est l’arrivée qui produit l’événement dans toute sa complexité.(…)
Alain Masson, Positif n°427 – septembre 1996

Vidéos

L’implicite ou la reddition d’Ethan – par Pierre Gabaston

Catégorie :

Pistes de travail

  • Ethan et Martin
    La Prisonnière du désert se donne comme enveloppe narrative l’archétype du récit d’initiation américain, en reprenant la pérégrination de deux partners dont le plus âgé, aguerri, devient le tuteur du plus jeune, inexpérimenté. D’avoir été aux côtés d’Ethan pendant toutes ces années de voyage, Martin s’est doté d’une formation érudite pour vivre dorénavant dans ce désert. Quel formidable legs culturel lui laisse Ethan à la fin du film !
  • Le temps du voyage, son espace
    Quand le film commence, Debbie est une petite fille, tenant encore sa poupée. Quand le film se termine, c’est une jeune femme. Des années se sont écoulées. Elle a grandi alors qu’Ethan, Martin, Scar, ont vieilli, même si ces années ne se voient sur leur visage. Cette notion de temps, est encore accentuée par les espaces parcourus par les deux searchers. Et par le passage des saisons.Fiche mise à jour le 24 septembre 2004
    Fiche réalisée par Delphine Lizot, d’après le Cahier de notes sur… écrit par Pierre Gabaston, édité par Les enfants de cinéma

Expériences

Un fait réel est à l’origine du scénario du film. En 1860, le capitaine Sul Ross lance une opération contre les Comanches. Le 18 décembre, près de la Pease River, ses cent cinquante hommes occupent un camp qu’ils détruisent en tuant femmes et enfants. Les guerriers sont absents. Un soldat rattrape une squaw qui s’échappait à cheval. Ross l’examine et s’aperçoit qu’elle a les yeux bleus et les cheveux blonds. C’est Cynthia Ann Parker, capturée par les Comanches, en 1836, à l’âge de neuf ans, lors d’une attaque d’un ranch fortifié. Elle était la femme du chef Nacona. Sa famille d’origine à peine retrouvée, elle apprit l’anglais mais une nostalgie lancinante rongea son cœur. Elle essaya de revoir son mari et ses enfants. Cynthia Ann Parker dépérit et mourut en 1864. Nacona ne survivra pas à son départ.

Outils

Bibliographie

John Ford, La Prisonnière du désert, une tapisserie navajo, Jean-Louis Leutrat, Adam Biro,1990.
John Ford, Peter Bogdanovitch, Edilig,Paris, 1988.
John Ford, Linsday Anderson, Hatier, Paris, 1985.
John Ford, Andrew Sinclair, Edition France-Empire, Paris, 1980.
Pour John Ford, Jean Roy, Edition du Cerf, Paris, 1976.
John Ford, sous la direction de Patrice Rollet et Nicolas Saada, Editions de l’Etoile/Cahiers du Cinéma, Paris, 1990.
A la recherche de John Ford , de Joseph McBride, Essai, Broché, 2007