Synopsis
Krishna, jeune garçon âgé de 10 ans, est abandonné par le cirque itinérant pour lequel il travaille et se retrouve à Bombay avec le rêve de gagner 500 roupies qu’il rapportera à sa mère dans son village natal. Parvenu dans la ville, il est immédiatement submergé par la folie et la cacophonie : agents de police, bordels, circulation, fous, intermédiaires, trafic de drogue et traite de femmes, l’univers fantasmagorique du cinéma…
Distribution
Shafiq Syed : Krishna/ »Chaipau »
Hansa Vithal : Manju
Nana Patekar (VF : Med Hondo) : Baba
Raghuvir Yadav : Chillum
Chanda Sharma : Solasaal
Aneeta Kanwar : Rekha, la mère de Manju
Raju Barnad : Keera
Chandrashekhar Naidu : Chungal
Sarfuddin Quarrassi : Koyla
Mohanraj Babu : Salim
Générique
Titre : Salaam Bombay!
Titre original : सलाम बॉम्बे! (Salām bŏmbē!)
Réalisation : Mira Nair
Scénario : Mira Nair, Sooni Taraporevala
Dialogues : Hriday Lani
Direction artistique : Nitin Chandrakant Desai, Nitish Roy
Photographie : Sandi Sissel
Musique : L. Subramaniam
Autour du film
Quelques rencontres
Krishna débute au plus bas de la hiérarchie de la rue et devient Chaipau, ou celui-qui-porte-le-thé-et-le-pain. Au hasard de ses livraisons de thé, il rencontre des personnages qui finiront par changer sa vie : Chillum, impétueux vétéran de la rue, âgé de 25 ans, qui gagne sa vie en vendant la drogue de Baba, caïd lunatique du quartier chaud. Baba vit avec Rekha, au caractère solide et combatif, et leur petite fille de 8 ans, Manju.
Une jeune népalaise à l’esprit rebelle fait son entrée dans ce monde ; c’est Solasaal, ou Age Tendre, amenée de force à Bombay pour y être vendue comme prostituée vierge. Chaipau devient, sans le savoir lui-même, le catalyseur de leurs vies respectives jusqu’à ce que celles-ci se fondent en un étonnant dénouement.
Pistes de travail
Tournant le dos à une tradition solidement établie en Inde, où cinéma rime avec studios, Salaam Bombay ! a été réalisé sur les lieux même des exploits de ses personnages, dans la rue. Les comédiens professionnels côtoient d’ailleurs de véritables exclus. Cela renforce considérablement l’authenticité qui se dégage du film. Nous ne pouvons pas douter de la précarité matérielle et affective de ses héros. L’axe central du film est l’enfance détruite : malgré sa bonne volonté, Krishna ne peut pas s’en sortir. Dans cette jungle urbaine où chacun pense d’abord à sa propre survie, le système est vicié à la base. Dans ces conditions, on s’en doute, I’émotion du spectateur est intense. La réalisatrice n’a pas cherché le moins du monde à distancier son propos, même si les différents personnages paraissent parfois un peu exemplaires. Le miracle de Salaam Bombay ! est qu’il ne tombe pas pour autant dans le mélo larmoyant. Derrière la noirceur du tableau subsiste un peu d’espoir. L’amour que Rekha porte à sa fille, la vitalité rarement prise en défaut de Krishna sont des phares qui empêchent le film de sombrer dans la tempête. Notre indignation devant ce gâchis n’en a que plus de valeur.
La revue du Cinéma (Saison 1988)
La ville de Bombay, qui sert de décor naturel est également le «personnage» central du film. Bombay, fascinante et repoussante à la fois, où les fards et les saris chatoyants dissimulent mal la saleté omniprésente, Bombay où il s’agit d’abord de survivre par tous les moyens. Bombay qui dévore ses propres enfants…
Ces enfants de la rue auxquels Mira Nair a voulu dédier son film : « Salaam Bombay ! rend hommage à l’esprit de survie de ces enfants pleins d’humour, dignes, solides et flamboyants… C’est l’histoire de tout un monde qui prive ses enfants du droit de jouir de l’enfance… »
On ne sort pas indemne de la projection de Salaam Bombay !. Œuvre de fiction certes, mais reflet trop fidèle d’une réalité quotidienne, l’histoire de ce petit garçon de dix ans confronté à la jungle de la métropole indienne agresse le spectateur, témoin souvent mal à l’aise d’un combat perdu d’avance. Spectateur qui en prend plein la gueule, fascine par les superbes images d’une ville admirablement filmée, pris à la gorge par la volonté farouche déployée par ces gamins sacrifiés, filles promises à la prostitution, garçons broyés dans le cycle infernal de la drogue, petits métiers et grande misère. C’est tout cela que l’histoire de Chaipau le porteur de thé : sa lutte pour gagner les cinq cents roupies qui lui permettront de regagner son village natal, ses rencontres avec le petit peuple de Bombay, mendiants, prostituées, souteneurs et autres dealers. Lutte pour la vie, ou pour ne pas mourir trop vite : ce n’est plus I’Inde de Kipling mais le livre d’une jungle qui condamne les plus faibles à mort. Impitoyable Bombay où l’innocence, est jetée en maison de correction, où la pureté est promise au bordel, où la mort attend son heure, jamais bien longtemps ! Quelques éclairs de couleur illuminent cependant cette descente aux enfers : les instants de bonheur partagés entre une prostituée et sa fillette de 8 ans, éclatante de beauté, les rires des enfants, brèves facéties dérobées au sordide par la magie d’un cinéma indien aux images colorées.
Bouffées d’espérance dans un univers désespérant. Espérance encore pour ces enfants choisis par la réalisatrice, pour interpréter leurs propres rôles, aux côtés de rares acteurs professionnels : ils font preuve d’autant de talent que de naturel… Salaam Bombay !, un film superbe auquel le jury du dernier Festival de Cannes a décerné la Caméra d’Or.
Jean-Jacques Billon