Synopsis
L’aviateur André Jurieux a battu le record de la traversée de l’Atlantique par amour pour Christine de La Chesnaye, qui n’est pas venue l’accueillir à son arrivée au Bourget. Ami de Jurieux et de Christine, Octave fait en sorte que l’un et l’autre se revoient cependant : ce sera en Sologne, à la Colinière, le château de Christine et de son mari, Robert de La Chesnaye. La maîtresse de celui-ci, Geneviève de Maras, est également invitée, avec d’autres amis, à ce week-end de chasse pendant lequel les intrigues amoureuses se font et se défont, du côté des maîtres comme des valets. Mais cette fête est tragique : à la suite d’une méprise, Jurieux mourra, tué comme un lapin. Et sa mort ne perturbera qu’un instant l’ordre établi.
Générique
Réalisation : Jean Renoir
Scénario et dialogues : Jean Renoir, assisté de Carl Koch
Assistants réalisateurs : André Zwobada, Henri Cartier-Bresson
Image : Jean Bachelet, assisté de Jean-Paul Alphen et Alain Renoir
Son : Joseph de Bretagne
Montage : Marguerite Houllé-Renoir assistée de Marthe Huguet
Arrangements musicaux et direction d’orchestre : Roger Desormières
Production : Nouvelle Edition Française (NEF)
Durée : 1h47
Sortie à Paris : 7 juillet 1939
Interprétation :
Robert de La Chesnaye /
Marcel Dalio
Octave / Jean Renoir
Christine de La Chesnaye / Nora Gregor
André Jurieux / Roland Toutain
Geneviève de Maras/ Mila Parély
Lisette Schumacher / Paulette Dubost
Schumacher / Gaston Modot
Marceau / Julien Carette
Autour du film
Pourquoi La Règle du jeu fut-il un jour qualifié par François Truffaut de « film des films » ? Pourquoi, soixante ans après sa réalisation, demeure-t-il si vivant, si commenté ? C’est que, comme toutes les grandes œuvres qui échappent à leur époque, il nous parle d’hommes et de femmes, d’apparence sans doute lointaine, mais en définitive si proches de nous dans leurs doutes, leurs faiblesses, leurs contradictions. Les « salades de l’amour » sont ici le parfait révélateur de cette humanité attachante et complexe qui joue avec ses illusions, triche avec les règles, et solde les comptes de ce jeu.
C’est aussi que Renoir, par le détour d’une comédie nourrie aux meilleures sources du théâtre et du cinéma, s’y dévoile comme dans nul autre de ses films. Octave, qu’il incarne, est le pivot généreux mais pataud, débonnaire mais secrètement blessé, de cette « fantaisie » qui vire au drame.
C’est enfin que La Règle du jeu est une confondante leçon de cinéma. Malgré sa légende d’improvisateur brouillon, Renoir s’y révèle un maître d’œuvre méticuleux et tenace, toujours en quête d’innovations et d’audaces formelles, un virtuose étourdissant sachant recréer, grâce aux mille artifices du cinéma, l’illusion de la vie même.
Olivier Curchod.
La plus forte impression que j’ai reçue de l’écran, ce fut ce film qui me l’apporta, tant par son contenu que par son écriture. C’était en juillet 1939, quelque semaines avant la déclaration de guerre. Tel fut mon saisissement, comme je l’ai déjà noté, qu’en moins de huit jours je m’étais déjà rendu à trois reprises dans le cinéma des Boulevards où il passait au milieu de l’indifférence ou de la réprobation générales. La dernière fois où il me fut à cette époque donné de l’admirer, le dénouement tragique de la version originale avait été remplacé par une fin heureuse. Mais aucune concession ne semblait alors pouvoir sauver cette œuvre incompréhensible par le plus grand nombre : dans la salle à demi vide, les rares spectateurs continuaient de ricaner ou de siffler. L’on s’est enfin décidé à rendre justice au miracle de grâce et de gravité de La Règle du jeu qui m’ouvrit soudain les yeux et m’apprit d’un coup ce cinéma que je croyais connaître depuis mon enfance et dont je sus soudain que j’avais toujours méconnu le vrai sens. Mais c’en était à tout jamais fini pour moi d’être un aveugle de l’écran. Et cela grâce à cette suite moderne aux sortilèges de Marivaux, Diderot, Laclos et Sade qu’est ce film étourdissant. La dureté de la satire s’y adoucit de quelque pitié et même d’une certaine tendresse, pour apparaître aggravée à la fin d’une sorte de méchanceté au second degré : dans la glace déformante et pourtant fidèle de l’écran, notre grimace se mue peu à peu en sourire puis redevient rictus.
Claude Mauriac, L’Amour du cinéma, éditions Albin Michel
Pistes de travail
L’inscription de La Règle du jeu au programme obligatoire du baccalauréat 1999 (section L, épreuve de lettres) inspire quelques axes de travail :
Mise à jour : 17-06-04
Expériences
Vingt-quatrième film de Renoir, La Règle du jeu est, par excellence, une œuvre de la maturité. Elle concrétise l’ambition de ce cinéaste d’être un auteur complet (producteur, metteur en scène, scénariste, dialoguiste, et même comédien) et porte à son plus haut point de perfection ses recherches et ses audaces formelles dans tous les domaines de la création cinématographique (décors, photographie et cadrages, prise de son, direction d’acteurs, montage…). Moins de trois ans après le Front populaire, La Règle du jeu marque aussi un détachement de Renoir vis-à-vis des engagements partisans, au bénéfice d’une réflexion plus personnelle, hantée par l’esprit du siècle précédent et amorcée dès Partie de campagne et La Grande Illusion.
Les difficultés que rencontra La Règle du jeu au cours de sa réalisation (et qui entraînèrent des coupes claires à l’écriture, au tournage et au montage), la nouveauté formelle de l’œuvre achevée, sa liberté de ton, les désastreuses conditions de sa sortie, tout explique que ce chef-d’œuvre fut largment incompris en 1939. Restauré dans sa version intégrale en 1958, La Règle du jeu est depuis lors une référence universellement reconnue.